Table des matières Préface 7 Introduction 9 1. Se sentir bien, sans trop réfléchir 13 2. Eteindre l’Esprit? 23 3. Bref aperçu historique sur le Grand Réveil 27 4. Des émotions contrôlées par l’Esprit 41 5. Sanctifiés par l’Esprit de vérité 47
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1. Se sentir bien, sans trop réfléchir Cette tendance est illustrée de nos jours par le «Réveil du rire dans l’Esprit», qui fait l’objet d’une attention toute particulière dans la presse, chrétienne et non chrétienne, depuis son apparition en 1994. Le Time a décrit la scène suivante, survenue dans une église anglicane jusqu’alors très classique: Les jeunes assemblés font un brouhaha plus commun à un concert de rock ou un match de rugby. Après la traditionnelle lecture des Écritures, les prières et les cantiques, les chaises sont rangées. Le pasteur prie alors que le SaintEsprit repose sur l’assemblée. Soudain, une femme se met à rire; le mouvement s’amplifie et l’on entend bientôt des gens qui éclatent de rire sans retenue. Un jeune homme tombe au sol; ses mains sont prises d’un tremblement nerveux. Puis d’autres personnes s’écroulent à leur tour, et d’autres encore, en cascade. Au bout d’une demi-heure, des corps sont partout étalés; les gens pleurent, tremblent, rugissent
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comme des lions et, plus étrange que tout, ils rient sans pouvoir se contrôler.2 Tout ceci est du pur mysticisme: la sensation en est l’élément majeur, mais toute activité de l’intelligence est bannie. Ceux qui participent à ce «culte» considèrent cet événement émotionnel, totalement isolé de toute vérité objective, comme une occasion de «rencontrer» Dieu. Le «Réveil du rire dans l’Esprit» a commencé en janvier 1994 à Toronto, dans l’assemblée Airport Vineyard. Cette église est devenue un haut lieu pour tous ceux qui sont avides d’expériences mystiques. Ils s’y rendent par milliers, comme en pèlerinage, pour être témoins en personne de ce phénomène. D’immenses foules de plus d’un millier d’individus assistent chaque soir à ces rencontres où le rire, poussé jusqu’à son paroxysme, tient lieu de toute liturgie. Dans la revue Charisma, un article souligne «qu’au cours d’une soirée normale, on peut voir des douzaines de personnes couchées, ou se roulant par terre, la plupart prises d’un rire inextinguible.»3 Un pasteur, lié à ce mouvement, le «décrit comme une soirée de fête avec le Seigneur, car il doit le plus souvent s’adresser à des gens qui roulent sur le sol et font entendre des rires convulsifs. Il n’est pas rare que ces rencontres se poursuivent jusqu’à trois heures du matin.»4 Le mouvement parti de Toronto s’est aujourd’hui étendu au monde entier. L’article de Charisma fait état d’un 2 Richard N. Ostling, Laughing for the Lord, Time (15 août 1994), 38. 3 Daina Doucet, Renemal Excites Canadian Churches, Charisma (juin 1994), 52. 4 Ibid., 53.
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événement qui illustre parfaitement les conséquences d’une foi irréfléchie. Il décrit l’itinéraire spirituel de Randy Clark, un pasteur de l’église Vineyard de la ville de Saint-Louis, dans l’État du Missouri, qui fut l’un des hommes à l’origine du mouvement: Clark, un ancien pasteur baptiste, aspirait depuis six mois à un renouveau spirituel car il était très découragé: “Je me sentais vide, sans force, et si peu rempli de l’Esprit. Je me sentais ‘au bout du rouleau’, tant sur le plan émotionnel que spirituel ou physique.” Cependant, au cours de l’été, L’espoir lui revint après qu’il eut parlé avec l’un de ses collaborateurs, qui revenait tout juste d’un congrès dirigé par l’évangéliste sud-africain, Rodney Howard-Browne. L’ami de Clark lui parla pendant des heures du renouveau spirituel qu’il avait vécu au cours de cette rencontre. “Ce que cet ami me décrivait, poursuivit Clark, – des gens qui tremblaient, tombaient, riaient – correspondait à ce que j’avais déjà vu auparavant, des années plus tôt, lors de réveils au sein des assemblées Vineyard. Je savais que c’était là ce dont j’avais besoin.”» Mais à sa grande déception, Clark apprit que les prochaines rencontres dirigées par Howard‑Browne auraient lieu à Tulsa, en Oklahoma, dans l’église Rhéma, dont le pasteur était le fils de Kenneth Hagin. Or Clark s’opposait à cette église pour des raisons théologiques, mais il eut le sentiment que le 15
Seigneur lui reprochait son attitude de mépris. Il dit alors: «Le Seigneur m’a aussitôt parlé: “Tu as un esprit de dénomination, m’a-t-il dit, veuxtu vraiment être renouvelé?”» Clark se rendit donc à ces rencontres de l’église et l’on pria afin qu’il reçût une nouvelle onction du SaintEsprit. Quand il retourna à Saint-Louis, des événements inhabituels survinrent au cours des cultes et des réunions de prière. Il raconte qu’une personne tomba au sol après avoir été submergée par la présence du Saint-Esprit. Il se fit alors la remarque suivante: “Cela n’est encore jamais arrivé dans mon église.” Tandis que d’autres manifestations similaires se déclenchaient, Clark éprouva bientôt le désir de se réconcilier avec les responsables de l’église Rhéma, mais aussi des autres églises auxquelles il avait cru bon de s’opposer. “Je n’étais toujours pas d’accord avec certains principes qu’ils enseignaient, mais je ne pouvais que constater le dévouement dont ils faisaient preuve, et l’amour envers Jésus qui les animait. Le Seigneur me dit alors: ‘Regarde comme ils s’aiment.’”5 Pour bien comprendre l’enjeu de ce débat, il est important d’en situer le contexte: L’Église Rhéma de Tulsa est le fer de lance du mouvement Word Faith lancé par Kenneth Hagin. Les erreurs de ce mouvement sont de loin beaucoup plus importantes que de simples options dénominationnelles; 5 Ibid., 52-53.
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elles sont en réalité si fallacieuses qu’elles atteignent le cœur même de l’Évangile; elles dénaturent la doctrine se rapportant au Christ. Jésus – selon Hagin – aurait, par exemple, connu le péché. Il serait mort spirituellement, devenant ainsi le premier homme né de nouveau. Les chrétiens seraient des dieux à qui toutes puissance, autorité et domination ont été données. Ces erreurs et bien d’autres, sont d’ailleurs dénoncées par de nombreux responsables charismatiques comme étant des hérésies graves.6 Les différences théologiques, que Randy Clark était prêt à oublier pour vivre une nouvelle expérience, n’étaient donc pas de simples détails secondaires. Notons encore que ce fut ce phénomène – des gens qui tremblaient, tombaient ou riaient –, et non la compréhension rationnelle d’une vérité, qui suffit à convaincre Clark que c’était bien là ce qu’il recherchait. Selon son propre témoignage, Clark indique qu’il s’est d’abord soustrait volontiers à toute réflexion rationnelle afin de recevoir la “bénédiction” qu’il espérait. Il soupirait tant après cette expérience mystique, qu’il en vint à laisser de côté tout point 6 Voir p. ex. Hank Hanegraaff, Christianity in Crisis (Eugene, Ore.: Harvest House, 1993); D. R. McConnell, A Different Gospel (Peabody, Mass: Hendrickson, 1988); Bruce Barron, The Health and Wealth Gospel (Downers Grove, Ill. InterVarsity Press, 1987); Gordon Fee, The Disease of the Health and Wealth Gospels (Costa Mesa, Calif.: Word for Today, 1979). Ces auteurs écrivent tous d’un point de vue charismatique, tout en étant convaincus que l’Evangile de la prospérité enseigné par des hommes tels que Kenneth Hagin est une conception fatale du vrai Evangile. J’ai inséré une critique du mouvement Word Faith dans Charismatic Chaos (Grand Rapids, Mich.: Zonderan Publishing House, 1992), chapitre 12.
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