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13. La question de l’autorité
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La question de l’autorité
La question de l’autorité est fondamentale dans l’étude de la théologie. Tous ceux qui se situent à l’intérieur du concept large de théologie «chrétienne» admettent sans doute l’autorité de Dieu comme norme suprême de la vérité. Mais la manière dont cette autorité est conçue et exprimée diffère beaucoup à l’intérieur du christianisme.
I. L’autorité dans le libéralisme
Le subjectivisme est la caractéristique du libéralisme, même si le centre de ce subjectivisme varie selon les individus. Quelqu’un a ainsi pu déclarer: «La Parole de Dieu inclut ‘tout acte de Dieu qui établit une communication entre Dieu et l’homme’.»1 Cette communication s’opère par la raison, les sentiments ou la conscience de l’homme.
A. La raison
La raison a toujours occupé une place prépondérante dans la pensée libérale. C’est évidemment dans la sphère de la raison que s’élaborent les concepts qui servent de base pour la communication entre des personnes. La raison est le canal nécessaire pour délivrer et recevoir la vérité, et les évangéliques l’admettent. Mais le libéralisme a certainement érigé la raison humaine en juge de la vérité, et souvent même en créatrice de la vérité. La raison devient autonome, n’est soumise à aucune autorité supérieure ou extérieure, mais elle est aussi sérieusement limitée par sa finitude et sa faillibilité.
B. Les sentiments
En réaction au rationalisme, Schleiermacher (1768-1834) développa sa théologie du sentiment. Il mit l’accent sur l’analyse de l’expérience religieuse et fonda la religion sur le sentiment de dépendance ou la conscience subjective. Sa théologie devint de l’anthropologie et de la psychologie. C’est pour cela que Karl Barth considérait Schleiermacher comme le champion du libéralisme religieux.
1 L. Harold DeWolf, The Case for Theology in Liberal Perspective, Philadelphie, Westminster, 1959, p. 17.
C. La conscience
Cette forme de libéralisme met en avant la conscience comme siège de l’autorité. Notre connaissance est peu fiable et limitée; ce sont donc les instincts moraux fondamentaux de l’âme humaine qui sont le fondement de l’autorité. Emmanuel Kant (1724-1804) fut le chef de file de ce courant de pensée. Chez lui aussi, la théologie est devenue de l’anthropologie.
Dans toutes les formes de libéralisme, la nature humaine est, sous un aspect ou un autre, la source de la vérité religieuse. La Bible est alors considérée comme le fruit de raisonnements humains et comme contenant les pensées de l’homme à propos de Dieu, de lui-même et du monde. Elle relate le développement historique des expériences et des croyances religieuses humaines et n’est pas, contrairement à ce que les conservateurs croient, le compte rendu d’un message émanant d’un Dieu transcendant qui a fait irruption dans le cours de l’histoire.
II. L’autorité dans la néo-orthodoxie
On a classé la néo-orthodoxie tantôt dans le libéralisme, tantôt dans le conservatisme. La raison de cette hésitation réside dans le fait que la néo-orthodoxie a rompu avec le libéralisme en affirmant que c’est Dieu, et non l’homme, qui prend l’initiative de la révélation (ce qui la fait paraître conservatrice), mais que, par ailleurs, elle continue de propager des vues libérales au sujet de la Bible (ce qui la fait paraître libérale).
Dans la néo-orthodoxie, du moins dans l’expression qu’en donnait Karl Barth (1886-1968), la Parole est le fondement de l’autorité. Toutefois, la Parole, c’est principalement Christ. La Bible rend témoignage à la Parole, mais elle le fait de façon faillible; quant à la proclamation chrétienne, elle est une parole concernant la Parole.
Le Dieu souverain a pris l’initiative de se révéler, et ce principalement dans la révélation de Christ. Les années de vie terrestre de Jésus résument la révélation, et sa mort en marque l’apogée. La Bible témoigne de la révélation de Dieu, bien qu’elle soit interprétée selon toutes les règles du libéralisme: elle n’a pas l’autorité absolue, mais seulement une autorité instrumentale, puisqu’elle sert d’instrument faillible pour nous amener à rencontrer Christ, la Parole. Et c’est au point critique dans cette rencontre de la foi que Dieu se communique. Là se trouve la vérité absolue.
Bien que la néo-orthodoxie prône l’objectivité dans l’initiative souveraine de Dieu, elle pratique le subjectivisme dans les expériences que constituent les rencontres par la foi. Même si la Bible intervient dans ces expériences, il ne lui est pas permis d’en être le juge suprême. La néo-orthodoxie est dépourvue d’une autorité normative objective et extérieure.
III. L’autorité dans le conservatisme
Dans le conservatisme, le fondement de l’autorité est extérieur à l’homme et objectif.
A. Le catholicisme conservateur
Dans le catholicisme romain, l’autorité suprême réside dans l’Eglise elle-même. Certes, l’Eglise croit ce que la Bible dit, mais c’est elle qui l’interprète. En outre, à côté de la Bible, les traditions ecclésiastiques sont elles aussi source de révélation divine. Les conciles œcuméniques et les papes ont parfois fait des déclarations qui sont considérées comme infaillibles et qui s’imposent à tous les membres de l’Eglise.
L’Eglise d’Orient adopte la même attitude quant à l’autorité suprême: elle la trouve dans la tradition, dans l’Eglise elle-même et dans la Bible. Même s’ils rejettent l’autorité de la tradition, les évangéliques doivent reconnaître que, contrairement à l’enseignement des libéraux, le catholicisme ne fonde pas l’autorité sur l’homme.
B. Le protestantisme conservateur
L’adjectif «conservateur» indique le rejet des bases humanistes et subjectives du libéralisme comme fondement de l’autorité, le terme «protestantisme» le rejet de l’Eglise comme base de l’autorité. On pourrait donc affirmer que «l’orthodoxie est la branche de la chrétienté qui fait de la Bible le seul fondement de l’autorité religieuse»2. Les Ecritures contiennent la révélation objective de Dieu et constituent donc le roc de l’autorité pour le protestant conservateur.
Pour bien comprendre la révélation de Dieu dans la Bible, il lui faut avoir recours au travail rationnel d’un esprit régénéré, exercer la foi dans les domaines non révélés ou incompris, dépendre du ministère d’enseignement du Saint-Esprit, posséder une conscience pure devant Dieu et avoir un aperçu des leçons de l’histoire.
Il arrive que, dans la pratique et contrairement à leur position théorique, certains conservateurs nient à la Bible son rôle de seule autorité. 1. Dans les faits, certaines traditions ou dénominations accordent à leur confession de foi une autorité égale à celle de la Bible. Or, si les confessions de foi peuvent donner des formulations exactes et utiles de la vérité, elles ne peuvent jamais avoir l’autorité pour juger la vérité; il faut donc toujours les reconnaître comme faillibles, susceptibles d’être révisées et soumises à l’autorité de la Bible. 2. Dans les faits, certains milieux accordent à la tradition et aux pratiques admises une autorité conjointe à celle de la Bible. Or, si l’Eglise a le devoir de donner des directives qui font autorité à ses membres (Hébreux 13:7, 17), celles-ci sont faillibles, et elles doivent être périodiquement révisées et toujours soumises à l’autorité de la Bible.
2 Edward John Carnell, The Case for Orthodox Theology, Philadelphie, Westminster, 1969, p. 13.
3. Dans les faits, certains mouvements conservateurs confèrent l’autorité suprême à l’expérience religieuse. Or, si une saine expérience est le fruit de la soumission à l’autorité biblique, toutes les expériences doivent être guidées, contrôlées et protégées par la Bible. Rendre l’expérience normative et la revêtir de l’autorité suprême, c’est commettre la même erreur que le libéralisme en remplaçant un critère objectif par l’existentialisme subjectif.
Examinez le tableau qui suit. Chaque fois qu’on attribue des compléments à l’autorité objective, qu’on la compromet ou qu’on l’abandonne, le théisme est affaibli ou supprimé.
ORTHODOXIE NÉO-ORTHODOXIE LIBÉRALISME CROIT EN
x l’objectif x x le transcendant x x x le théisme