Patrick Lascombe
C hangez
de so lutio n et vo us changerez
le problème
Vers une psychothérapie chrétienne
Table des matières
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 1. Vrais mensonges... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Etre vrai! Mais ce n’est qu’un film... A ttention au réveil! “Q u’est-ce que la vérité?” 2
Plus ça change, plus c'est pareil! . . . . . . . . . . . . . . 25 Un exemple: le “problème” de l’adolescence C rise ou processus? Le décrochage Se poser des questions! G ardez le contact! C hangez de solution et vous changerez le problème...
3. Thérapies, thérapies... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 La tour de Babel La bible des psychiatres Et les valeurs dans tout ça? La psychothérapie est-elle vraiment efficace? Les ingrédients de la psychothérapie Thérapie et vérité
4. La solution, c'est le problème! . . . . . . . . . . . . . . . . 63 Le cadre de mes épreuves Illusion d’optique Les deux sortes de foi 5. Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 La solution de Dame C arcass Annexe: La psychothérapie chrétienne . . . . . . . . . . . . 87
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/4/ La solution, c’est le problème! Voici un passage assez “scandaleux”(!) de l’Ecriture Sainte: Mes frères, regardez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves auxquelles vous pouvez être exposés...1 Est-ce que l’on ne se sent pas un peu choqué par une telle affirmation? Surtout si justement maintenant nous traversons une épreuve particulière comme un problème avec notre adolescent, un accès dépressif, une montée d’angoisse ou un drame personnel! Ce passage continue par une explication d’une simplicité évangélique, qu’il nous faudra cependant toute une vie pour saisir: ...sachant que l’épreuve de votre foi produit la patience. Mais il faut que la patience accomplisse parfaitement son œuvre, afin que vous soyez parfaits et accomplis, sans faillir en rien.2 Mais voici la phrase qui suit et qui tout d’un coup nous éclaire sur un point particulièrement intéressant que nous
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avons déjà soulevé et qui maintenant va nous conduire: Si quelqu’un d’entre vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu, qui donne à tous simplement et sans reproche, et elle lui sera donnée.3 Ce passage, si souvent cité en dehors de son contexte, est pourtant une clé de guérison profonde face à tous les problèmes de notre vie. Cette simple phrase dit: C e dont j’ai d’abord besoin dans mes épreuves, c’est de sagesse! Pourquoi de sagesse? Parce que j’ai besoin – avant tout! – de donner un autre sens à mes douleurs, à mes peurs, à mes angoisses, j’ai besoin de sens, d’intelligence, de compréhension. Je n’ai pas seulement besoin d’un contenu, mais aussi d’un cadre pour saisir l’épreuve. Je n’ai pas nécessairement besoin – comme nous avons tous coutume de le penser très tôt – que l’épreuve soit éloignée de moi ou résolue comme par magie. J’ai surtout besoin de la situer, d’en trouver le sens. La plus grande douleur d’une épreuve, c’est de ne pas pouvoir lui attribuer de sens. A quoi cela sert-il – pour moi, ici et maintenant – d’être malade, accidenté, d’être face aux problèmes de solitude, d’angoisse, d’être tenté par la dépression qui veut m’avaler dans sa spirale mortelle? A quoi sert l’épreuve que je suis en train de vivre? Vous pensez qu’il est trop intellectuel de se poser ce genre de question? Vous pensez que lorsque cela ira mieux vous serez plus capable d’y répondre? Faux! Car “solutionner” une épreuve, c’est d’abord la situer. Le statut que l’on attribue à un problème va entraîner ou non sa solution. En voici un exemple.
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Le cadre de mes épreuves Etes-vous capable de résoudre le célèbre problème des neuf points? Le voici: vous avez ci-dessous neuf points à relier avec quatre droites consécutives, c’est-à-dire qui se touchent de bout en bout. Cela veut dire qu’il va falloir tout relier sans lever le crayon! Avant d’aller plus loin, essayez donc de résoudre ce problème (surtout si c’est la première fois que vous le rencontrez...)!
Avez-vous remarqué combien c' est extraordinairement difficile? Il semble même que ce problème n’ait vraiment aucune solution, n’est-ce pas? Pourtant il y a une solution – il y en a même plusieurs! Alors pourquoi tant de difficultés à la trouver?
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La plupart des personnes qui rencontrent ce problème pour la première fois ont tendance à mal le situer en introduisant une hypothèse qui rendra la solution impossible – elles inventent un sens qui n’est pas dans le problème – et ainsi se débattent avec une solution qui posera plus de problèmes que le problème lui-même! Elles déduisent en effet que ces neuf points forment un carré et que la solution doit s’inscrire dans ce carré. Ce qui n’a jamais été demandé! Je rappelle en effet qu’il a seulement été dit de relier neuf points. Penser au carré, c’est s’exposer à l’impossibilité de résoudre ce problème. Penser neuf points, c’est commencer la solution! Ainsi, notre échec à résoudre ce problème vient plus de notre définition du problème que du problème luimême, n’est-ce pas? Pourquoi avons-nous tendance à choisir des solutions impossibles? Si je dis en effet qu’il faut relier les points de ce carré, je tombe dans une impossibilité réelle, car selon cette perception du problème, il est impossible de le résoudre. Il n’existe pas de solution possible en restant dans le cadre immédiatement apparent du carré. On appelle une gestalt le cadre qui n’est pas délimité sur le papier, mais qui est inspiré par la position des points. Une gestalt est un début d’interprétation de la réalité perçue, une forme qui s’impose, bref une solution déjà mise en jeu face à une réalité incomplète au niveau informatif. Notre vie quotidienne est remplie de gestalt! Plus techniquement on appelle le phénomène qui consiste à regrouper divers points pour en faire une forme, phénomène de structuration spontanée. Ce qui tend à montrer que notre perception de la réalité va toujours s’organiser symboliquement. Une perception est une construction de l’image du réel. Et je vais fonctionner au travers du sens que je vais construire. Maintenant, en revenant à notre problème, si j’intro-
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duis un autre sens – en fait, si je reviens au sens premier! – et que je me dise que je ne suis pas en face d’un carré (structuration spontanée des points), mais de neuf points placés dans l’espace de la page, je vais avec un peu de réflexion découvrir des moyens de résoudre le problème qui apparaissait pourtant insoluble quelques instants plus tôt. Voici donc une solution possible:
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3 Il a fallu sortir du cadre apparent du problème afin de le résoudre. Sortir du cadre posé ou induit, voilà la solution à bien des problèmes! Sortir de la solution mise en place pour trouver la vraie solution, celle qui résout le problème et non l’entretient! Changer la question pour trouver la réponse! Très peu de personnes arrivent à résoudre seules le problème des neuf points. Quand la solution apparaîtra, nous serons tous surpris de sa simplicité.
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Cet exemple est un peu abstrait, mais combien de situations personnelles, ou de couples, d’entreprises, de sociétés, d’églises, ne sont-elles pas “solutionnées” sans solution réelle, sans changement effectif, à cause précisément du fait que l’on reste à l’intérieur du cadre, du piège, de la définition erronée du problème à résoudre? C’est pourquoi notre tendance à attribuer un sens à tout ce que nous percevons est la première chose à prendre en compte en matière de résolution de problèmes. C’est pourquoi aussi, il sera important de garder présent à l’esprit que nous pouvons bâtir un sens sur des erreurs, des impressions, voire des illusions perceptives.
Illusion d’optique Notre perception peut parfois nous jouer des tours pendables. Vu que nous n’avons pas accès à toute la vérité et que, malgré tout, nous ne fonctionnons que en trois dimensions, une partie de la réalité et de ce qu’elle signifie nous échappe irrémédiablement. Même ce qui paraît solide ne l’est pas. Le vide entre les atomes de la matière est si important que certains physiciens disent que notre monde est vide. Les mathématiques, science exacte par excellence, ne reposeraient que sur quelques postulats indémontrables. Nous vivons dans un monde d’approximations plus ou moins réalistes, plus ou moins efficaces. Nous cherchons toujours les outils d’analyse pour comprendre comment marche le cerveau humain, et l’ordinateur qui paraît aujourd’hui si perfectionné – et demain si démodé – n’est qu’une mise en application de quelques approximations simples. C’est extraordinaire ce que l’on arrive à faire avec des circuits ouverts ou fermés!
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Si notre perception est déficitaire en ce qui concerne le domaine physique, combien plus le sera-t-elle dans le domaine invisible des relations humaines et des problèmes de vie! De plus, il existe parfois des situations tellement prégnantes que l’on peut savoir que 1° ce que l’on voit est faux, 2° sans pour autant le voir faux. Il est possible par exemple de savo ir que deux segments de droites sont égaux tout en les voyant réellement inégaux! C’est ce que la célèbre illusion de Müller Lyer nous prouve de manière très simple. Voici deux segments égaux:
Si nous rajoutons les éléments suivants à ces deux segments, regardez ce que nous obtenons:
Saisissant non? Et pourtant, bien que nous voyions le segment inférieur plus grand que le segment supérieur, voici la preuve qu’ils sont toujours égaux:
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Néanmoins, je ne me départirai pas de cette illusion d’optique. Je vais expérimenter ainsi ce que l’on pourrait appeler un conflit cognitif: je sais qu’ils sont égaux, mais je vois qu’ils sont inégaux! J’ai beau me raisonner, je ne résoudrai pas ce conflit entre ma perception et mon raisonnement. Beaucoup d’encre a déjà coulé sur cette illusion, et sur bien d’autres d’ailleurs, mettant en évidence le fait qu’il existe une incapacité profonde pour l’être humain à prendre en compte plusieurs points de vue en même temps et à intégrer des dimensions aussi contradictoires. Intéressant non? Surtout si l’on rapproche ce genre de constat de situations humaines incompréhensibles comme l’épreuve extraordinaire de Job souffrant mille morts pour un fait qui dépassait de loin son entendement! Ou, plus près de nous, de tous les problèmes incompréhensibles de nos vies, comme un accident, une maladie, un deuil, une trahison, une perte financière importante, une mise à pied sans cause, etc. Nous avons beau savoir que Dieu est bon, il n’en reste pas moins vrai que la parole impie du méchant résonne au fond de mon cœur4 et qu’au travers de la souffrance, de la frustration ou de quelque épreuve, nous aurons toujours tendance à Le voir méchant. Il nous aura “oublié”, “puni”, “éprouvé sans cause”, “délaissé”, “abandonné”, etc., etc. 4. Psaume 36:2
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Un jour, un de mes enfants est devenu gravement malade, alors qu’il n’était âgé que de douze jours! Il avait contracté une septicémie, c’est-à-dire une infection généralisée très grave. Il fallut l’hospitaliser d’urgence dans un hôpital à deux cents kilomètres de là où nous habitions. Son état avait si rapidement empiré qu’il fut entre la vie et la mort pendant de longues heures. Avec mon épouse, nous ne comprenions rien, ni ne savions comment prier. Fallait-il que Dieu reprenne à lui au plus vite, pour le soulager, ce petit être qui souffrait tant dans la couveuse des soins intensifs, ou fallait-il prier pour qu’il vive, soit guéri et revienne à la maison? L’épreuve était tellement forte et brutale que nous n’avions pas eu conscience de nous demander pourquoi ce cataclysme nous avait frappé de plein fouet. Avions-nous péché gravement contre Dieu? Pourquoi alors ce petit enfant innocent en subirait-il les conséquences? Ou bien étions-nous à la merci de quelque force occulte qui s’était déchaînée contre nous? Dieu nous avait-Il abandonnés? Si oui, pourquoi? Et tant d’autres questions que nous nous poserions plus tard... Mais pour l’instant, nous étions comme deux êtres perdus, marchant dans les couloirs du service de réanimation de ce grand hôpital pour enfants, nous demandant que faire. Combien les parents qui passent par une telle épreuve se sentent impuissants! Même ce que nous connaissions de Dieu – et cela faisait des années que nous étions chrétiens! – ne nous suffisait pas pour L’approcher avec d’autres soupirs que les “au secours!” qui montaient silencieusement de nos cœurs broyés par la stupeur et la douleur. Tout d’un coup la conviction surnaturelle que notre fils allait vivre survint dans nos esprits, et nous nous sommes aussitôt mis à prier que Dieu sauve et guérisse notre bébé.
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Très rapidement tous les paramètres sanguins, hépatiques, rénaux et autres s’améliorèrent de manière incompréhensible pour les médecins qui s’occupaient de notre petit malade. Au bout de quelques semaines, notre fils fut hors de danger, mais il contracta plusieurs handicaps qui resteront tout au long de sa vie terrestre, à moins d’un miracle... Une fois le feu de l’épreuve passé, demeurent les questions. A quoi cela sert-il? Pourquoi? N’est-il pas injuste de s’en prendre à un bébé? Pourquoi est-ce tombé sur nous? Qu’est-ce que Dieu cherche à nous montrer? Nous savions que Dieu est bon, mais là, de manière profonde, il y avait comme une blessure, une faille dans notre système de compréhension. Nos repères n’étaient pas suffisants pour vivre autre chose que ce conflit cognitif profond: Dieu est bon, nous le savions, mais nous ne l’avions pas vu bon dans cette affaire. S’Il voulait nous punir de quelque chose, pourquoi s’en était-Il pris à notre enfant, innocent et si vulnérable? Je vécus dans ce conflit latent pendant de longs mois. Jusqu’au jour où j’ai entendu le témoignage d’un psychiatre chrétien5 qui avait vécu une épreuve similaire. Il terminait son exposé par la citation d’un verset fort connu et qui, d’un coup, a pris une signification précise pour moi. Il s’agissait de Romains 8:28: Toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu... Déclaration que l’on aime à se répéter quand tout va bien, mais ici ce verset allait mettre un autre sens à ce que je croyais et pensais profondément. Par cette Parole de vie, il y avait une autre solution en jeu. C’était comme si Dieu me proposait soudain d’abdiquer en saisissant un sens d’un autre niveau et d’une autre 5. Dr Paul Kaschel, Grand-Rapids, Michigan
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qualité que les maigres interrogations et les embryons de compréhension que j’essayais de plaquer à mon problème. Dieu semblait Lui-même me dire: “Il faut que maintenant tu décides ce que tu crois, là tout au fond de toi!” Ou bien je restais avec mes approches de compréhension pleines d’efforts désespérés – et ainsi je restais dans un conflit cognitif paralysant –, ou bien je saisissais cette “folle” affirmation de Romains 8:28. Il y avait de l’urgence dans ce moment, je m’en souviens. Je garai ma voiture au bord de la route, en pleine forêt. J’arrêtai la cassette que j’écoutais et, serrant mon volant à pleines mains, j’essayai de balbutier quelques paroles. Mais les mots ne venaient pas. C’est comme si, en voulant sortir de ma poitrine, ils m’étranglaient de l’intérieur. Je voulais dire à Dieu que je comprenais que je ne pouvais comprendre, que certainement Lui, Il savait toutes choses, qu’il faudrait qu’Il m’aide à accepter, etc. Mais ce n’était pas là que Dieu m’attendait. C’est alors que, avec peine et d’une voix étranglée par la lutte intérieure, je remplaçai les mots “toutes choses” par “la maladie et le handicap de mon fils”, et je continuai ainsi: “...concourent à mon bien et à son bien. Je le reconnais et je Te loue de l’avoir permis, car Tu es bon, mon Seigneur et mon Dieu!” Je déclarais cela sur la base de la Parole de Dieu; j’étais loin d’en comprendre toute la portée et d’en sentir toute la vérité, mais je savais à qui je le disais. Et très rapidement je fus inondé de paix et du sentiment d’avoir affirmé quelque chose de vrai, de véritable, une déclaration qui neutralisait tous les mensonges, toutes les illusions d’optique et toutes les “structurations spontanées” qui croupissaient dans mon âme et qui y fermentaient. J’avais touché la Vérité. Et c’était comme si un lourd fardeau avait quitté mon cœur et mes pensées.