Linda Strom
Karla F. Tucker Sa vie dans le couloir de la mort
Titre original en anglais: Karla Faye Tucker Set Free A Shaw Book published by WaterBrook Press 5446 North Academy Blvd., Suite 200 Colorado Springs, CO 80918 Copyright © 2000 by Linda Strom Copyright published by arrangement with WaterBrookPress, a division of Random House, IncTranslation copyright 2001, by The Bible House Photo de la couverture et photos intérieures: Ron Kuntz Traduction: Roger Fœhrlé
Les textes bibliques sont tirés de la Bible Segond revue, Nouvelle Edition de Genève, 1979
Edition 2002 © La Maison de la Bible, CH-1028 Préverenges Edition 201 © La Maison de la Bible, CH-1032 Romanel-sur-Lausanne www.maisonbible.net ISBN édition imprimée 978-2-8260-3404-9 ISBN format epub 978-2-8260-0313-7 ISBN format pdf 978-2-8260-9699-3
Table des matières
Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
I. Vers le couloir de la mort 1. Détenue no 777 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 2. A tes côtés, jusqu’au bout... . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 3. Merveilleuse grâce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
II. En route, ensemble! 4. 5. 6. 7.
Au-dessus de moi, la bannière de son amour! . . . 73 Il ne brisera pas le roseau cassé . . . . . . . . . . . . . . 87 Les cendres deviendront diadème . . . . . . . . . . . . 99 Une nuit de larmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
III. Le retour à la maison 8. Des trésors dans la nuit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 9. C’est le combat du Seigneur . . . . . . . . . . . . . . . . . 149
10. 11. 12. 13.
Une étreinte d’amour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165 Je vous attendrai à la grille . . . . . . . . . . . . . . . . . 181 La lumière dans la chapelle . . . . . . . . . . . . . . . . . 199 Il est ressuscité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221
I. Vers le couloir de la mort
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Chapitre 1
Détenue no 777
Quand je dis que j’étais entièrement défoncée par la drogue la nuit où j’ai sauvagement tué deux personnes, je réalise pleinement que j’avais fait le choix de me droguer. Aurais-je choisi de ne pas me droguer, deux personnes seraient encore en vie aujourd’hui. Mais j’avais choisi de me droguer, j’avais pris le risque, et deux personnes sont mortes à cause de moi. — Karla Faye Tucker dans sa lettre au gouverneur Bush et à la Commission des grâces et des libertés conditionnelles, janvier 1998 “Si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle création; les choses anciennes sont passées, toutes choses sont devenues nouvelles.” — 2 Corinthiens 5:17 3 février 1998, 18h25, Walls Unit, Huntsville, Texas.
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vec la force et la souplesse d’une athlète, Karla sauta d'un bond sur la table d’exécution et murmura cette prière: "Seigneur Jésus, aide-les à trouver
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ma veine." Puis, sanglée à la table, elle tourna son regard vers la petite fenêtre et prononça ses dernières paroles. "Est-ce que la gardienne Baggett m’entend?" La gardienne était à proximité et écoutait. Après s’en être assurée, Karla poursuivit: "Je voudrais vous dire à vous tous, à la famille Thornton et à la famille de Jerry Dean, que je regrette. J’espère que Dieu vous donnera ainsi la paix." "Baby, je t’aime! dit-elle à Dana, son mari. Ron, embrasse Peggy pour moi. Tout le monde a été si bon avec moi. Je vous aime tous, très fort. Je vais bientôt être face à face avec Jésus. Gardienne Baggett, un grand merci. Vous avez été si bonne pour moi. Je vous aime tous très fort. Je vous verrai tous quand vous viendrez là-bas. Je vous attendrai." Après ces derniers mots, elle passa sa langue sur ses lèvres, et d’après les témoins, elle semblait fredonner doucement dans l’attente de l’injection létale. "Karla, comment vous expliquez-vous que vous ayez été entraînée dans cette furieuse tuerie?" demanda Larry King, le reporter de la télévision. Son visage, très populaire, était séparé de celui de Karla par une fenêtre en plexiglas rayé. Des millions de téléspectateurs à travers le monde étaient rivés à leur écran de télévision en ce mois de janvier 1998 lors de l’évocation du drame dans l’émission Larry King Live de la CNN1. Ils voulaient tous connaître la réponse. Qui était donc cette captivante et séduisante femme qui avait entraîné Larry jusqu’au Texas? Comment avait-elle pu commettre un crime si odieux? 1. Larry King Live est un show télévisé de la chaîne américaine CNN qui aborde des thèmes d’actualité. Larry King est un personnage célèbre qui reçoit toujours ses hôtes dans les studios de la télévision. Il rompit cette règle pour aller interviewer Karla Faye Tucker dans la prison. (N.d.T.)
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Hésitant un bref instant, Karla se tourna énergiquement vers lui. "Je n’arrive pas à me l’expliquer, Larry. Je ne sais comment répondre, sauf à dire que, puisque j’avais choisi de me droguer et donc de vivre cette contrainte, il était inévitable que quelque chose de ce genre arrive dans ma vie." Pendant qu’ils continuaient à parler et que l’équipe de la CNN filmait l’interview, je priais, assise dans la chapelle de la prison où se trouvait Karla. Karla et moi, nous allions nous retrouver après l’émission pour notre visite quotidienne qui durerait deux heures. En l’attendant, je repensais aux événements qui l’avaient amenée dans ce lieu. Au fil des années, j’ai appris beaucoup de choses au sujet de la vie de Karla. Bien que n’étant jamais timide, ce n’est qu’avec circonspection qu’elle me fit part de son histoire. Elle n’a jamais hésité à assumer la responsabilité de ce qu’elle avait fait. Mieux que personne, elle connaissait l’horrible vie dont elle avait été délivrée. Quand elle parlait avec des reporters, elle évitait soigneusement tout détail concernant le crime luimême. "J’y pense vraiment souvent; je suis bien consciente de ce que j’ai fait. Mais il m’est assez difficile d’en parler car cela réveille en moi trop de souvenirs pénibles. Je pense aux souffrances que j’ai occasionnées aux autres. Je voudrais que cela n’ait jamais eu lieu. Si je devais retourner en arrière, je ne le ferais plus, car maintenant je connais la valeur d’une vie humaine." Elle comprenait que chaque mot ou chaque image qui rappelait le crime ravivait la douleur dans les familles de ses victimes ou dans la sienne. Ne voulant pas revivre elle-même son passé, elle voulait ainsi leur épargner toute occasion de nouvelle souffrance.
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Je ressentais les choses de la même manière. Les deux meurtres que Karla avait commis étaient une tragédie; les vies de toutes les personnes concernées dans cette affaire étaient bouleversées à jamais. Pourtant, la Karla que j’eus à connaître n’était plus la même que cette jeune femme qui avait commis le crime. Elle était transformée, comme moi-même je suis en train d’être transformée, par sa relation avec JésusChrist. Karla Faye Tucker est née le 18 novembre 1959 à Houston au Texas. "Je me souviens que nous étions une vraie famille quand j’étais petite fille, me disait-elle quand je la questionnais sur ses antécédents. Nous vivions dans un milieu de classe moyenne et nous allions dans notre maison au fond du golfe où nous nous adonnions au ski nautique et à la pêche. Mais cette période fut de courte durée. Mes parents se disputaient souvent et se séparèrent à plusieurs reprises." Au fur et à mesure que la mésentente entre ses parents augmentait, la vie de Karla se défaisait. Elle fit sa première expérience avec la drogue alors qu’elle avait sept ou huit ans. "J’avais surpris mes grandes sœurs en train de fumer du hasch et je les avais alors menacées de les dénoncer à nos parents, confia-t-elle au journal Gatesville Messenger 2 le 30 janvier 1998. Mais elles m’en firent prendre et me dirent alors que je ne pouvais plus les dénoncer puisque j’en avais fumé moi-même." Karla se rappelait avoir rencontré de manière très brève ce qui aurait pu ressembler à une vie normale. "A l’école, une petite fille avait envie de me parler. Je me souviens avoir vu en elle quelque chose de réelle2. Gatesville Messenger: un journal quotidien de la région de Gatesville. (N.d.T.)
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ment différent: une sorte d’authentique amour des gens. Mais ses parents ne voulaient pas qu’elle me fréquente car ils pensaient que j’étais simplement une enfant mauvaise, vraiment mauvaise. Un jour, en chemin, elle demanda à sa mère si elle me permettrait d’aller à l’église avec elles. Je pense qu’elles devaient être très traditionalistes parce qu’elles mettaient quelque chose sur leur tête et devaient s’habiller en robe. Nous étions assises au premier rang. A un certain moment, la fille s’était agenouillée et priait réellement. Je me disais: Que se passe-t-il? Tous s’approchaient et posaient les mains sur elle. Je ne me souviens pas avoir fait quelque chose de mal ce soir-là, mais plus jamais elles ne m’adressèrent la parole. Pourquoi ne m’ont-elles plus jamais cherchée? Pourquoi ont-elles coupé court avec moi?" La vie à la maison se détériorait rapidement. Toute chance de vivre une enfance normale pour Karla s’envola. "Puis il y eut beaucoup de drogue et de sexe. Mes sœurs fréquentaient des hommes plus âgés. L’un de leurs amis faisait partie d’un club de motards. Il vint un jour pour voir mes sœurs et, lorsqu’il vit qu’elles étaient absentes, il me fit monter sur sa moto. Il me demanda si je voulais consommer un peu d’héroïne. Je pensais qu’il voulait me violer. Il me fit prendre une telle dose que j’en fus malade, et il ne put rien entreprendre avec moi. Il finit par m’abandonner dans un appartement. Ce fut le début de ma vie de droguée." A treize ans, Karla se droguait déjà beaucoup, et elle décida de ne plus aller à l’école. "J’ai été virée en même temps que moi je démissionnais", disait-elle. Quand ses parents se quittèrent pour la dernière fois, Karla choisit de vivre chez sa mère, Carolyn Moore. Là, elle était abandonnée à elle-même, peu ou pas surveillée du tout, sans aucun regard avisé d’adulte.
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"Il y avait bon nombre de choses que ma mère faisait et qui m’amenaient à me demander: Ne vois-tu pas ce que tu me fais? Pourquoi ne remarques-tu pas cela, pourquoi ne viens-tu pas vers moi et ne me demandes-tu pas ce qui se passe? Malgré son désarroi intérieur et sa confusion, Karla voulut tout simplement être comme sa mère. Alors qu’elle n’avait que quatorze ans, elle suivit sa mère dans la prostitution. Quand elle eut seize ans environ, elle rencontra Stephen Griffith. Dans un article paru dans le Houston Chronicle 3 le jour de l’exécution de Karla, Griffith raconte leur relation. "J’avais dix-neuf ans. Je possédais une HarleyDavidson, je travaillais six mois par an et gagnais 20 000 dollars. Je pensais avoir atteint le sommet du monde. Moi-même et une bande de jeunes faisions du squat dans un parc de la ville. On traînait et on faisait la fête. Karla Faye et l’un de ses amis étaient là, en train de fumer un énorme joint rose. Je les interpellai en hurlant et me présentai. C’est ainsi que nous nous sommes rencontrés." Ils se marièrent environ un an après. "Nous nous entendions à peu près bien, disait Griffith. Nous nous battions souvent. Jamais un homme ne m’avait frappé aussi durement qu’elle. Si j’allais dans un bar, je n’avais rien à craindre car elle protégeait mes arrières. Elle était dure." Pour leur plaisir, ils collectionnaient des fusils, adhérèrent à un club de motards, et pratiquaient le football américain sans tenue de protection. "Je voyais des choses en elle que personne d’autre ne voyait. Cette fille avait de telles possibilités! Elle pouvait parler à n’importe qui et le mettre à l’aise. Elle était charismatique. Même quand elle était droguée et qu’elle marchait avec difficulté, elle était belle." 3. Houston Chronicle: quotidien publié à Houston. (N.d.T.)
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Griffith, lui, avait de sérieux problèmes d’overdose. Mais toujours, il décrit Karla comme "une femme jolie et très bonne": elle nettoyait la maison, veillait à ce qu’il aille à temps à son travail et préparait ses repas. Quand Karla annonça à Griffith qu’elle le quittait pour pouvoir donner libre cours à son "côté sauvage", il craignit le pire. "Lors de notre séparation, je dis à mes amis qu’elle allait se faire tuer ou qu’elle tuerait quelqu’un." Une fois séparée de son mari, Karla toucha le fond de sa vie de droguée et de prostituée. Par périodes, et durant plusieurs années, elle devint l’une des groupies qui suivaient le groupe Allman Brothers Band4. En 1981, elle rencontra Jerry Lynn Dean alors qu’il venait de lâcher sa meilleure amie et compagne de chambre, Shawn. Leur relation fut turbulente dès le début. Cette animosité ne fit que croître durant les deux années qui suivirent. En 1983, Karla vivait en couple avec un homme du nom de Danny Garret; ils formaient un ménage où drogues, sexe et coups faisaient partie du quotidien. C’était elle qui commandait. Le 11 juin, Karla, sa sœur et leurs amis décidèrent de célébrer l’anniversaire de sa sœur par une fête qui se prolongerait tout le week-end. Du vendredi jusqu’au dimanche, ils traînèrent autour de leur maison, s’injectant de l’héroïne, fumant de la cocaïne et absorbant des quantités massives de toutes sortes de drogues défendues. Karla et Danny étaient on ne peut plus drogués, ils manquaient de sommeil et parlaient de leurs vieilles rancunes. C’est alors qu’ils décidèrent de se rendre dans l’appartement de Jerry Dean et de le fouiller, dans l’intention de lui voler sa mobylette. Ils ne s’attendaient pas à ce qu’il soit à la maison. Jerry Dean et 4. Allman Brothers Band: groupe de jeunes musiciens des années 1980. (N.d.T.)
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Deborah Thornton venaient de se rencontrer cet après-midi-là lors d’une fête et ils dormaient dans la chambre à coucher. Vers trois heures du matin, ce 13 juin 1983, Danny et Karla pénétrèrent silencieusement dans l’appartement. Quelque chose alla affreusement de travers. Au lieu de voler une mobylette, Danny et Karla assassinèrent deux personnes. A peine quelques semaines après que le mariage de Karla Faye Tucker avec Stephen Griffith s’était officiellement terminé par un divorce, Karla fut accusée d’avoir assassiné Jerry Lynn Dean et Deborah Thornton avec une pioche. Les dépositions du procès de Karla commencèrent le 11 avril 1984. Après 70 minutes seulement de délibérations, elle fut jugée coupable de meurtre et condamnée à la peine de mort par un jur y composé de huit femmes et quatre hommes. Mais la Karla qui témoignait devant la cour était fondamentalement différente de la femme qui avait commis ce crime atroce quelques mois auparavant. En attendant son procès, elle avait acquis la foi en JésusChrist et en sa rédemption. Elle avait changé de manière remarquable. La tueuse de sang-froid qui s’était cachée aux autorités était devenue une femme repentante et sensible, qui avouait les meurtres qu’elle avait commis et déclarait à l’heure des sanctions, lors de son procès, que, même si on l’assassinait elle-même à coups de pioches, cela ne pourrait pas racheter son crime. A cause des aveux publics de Karla, sa condamnation fut rapide. Pourtant, dans son cas, les démêlés juridiques durèrent encore quatorze années:
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• 11 avril 1984: Karla est jugée coupable de meurtre entraînant la peine capitale.
• 25 avril 1984: Karla est condamnée à mort. • 9 octobre 1984: début du procès de Danny Garret pour le meurtre de Deborah.
• 30 octobre 1984: Karla est témoin à charge et témoigne contre Danny. (Danny fut condamné à mort. Il mourut en prison d’une maladie du foie.)
• 24 juin 1987: les avocats de Karla demandent à la cour d’appel pour affaires criminelles du Texas de réviser le jugement.
• 7 décembre 1988: la cour maintient son jugement.
• 26 juin 1989: la Cour suprême des Etats-Unis refuse d’enregistrer son appel.
• 27 février 1992: le juge de district de l’Etat du Texas, Pat Lykos, rejette la demande de Karla qui sollicitait une audience pour apport de nouvelles preuves.
• 29 mai 1992: le juge Lykos fixe la date de l’exécution au 30 juin 1992. Le 22 juin, la cour d’appel stoppe l’exécution.
• 21 octobre 1993: malgré la décision, toujours en vigueur, de la cour d’appel, le juge Lykos fixe la date de l’exécution au 19 novembre 1993. Le 9 novembre, la cour d’appel repousse sine die l’exécution de Karla.
• 30 juin 1995: la cour d’appel annule le sursis d’exécution et refuse tout autre appel.
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• 3 août 1995: arguant de nouveaux éléments, les avocats de Karla demandent à la Cour fédérale une nouvelle audience, sans succès.
• 8 décembre 1997: la Cour suprême des EtatsUnis rejette la demande de révision formulée par les avocats.
• 18 décembre 1997: le juge de district de l’Etat du Texas, Debbie Sticklin, fixe l’exécution de Karla au 3 février 1998.
• 20 janvier 1998: les avocats de Karla demandent à la cour d’appel de surseoir à son exécution pour leur donner le temps de mettre en place la procédure de demande de grâce à l’Etat.
• 22 janvier 1998: Karla demande officiellement à la Commission des grâces et des libertés conditionnelles du Texas de commuer sa peine de mort en peine de prison à vie. Elle demande aussi au gouverneur George W. Bush de surseoir de trente jours à son exécution.
• 28 janvier 1998: ses requêtes sont rejetées. • 3 février 1998: Karla est exécutée par injection létale. Il n’était pas nécessaire de faire un livre pour raconter la vie de Karla "derrière les clôtures". Les faits en sont bien connus. Cet ouvrage révèle une autre histoire, celle de la manière dont Dieu transforme des vies. Ce n’est pas uniquement l’histoire de Karla, mais c’est aussi l’histoire des nombreuses personnes que Dieu a touchées à travers elle. C’est réellement l’histoire de Dieu. C’est Dieu qui a vu cette petite fille seule, assise au premier rang d’une petite église du Texas. C’est Dieu qui a transformé une meurtrière endurcie en une
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jeune femme joyeuse et aimable. C’est Dieu qui a donné à Karla cette soif de plénitude que suggère son matricule de détenue: 777, le chiffre biblique de la plénitude et de la perfection. Et c’est Dieu qui a atteint de nombreux individus à travers la vie et le témoignage de Karla. Quand prit fin l’interminable et émouvante interview de Karla ce soir de janvier, Larry fit une pause, fixa Karla et lui dit: "Finalement, vous n’êtes pas brisée!" – Non! – Pouvez-vous m’expliquer cela un peu mieux? Ce n’est pas simplement Dieu? Karla eut un grand sourire. "Et pourtant, c’est bien cela, et cela s’appelle la joie du Seigneur. Quand vous avez fait ce que j’ai fait et que vous vous savez pardonné et que vous vous savez aimé… alors vous êtes amené à changer entièrement. J’ai vraiment expérimenté l’amour. Je sais ce qu’est le pardon, même si j’ai commis quelque chose de si horrible. Je le sais parce que Dieu m’a pardonné quand j’ai accepté ce que Jésus a fait sur la croix. Quand je partirai d’ici, ce sera pour être avec lui."
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Chapitre 2
A tes côtés, jusqu’au bout...
“Je ne te délaisserai point, et je ne t’abandonnerai point.” — Hébreux 13:5b En cet instant, je pleure bel et bien quand je pense aux nombreuses années durant lesquelles les hommes et les femmes de votre équipe d’accompagnement sont venus ici pour rencontrer les détenus. Vous émergez de vos propres expériences brisés, meurtris, abattus et vous venez nous soigner, cela me souffle tout simplement. Dieu se donne et guérit: c’est cette réalité qui permet à une personne de s’ouvrir et s’épanouir. — Karla Faye Tucker, dans une lettre à l’auteur
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uand je vins pour la première fois dans la prison de Mountain View à Gatesville au Texas, en 1987, je savais peu de choses de Karla Faye Tucker. D’ailleurs, je savais peu de choses du Texas lui-même. Cela sautait rapidement aux yeux alors que mon amie Rosalie Shidler et moi-même errions dans cette petite ville du
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sud-ouest dans une voiture de location, une Cadillac rouge vif. Rosalie, les cheveux blonds décolorés, était habillée d’un ensemble en soie Liz Claiborne rose bonbon. Nous sommes allées au restaurant "chez Andy", un restaurant bien connu. Rosalie gagna l’accueil et demanda: "Un ‘non’, s’il vous plaît." Je savais qu’un ‘non’ signifiait ‘un coin nonfumeurs’, mais l’hôtesse ne le savait pas, ni les deux hommes grands et gras en bottes et chapeaux de cowboys. Nous étions d’ailleurs déjà repérées par les cowboys. Nous nous rendions à la prison de Mountain View pour animer un séminaire destiné aux 600 femmes incarcérées ici. Rosalie affirmait que le Seigneur l’avait appelée pour être ma compagne de prière et de voyage chaque fois qu’elle le pourrait, à ses propres frais. D’autres bénévoles allaient arriver de Waco, au Texas, pour diriger les chants et pour participer au séminaire par petits groupes. J’étais heureuse que Rosalie soit avec moi. Je savais que j’avais besoin du soutien de sa prière depuis l’entretien téléphonique que j’avais eu avec l’aumônier, Tim Crosby. Il m’avait dit: "Je souhaiterais que vous donniez un enseignement sur le thème 'Vous êtes un être qui a de la valeur', un des modules d’enseignement de Prison Fellowship1. De nombreuses détenues ont été victimes d’une quantité d’abus. La plupart essaient d’assumer leur souffrance et leur culpabilité parce qu’elles sont séparées de leurs enfants. Et puis il y a le problème des lesbiennes. La clé de leur guérison consiste à accepter ce qu’elles sont aux yeux du Christ." 1. Prison Fellowship – la Fraternité Internationale des Prisons –, fondée par Charles Colson aux U.S.A., est présente sur les cinq continents dans 90 pays, dont la France, la Suisse, le Canada et plusieurs pays africains francophones; elle a un ministère de réconciliation, qui vise à apporter guérison et restauration auprès des délinquants, des victimes et de leurs familles. (N.d.Ed.)
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Il me donna encore d’autres conseils dont celui-ci: "Ne portez pas de vêtements blancs. Les détenues sont en uniformes blancs, et pendant l’appel, vous feriez faire des erreurs aux gardiennes." Crosby ajouta que nous devions nous attendre à ce qu’une cinquantaine de détenues suivent le séminaire, mais ce vendredi soir les femmes tenaient justement à venir et elles furent une centaine en tout. Beaucoup d’entre elles passaient à côté de moi, le visage blanc et éteint. Certaines se trouvaient là pour de petits délits, tels que l’émission de chèques sans provision. D’autres étaient là pour vol et meurtre, et parmi celles-ci, un bon nombre étaient des alcooliques et des droguées. Me rendre en prison a toujours été pour moi une expérience exaltante qui ne m’a jamais inspiré la peur. C’est un appel ancré au fond de mon cœur depuis que j’ai su ce que c’était que de vivre dans une sorte de prison intérieure et de ne pas en voir l’issue. Il était enthousiasmant de savoir que Jésus pouvait libérer ces femmes. Quand elles commencèrent à s’asseoir sur les bancs très abîmés de l’église, j’eus le sentiment d’être comme un cheval de course dans son box de départ. Dans la prison de Mountain View, le séminaire de ce week-end allait changer le sens de ma vie. La réunion débuta avec de la musique, mais elle fut bientôt interrompue. Un officier déambulant sur la plate-forme se mit à crier: "Appel!" Je jetai un coup d’œil circulaire aux femmes, surprise par leur calme. Je fus d’un coup frappée par la blancheur de leurs habits… et du mien. Ce fut comme si l’on m’assénait un coup. Je ne pouvais pas croire ce qui m’était arrivé. J’étais habillée d’un pull blanc et d’un pantalon qui ressemblaient exactement à l’uniforme des prisonnières. Pourtant Crosby, l’aumônier, m’avait bien dit de ne pas porter du blanc, mais il m’arrive parfois de faire involontairement ce que l’on m’avait dit de ne pas faire.