Brules vifs (MB3417)

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Brûlés vifs

23 janvier 1999: le missionnaire australien, Graham Staines, est brûlé vif par des extrémistes hindous, avec ses deux plus jeunes enfants. Cet acte va-t-il engendrer la haine? Bien au contraire, le témoignage de Gladys, épouse et veuve de Graham, bouleverse le pays entier: «Je n’ai qu’un message pour le peuple indien. Je ne suis pas aigrie. Je ne suis pas non plus en colère. Mais j’ai un grand désir: que tous les habitants de ce pays puissent trouver une relation personnelle avec Jésus-Christ, avec celui qui a donné sa vie pour leurs péchés. Chacun et chacune doit savoir que Jésus l’aime, que l’on peut lui faire confiance et s’aimer les uns les autres. Brûlons la haine et faisons briller l’amour de Christ.» Un puissant témoignage de la consécration d’un couple au Christ et du pardon qui libère. Un livre qui touche profondément les cœurs.

ISBN 2-8260-3418-9

9 782826 034186 >

Andreas Rapp et Gladys Staines

Andreas Rapp et Gladys Staines

Brûlés vifs

Brûlés vifs


Andreas Rapp et Gladys Staines

Brûlés vifs Un missionnaire et ses fils assassinés en Inde


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Dédicace

"C

elui qui durant des années a soigné les lépreux mérite des remerciements et la reconnaissance pour son témoignage. Qu’au lieu de cela, il soit horriblement assassiné, constitue une monumentale dérive par rapport aux traditions de tolérance et d’humanité qui font la réputation de l’Inde. C’est un meurtre qui se range parmi les actes les plus noirs du monde." K.R. Narayanan, Président de l’Inde


A propos de l’éditeur*

Andreas Rapp, outre son activité professionnelle, s’est engagé, depuis 1989, en tant que pasteur et conseillerexpert de l’Inde. Il séjourne souvent en Inde même. Il s’est investi dans un orphelinat et dans un projet de clinique mais aussi dans la formation de responsables et dans l’édification de communautés. Il œuvre en collaboration avec plusieurs organisations indiennes. Il a souvent l’occasion d’apprécier l’aide pleine d’abnégation de nombreuses personnes vivant ici en Europe. Il est marié et a quatre enfants qu’il veut avant tout rendre attentifs aux conditions de vie difficiles de nombreuses personnes dans énormément de pays.

* Edition originale allemande


Table des matières

Introduction Préface de l’édition allemande (1) . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Préface de l’édition indienne (2) . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 1. "Non, je ne suis pas aigrie!" . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

La famille Staines 2. 3. 4. 5. 6.

Le drame: infamie ou chance? . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Graham Staines: un cœur pour l’Inde . . . . . . . . . . 40 Minuit à Manoharpur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 Après la tempête . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66 Echos de la presse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76

La léproserie de Mayurbhanj 7. A l’origine, une femme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106 8. Un refuge pour les désespérés . . . . . . . . . . . . . . 116 9. Au service des lépreux corps et âme . . . . . . . . . 126


Quinze mois plus tard 10. Interview de Gladys Staines le 26 avril 2000 . . . 144 11. La persécution actuelle des chrétiens a-t-elle aussi des origines politiques? . . . . . . . . . . . . . . . 158

Dédié au peuple indien


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Introduction


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Préface de l’édition allemande (1)

"V

ol EK004 de Francfort à Bombay via Dubaï. Au comptoir d’enregistrement, le hasard, sous la forme d’une dame aimable mais décidée, ("Non, il ne nous reste plus de place pour vous côté couloir!"), me plaça entre deux femmes assez jeunes. L’une, à peine la vingtaine passée, allait vivre quelques mois dans un ashram de Saï Baba, un des gourous indiens les plus connus en Occident à ce moment-là. Elle voulait approfondir sa connaissance d’elle-même avant de commencer ses études tout en espérant obtenir de l’Hindouisme des réponses à quelques questions essentielles… Non, elle n’avait jamais été en Inde et tout la passionnait. En outre, elle aimait l’aventure. Ma voisine de droite, elle, avait déjà fait plusieurs voyages dans le nord de l’Inde et était littéralement fascinée par la beauté des paysages. Elle voulait profiter de ses vacances pour découvrir de nouvelles contrées et ainsi sortir quelque peu de son train-train quotidien en Allemagne. Elle trouva quelque peu étrange ma question de savoir ce qu’elle pensait de la misère omniprésente dans les quartiers insalubres. Non, elle n’avait encore


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jamais visité réellement Calcutta ou d’autres grandes villes. Ces deux femmes jugèrent le but de mon voyage – l’inauguration d’un hôpital de campagne dans le sud de l’Inde – très intéressant, mais restèrent plutôt étrangères à la motivation chrétienne sous-jacente à ce projet. Jusqu’à présent, elles n’avaient jamais associé le mot "Inde" à une quelconque vie ou activité chrétienne. Cette conversation me rappelle d’ailleurs mon premier voyage en Inde. Il faut le dire: notre imagination (occidentale) et nos attentes ont peu de rapport avec la réalité de ce pays. Nous, Européens, imaginons l’Inde tous de la même manière: comme un magnifique pays d’aventures, à la pauvreté criante et à la culture fascinante. Ces trois descriptions sont toutes aussi justes et importantes les unes que les autres. L’Inde est un mélange de ces trois choses, mais de bien d’autres encore. Et ce mélange ne se dévoile souvent à celui qui n’est pas du pays que de manière très lente, à l’occasion de certains "hasards". En raison d’un passé récent, l’observateur attentif y associera encore une autre image, celle de la persécution des chrétiens. De plus en plus fréquemment, les membres d’églises chrétiennes, mais aussi les adeptes d’autres religions non-hindouistes, sont tracassés, molestés ou, comme le relate ce livre, assassinés. L’événement rapporté ici décrit un fait particulièrement cruel qui retint, un court laps de temps, l’attention mondiale. Pour mieux comprendre les causes, mais aussi les conséquences possibles, de cette incompréhensible férocité, il faut jeter un regard plus aigu sur l’Inde. Il faut savoir que les progrès les plus modernes de ce pays s’enracinent toujours dans des structures archaïques de la pensée et de l’autorité. Pour parvenir à la réalité, il faut voir au-delà des clichés. L’observateur attentif


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découvrira un monde surprenant et verra avec étonnement que Dieu est à l’œuvre dans ce pays. Ce livre est le récit de destins individuels bien différents, aux arrières-plans très divers: celui d’un missionnaire australien inconnu, celui de lépreux abandonnés et expulsés, celui d’extrémistes mis à l’écart à cause de leur idéologie, celui de quelques observateurs sociauxpolitiques. L’Inde: ce mot évoque, en ce début du XXIe siècle, le sort d’un milliard de vies, rassemblées dans un seul pays! Rien que ce chiffre montre qu’il ne peut y avoir de réponses simples aux puissants défis à relever. Un milliard de personnes, des êtres humains, qui, comme nous en Occident, cherchent à vivre leur vie, en essayant d’échapper aux injustices que leur naissance impose. Et bien trop nombreux sont ceux qui, dans ce cercle infernal de la pauvreté, de l’oppression, de la corruption et d’une religion sans espérance, finissent par perdre tout sens de l’orientation. Ce livre est l’histoire d’une station missionnaire parmi d’autres dans cet immense pays. C’est l’histoire de la manière dont Dieu, au travers de personnes qui se donnent totalement à lui, apporte la liberté et la vie à ceux qui se posent des questions essentielles et qui sont en recherche. Même si cet événement ne représente qu’une toute partie de ce que Dieu fait dans ce pays, les "échos des médias" rapportés dans le chapitre 6, qui ne sont que quelques exemples choisis parmi ce qui a été dit, montrent, d’une certaine manière, l’importance de cette "toute petite partie" pour ce pays et ses habitants. C’est pourquoi j’aime ce livre. Il montre comment Dieu écrit l’histoire, aujourd’hui et devant nos yeux.


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Pauvreté criante et richesse légendaire Celui qui, comme la plupart des touristes, arrive de nuit à Mumbai (autrefois Bombay), ne voit pas les "pavement dwellers 1" au premier coup d’œil, ces êtres qui ont dressé, par la force des choses, leur campement au bord de la route, n’ayant pas trouvé de place ailleurs. Lorsqu’ensuite, de jour, on quitte l’aéroport pour rouler vers le centre de la ville, on est vite frappé par ces rangées de huttes en tôle et en débris de bois, alignées sur des kilomètres, le long de la route, et devant lesquelles se traînent littéralement dans la saleté des gosses pouilleux et affamés. Ce sont ces images et cette misère qui poussent vers l’Inde des gens comme Graham et Gladys Staines pour apporter de l’aide, un peu de soulagement et l’Evangile qui libère. Et celui qui a la possibilité de jeter un coup d’œil derrière ces palissades de tôles découvre une autre vue inhumaine: la réalité des "slumlords", les rois des bidonvilles, celle des "moneylenders", les prêteurs d’argent, et celle d’autres structures mafieuses de ces chefs et de leurs acolytes qui parviennent réellement à devenir riches en exploitant la misère et les besoins de ces malheureux. Et cette richesse s’étale encore ailleurs: en ville, en effet, circulent de nombreuses et somptueuses automobiles. Et puis il y a les "Bollywood", les studios de cinéma, avec leurs célébrités. C’est à Mumbai qu’est située la plus grande firme cinématographique du monde. On y trouve la même magnificence et le même brio, les mêmes fascinations et les mêmes extravagances qu’à Hollywood, son pendant californien. Tout ce qui est nécessaire pour cette industrie existe ici. Et tout cela, à un jet de pierre des baraques en tôles et des "pavement dwellers". 1. N.d.T.: "les habitants du trottoir"


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Culture fascinante et troublant mélange Il existe sûrement peu de gens qui, ayant voyagé en Inde, rentrent chez eux sans avoir été attirés par la diversité culturelle et ethnique de cet immense pays. Oui, on est impressionné par la diversité des groupes humains et ethniques, par ces traditions séculaires, par ces festivités expressives et colorées et finalement par le côté étrange de la religion hindoue et de son apparente vision contemplative du monde. Mais celui qui s’aventure tôt le matin après les festivités de "Divali" ou de "Ganesha", (fêtes exubérantes qui durent plusieurs jours), dans les petites huttes d’un village, y trouvera probablement un père de famille, quelque peu accablé et encore sous le coup de la boisson, en train de faire une offrande à ses dieux lares afin qu’ils lui accordent une journée paisible. Ou l’on verra une mère de famille, qui, depuis l’aube, a rassemblé quelques bouts de bois pour faire du feu, a été chercher de l’eau, et qui passera la plus grande partie de la journée à cuisiner. Car la douzaine d’assaisonnements possibles qui font la saveur du repas indien demande une longue préparation. Quant aux cérémonies d’offrandes, il y en a quasiment à toute heure dans ces temples que l’on rencontre partout, magnifiquement ornés et décorés, qu’ils soient petits ou grands. Dans les temples de plus grande taille, dédiés à une divinité connue dans toute la région, on rencontrera peut-être un prêtre, au crâne rasé, drapé uniquement d’un pagne multicolore, qui recueille les offrandes et procède au sacrifice. Celui qui s’entretiendra avec lui constatera avec étonnement que ce jeune homme à l’aspect un peu sauvage passe le reste de son année à étudier les sciences économiques ou l’informatique à Mumbai ou Delhi, par exemple. Et là-bas, il ne se préparera pas seulement à sa future – et probablement glorieuse – carrière d’homme politique ou d’économiste,


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mais il améliorera déjà les revenus bien conséquents qu’il tire de sa fonction sacerdotale par des placements boursiers. Il s’agit bien là de la génération "High-Tech" drapée dans ses ornements archaïques.

Pays d’aventures et poudrière politique Les descriptions et les images de ces paysages merveilleux de l’Inde remplissent des centaines de livres. La beauté indéfinissable de nombreuses régions et la variété de la faune et de la flore font de l’Inde un pays exceptionnellement attrayant. Le simple fait de s’asseoir une demi-heure à un croisement pour observer cette agitation riche en couleurs procure des impressions inoubliables. Mais on est surtout frappé par les gens. Un milliard, ce chiffre froid, devient soudain une réalité vivante. Mais comment vit la multitude de ce pays? Où habitent-ils? Où travaillent-ils? Comment viennent-ils à bout des aléas de la vie quotidienne souvent si contraignants? Quand, par exemple, il faut livrer un vrai combat pour survivre lorsque l’on veut prendre le train aux heures de pointe dans une banlieue de la capitale? Ces trains, dans lesquels les wagons de 1ère classe ne se distinguent pas parce qu’ils sont moins bondés mais uniquement parce qu’ils offrent une meilleure protection contre les odeurs de transpiration qui émanent de cette masse de voyageurs... Ces énormes problèmes de société, amplifiés par la corruption généralisée et l’effritement de l’autorité de l’Etat, posent évidemment des questions quasiment insolubles à chaque gouvernement. En outre, ils conduisent à la formation de groupes politiques extrémistes ou de mouvements fondamentalistes. Un de ces groupes, constitué en parti politique dès 1925, le BJP2, avait pour devise, en guise de solution aux 2. Bharatiya Janata Party: parti de la droite hindouiste nationaliste.


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problèmes de société, cette phrase tout aussi simpliste que fausse: "L’Inde aux Indiens!" Ce parti qui lutte pour atteindre son but sur différents fronts, obtint pour la première fois en 1996, une audience nationale. Ainsi le BJP accéda au gouvernement dans plusieurs états de la fédération, plus spécialement dans le Maharastra et sa métropole, Mumbai, et dans l’Etat d’Orissa, sur la côte ouest, où se sont déroulés les événements décrits dans ce livre. En attendant, le BJP est devenu la plus grande force politique du pays, étant ainsi apte à désigner le Président, encore contrebalancé, il est vrai, par une fragile coalition de partis conservateurs et communistes (voir chapitre 11).

Persécution grandissante des chrétiens Faire un lien entre la persécution des chrétiens et l’Inde paraît difficile à bien des personnes. Les missionnaires tels l’Allemand Bartholomé Ziegenbalg ou l’Anglais William Carey ne se sont-ils pas, au XVIIe siècle déjà, sacrifiés pour les pauvres de ce pays? Et depuis cette époque-là, n’y a-t-il pas eu un flot ininterrompu de chrétiens, étrangers d’abord, mais surtout autochtones ensuite, qui se sont engagés sans relâche pour sauver les gens de la misère, de la pauvreté, de leurs conditions de vie insoutenables et surtout aussi de l’abandon spirituel? Est-il possible de compter le nombre d’écoles, de crèches, d’orphelinats, d’hôpitaux, de maisons de retraite, de dispensaires, de lieux culturels qu’ils ont construits? L’hôpital de Vellore, édifié par des chrétiens, ne jouit-il pas d’une réputation de tout premier ordre? Et pourtant, la persécution des chrétiens ne cesse de croître. Après l’assassinat de Graham Staines, le ministre de l’Intérieur de l’Inde parla "de cent seize attaques contre les chrétiens, recensées par la police à


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travers tout le pays, y compris cinq meurtres, depuis janvier 1998". Mais quel est le chiffre réel? Presque sans interruption, des organisations chrétiennes informent sur ces attaques qui, à part les dommages et la misère qu’elles provoquent, engendrent de plus en plus la peur chez les chrétiens, les paralysent, mais par ailleurs les réveillent. Gladys Staines donne, à travers son interview, un témoignage impressionnant (voir chapitre 10). Mais les menaces continuent. Pendant la rédaction de cette introduction, la première semaine de juin, dans un village du district de Jalandhar, des ouvriers maçons découvraient le cadavre d’Ashish Prabash, évangéliste d’une Eglise libre, qui se déplaçait dans les villages avec son équipe pour présenter un film sur la vie de Jésus. Presque en même temps, le 8 juin, des bombes explosèrent dans quatre églises des Etats d’Andhra Pradesh et de Karnataka, dont la capitale, Bangalore, est très réputée en Occident comme la "Silicon City". Le 6 juin 2000, dans l’Etat d’Uttar Pradesh, à quelque cent cinquante kilomètres de la capitale Delhi, un prêtre catholique George Kuzhikandan fut également brutalement battu à mort par des agresseurs non identifiés.3 Jésus lui-même nous a annoncé (Jean 15:18-20; Matthieu 5:10-12) que nous serions persécutés et que nous souffririons à cause de son nom. Ainsi, même si nous savons qu’en Inde la persécution des chrétiens est tout à fait l’expression de ce combat spirituel, il nous faut, pour comprendre pleinement toute la portée de l’assassinat de Graham Staines et de ses deux fils, également prendre en compte les circonstances sociales et politiques. C’est pour Jésus qu’ils sont morts, et cela, la nation l’a compris.

3. Pour des informations régulières sur l’Eglise persécutée, consulter les sites www.hmk-aem.ch (Aide aux Eglises Martyres) et www.portesouvertes.fr/ch (.fr)


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L’Inde est visiblement en pleine évolution. Mais il ne s’agit pas d’une évolution uniquement économique, culturelle et politique. Il y a manifestement aussi une évolution spirituelle, derrière laquelle se cache la puissance de Dieu. Car Dieu est un Dieu qui fait l’Histoire, "qui écrit l’Histoire". Si ce livre vous touche, alors suivez l’appel de Gladys Staines et participez à cette évolution: priez et engagez-vous pour ce pays! Et si vous désirez en faire davantage, écrivez-nous. Il y a encore mille autres possibilités de nous aider. Grenzach-Wyhlen, juillet 2000 Andreas Rapp E-mail: andreas.rapp@bluewin.de


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Préface de l’édition indienne

Les chrétiens indiens et les changements de société

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oici quelques titres de journaux des deux dernières années: – "Un pasteur chrétien abattu" – "Destruction et incendie d’une église" – "Mise à sac d’un hôpital pour les habitants d’un village éloigné et agression du personnel" – "Bibles brûlées en public" – "Menaces sur un Centre chrétien d’éducation".

On pourrait facilement allonger cette liste. Les attaques violentes augmentent en nombre et dans leur répartition géographique. Aucun Etat de l’Inde ne peut plus se targuer d’y échapper. L’enchaînement des événements ne peut s’expliquer, même en s’y appliquant, par l’action spontanée des populations locales. Il s’agit plutôt là d’une campagne minutieusement et stratégi-


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quement planifiée ayant pour motif caché de calomnier et discréditer un groupe de la société. "Depuis janvier 1998, il a été signalé dans tout le pays cent seize incidents ayant pour objet l’attaque de chrétiens, dont cinq assassinats", confirma le Ministre de l’Intérieur L.K. Advani au Rajya Sabha, le Conseil des Etats, deuxième chambre du Parlement. La violence atteignit son apogée lorsque Graham Staines et ses deux fils Philip et Timothy furent brûlés vifs. Dès le Ier siècle, et avant que le christianisme n’ait atteint l’Europe, l’un des douze apôtres de Jésus vint en Inde. Et les Indiens qui adoptèrent la foi chrétienne ont vécu, dans ce pays, depuis deux mille ans dans une coexistence pacifique, ayant accepté et gardé le comportement et la manière de vivre des Indiens. Ils ne se sont jamais réclamés d’une identité différente qui leur aurait procuré des avantages particuliers. Jamais ils n’ont fomenté une révolte. Ils n’ont jamais utilisé la violence pour combattre l’injustice. Ils faisaient ce qui était spirituellement profitable et sain, et ils le faisaient dans la justice, dans la paix et dans l’amour, selon les enseignements de Jésus-Christ. Ils ont ouvert des hôpitaux dans des régions dont on ignorait même l’existence. Ils ont apporté la culture à un grand nombre de personnes. Ils ont soigné les malades, les personnes âgées, les handicapés, les orphelins, les veuves et tous les exclus de notre pays. Ils ont accompli tout cela en tant qu’Indiens convertis à la foi chrétienne, pour le développement de l’Inde comme pays. Alors, pourquoi cette violence insensée, cette campagne de haine systématique et cette guerre écœurante contre les chrétiens? Seraient-ils devenus une menace pour l’unité et l’intégrité de l’Inde après tant de siècles vécus dans la paix? Le déchaînement de cette terreur peut-il se justifier?


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Les enseignements de Jésus-Christ ont bouleversé la société dans la mesure où les pauvres et les opprimés ont été traités avec amour et miséricorde. Les enseignements de Jésus ont fait que les personnes défavorisées par les préjugés raciaux et sociaux, issus du système des castes, ont été libérées, et que désormais on s’efforce activement de créer une égalité et une justice aussi bien pour les riches que pour les pauvres, pour ceux qui ont des privilèges que pour ceux qui n’en ont pas. Si tel est le changement apporté à la société, pourquoi alors une telle haine? Ou alors, les auteurs de ces atrocités et les partisans de cette campagne de haine contre les chrétiens auraient-ils peur de ces changements qui surgissent dans notre pays? Si tel était le cas, nous ne pourrions que dire: pauvre Inde! Ce livre relate l’abominable mort de Graham Staines et de ses deux fils, mais aussi de la réponse révolutionnaire de sa veuve Gladys et de sa fille Esther orpheline de son père. Il parle des perspectives admirables de la foi chrétienne, de l’engagement jusqu’au sacrifice des chrétiens pour notre pays, des persécutions survenues au cours des siècles et de la réaction des chrétiens. Il montre combien la liberté de conscience de chaque individu doit être défendue dans ce pays. Vous trouverez dans ce livre matière à réflexion, ainsi qu’un appel à votre conscience. Notre Constitution ne garantit pas seulement un traitement égal pour chaque religion mais elle donne à chaque citoyen le droit de bien réfléchir et de pouvoir ainsi choisir selon sa conscience. Etre chrétien ne signifie pas être "un peu moins Indien", bien que certaines personnes, induites en erreur, le croient. Que ce livre puisse vous aider à aiguiser votre conscience et à la suivre sans crainte et en toute liberté. L’éditeur indien


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Chapitre 1

"Non, je ne suis pas aigrie!" Gladys Staines

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etite fille, je m’intéressais déjà à tout ce qui touchait Dieu, et cela n’a pas changé. Outre la Bible, ce sont les récits des hommes et femmes missionnaires qui ont éveillé en moi le désir de servir le Seigneur. Lors d’une convention de Keswick (conférence annuelle réputée sur la sanctification, qui se tient dans le Nord de l’Angleterre), alors que j’avais treize ans, j’ai commencé à cultiver une relation personnelle avec Jésus-Christ. Plus tard, je fis des études d’infirmière. Ce fut, je crois, conduit par le Seigneur pour me préparer à mon travail auprès des lépreux. Je devins par la suite membre d’une œuvre internationale et, lors de déplacements à travers plusieurs pays d’Asie, je découvris pour la première fois ce merveilleux pays qu’est l’Inde. Le temps que j’y ai passé fut pour moi une expérience merveilleuse. J’y ai aussi rencontré Graham, mon futur mari. Graham était un missionnaire admirable. Il était aussi un mari et un père formidables. Malgré son style de vie très mouvementé, il prenait toujours du temps


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pour ses enfants et moi-même. Il était aimable et bon et faisait tout comme pour le Seigneur. Je rends grâces à Dieu pour ces belles quinze années et demie que nous avons passées ensemble. Nous étions unis dans la foi, partagions la même vision des choses et étions attelés à la même tâche. En regardant en arrière, j’ai l’impression que le Seigneur m’avait préparée pour cette épreuve. Je me souviens plus particulièrement de ma méditation quotidienne du 14 janvier 1999. Depuis ce momentlà, Jésus est devenu ma forteresse inébranlable, ma lumière dans les nuits les plus noires. Ma vie, aujourd’hui, lui appartient plus que jamais, à lui, le bon berger, et plus rien ne me manquera. Et même si je dois passer par la vallée de l’ombre de la mort, je n’y craindrai aucun mal, car le Seigneur est avec moi. Je n’ai qu’un message pour le peuple indien. Je ne suis pas aigrie. Je ne suis pas non plus en colère. Mais j’ai un grand désir: que tous les habitants de ce pays puissent trouver une relation personnelle avec JésusChrist, avec celui qui a donné sa vie pour leurs péchés. Chacun et chacune doit savoir que Jésus l’aime, que l’on peut lui faire confiance et s’aimer les uns les autres. Brûlons la haine et faisons briller l’amour de Christ. Je me réjouis de ce que le livre de la vie et de l’œuvre de mon défunt mari puisse être publié. J’espère qu’il nous incitera tous à consacrer notre vie à Dieu afin que, à l’avenir, nous vivions et travaillions pour le Seigneur. Le commandement de l’heure est que nous priions pour qu’il y ait plus d’ouvriers dans la moisson, qu’il y ait des personnes prêtes à vivre à l’image de Christ toute leur vie durant. Je prie pour


“Non, je ne suis pas aigr ie”

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que nous puissions tous vivre dans la paix et dans l’harmonie et témoigner de notre amour pour le Seigneur Jésus en servant nos frères et sœurs. Gladys June Staines Léproserie de Mayurbhanj


La famille Staines

"Le monde a besoin de voir ce que Dieu peut faire d’un homme qui s’est entièrement abandonné à Sa volonté." Henry Varley


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Chapitre 2

Le drame: infamie ou chance?

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l faut, aujourd’hui, beaucoup pour attirer notre attention… Sauf si nous avons affaire à un acte qui relève ou de l’amour ou de l’injustice. On peut presque dire qu’il existe une loi non écrite affirmant que l’homme n’a jamais été destiné à faire du mal à son frère. Quelque permissive, quelque libérée ou tolérante que soit devenue notre culture, il restera toujours des choses que nous jugerons abominables. A noter que ce point de vue est partagé même par les plus grands criminels. Ceux qui, par exemple, ont abusé d’un enfant, sont presque toujours méprisés, non seulement par les gardiens de prison, mais aussi par les codétenus. Il n’y a rien de plus repoussant que ces agressions contre des êtres innocents ou démunis. Si, par hasard, vous êtes originaire de Mumbai, vous vous souvenez certainement de Jayabala Ashar. Ce jeune collégien fut attaqué et poussé hors d’un train en marche. Il perdit tragiquement ses deux jambes. La presse commenta l’événement dans tous ses détails. Les gens en prirent note, ce qui déclencha


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une grande vague de solidarité. Une ville entière en fut bouleversée. Peut-être vous souvenez-vous aussi des explosions de bombes à Mumbai. En l’espace de quinze minutes, une série d’explosions ébranla la ville. Mais, au milieu même de ces destructions, de ce chaos et de cette fumée, il se passa quelque chose de particulier: les gens se rassemblèrent spontanément. Ils oublièrent leurs différences. Une très bonne entente se développa. On se mit à travailler main dans la main, à aider, à secourir. Voitures privées et taxis s’organisèrent pour transporter les blessés et les mourants vers les hôpitaux. C’était une gifle pour l’esprit de ce temps. Le témoignage des Staines fut, par la grâce de Dieu, une victoire sur le prince de ce monde. Celui-ci peut nous prendre la vie, empoisonner l’esprit de certains hommes, mais il y a au ciel un Dieu vivant qui a mis dans chaque cœur une loi non écrite (Romains 2:14-16). Cette loi dit: "La vie d’un être humain a de la valeur." Il existe la justice et l’injustice, et il existe l’amour qui triomphe du mal. Alors, malgré ce que le diable cherche à faire croire aux hommes, nous croirons toujours que l’être humain n’a jamais été destiné à faire du mal à son frère. Une nation entière a suivi cet événement. Je me souviens comme si c’était hier de ce matin où, pour la première fois, j’entendis le nom de Graham Staines. Il me sauta aux yeux, faisant la une du Times of India. Ce qui s’était produit à Manoharpur faisait tous les grands titres. Une fois que j’eus lu l’histoire dans tous ses détails, ce fut comme si l’on m’avait donné un coup sur la tête. Non, cela ne pouvait pas être possible! L’abominable n’était pas qu’il s’agisse de la mort d’un frère chrétien, ni que l’on ait à nouveau attaqué brutalement des chrétiens en Inde. Incompréhensible était la manière inhumaine avec laquelle Graham et ses


Le drame: inf amie ou chance?

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deux fils, Philip et Timothy, avaient perdu la vie. Brûlés vifs, de sorte qu’il ne restait plus de leurs corps que quelques cendres du squelette. On les avait retrouvés liés dans une dernière étreinte, certainement unis dans une dernière prière terrestre à Celui qui a été au commencement et à l’accomplissement ultime de leur foi, Jésus-Christ. Swami Agnivesh désigna cet acte comme un incident qui a secoué et réveillé la conscience de la nation. Il ajouta que peu d’événements de ces derniers temps avaient soulevé une indignation aussi violente, aussi spontanée et aussi universelle que ce drame abominable. En cette circonstance, le Premier Ministre Atal Behari Vajpayee déclara: "La honte me fait baisser la tête." Il ordonna une enquête judiciaire qu’il confia à l’un des juges de la Cour suprême. India Today qualifia cet odieux assassinat de "honte brûlante" et d’"infamie pour l’Inde". Ce journal rapporta tous les faits en première page. D’autres médias du pays, dont Outlook et Frontline, attirèrent l’attention de leurs lecteurs sur ce qui s’était passé à Manoharpur et sur bien d’autres crimes commis à l’égard des chrétiens. Les médias internationaux relatèrent aussi les faits dans leurs émissions d’information, notamment dans celles de la CNN et de la BBC. Des journaux de réputation mondiale, le Times de Londres, le New York Times, le Chicago Tribune, l’Australian et le Sydney Morning Herald, pour n’en citer que quelques-uns, condamnèrent vivement cet acte. Le monde entier apprit le martyre de Graham Stuart Staines et de ses deux fils.


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Si nous avions connu Graham personnellement... La plupart d’entre nous n’avons jamais expérimenté combien il est douloureux de perdre, par la violence, quelqu’un que l’on a bien connu et aimé. Mais bien des gens ont personnellement connu et aimé Graham, le saibo1, comme ils l’appelaient avec affection. Ils ont le souvenir d’un homme aimable et avenant, habillé de manière tout à fait ordinaire, presque toujours la tête couverte de son chapeau, roulant à travers Baripada sur son vélo branlant. C’est là qu’il s’était entièrement consacré à l’œuvre de Dieu, qu’il avait engagé sa vie pour le moindre de ses frères. Il logeait et soignait personnellement des lépreux dans une maison spécialement aménagée aux abords de la ville. Le docteur Binot Das, dermatologue et compagnon de travail de Graham durant plus de trente ans, se souvient: "Tous les mercredis matin, Graham venait me chercher à la maison et nous allions ensemble à la léproserie. Chaque patient lui tenait particulièrement à cœur." B. S. Pande, fonctionnaire supérieur du canton de Baripada, s’exprima ainsi: "Je ne peux toujours pas m’expliquer cette tragédie. Je pense souvent de manière très vive à ce formidable gentleman. Il était toujours là, prêt à aider aussi bien les habitants de la ville que les étrangers." Et V. V. Yadav, employé des finances à Baripada, dit: "Nous sommes catastrophés. Depuis bien longtemps, Monsieur Graham Staines avait perdu son identité australienne. Il était devenu un citoyen à part entière de Baripada. Il était une lumière de cette ville."

1. Terme indien pour désigner un homme honoré et respecté, mais proche.


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Aujourd’hui encore, Graham est vivement regretté. Ses patients n’arrivent toujours pas à admettre cette tragédie. Ils ont perdu Dada2, leur ami authentique, rempli de compassion, leur grand frère. Pensons par exemple à Kutlumaji, de Santal, un adivasi, membre d’une des castes situées au bas de l’échelle. La lèpre lui avait fait perdre la plupart de ses orteils. Personne ne s’occupait de lui, sauf Graham qui l’avait emmené à la léproserie à Mayurbhanj et l’avait guéri. Après cette guérison, Kutlumaji épousa Sarida qui, elle aussi, avait été guérie dans l’établissement. Elle décrit ainsi ses sentiments: "Notre monde était sombre. La mort était toujours devant nos yeux. Aucun des chefs religieux ne nous a offert ne serait-ce qu’un seul repas. Quand nous leur demandions l’aumône, ils nous jetaient des pierres et nous chassaient. Nous étions des intouchables. Ils nous disaient que nous avions la lèpre à cause des péchés que nous avions commis dans notre vie antérieure, à cause de notre karma. Nous étions repoussés vers la jungle pour y mourir seuls, comme des vers de terre. Puis vinrent Dada Staines et ses amis. Ils tendirent leurs mains miséricordieuses et nous amenèrent à la léproserie. Alors, nous avons vu l’amour de Dieu. Dada et son épouse lavaient personnellement nos ulcérations et traitaient nos plaies avec des médicaments. Quand nous fûmes guéris, ils nous donnèrent une petite formation et nous procurèrent du travail. Est-ce mal? Qu’a donc fait Dada pour qu’on le brûle vivant? Ils ont même tué Philip et Timothy, des enfants si gentils! Ils nous rendaient visite et jouaient avec nous, nous des lépreux, nous, les bannis de la société..." A ce moment-là, Sarida ne put continuer à parler, vaincue par la douleur. 2. Mot indien qui désigne avec beaucoup de respect le père de famille.


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Padma, une autre de ses anciennes patientes, est maintenant totalement guérie. Elle travaille dans la léproserie, apporte les médicaments aux malades et soigne leurs plaies. "Si cette maison devait être fermée, dit-elle, où irions-nous, nous, les lépreux? Ces fanatiques religieux et militants s’occupent-ils quelque part d’une léproserie? Ceux qui ne versent aucune larme sur notre sort, nous ont en plus rendu orphelins. Et ceci au nom de la religion! Qu’ils nous disent donc, ces fanatiques, quelle injustice ont bien pu commettre Dada Staines et ses enfants! Comment ont-ils pu faire une chose aussi abominable? Croyez-moi, ces gens ne pourront pas échapper à Dieu." Il y a des centaines de lépreux à Baripada et à Mayurbhanj qui, comme Kutlumaji et Padma, sont en deuil, parce qu’ils ont perdu Dada Staines et ses enfants. Le procureur général adjoint du canton, Bidhu Prasad Das, se souvient lui aussi: "Graham était un vrai gentleman. Il avait à cœur les personnes et leurs problèmes. Et tout ce qu’il faisait, il le faisait avec soin et conscience. Il était une bénédiction pour Mayur-bhanj. Il avait quelque chose d’attirant. Un aveugle l’entendant parler la langue oriya n’aurait jamais deviné qu’il avait affaire à un Occidental. Graham parlait aussi couramment le santali et le ho." – "Nous étions très amis avec sa famille, ajoute sa mère, Sova Das. J’ai connu Graham, lorsqu’il était encore célibataire. Puis, survint Gladys, une maîtresse de maison parfaite et une mère pleine d’amour pour ses enfants. Quelle crainte de Dieu dans cette famille! Leurs enfants jouaient souvent avec nos petits-enfants. Ils étaient tellement débordants de vie, innocents! Comment ces fanatiques ontils pu leur faire cela..." Et Sova Das éclata en sanglots.


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R. Balakrishnan, employé au Trésor à Mayurbhanj, réagit aussi avec une profonde émotion. Il se souvint que Timothy et Philip étaient des jeunes parfaitement normaux, comme tous les autres jeunes. Et avec quelle joie ils jouaient au cricket avec ses propres enfants. Il dit, dans une interview accordée au journal Indian Today: "Depuis que j’ai vu leurs cadavres, j’ai perdu la joie de vivre." L’envoyé spécial Ruben Banerjee exprima le même sentiment: "J’espère que je n’aurai plus jamais à informer d’un tel événement." Graham Staines est un serviteur de Dieu parmi des milliers d’autres. Oubliés, et la plupart du temps très discrets, ils œuvrent sans relâche et transmettent par la parole, et dans les faits – ce qui est tout aussi important – l’amour de Jésus. Ils ne sont jamais sous les feux de la rampe, mais font de ceux qu’ils servent leurs amis. Peu ont aussi bien défendu l’œuvre de Graham Staines que Abhay Mokashi, rédacteur politique de Mid-Day. Dans sa rubrique Nation State, il écrivit: "J’ignore si Graham Stuart Staines, le missionnaire australien qui fut brûlé vif avec ses deux fils, a poussé les gens à se convertir. Mais il a certainement fait une chose: il a transformé des lépreux en êtres humains, eux qui étaient traités par leurs propres parents et amis de manière pire que les animaux. Staines, sa femme et ses enfants ont aidé les lépreux à vivre comme des humains." Il ajouta encore: "Les fondamentalistes hindous à qui l’on attribue l’assassinat de Staines et de ses deux fils devraient savoir que ce ne sont pas seulement les chrétiens qui ont perdu ces trois hommes; leur mort est une perte pour l’humanité entière. Les lépreux indiens, auxquels il a consacré sa vie, ont perdu leur sauveur."


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Un autre Etienne A travers toute persécution, Dieu adresse des vocations et suscite des messagers pour son œuvre. C’est une vérité biblique. L’un d’eux fut Paul, le pionnier de l’Evangile et auteur de la moitié environ des livres du Nouveau Testament. Mais pour qu’il pût y avoir un Paul, il fallut d’abord qu’il y eut un Etienne. Paul avait d’abord respiré la haine contre les chrétiens s’adonnant à des menaces et à des exécutions. Il s’était mis en tête d’éliminer toute la communauté chrétienne qui, selon lui, pervertissait la foi, celle qu’il défendait si ardemment. Certes, il rencontra ensuite le Seigneur Jésus-Christ sur le chemin de Damas, mais le témoignage d’Etienne avait sûrement dû l’impressionner et le faire réfléchir. Dans les chapitres 6 et 7 des Actes des Apôtres, la Bible rend compte du témoignage puissant d’Etienne devant le Sanhédrin, la cour de justice juive, et rapporte que tous ceux qui, assis là, le regardaient, ont vu que son visage ressemblait à celui d’un ange (Actes 6:15). On lit aussi qu’à la fin de son discours provenant d’un cœur brûlant pour son Dieu, un grand tumulte se produisit dans le Sanhédrin, les hommes se bouchaient les oreilles et fonçaient sur lui. Ils le traînèrent hors de la ville et se mirent à le lapider. Ils avaient laissé leurs vêtements sous la garde d’un jeune homme nommé Saul (Actes 7:57-58), celui qui devint par la suite l’un des plus grands apôtres. Il a souvent été dit que le sang des martyrs est la semence de l’Eglise. Aujourd’hui aussi, le meurtre brutal de Graham Staines a dû toucher de nombreux "Saul". Le Saint-Esprit les a certainement amenés à réfléchir sur la foi chrétienne. Peut-être se demandentils, à cet instant:


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– Qu’est-ce qui fait qu’un homme quitte son pays pour aller se mettre au service des lépreux à l’étranger pendant trente-cinq ans? – Où sa veuve et sa fille trouvent-elles leur force spirituelle pour pardonner, sans conditions, aux meurtriers? – Quel est donc ce Dieu auquel ils croient? – Pourquoi cette haine contre les missionnaires? – Comment cela se fait-il que Gladys et Esther continuent à rester au service des lépreux à Mayurbhanj? – Se pourrait-il que toutes ces choses que l’on nous dit contre les chrétiens ne soient que des mensonges? – Jésus aurait-il donc raison quand il affirme qu’il est le chemin, la vérité et la vie? Nous croyons que beaucoup, oui beaucoup de nos compatriotes rencontreront le Seigneur s’ils répondent à ces questions essentielles. Graham Staines n’est plus de ce monde, mais sa mort a conduit toute une nation à réfléchir sur Jésus-Christ. Gloire à Dieu! "Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite: Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi." Jean 15:20


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Chapitre 3

Graham Staines: un cœur pour l’Inde

L

a victoire avait été difficile à remporter dans cette bataille. Et maintenant que la poussière retombait, il parvenait mieux à regarder autour de lui. Ce qu’il vit le fit frissonner. Le sol était jonché de corps mutilés par le combat. Les soupirs et les cris des blessés graves ou mortellement touchés déchiraient ce silence lugubre. A la vue de cette dévastation totale, Ashoka se mit à pleurer. Cet instant changea à tout jamais le seigneur du royaume de Maurja. L’histoire dit que la transformation fut si radicale qu’il ne fut plus craint en tant qu’Ashoka "le terrible". Ses sujets virent en lui un homme nouveau, Ashoka "le miséricordieux". Kalinga, aujourd’hui Orissa, était la région qu’il voulait conquérir. Aujourd’hui, vingt-trois siècles plus tard, un autre crime atroce contre l’Humanité a été commis à Orissa, qualifié par le Président K. R. Narayanan d’un des actes les plus noirs de la terre: un homme de cinquante huit ans et ses deux fils avaient été brûlés vifs. Prem Shankar Jha, chroniqueur de Outlook, a écrit: "Le meurtre de Graham Staines et de ses enfants


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