MARCIO LA SOIF DE VIVRE (MB3431)

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Damaris Kofmehl

Marcio La soif de vivre


Titre original en allemand: Marcio – Ich will leben Titel der im Brunnen Verlag Basel erschienenen deutschen Originalausagabe: «Marcio – Ich will leben» © 2002 by Brunnen Verlag Basel (4. Auflage) Les textes bibliques sont tirés de la Bible Segond revue, Nouvelle Edition de Genève, 1979 Traduction: Trudy Baudrier © et édition La Maison de la Bible, 2003, 2011 Ch. de Praz-Roussy 4bis CH-1032 Romanel-sur-Lausanne E-mail: info@bible.ch Internet: www.maisonbible.net

ISBN édition imprimée 978-2-8260-3431-5 ISBN format epub 978-2-8260-0066-2 ISBN format pdf 978-2-8260-9797-6


Table des matières

Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 1. Marcio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 2. Une nouvelle bouleversante . . . . . . . . . . . . . 16 3. La funeste nuit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 4. La décision . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 5. Libre! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 6. Napoléon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59 7. Des rencontres dangereuses . . . . . . . . . . . . 77 8. Drogues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86 9. Le cadeau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102 10. Les escadrons de la mort . . . . . . . . . . . . . . 118 11. Pas de jouet pour les rats . . . . . . . . . . . . . . 130 12. A l’école . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141 13. Marcio devient serveur . . . . . . . . . . . . . . . . 152 14. L’odeur de la mort . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163 15. Le rêve devient réalité . . . . . . . . . . . . . . . . 174 16. Carla . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185 17. Une mauvaise surprise . . . . . . . . . . . . . . . . 198 18. São Paulo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211


19. Un homme nouveau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221 20. Marcio et ses frères . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237 Quelques informations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 247


1 Marcio

I

l se tenait immobile devant le portail. Tout avait l’air d’être comme autrefois. L’arc du portail avec les caractères noirs, les hauts murs avec le grillage, puis à gauche, la guérite du gardien et la chaîne tendue en travers de l’entrée. Derrière, grands et délabrés, les nombreux bâtiments qui se distinguaient uniquement par leur numéro. Rien n’avait changé. De petites plantes desséchées et grises à cause de la poussière de la rue poussaient dans les fissures du mur. La seule touche de couleur provenait des graffitis et dessins provocants. Ils semblaient être des cris muets, des appels à l’aide qui attendaient d’être remarqués et compris. Marcio respira un grand coup, détacha son regard du mur et s’approcha du portail. Une femme corpulente, la quarantaine, cachée derrière un journal, se tenait dans l’étroite loge du gardien. A l’approche du garçon, elle détacha son

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Marcio – La soif de vivre regard renfrogné de sa lecture. Les boutons de son uniforme trop serré menaçaient de craquer à tout instant. Ses cheveux noirs étaient tirés sévèrement en arrière et sur son visage empâté on croyait lire un écriteau "Ne pas déranger". Sa voix était rauque et son double menton trembla quand elle annonça avec une brièveté quasi militaire: – Visites uniquement le lundi. – Incroyable! rien n’a changé, murmura le garçon. – Effectivement rien n’a changé, et aujourd’hui, nous sommes samedi. – Je sais. – Bon, alors. Et, afin de se débarrasser définitivement de ce gêneur, elle ajouta sèchement: Si tu veux voir quelqu’un, respecte les jours de visite. C’est compris? – C’est incroyable, pensa le garçon en luimême, tout est comme avant. La gardienne attendait qu’il disparaisse enfin. Mais il resta, observant les bâtiments avec un regard intense. La femme le dévisagea de façon critique. Il devait avoir dans les dix-sept, dix-huit ans. Mince, de taille moyenne, cheveux courts et foncés, nez fin, peau brune. Il portait un jean propre, une chemise à carreaux et avait l’air convenable. C’était sûr, il ne s’agissait pas d’un mendiant et il avait l’air trop sage pour être un voleur. Sa voix claire, ses yeux aimables, son allure, tout cela faisait de lui quelqu’un de différent. Il n’avait pas sa place ici. – Mais qu’est-ce que tu veux, enfin? Profiter de la belle vue?

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Marcio Le garçon se tourna vers elle. – Je voudrais voir mes frères, dit-il. – Bien, dit la femme. Elle croisa ses bras et arbora un sourire qui ne lui allait pas. Alors je propose que tu rentres chez toi et que tu reviennes dans deux jours. Elle reprit sa respiration pour débiter de nouveau son texte à propos des jours de visite, mais le garçon ne lui en laissa pas le temps. Il se pencha un peu et la regarda d’un air suppliant. – S’il vous plaît, je dois les voir. – Le règlement est le règlement. – Je viens exprès de São Paulo. Demain je dois y retourner. – Ce n’est pas mon problème. – Je voudrais juste savoir s’ils vont bien. Ça fait une éternité que je n’ai pas vu mes frères, vous comprenez? – Ça, ils le disent tous. Ta nostalgie feinte, tu peux te la garder pour lundi. – Demandez au moins si on ne pourrait pas faire une exception. La femme se cala dans son siège, profitant visiblement de sa position de force. Un chien de garde n’aurait pas mieux rempli sa fonction. Sans son accord, personne ne rentrerait: c’était une certitude. – Comment s’appellent tes frères? – Edson, Vítor et Paulo. – Nom de famille? – Romero. – Age?

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Marcio – La soif de vivre – Edson a quatorze ans, Vítor seize et Paolo dix-sept. – Et comment tu t’appelles, toi? – Marcio, Marcio Romero. – Et je suppose que tu n’as pas de pièce d’identité. – Si, la voilà. Il fouilla dans sa poche de chemise et la lui tendit avec une nouvelle étincelle d’espoir dans les yeux. Elle la regarda longuement. Elle prit son temps. Puis elle griffonna quelque chose sur un papier et tendit lentement sa main vers le téléphone posé entre une pile de papiers non classés, un sandwich entamé et une tasse de café. Marcio suivait chacun de ses gestes avec une tension croissante. Elle tenait l’écouteur dans la main droite, et dans la gauche, sa pièce d’identité qu’elle continuait à étudier, comme si elle devait l’apprendre par cœur pendant qu’elle s’entretenait avec la personne à l’autre bout du fil. – Marcio Romero, dix-huit ans, né à Curitiba. Il prétend que ses frères sont ici. Il voudrait leur rendre visite… Evidemment je lui ai dit… non, je n’arrive pas à m’en débarrasser… les noms? Un instant… Elle loucha vers Marcio qui lui rappela les noms de ses frères. Oui, j’attends. Marcio lui adressa un sourire reconnaissant. Elle lui rendit ses papiers avec une mine sans expression et prit une gorgée de café. Il les rangea dans sa poche et passa ses doigts dans ses cheveux bouclés. La femme s’occupait en dessinant des ronds et des triangles sur une enveloppe grise. L’écouteur du téléphone coincé sous son double menton, elle

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Marcio attendit patiemment une réponse. Cela dura longtemps. Enfin, une voix d’homme. Marcio n’entendit pas ce qui se disait. Le visage de la femme ne laissa rien deviner sur le sens de la réponse. Son vocabulaire s’était réduit aux simples mots "oui" ou "non". Elle fixa Marcio et continua ses dessins. – Je vais lui faire la commission. Sur ces mots, elle raccrocha et regarda le jeune homme. – Alors? – Il n’existe pas de Edson, Vítor et Paulo Romero, dit-elle sans émotion. – Vous êtes sûr? – Je répète seulement ce qu’on m’a dit. Ces noms ne se trouvent sur aucune liste. Marcio posa son sac par terre. L’étincelle d’espoir avait disparu de ses yeux. – J’aurais dû y penser, dit-il à voix basse, et on pouvait lire la déception dans son regard. – Tu t’es trompé d’adresse, n’est-ce pas? Marcio secoua la tête. – Alors il se sont fait la malle, tes chers frères. Le garçon soupira. – J’aurais dû venir plus tôt, murmura-t-il. – Quand ils atterrissent dans la rue… constata la femme avec lucidité, tout en mordant dans son sandwich, alors c’est fini. Elle mâcha bruyamment, reprit son journal et considéra l’affaire comme terminée. Le garçon appuya son dos contre le mur en bois de la loge et demeura un moment immobile. Il regardait la cour. Un arbre tendait ses branches noueuses vers le ciel. Plus loin se trouvait un grand terrain de football où des

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Marcio – La soif de vivre garçons s’amusaient. Des souvenirs se réveillaient en Marcio. Des souvenirs d’un monde qu’il avait depuis longtemps chassé de sa mémoire. Il ressentait l’atmosphère froide des bâtiments, du mur, de tout l’ensemble, atmosphère aussi oppressante qu’autrefois. Il n’existait pas beaucoup d’endroits où il se sentait aussi mal qu’ici. Un sentiment bizarre d’impuissance s’infiltrait en lui alors qu’il était appuyé contre ce mur, fixant la cour. – Je suis arrivé trop tard, constata-t-il résigné, comme s’il se rendait enfin compte de tout ce que cela impliquait. Trop tard. Une boule se forma dans sa gorge. Ses bras devenaient de plomb. Ses pieds étaient comme paralysés. Le sol commençait à se dérober sous lui. Pourquoi n’était-il pas venu plus tôt? Une semaine? Un mois? Un an plus tôt? Peut-être ses frères auraient-ils encore été là. Il les aurait emmenés à São Paulo. Il leur aurait trouvé un job. Ils auraient pu habiter chez lui. Il leur aurait payé des vêtements et à manger. Il aurait tout fait pour ses frères. Tout! Il croyait être si près du but. Maintenant il en était plus éloigné que jamais. – Tout est de ma faute, se reprocha-t-il. Si je les avais emmenés à ce moment-là… Il secoua tristement la tête. Il savait qu’il n’avait rien à se reprocher. Et pourtant, l’idée d’avoir fait une erreur lui était insupportable et lui serrait la gorge. – Il faut que je les trouve, murmura-t-il, même si je dois retourner tout Curitiba. Je ne peux pas

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Marcio retourner à São Paulo sans savoir ce qu’ils sont devenus. – Encore quelque chose? La voix peu aimable de la gardienne l’arracha à ses pensées. Il sursauta légèrement. – Non, rien. J’allais partir. – Il est temps, grogna la femme. Marcio attrapa son sac et s’éclipsa. Lentement, il traîna le long de ce mur qui isolait l’orphelinat du monde extérieur. Par sa hauteur, il donnait une impression d’étouffement et il semblait hostile envers celui qui se mettrait en tête de le franchir sans autorisation. Marcio ne comprenait que trop bien que ses frères ne l’aient pas supporté plus longtemps. Finalement, lui non plus ne s’était jamais senti bien dans cet endroit. Comme tous les enfants du foyer, il n’avait eu qu’une idée en tête: se sauver.

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