Le découragement - Un chemin pour en sortir (MB3433)

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Maurice Decker

Le dĂŠcouragement,

un chemin pour en sortir


Sauf indication contraire, les textes bibliques sont tirés de la Bible Segond revue, Nouvelle Edition de Genève, 1979 et de la nouvelle version Segond révisée, dite à La Colombe, 1978 © et édition La Maison de la Bible, 2003, 2011 Chemin de Praz-Roussy 4bis CH-1032 Romanel-sur-Lausanne E-mail: info@bible.ch Internet: www.maisonbible.net

Photos de couverture: Photodisc ISBN 978-2-8260-3434-6 Imprimé en UE sur les presses de Lightning Source et sur papier FSC


Table des matières

Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

Première partie: De la victoire au désespoir. Le décrochage du regard . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 1. Un grand crack qui craque! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Monsieur Titanic – Jamais trop forts! – Une brochette de célébrités déprimées – Démasquons l’Ennemi! – Jamais trop faibles! 2. Les temps étaient durs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41 Un peu d’histoire – La politique du roi Omri – Gros plan sur Achab et Jézabel 3. Bang supersonique et bouc émissaire . . . . . . . . . . . . . . . 49 Le bout d’un long tunnel – Un télégramme assassin – La goutte d’eau qui fait déborder le vase – Les impératrices «Si... Si...» du découragement 4. Un regard qui décroche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59 Du «Toi» au «Moi»: un dérapage progressif – L’apitoiement sur soi: une sangsue vorace – Des nuances,


s’il vous plaît! – Charles Spurgeon, un exemple parmi d’autres 5. Deux pieuvres contre une ancre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71 Le monologue de la peur – Le moulin à café est en marche – Délectation morose et ruminations indigestes – Combat entre terre et ciel – Sur les traces de Robin des bois, dans la forêt des Psaumes 6. Une chasse à l’homme historique . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85 Une fuite éperdue dans la nuit – Audace incroyable ou folle témérité? – Des «lèche-bottes» opportunistes – Chasse à courre, à cor et à cri – Dialogue pathétique entre «la Belle et la Bête» – Rebelote! – Et patatras! – Le «stop!» de la grâce divine – Descente en vrille et raccrochage du regard 7. Ulysse ou Orphée? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103 Clins d’œil célestes – Des poulets ou des canards? – Votre adresse, s’il vous plaît? – La cire ou la lyre? – Jets de lumière sur sentiers obscurs 8. Une plaie à la tête. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 Voyage dans l’univers de la pensée – Les grottes et les ornières – Quand bébé rose devient bleu de colère – Pensées secrètes et scanner divin – Transplantation cardiaque – La tête posée sur l’autel 9. Serpents venimeux et poissons rouges. . . . . . . . . . . . . . 129 Tenir son cheval en bride – Poubelle, dépotoir, décharge publique? – Pas de nid dans les cheveux! – Chasser aussitôt l’intrus – Jardinage, moustiques et poissons rouges – Un aquarium céleste 10. Les «pensées» de mon jardin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141 Empoisonné par une overdose d’absinthe – Une révolution inattendue dans la tête – Dieu en enfer! –


Empoigner son âme par les cornes – Attention au crocodile en embuscade! – «Jojo la colombe» dans son sous-marin – La corde du pendu – Faire un grand feu de joie – Plume d’amour ou dard assassin – Adieu à la cuisine égyptienne – Mon cœur, un beau jardin 11. La cloche et la corde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159 «Sept fois à terre, huit fois debout» – Soyons honnêtes! – Poisons mortels et acides corrosifs – Supplice de Sisyphe, torture de Tantale – Les cloches de mon enfance – «J’ai lâché la corde!» 12. «L’Homme sur la croix!». . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169 Voir l’Homme sur la croix – «Pourquoi t’abats-tu, mon âme, et gémis-tu sur moi?» (Psaume 42:6) – Questions pour faire le point

Deuxième partie: Du désespoir à l’espérance. En marche vers la guérison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177 1. Des lendemains qui déchantent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179 Après le Carmel, la «gamelle» – Après la bénédiction, le «lion» – Après aujourd’hui, la nuit – Après le Jourdain, le Malin – Après la victoire, l’esclave noir – Après la fête, la tempête – Après l’extase, l’atterrissage – Après Mondovi, Lodi…, Rivoli… – Après Madagascar, La Réunion 2. Tenir l’échec en échec . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195 Echec et mat? – Le «meilleur» envoyé au tapis – Clous, marteaux et blessures de guerre – La déception, tueur ou tuteur? – L’échec tenu en échec – Lettre à mon ami Elie – Mieux que le Musée du


Louvre! – Des missionnaires non démissionnaires – Donnez le temps à Dieu! 3. L’échec: obstacle ou tremplin? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213 Ni inutile ni stérile – Tirer les justes leçons de l’échec – Ils ont persévéré… – Jézabel, la maîtresse d’école 4. Piles usées, pneus à plat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227 La main de Dieu ou le char d’Achab? – La tactique du diable – Miroirs déformants et loupes grossissantes – Repos et pigeon sans répit – Ange-cuisnier et chirurgien expert… – Ordonnance divine pour prophète épuisé – «Re - PAUSE - toi» un peu! 5. «Je t’aime d’un amour éternel» (Jérémie 31:3) . . . . . . . 245 L’amour entre l’aimant et le fer – Le prophète du jugement – Télégramme assassin, télégramme d’amour – Antidote pour flèches empoisonnées et morsures venimeuses – «Ni changement ni ombre de variation» – Ni marionnette ni girouette... – Girouette quand même, mais pas marguerite! – Une horloge, deux aiguilles… 6. «Dis tout à Jésus!» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 263 Electrochoc, guillotine, kalachnikov, ou…? – La rengaine du prophète qui chantait faux – Humeur noire, regard noir, et lunettes noires – Plaidoirie d’Elie, procès de Dieu – L’Eternel Dieu mis en boîte 7. La gloire de la grâce de Dieu . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 277 «Sors du noir!» – Un spectacle «son et lumière» exceptionnel – Un murmure doux et léger – «Faismoi voir ta gloire!» – La gloire de Sa grâce – Diamant étincelant sur velours noir – Une vision déséquilibrée – La transcendance d’un fjord canadien – Immanence et lunettes bicolores


8. L’itinéraire d’une vraie guérison . . . . . . . . . . . . . . . . . . 293 Le doux murmure d’une lente guérison – L’ouvrier est plus que l’œuvre – Maçons bricoleurs et médecins de néant – «Je me précipite parmi mes cochons» – Un casier judiciaire vierge – La prudence de l’homme à trois têtes 9. Dieu, le Maître de l’Histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 305 Ni pygmée ni bonsaï… – Le scoop de l’année – Un fou au volant… de son char! – Deux «tristes sires» – «Impossible n’est pas… divin» – «Retourne, famille Kennedy!» – Ils sont fous ces Romains! – Radio Tirana et le Maître de l’Histoire 10. Non, jamais tout seul! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 321 Coup de grâce, coup de la grâce – Malheur à celui qui est seul… – Une solitude de «lépreux» – La solitude du Fils de Dieu – Docteur Loo, je suis avec vous! – Plus jamais tout seul! 11. Des fleuves dans la solitude. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 335 «Car tu es avec moi» – «Jésus pleura» – Veuf, orphelin, malade, célibataire… – Les anges, nos compagnons de route – «Ne faites pas l’église buissonnière!» – Les chrétiens «Robinson Crusoé» – Solitaire ou solidaire? – Isolés, mais vainqueurs! 12. Victoire sur le sentiment de solitude . . . . . . . . . . . . . . 351 Du cercle vicieux au cercle glorieux – Un triple problème de lunettes – Prophète chevelu, prophète chauve – Abdias, corbeau et torrent du Seigneur – Il y a encore un homme… – Un regard protégé, rectifié, renouvelé – Une vision grandiose 13. Ce qu’Elie ne savait pas. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 369 De surprise en surprise! – Un clair-obscur de Rembrandt – Elie ne savait pas… – Une curieuse onction


de larmes – La flèche qui fit mouche deux fois – Le calendrier de Dieu n’est pas le nôtre – Bonne route avec Dieu!


Avant-propos

Nous sommes en janvier 1962. Par une froide journée hivernale, un lycéen âgé de 16 ans, fort mal en point, pénètre dans le Centre Hospitalier de Nancy. Un mois plus tard, il quitte enfin la vaste salle de souffrance dans laquelle il a vu passer des dizaines de malades dont neuf ont successivement trépassé à quelques pas de lui. Son état ne s’est pas amélioré, bien au contraire. Une batterie impressionnante d’examens médicaux a néanmoins permis de débusquer et démasquer l’ennemi sournois qui se plaît à sérieusement perturber ses jours et ses nuits. Ce mangeur glouton de sommeil, ce suceur infatigable d’énergie, ce tueur de rêves et d’espoir, solidement installé dans la place, a finalement été clairement identifié; on l’appelle communément «dépression nerveuse». Voilà qui explique l’itinéraire emprunté par la voiture qui conduit notre jeune homme tout pâlot vers une clinique située à peu de distance de l’importante métropole lorraine. Il va y passer les six prochains mois de sa vie d’adolescent à espérer revoir la lumière au bout de la nuit d’encre d’un bien long tunnel dans lequel il avance péniblement à tâtons. L’amélioration de son état tarde à se dessiner sur un fond de remèdes variés peu appétissants, d’entretiens réguliers constellés de questions de toutes sortes, de prome-

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Le découragement, un chemin pour en sortir nades apaisantes dans la verdure d’un grand parc, et d’heures généreuses de sommeil plus ou moins artificiel. Curieusement, son état de délabrement général ne l’empêche pas de «dévorer» le contenu des nombreux livres qu’il emprunte, semaine après semaine, à la bibliothèque de la clinique. Chaque roman s’offre à lui comme un moyen facile de s’évader vers un refuge imaginaire, loin des réalités d’un monde qui l’angoisse. Mais un livre lui fait cruellement défaut, celui que l’équipe soignante qui l’a pris en charge lui a interdit d’apporter dans ses bagages, sa Bible. Il ne souffre pourtant pas de délire mystique et le fait d’avoir laissé courir très souvent ses yeux sur les pages passionnantes de cet incomparable ouvrage ne l’a pas rendu fou. Bien au contraire, les récits bibliques ont illuminé une enfance très vite assombrie par la mort de sa chère maman après huit longues années de maladie. C’est lors d’un camp de louveteaux sur la côte nord de la Bretagne, dans la matinée d’un dimanche inoubliable, qu’il a publiquement demandé à Jésus-Christ d’entrer dans sa vie pour la prendre en mains et la diriger. Lorsqu’un peu plus tard, au tout début de son adolescence, la fragile barque familiale a commencé à prendre l’eau et à partir à la dérive, c’est le Christ compatissant des Evangiles qui l’a accueilli et serré très fort dans ses bras. Il a plus d’une fois expérimenté Ses douces consolations durant les moments tellement angoissants où des cris de haine et de peur déchiraient subitement le silence de la nuit... Les cours bibliques par correspondance l’ont aussi beaucoup aidé durant la traversée agitée de toutes ces années difficiles. C’est également au beau milieu de cette période pleine d’inquiétantes turbulences que l’appel de Dieu à un service pastoral a clairement retenti plusieurs fois dans son cœur, avec une netteté incroyable, indiscutable. Profondément bouleversé par cette révélation intérieure si lumineuse de ce qu’il pressentait confusément jusqu’alors, il a partagé cette expérience avec le pasteur de son église qui l’a aussitôt compris, beaucoup encouragé, et soutenu ensuite dans la tourmente. La situation s’aggravant, les bourrasques succédant aux bourrasques, une sorte de ressort

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Avant-propos intérieur usé par une tension devenue quasi permanente a fini par lâcher et tout s’est alors complètement déréglé dans sa tête, dans son âme, dans son corps. Un soir de décembre, comme pour inaugurer l’hiver en fanfare, l’ambulance des pompiers a surgi dans la cour d’un internat. Elle en est très vite ressortie, avec à son bord ce fameux lycéen de 16 ans, «poids plume» aux nerfs en charpie et à l’âme en lambeaux. Déjà plus de six mois se sont écoulés depuis cet adieu précipité à sa vie de lycéen lorsqu’un jour on lui annonce la visite surprise de mystérieux amis venus spécialement de la région parisienne pour passer un moment avec lui. Mais qui sont donc ces visiteurs inconnus au visage souriant qui viennent ainsi le surprendre dans sa retraite forcée? Avec un immense bonheur, il découvre en eux les sympathiques correcteurs des cours bibliques par correspondance qu’il a suivis durant ces dernières années! Après un temps d’échange bienfaisant, ils prient ensemble avec simplicité sous le regard courroucé d’un infirmier dont les yeux se sont égarés en passant par là... Juste avant de partir, ces amis devenus chers lui glissent «clandestinement» une Bible, pour lui le plus beau des cadeaux. Le jeune homme rentre dans sa chambre, ivre de bonheur. Il s’agenouille au pied de son lit et exprime toute sa reconnaissance à Dieu pour l’heure exceptionnelle qu’il vient de vivre, et surtout pour Le Livre enfin retrouvé. Lorsqu’il se relève, bien plus heureux qu’un roi, il réalise qu’une sorte de «déclic» salutaire vient de se produire quelque part au fond de son âme. Une certitude ensoleillée y grave déjà ses lettres d’or indélébiles: Très bientôt, tu sortiras d’ici. Ta guérison est en route; cela ne fait aucun doute. Il lui semble qu’un baume délicieusement apaisant, cicatrisant, vient d’être enfin versé sur ses plaies intérieures encore à vif. Effectivement, un mois plus tard, une porte s’ouvre, puis se referme définitivement derrière une maigre silhouette aux jambes en coton et à l’âme en liesse. Dans la valise de l’heureux sortant «trône» une Bible déjà un peu usée, dont de nombreux passages ont apaisé, abreuvé et fortifié son cœur languissant, tout au long des dernières semaines écoulées. Un camp d’ados

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Le découragement, un chemin pour en sortir l’attend, dans quelques jours à peine, au pied des hautes Vosges alsaciennes, avec au programme une série de méditations bienvenues sur la vie de David, le roi selon le cœur de Dieu. Super! N’est-ce pas? Deux années de convalescence, avec ses hauts et ses bas, succèdent à sept longs mois d’une «guerre des nerfs» particulièrement éprouvante. Le juvénile rescapé de ce violent séisme intérieur se refait progressivement une santé en exerçant un emploi sur mesure dans la mairie de sa ville natale. Enfin vient l’heure tant attendue de la reprise des études. L’automne 1964 en est à ses premiers balbutiements lorsqu’un jeune homme quelque peu «remplumé», tout juste âgé de 19 ans, descend d’un train et se dirige à pas décidés vers la sortie de l’une des gares de Lyon. Une nouvelle étape de sa vie commence; elle sera riche en événements décisifs et pleine de rebondissements inattendus. Ce jeune homme, vous l’avez sans doute deviné, sera dans un lointain avenir l’auteur du présent ouvrage. Faisons un bond dans le temps, jusqu’en fin mars 1992. Trente années se sont écoulées depuis ces sept mois de traversée angoissante d’un long et sinueux tunnel creusé dans le paysage accidenté et tourmenté de mon adolescence. J’achève alors la rédaction d’un livre intitulé Fidèle quoi qu’il en coûte1, consacré au premier épisode de la vie du prophète Elie caché par Dieu dans les gorges profondes du torrent de Kerith, puis envoyé vers la veuve de Sarepta quand le torrent fut à sec2. Ce n’est pourtant pas sur ce début captivant et fulgurant de l’histoire d’Elie que, depuis un certain temps déjà, j’envisageais d’écrire un livre. Passionné depuis toujours par les personnages de la Bible, déjà au début du mois de juillet 1970 je m’étais laissé agripper par la poigne vigoureuse du prophète Elie. Il ne m’avait plus lâché d’une semelle pendant tout l’été, m’obligeant, dans un premier temps, à l’écouter avec une extrême attention pendant qu’il me racontait par le menu ses aventures 1. Fidèle quoi qu’il en coûte, La Maison de la Bible, 2002 (2e éd.). 2. 1 Rois 17:1-16.

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Avant-propos plutôt tumultueuses de prophète de l’Eternel. Il lui avait été facile d’exiger ensuite que, sans tarder, je parle longuement de lui et du Dieu qu’il servait. C’est donc ce que je fis avec bonheur à deux reprises, d’abord en août pendant un camp international de formation et de service chrétien dans le centre de la France, puis lors d’une semaine de conférences bibliques données à Lausanne (Suisse) au début du mois suivant. Par la suite, mon attention se focalisa davantage sur l’effondrement du prophète paniqué s’enfuyant au désert3. Peut-être était-ce lié au souvenir toujours vivace de ma dépression d’adolescent. Le découragement, causes et remèdes: Elie, un homme de la même nature que nous est un thème souvent choisi, dans une liste pourtant généreuse, par les églises qui m’invitent pour des séries d’enseignement biblique depuis le début de mon ministère itinérant dans les pays francophones, en janvier 1980. Les entretiens, courriers et autres réactions consécutifs au développement de ce thème sont à la mesure de l’écho profond qu’il éveille dans le cœur de nombreux participants. Pour ces raisons, et sans doute d’autres encore, c’est donc d’abord au «krach» d’un grand crack qui craque que je rêvais de consacrer un ouvrage. Mais lorsque vint le moment d’écrire, de toute évidence Dieu en avait décidé autrement, m’offrant d’abord un séjour inoubliable dans la résidence forcée d’Elie près du torrent de Kerith. Je n’allais pas tarder à comprendre le pourquoi d’un tel changement d’itinéraire. En effet, je découvris bientôt d’étranges ressemblances entre le torrent du prophète et le nôtre. Durant les trois années précédentes, le niveau de «notre torrent de Kerith» avait baissé lentement sous les rayons d’un soleil brûlant d’épreuves qui nous avaient profondément affectés dans notre vie familiale et dans notre service pour Dieu. Fidèle quoi qu’il en coûte me donnait maintenant la possibilité d’offrir à de nombreux lecteurs les fruits savoureux cueillis sur les arbres vigoureux de la parfaite fidélité de Dieu, bien que

3. 1 Rois 19.

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Le découragement, un chemin pour en sortir plantés au bord d’un torrent progressivement déserté par les eaux du ciel. Un nouveau bond d’une décennie nous amène en février 2002. Il y a quarante ans de cela, j’avançais à pas lents dans le désert aride d’une profonde dépression. Je ne savais pas alors que Dieu me conduisait lentement vers sa montagne pour m’y révéler la douceur de son amour et ranimer le feu mourant de ma jeune espérance en me dévoilant des horizons insoupçonnés. Il y a dix ans, Fidèle quoi qu’il en coûte traduisait en mots couchés sur le papier les riches leçons apprises grâce au cheminement douloureux dans un autre long tunnel que nous venions tout juste de laisser derrière nous. Il y a quelques jours, je mettais le point final à la première partie de cet ouvrage, spécialement consacrée au «décrochage du regard» du prophète Elie lorsqu’il s’enfuit dans le désert pour sauver sa vie. C’était plus précisément un mardi, le jour où nous accueillions chez nous une très chère amie. Un soir de la semaine précédente, elle nous avait téléphoné pour nous dire, d’une voix étranglée, qu’elle était «au bout du rouleau». Elle se sentait couler, harcelée qu’elle était par le souvenir cruel du suicide de son époux quelques mois auparavant. Les longues nuits d’hiver, avec leurs chapelets d’heures d’insomnie, rendaient sa solitude plus éprouvante encore. Elle craignait de s’enfoncer dans la dépression. A notre grand soulagement elle accepta notre invitation. Le soir de son arrivée, Dieu me l’ayant clairement mis à cœur, je lui proposai d’être la première lectrice de cette partie dont je venais d’achever la rédaction. Un beau sourire illumina alors son visage. Dès le lendemain matin, je mis donc à sa disposition la première copie sur papier du texte complet de cette étude tout juste sortie de l’imprimante reliée à mon ordinateur. Elle en commença aussitôt la lecture et le parcourut, ou plutôt, le dévora en un temps record. Pour moi qui guettais avec quelque anxiété les réactions de ce «cobaye providentiel» (sauf votre respect, chère amie!), ce fut un indice fort encourageant. Ses commentaires sobres et mesurés confirmèrent ma première impression: le contenu avait rencontré un écho certain dans son

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Avant-propos cœur et répondait à ses besoins. Notre amie est repartie vers son village, à quelques centaines de km du nôtre, renouvelée et pleine de projets, consolée, encouragée, visitée par ce Dieu merveilleusement vivant, dont la bienveillance n’est pas épuisée et dont les compassions ne sont pas à leur terme. Elles se renouvellent chaque matin. Grande est sa fidélité!4 Deux remarques m’apparaissent nécessaires au moment de conclure cet avant-propos. La première s’adresse au lecteur qui s’attend à trouver dans ce livre une analyse détaillée et systématique du texte biblique, verset après verset. Il ne tardera pas à constater que nous avons choisi une stratégie différente. Cela ne signifie pas pour autant que nous saurions nous contenter d’une lecture rapide et superficielle, ce qui nous conduirait immanquablement vers des conclusions erronées. Nous examinerons donc de très près le contenu de 1 Rois 19, veillant à tenir compte de son contexte à la fois général et immédiat5. Mais notre approche et nos objectifs restent identiques à ceux qui transparaissent dans nos autres ouvrages consacrés à des personnages bibliques. Autant que faire se peut, nous essayerons de nous identifier à Elie, réfléchissant donc aussi à la manière dont nous aurions été tentés de réagir si nous avions été à sa place. De ce fait, nous chercherons à actualiser, à transposer dans notre temps le contenu d’un récit presque trois fois millénaire pour comprendre en quoi il nous concerne personnellement aujourd’hui et maintenant. Enfin, nous accepterons volontiers qu’Elie nous envoie rendre visite à d’autres personnages bibliques et extra-bibliques dont le témoignage nous aidera plus d’une fois à élargir notre champ d’investigation et à enrichir notre réflexion pratique. La deuxième remarque vise à bien mettre en évidence le thème du découragement qui parcourt cet ouvrage. Certes, nous utiliserons parfois d’autres termes de la même veine pour le désigner, mais nous tenons beaucoup à ce mot car chacun de 4. Lamentations de Jérémie 3:22-23. 5. Je ne saurais trop vous encourager à lire attentivement l’histoire d’Elie (1 Rois 16:29 à 2 Rois 2:11).

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Le découragement, un chemin pour en sortir nous sans exception en comprend le contenu bien peu appétissant pour y avoir goûté un jour ou l’autre. Il fait partie du langage courant, et personne sur cette terre ne serait pris au sérieux s’il osait un seul instant prétendre qu’il n’a jamais eu affaire au découragement. L’auteur dramatique français Eugène Ionesco le laisse subtilement entendre dans sa formule humoristique pleine de saveur: «Rien ne me décourage, pas même le découragement». George Verwer, fondateur d’Opération Mobilisation, mouvement international d’évangélisation et de formation, a bien raison d’affirmer dans un de ses livres que «le simple découragement constitue la plus importante cause d’épuisement de nos forces spirituelles. Personne n’est à l’abri du découragement. Certains en souffrent même terriblement.»6 Avec honnêteté et lucidité il ajoute un peu plus loin: «En fait je suis journellement exposé au découragement. Quand vous êtes entraîné au plus fort de la mêlée du combat spirituel, devant faire face aux pressions multiples qui s’exercent sur tous les fronts, tentant l’impossible parfois, il est inévitable que vous soyez découragé. Ce sont les risques du métier, et ils ne disparaissent pas lorsque vous avancez dans la vie chrétienne.»7 Même si cet avant-propos s’ouvre sur la sévère dépression nerveuse de mon adolescence, ce sont donc bien les causes et les remèdes au découragement qui constitueront l’essentiel de notre réflexion au fil des pages. Nos déprimes passagères, plus ou moins intenses, partagent un certain nombre de symptômes avec l’affection communément désignée par l’expression «dépression nerveuse». Traiter le découragement à la légère, le fréquenter avec une certaine assiduité, c’est jouer avec le feu. Il importe d’être attentif à ses causes et de pouvoir l’identifier aussitôt qu’il pointe le bout de son nez. Ne pas lui résister lorsqu’il tente de forcer la porte d’entrée, négliger les antidotes appropriés lorsqu’il a réussi à pénétrer chez nous et à empoisonner notre existence, c’est lui offrir la possibilité de s’instal6. George Verwer, Cap sur le but, Editions Farel, 1986, p. 133. 7. Id., Ibid., p. 135.

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Avant-propos ler solidement dans la place et de se muer en véritable dépression. Ma douloureuse expérience à l’heure cruciale de l’adolescence et les rudes escarmouches qui s’ensuivirent durant mon lent retour vers une vie normale m’ont rendu particulièrement sensible à la nécessité de veiller paisiblement et d’utiliser continuellement les bons remèdes pour éviter de m’enliser dans les marécages du découragement. Je bénis Dieu de tout mon cœur en constatant, avec le recul du temps, comment de mille manières Il a utilisé ce «mal» d’il y a quarante ans pour faire ensuite du bien, non seulement à mon âme mais à celle de tant d’hommes et de femmes en souffrance croisés sur le chemin accidenté de la vie. Tout au long de la rédaction de ce livre, je lui ai demandé d’en utiliser le message pour continuer à «changer le mal en bien» dans la vie d’un grand nombre de lecteurs. Tel est mon vœu le plus cher pour chacun d’entre vous. Bonne lecture! Les compositions de Jean-Sébastien Bach portent en épigraphe «Avec l’aide de Jésus», ou «A Dieu seul la gloire», ou encore «Au nom de Jésus». J’ose m’inspirer de ces trois courtes citations pour achever ma «composition». C’est avec l’aide fantastique de Jésus, mon Sauveur et Seigneur, et en son nom, de sa part et en accord avec lui, que ce livre a été écrit; à Dieu seul la gloire! Chevilly, février 2002 Maurice Decker

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Première partie

De la victoire au désespoir Le décrochage du regard

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1 Un grand crack qui craque!

Alors que j’entame la rédaction de ce livre, la sonnerie insistante du téléphone qui tout à l’heure inaugurait une nouvelle journée de travail, résonne encore à mes oreilles. L’un des quatre frères de mon épouse vient tout juste de s’éteindre à l’âge de 58 ans, terrassé par une tumeur au cerveau. Pendant des années, il déploya une force physique impressionnante qui faisait sa fierté. Mais en très peu de temps, la maladie insidieuse et boulimique le vida totalement de son énergie débordante, l’obligeant à d’immenses efforts pour faire les gestes les plus élémentaires. Gravir une marche finit par devenir un obstacle insurmontable pour cet homme taillé en force qui aimait voir la matière céder à ses offensives musculaires. Cette douloureuse métamorphose si rapide et inattendue transformant un chêne particulièrement vigoureux en un brin d’herbe des plus fragiles n’est pas près de quitter ma mémoire. Il est des cassures brutales, des basculements soudains, des effondrements vertigineux et subits qui surprennent, secouent et interpellent ceux qui en sont les témoins. Ainsi en est-il du drame vécu par le prophète Elie, hier encore vaillant héraut de Dieu solide comme le roc, aujourd’hui même écroulé sous un genêt en plein désert, l’âme en lambeaux, implorant la mort.1 1. 1 Rois 19:4.

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Le découragement, un chemin pour en sortir

Monsieur Titanic L’homme est originaire de Thischbé, obscur village de Transjordanie. La Bible est totalement silencieuse sur sa famille, sur son passé. Peut-être a-t-il d’abord été bûcheron dans les vastes forêts de chênes et de térébinthes qui couvraient alors les montagnes de la région de Galaad, à l’est du Jourdain. Voilà qui expliquerait la résistance physique étonnante et le caractère trempé comme l’acier de ce rugueux champion de Dieu, un habitué des solitudes sauvages et des ravins montagneux de cette contrée souvent mentionnée dans l’Ancien Testament. Pour qui connaît tant soit peu sa personnalité et son courage exceptionnels, 1 Rois 19 est, de prime abord, un des chapitres les plus surprenants de la Bible. On y découvre le «chevalier du Seigneur, sans peur et sans reproche», tout juste sorti grand vainqueur d’une joute historique mémorable, subitement désarçonné et sonné, jeté à terre, mordant le sable du désert. C’est pourtant bien du même homme qu’un ange parle au sacrificateur Zacharie, environ neuf siècles plus tard, lorsqu’il lui annonce que son fils Jean-Baptiste marchera devant Dieu avec «l’esprit et la puissance d’Elie»2. Que de phrases fortes ont été écrites à son sujet pour souligner le relief particulier de ce personnage hors du commun, «le plus formidable prophète d’Israël»3: La fascination exercée par Elie est exceptionnelle, et elle tient tout d’abord à cet élément de mystère qui enveloppe toute son existence. Il disparaît comme il surgit, d’une manière surnaturelle. (A. Neher) On doit considérer Elie comme la plus grande personnalité religieuse qui ait été suscitée après Moïse. (Skinner) C’était un Mont Sinaï que cet homme, un homme dans le cœur duquel grondait la tempête. (A. White) Ce géant parmi les hommes, en comparaison duquel nous nous sentons tous comme des petits nains. (F.B. Meyer) 2. Luc 1:17. 3. Nouveau Dictionnaire Biblique, Editions Emmaüs, 1992, p. 32, sous Achab.

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