C omme bien d’autres jeunes Européens, Martin peine à trouver un sens à la vie. Mû par cette quête désespérée, il se met à parcourir les sentiers du monde et découvre le bouddhisme, dont il devient le fervent adepte. L’Inde et le Népal avec leurs couvents sont désormais les lieux où il cherche avidement «l’illumination», l’union avec le divin. Y trouvera-t-il de quoi combler le vide de son cœur? Lorsque son amie Elke et lui entreront en contact avec le christianisme, les combats seront longs et douloureux, mais le jeu en vaudra la chandelle.
U n ouvrage qui, outre le témoignage authentique et empreint d’une grande franchise de l’auteur, contient une foule d’informations sur le véritable visage du bouddhisme et du Nouvel-Age. Hollandais, Martin Kamphuis est aujourd’hui responsable de l’association «Gateway» qu’il a fondée avec sa femme. Ensemble, ils donnent des conférences et des séminaires sur le thème «Bouddhisme, ésotérisme et christianisme». Ils habitent au nord-ouest de Francfort.
™xHSMIMGy034582z ISBN 2-8260-3458-8
Martin Kamphuis
Martin Kamphuis
J’étais bouddhiste
J’étais bouddhiste
Martin Kamphuis (avec le soutien d’Elke Kamphuis)
J’étais bouddhiste
Titre original en allemand, paru aux éditions Brunnen Verlag Basel: Ich war Buddhist © 2000 by Brunnen Verlag Basel Photos: © by Martin und Elke Kamphuis, Schöffengrund Les textes bibliques sont tirés de la Bible Segond revue, Nouvelle Edition de Genève, 1979
Traduction: Jean Debonneville
© et édition La Maison de la Bible, 2004, 2011 Ch. de Praz-Roussy 4bis CH-1032 Romanel-sur-Lausanne E-mail: info@bible.ch Internet: www.maisonbible.net
ISBN édition imprimée 978-2-8260-3458-2 ISBN format epub 978-2-8260-0124-9 ISBN format pdf 978-2-8260-9852-2
Table des matières
Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1117 1. Le monde gris . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1119 2. A la recherche de l’illumination . . . . . . . . . . . . .1127 3. Tout en moi est divin, tout est permis . . . . . . .1173 Photos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1117 4. Un amour fou . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1125 5. Cette parole dans mon âme . . . . . . . . . . . . . . . .1141 6. Désespéré, déçu, trouvé… . . . . . . . . . . . . . . . . .1163 7. La lumière vient dans le monde . . . . . . . . . . . . .1183 8. Les profondes racines du bouddhisme . . . . . . .1199 Epilogue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1211 Postface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1215
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Chapitre 1
Le monde gris
Non, je ne veux pas vivre ici
L
’un de mes plus lointains souvenirs est une image intemporelle. C’est un vaste pays plat, gris, où l’on ne rencontre que du vide, un vide froid. Peut-être est-ce le paysage d’hiver du nord de la Hollande, où je suis né. Peut-être aussi cette image est-elle le reflet de ma vie intérieure. De toute façon, elle exprime ma première appréhension de ce monde. Même si, bébé, je ne pouvais pas encore me représenter dans ce paysage, j’y associe un précoce sentiment démesuré de moi-même, qui s’exprimait par une violente attitude défensive: «Non, non, je ne veux pas vivre ici!» C’était comme si je refusais ma venue parmi les humains. Mon attitude rebelle marqua aussi mes relations avec ma mère. Je criais beaucoup pour exiger sa présence et retenir son attention. Elle m’entourait autant qu’elle le pouvait, mais il y avait en moi deux sentiments: l’un réclamait sa présence, et l’autre la repoussait. Au moins, ce théâtre m’attira beaucoup de soins. Je me souviens que comme petit enfant je ressentais en moi et autour de moi une grande solitude. Les années
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suivantes, je passais beaucoup de temps à fuir ce monde gris et me réfugiais dans un monde imaginaire. Je me retirais de la réalité et de ses exigences, ses devoirs, et pouvais magnifiquement vivre mes sentiments. Souvent je manifestais à l’égard de mes parents un profond refus d’autorité. Ma mère particulièrement devait se plier à ma volonté. Elle se sentait impuissante et, dans sa colère, me punissait. La naissance de ma sœur me fournit une nouvelle victime. Comme elle ne pouvait pas encore se défendre, je l’agressais corporellement et moralement. Etrangement, je me souviens de moi comme d’un gentil garçon, plein de bons sentiments. Tout ce que je faisais était immédiatement repris et métamorphosé dans mon monde de rêve. Ainsi, je me mis à jouer à cache-cache avec moimême. Plus tard, lorsque je fus devenu bouddhiste, un de mes maîtres me décrivit mon comportement intérieur. Ce fut une rencontre inopinée. Je pris peur. Il me regarda, se recroquevilla puis passa d’un trait devant moi comme un chat. Je compris tout de suite qu’il avait décelé mon jeu de cache-cache intérieur. Mais ce tourment dura encore longtemps.
Déménagement dans une nouvelle région J’avais cinq ans. Mes parents quittèrent le Nord inhospitalier pour s’installer dans une région gagnée sur la mer. Mon père, qui était agriculteur, eut la possibilité de créer un domaine dans le polder1 de Flevoland. Nous fûmes parmi les premiers habitants de cette région. Tous ceux qui s’y établissaient devaient faire preuve de qualifica1 Terme néerlandais désignant une terre gagnée sur la mer, plus rarement sur des eaux intérieures (lacs, marais, etc.), endiguée, drainée et mise en valeur (N. d. E.)
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tions particulières et apporter un certain esprit pionnier. Pour ce nouveau pays, on essayait aussi de trouver de nouveaux modes de vie communautaire qui exprimeraient plus d’humanisme et seraient moins empreints de traditions. Cette région avait été pensée, planifiée pour l’homme, et répartie selon certaines lignes directrices. Les routes n’avaient pas été tracées par la nature du terrain ou l’histoire. Elles étaient toutes droites, et sur certains tronçons, bordées d’arbres. Il en était de même des canaux et des champs. Les hommes s’efforçaient de contrer la rigueur de ce paysage par une vision du futur. De forts vents soufflaient continuellement sur ce pays plat, où les maisons représentaient les points les plus élevés, et où le brouillard pouvait s’étendre librement et restait longtemps. Ainsi s’approfondissait en moi l’image d’un monde gris et froid. Mes parents s’étaient libérés de la tradition de l’Eglise. Leur besoin de communauté et d’une certaine religiosité était entretenu dans un «Centre de contact protestant libéral». Les histoires que j’y entendais à l’école du dimanche ne me disaient rien. Tout au plus, je me souviens d’une saynète de Noël où je jouais la partie arrière d’un chameau. En y repensant, je crois que c’était le meilleur rôle, puisque la bosse du chameau contient la réserve d’eau qui lui permet de tenir dans le désert durant des jours. Car il me semblait que je vivais intérieurement dans un désert. Souvent, je me sentais comme un étranger dans ma propre famille et je me demandais si j’étais vraiment le fils de mes parents. J’étais fréquemment touché et rattrapé par ma soif de sécurité. A l’école, nous chantions parfois: «Car à la maison on se sent vraiment bien, oui à la maison le repas est déjà prêt…» Je ne pouvais alors presque pas retenir mes larmes. Ce désir de sécurité et d’affection d’une part et mon aspiration à la liberté d’autre part
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luttaient constamment en moi. Dans ma crainte de n’obtenir ni l’un ni l’autre, je restais continuellement négatif. Quand ma mère me demandait quelque chose, je disais non ou je me révoltais. Mais un moment après, je le faisais, car ma conscience ne me laissait pas tranquille. Lorsque je constatais que cette attitude négative se retournait contre moi, j’exigeais de mon père qu’il me fixe une ligne de conduite, et je le provoquais afin qu’il fasse montre d’autorité. Mon père était bienveillant, mais la plupart du temps fatigué par le travail. Comme moi, il était souvent absent d’esprit. Sa présence intérieure me manquait. Parfois, je le poussais tellement à bout qu’il se mettait en colère, me courait après et m’enfermait dans ma chambre. Alors seulement je retrouvais la tranquillité, sachant bien que j’avais dépassé les limites. Dans mon for intérieur, je ressentais le besoin d’autorité, spécialement celle de mon père, je voulais être obéissant… Pourtant je restais désobéissant.
Le jour viendra… A l’adolescence, je vivais constamment avec cette pensée: «Le temps viendra où je pourrai montrer au monde ce que je sais et ce dont je suis capable. Alors je dirai: Voyez, j’ai eu raison. Une fois que je serai libre, je ferai tout ce dont j’ai envie. Je vous montrerai à quoi ressemble une vie libre!» Je fréquentais le lycée, ce dont j’étais très fier. Par tous les temps je faisais le trajet à bicyclette. Je montrais ainsi mon esprit combatif, toujours présent à côté de mes rêveries. Avec la puberté, le désir d’obtenir de bons résultats scolaires devint moins important que celui de mes relations avec les filles. Comme à ce moment-là j’avais beaucoup d’acné, je passais de nouveau des heures et des jours en rêveries pour échapper à la réalité. Pourtant, au
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fond de moi-même, une pensée brûlait: «Je dois quitter cet environnement pour trouver ma liberté.» Enfin ce moment arriva. A dix-huit ans, je réussis mon bac. Comme récompense, mes parents m’offrirent un voyage en Amérique. Mais puisque l’Amérique du Nord me semblait trop froide et trop chère pour un long séjour, je me décidai pour l’Amérique du Sud. Avec un minimum de bagages et peu d’argent, je prouverais que je pouvais être indépendant. Je fus surpris que ma mère, avec qui j’avais toujours été à couteaux tirés, pleure lors de mon départ, quand bien même le but de son éducation avait toujours été mon autonomie. Dans les lettres que j’écrivis plus tard, le mal du pays était perceptible. Bien que je me sois senti à la maison comme un étranger, je remarquai que j’avais avec ma famille plus de liens que je ne voulais l’admettre. Mais j’avais décidé de leur prouver que mon temps était maintenant venu, le temps de découvrir le monde, les hommes, moi-même et avant tout la liberté.
L’appel de la liberté L’avion traversa la couche de brouillard qui recouvrait le Brésil. Vers huit heures, notre machine se posa à Rio de Janeiro. Soulagés, les passagers, en majorité des Brésiliens, applaudirent ou firent le signe de croix. Ma première étape devait être la colonie néerlandaise de Holambra. Des amis m’avaient donné l’adresse d’une famille hollandaise établie là-bas. A l’aéroport, je changeai quelque argent, et l’aimable dame derrière le guichet m’expliqua où se trouvait la gare routière. Elle parlait anglais, et cela me donna l’espoir de pouvoir au moins me faire comprendre dans ce pays. Peu de temps après, je dus déchanter. Le billet de bus fut vite acheté, je n’avais qu’à indiquer ma destination. A la gare routière, l’atmosphère
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était fébrile. Des voyageurs couraient avec des valises, des mères appelaient leurs enfants, les moteurs des bus répandaient leurs gaz d’échappement, beaucoup de gens attendaient. Je respirai quand je fus enfin assis dans le bus qui – du moins je l’espérais – se rendait à Holambra. Le trajet dura toute la journée. Toutes les quelques heures, l’autocar s’arrêtait pour donner aux passagers l’occasion de se rafraîchir. J’avais soif. Que boire? Un verre de thé me semblait être la meilleure chose, car au moins, l’eau aurait bouilli. Malheureusement, personne ne comprenait le mot anglais «tea». On m’apporta toutes sortes de boissons, mais aucune ne correspondait à ce que je désirais. C’est par gestes que je pus pu enfin me faire comprendre. J’avais alors appris mon premier mot brésilien: «cha». Il faisait déjà nuit quand nous arrivâmes à Holambra. Pour la première fois, je me retrouvais tout seul dans un pays étranger. Les quelques maisons étaient loin les unes des autres. Comment trouver les personnes dont j’avais l’adresse? Je pris mon courage à deux mains, frappai à une porte et demandai timidement si quelqu’un parlait le hollandais. Le maître de maison comprit que je cherchais des compatriotes, et après réflexion me conduisit dans une maison presque vide, occupée pour l’instant par deux Hollandais. Ces deux personnes, qui travaillaient pour payer leur voyage de retour, me reçurent et me préparèrent un coin pour dormir. C’était sale et inconfortable, mais j’avais au moins un toit sur ma tête. Le jour suivant, je trouvai la famille dont l’adresse m’avait été donnée, un couple de retraités dont les enfants avaient quitté la maison. Ils me montrèrent bien les environs en voiture, mais ne furent pas particulièrement cordiaux. Je ne restai que trois jours, car je sentais que je n’étais pas le bienvenu. Puis je me rendis dans la ville de Curitiba. J’avais dans mes bagages quelques produits hollandais typiques
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que je devais remettre à une famille néerlandaise. Le voyage prit seize heures, nous arrivâmes en pleine nuit. Il était impossible d’atteindre la famille qui habitait un quartier éloigné. Je ne pouvais pas rester dans la rue. Je découvris alors un entrepôt. La grande porte coulissante grinça. Je passai ainsi ma première nuit à même le sol dans ce hangar. Le jour suivant, je fus enchanté de l’accueil amical de la famille Barkema. Pieter Barkema avait été marin. Il me raconta qu’il avait une fois rencontré Dieu, quitté le métier de marin et s’était marié. Pour nourrir sa femme et ses deux enfants, il avait construit une pelleteuse et vendait maintenant du sable à de grandes entreprises. Je pus l’aider dans ce travail. Avec deux collaborateurs brésiliens, nous étions sur cette machine bruyante en plein milieu de l’excavation. C’était un travail monotone, alors Pieter trouvait toujours l’occasion de parler de sa foi et de Jésus-Christ. La joie qui en rayonnait m’impressionnait beaucoup. Je fus aussi étonné de voir comment lui et sa femme apportaient dans la prière leurs soucis et leurs besoins et même qu’ils remerciaient Dieu pour moi et pour ma présence. Peut-être que cette expérience saisissante y est pour quelque chose, si des années plus tard je rêvais souvent de Jésus-Christ. Dans les collines verdoyantes des environs de Curitiba, des agriculteurs néerlandais avaient fondé après la guerre la colonie de Carembei. Comme fils de paysan, je pus facilement y trouver du travail. La plupart du temps, je logeais et travaillais dans une jeune famille. Le dimanche, notre petite voiture nous conduisait par des chemins poussiéreux à l’Eglise hollandaise réformée. Le culte me semblait un peu suranné et ne m’intéressait guère. Mes yeux se promenaient sur les bancs de l’église et j’y découvris une jeune personne aux boucles blondes et aux clairs yeux bleu-vert. Elle était pour moi la jeune fille idéale, et je commençai à rechercher son regard.
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A Nouvel An, les Hollandais se rencontrèrent au bord d’un petit lac. On se promena, on nagea, on fit du ski nautique. Lors d’un concours de plongeon, je voulus faire impression; je fus téméraire et sautai les trois mètres. Je tombai violemment sur le dos. Alors que je me sentais un peu sonné, ma jeune blonde adorée me regarda inopinément avec un tel amour que le sol me parut s’effondrer. Cet amour me sembla avoir une dimension surhumaine. Les jours suivants, j’étais au septième ciel. Pourtant, j’étais gêné d’en parler à qui que ce soit, et surtout pas à elle. J’aurais tellement aimé retenir pour toujours ce «divin» sentiment amoureux. Mais en même temps, je me sentais tout à fait incapable de m’engager dans un tel amour, et encore moins de m’y maintenir. Dans mon complet désespoir, mais aussi dans mon désir simplet de faire quelque chose, au moins pour m’affirmer et pour m’éclaircir les idées, je laissai mes souliers et me rendis pieds nus en Argentine – le voyage dura trois semaines. Je savais que je n’étais pas encore mûr pour une telle relation. Cet état amoureux sembla pourtant avoir éveillé dans mon âme une nostalgie inextinguible. En moi s’opposaient l’envie d’aimer et mon exigence de liberté. Ce dernier sentiment eut raison de moi. Je ne voulais en aucun cas être lié. Comme mon but était de connaître le monde et les gens, je quittai donc un jour la colonie hollandaise. Je fis du stop, même s’il était parfois dur d’attendre des heures ou des jours sous un soleil brûlant au bord de la route. Sous mes pieds nus, l’asphalte était souvent si chaud qu’il était impossible de s’y tenir sans bouger. Comme quelqu’un chassé de chez lui, je parcourais les routes poussiéreuses. Quand, fatigué de voyager, je passais par une ville et recherchais un toit, je rencontrais souvent des groupes
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de jeunes qui se tenaient sur une place dans la fraîcheur du soir. Ma chevelure blonde et mes yeux bleus étaient une attraction, et les jeunes filles me sifflaient dans la rue. Je n’avais jamais vécu cela en Hollande. Mais ces moments de bonheur ne duraient pas. A cause de ma peur d’être lié contre ma volonté par des hommes ou des situations, je restais souvent seul, dormais dans des maisons vides ou sur le bas-côté de la route. Et après une mauvaise nuit sur un sol dur, je me sentais terriblement seul. Lorsque je parcourais le pays en stop, mon âme langoureuse se délectait des paysages traversés. La mer bleue, le sable jaune s’étendant à l’infini, les vastes forêts dans lesquelles les grands fleuves se faufilaient, coupés parfois de puissantes chutes, tout cela aiguillonnait mon étonnement. Et parfois, les gens avec lesquels je voyageais m’ouvraient grand leur cœur. J’étais souvent invité dans des familles. Même dans de pauvres cabanes où on me permettait de suspendre mon hamac, la vie de famille me donnait un sentiment d’être protégé et aimé. Mais après peu de temps, je commençais à craindre que ce sentiment de sécurité ne fasse place à des liens insupportables, et je reprenais ma route pour retrouver ma liberté. Une fois, un jeune homme me prit dans sa voiture de sport. Avec ses amis, nous passâmes un week-end à la mer. Ils fumèrent du haschisch. Une demi-heure après, tout le monde dormait. «Ils sont cinglés!» pensai-je en me promenant tout seul sur la plage. Il me parut que rien de bon et en tout cas rien d’utile ne pouvait en résulter. Je rencontrai beaucoup de gens qui, d’une façon ou d’une autre, cherchaient quelque chose qui puisse leur donner satisfaction. Dans la culture sud-américaine, par exemple, le sexe joue un rôle énorme, qui s’exprime dans la musique, la danse, le mouvement et la mode. Les femmes aiment porter des tenues érotiques. Des fillettes
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de cinq ou six ans se maquillent déjà et sont soucieuses de leur apparence. Un jour, un homme m’invita dans son logis plutôt dégoûtant. Je ne me doutais pas qu’il voulait m’utiliser pour satisfaire ses appétits sexuels. J’eus beaucoup de peine à éviter tout contact physique. Il se masturba toute la nuit. J’étais bien content, le matin suivant, de pouvoir me promener en ville, libre et extérieurement indemne. Mon allure quelque peu bizarre attirait l’attention de beaucoup de gens. Blond, les yeux bleus, pieds nus, short de sport, un foulard de paysan hollandais autour du cou, comme protection contre le soleil et comme signe de ma liberté, je parcourais les routes torrides. Dans une musette militaire, mon seul bagage, j’avais un pantalon que je mettais la nuit contre les attaques des moustiques. Il arrivait souvent qu’on me propose des chaussures, si bien que je me demandai si je ne pourrais pas gagner ma vie en vendant des souliers. A Buenos Aires, mon allure choqua visiblement. Un jour, en pleine rue, une forte poigne me saisit brutalement au collet et, sans dire un mot, m’amena dans un bâtiment officiel. Heureusement, mon passeport hollandais me sortit de cette situation périlleuse. Encore sous le choc, je me rendis à l’ambassade des Pays-Bas, et je fus heureux qu’une employée me fasse comprendre que mon mode de vie frisait l’inconscience. Elle me donna l’adresse de l’Armée du Salut. Dans cette maison bondée, je dormis sur une table, seul Européen, au milieu des plus misérables habitants de la ville. Il était certainement plus sage de dormir à l’Armée du Salut, mais j’aurais probablement été plus tranquille dans une maison vide des environs. Je ne pouvais pas me payer une chambre d’hôtel. Même pour la nourriture, je devais être très économe. J’avais parfois de bonnes surprises. Ainsi, dans un restaurant, j’avais commandé un coca, et on m’apporta sans