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Témoignages rassemblés par Richard Bennett avec Mary Hertel
Leur chemin ne mène plus à Rome – 2
Titre original en anglais: The Truth Set Us Free © 1997 Richard & Carolyn Bennett Sauf mention spécifique, les textes bibliques sont tirés de la Bible Segond revue, Nouvelle Edition de Genève, 1979 Citations du catéchisme catholique: Catéchisme de l’Eglise Catholique, Ed. Centurion/Cerf/Fleurus/Mame/Librairie Editrice Vaticane, Paris, 1998 Traduction: Liliane Fleurian © et édition: La Maison de la Bible, 2007, 2012 Chemin de Praz-Roussy 4bis CH-1032 Romanel-sur-Lausanne E-mail: info@bible.ch www.maisonbible.net Tous droits réservés. ISBN édition imprimée 978-2-8260-3498-8 ISBN format epub 978-2-8260-0045-7 ISBN format pdf 978-2-8260-9778-5
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Table des matières.
Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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11. «Si le Fils vous affranchit, vous serez réellement libres» Mary Hertel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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12. A la recherche de Dieu Agnès Beau .......................
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13. Appelée et gardée par Dieu Carmen da Mota . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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14. Merveilleuse grâce de Dieu Donna Spader Shire . . . . . . . . . . . . . . . . .
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15. Sauvée par son amour Jo Ellen Kaminski . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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16. De la religion à la foi Peggy O’Neill . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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17. «Nul ne vient au Père que par moi» Doreen Eberhardt (D’Antonio) . . . . . . . . . . 114 18. Enfin libre! Nancy Hohman . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122
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19. De l’esclavage à la liberté Mary Allen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130 10. Religieuse, mais perdue Wilma Sullivan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153 11. La toute-suffisance de l’Ecriture Mary Ann Pakiz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159 12. Déçue par la religion Helene Hart . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169 13. Ce Dieu que je désirais connaître Sophia Tekien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174 14. De l’angoisse à la paix Jacqueline Kassar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189 15. Le triomphe de la Vérité Eileen M. Doran . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194 16. Conduite par le bon Berger Eileen Donnelly . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212 17. Je cherchais la paix Alicia Simpson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 224 18. Mon seul désir: connaître Christ Karlene Lynn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237 19. Mon retour à Christ Amy Bentley . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 241 20. Du désespoir à l’espérance Rocio P. Zwirner . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 251 21. Dieu comble le vide de mon cœur Lolly Harding . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 274 Postface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 282
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Préface
Il y a une quinzaine d’années, mon épouse et moi-même étions en contact avec des catholiques auxquels nous apportions les rudiments de l’Evangile dépouillé de toute surcharge traditionnelle. Parmi eux se trouvaient deux ou trois religieuses servant dans une maison de retraite, heureuses d’élargir leurs connaissances bibliques… Afin de m’informer sur la vie conventuelle, dont je n’avais que de vagues notions, je me suis procuré un outil apparemment adéquat: la Nouvelle Encyclopédie Catholique Théo1, revêtue du Nihil obstat2 et de l’imprimatur3. Parmi les nombreux récits de femmes qui ont voué leur vie aux ordres religieux, celui de Thérèse Martin a particulièrement retenu mon attention. Il offre l’exemple d’une saisissante, sombre et cruelle plongée dans le monde clos des carmélites. Cette femme a dépéri, est tombée malade, a agonisé et est morte de phtisie4 à l’âge de 24 ans, sans recevoir de soins médicaux, et «dans le vide spirituel et la tentation d’incroyance, unissant avec ferveur ses souffrances à celles du Christ en croix pour le salut des hommes».5 Canonisée en 1925, «Sainte Thérèse de 1 Edition Droguet-Ardent, Fayard, 1989, 1235 pages. 2 Signifie littéralement: «rien ne s’oppose»; évaluation morale ou dogmati-
que d’un ouvrage dont l’auteur est généralement un membre du clergé ou d’un ordre religieux. (N.d.E.) 3 Permission d’imprimer donnée par l’Eglise catholique. (N.d.E.) 4 Tuberculose. (N.d.E.) 5 Nouvelle Encyclopédie Catholique Théo, p. 118.
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Lisieux de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face» a été proclamée à la fois patronne des missions et patronne de France, comme Jeanne d’Arc.6 De plus, Lisieux est un des lieux de pèlerinage les plus populaires et fréquentés. Enfin, «Sainte Thérèse» est honorée, invoquée en qualité de corédemptrice et dispensatrice de grâces, et surtout présentée comme le modèle exemplaire auquel toute religieuse qui s’engage dans les ordres doit ardemment aspirer à ressembler. Cela fait école auprès des personnes ouvertes au mysticisme… Voici un exemple concret. Chaque semaine, ma femme et moi rendions visite à une dame très catholique qui, suite à une poliomyélite, était rivée dans son fauteuil roulant depuis sa jeunesse. Nous avons entrepris de lire et méditer avec elle l’Evangile de façon suivie, priant que le Seigneur se manifeste dans son cœur et dans tout son être. Cette dame souffrante, qui s’était rendue plusieurs fois en pèlerinage à Lourdes, ne croyait plus à la guérison divine pour elle. Des sœurs de «l’Ordre de la Sainte Agonie» venaient souvent la voir, lui témoignant beaucoup d’affection. Semaine après semaine, elles lui apportaient «le corps de Christ», c’est-à-dire l’eucharistie reçue des mains du prêtre. Ainsi, leur protégée invalide était poussée à offrir continuellement ses souffrances, comme le Christ, pour le salut des âmes. Cela la réconfortait et l’incitait à supporter l’épreuve avec persévérance «par amour pour Jésus». Aimant penser à de plus malheureux, elle recherchait la compagnie des chrétiens «religieux». Une sorte d’aveuglement l’a maintenue dans son état, l’empêchant de saisir personnellement, par la foi, la grâce et la plénitude de vie accordées par le Seigneur. A une autre occasion, nous avons pu parler avec une jeune femme qui était depuis peu sortie d’un couvent de 6 Ibid.
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bénédictines7. Elle n’avait pu y supporter les contraintes imposées par la règle, notamment les mortifications. Par exemple, on l’obligeait à se coucher sur un grand sac rempli de noix, qui lui meurtrissait le dos toute la nuit… La chrétienne qui l’avait accueillie s’efforçait de la conduire au Jésus de l’Evangile, et elle nous avait appelés à la rescousse. Mais pour l’heure, l’ex-bénédictine montrait plutôt de la révolte doublée de méfiance quant aux choses de Dieu! C’était donc, jusque-là, à peu près tout ce que je savais sur la vie des religieuses catholiques. Je suppose que la condition conventuelle a subi certains adoucissements depuis le Concile de Vatican II. Toutefois, cela ne change rien aux règles strictes de pauvreté, de chasteté et d’obéissance imposées aux femmes qui prononcent leurs vœux et qui se retrouvent, sans le savoir, captives consentantes d’un système religieux qui les isole, les conditionne et les empêche de nourrir leur foi et de la vivre librement. Or, les textes rassemblés par Richard Bennett et Mary Hertel dans le présent ouvrage apportent un éclairage riche, précieux et vivant sur le sujet. Un tel apport a retenu mon attention. Il s’agit du témoignage vécu de vingt et une femmes de nationalités et milieux divers qui, toutes, sont entrées au couvent, y ont vécu, puis en sont sorties après avoir reçu une révélation personnelle du Jésus de l’Evangile. L’une des missions du Sauveur, prophétisée par Esaïe 61:1 et annoncée par la bouche même du Maître dans la synagogue de Nazareth (Luc 4:19), proclamer aux captifs la délivrance, est devenue réalité, de différentes façons, pour ces recluses. Animées du profond désir de servir Dieu, elles en avaient été empêchées par tout un système de dérives doctrinales et de contraintes dictées par la hiérarchie catholique. 7 Religieuses appartenant à un ordre fondé au VI e siècle par Scolastique, sœur de Benoît de Nursie, fondateur de l’ordre bénédictin. Elles suivent la «Règle de St-Benoît» et leur devise est: «ora et labora» («prie et travaille»). (N.d.E.)
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Ce livre confirme que la Parole de Dieu «ne retourne pas à lui sans effet, sans avoir exécuté sa volonté et accompli ses desseins» (Esaïe 55:11). Puisse la lecture de ces expériences bénies amener celles qui se sentent concernées, qu’elles aient l’intention d’entrer au couvent ou qu’elles s’y trouvent, à prendre connaissance des textes bibliques qui ont conduit certaines religieuses à la pleine liberté des enfants de Dieu! C’est mon désir et ma prière. Cette publication tombe à pic. Car une séduction religieuse sans précédent bat actuellement son plein. La diplomatie vaticane, pour laquelle, dans la pratique, la «Tradition»8 prime sur l’Ecriture, œuvre activement à fédérer «les trois grands courants monothéistes» et à trouver un dénominateur commun avec toutes les autres croyances. Il en résulte une confusion croissante. La grande religion apostate mondialisée des temps de la fin paraît se dessiner. Témoins de Jésus-Christ, nous avons la responsabilité impérieuse de proclamer qu’il n’y a de salut en aucun autre, car il n’y a sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés (Actes 4:12). Par conséquent, et cela vaut particulièrement pour les religieuses, nous n’avons point reçu un esprit de servitude pour être encore dans la crainte; mais nous avons reçu un Esprit d’adoption, par lequel nous crions: Abba! Père! (Romains 8:15). Effectivement, le chemin de ces femmes visitées par Christ ne mène plus à Rome. Il est passionnant et stimulant pour la foi de découvrir au fil des pages comment cette glorieuse délivrance est intervenue pour elles. Henri Gras, Carmaux, novembre 2006 Enseignant de la Bible, auteur du livre Marie, servante du Seigneur, Editions La Maison de la Bible, 1987 8 Ensemble des dogmes qui ne sont pas contenus dans la révélation écrite
mais qui sont fondées sur l’enseignement constant et les institutions du système catholique romain. (N.d.E.)
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11 «Si le Fils vous affranchit, vous serez réellement libres» Mary Hertel
Mon enfance Le jour où j’ai prononcé mes vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance dans un ordre religieux diocésain, je ne faisais que suivre le chemin auquel mon enfance m’avait préparée. Je suis la troisième de quatre enfants; notre environnement familial était relativement stable, même si mon père était alcoolique. Ma mère était toujours en souci quant à notre situation financière et l’état de mon père, qui menait de front deux ou trois métiers. Notre vie quotidienne était ponctuée de nombreux rituels, comme la messe, la communion1, le chapelet2, les neuvaines3 et certaines dévotions particulières à Marie, au Sacré-Cœur4, 1 Pour le catholique, réception du sacrement de l’eucharistie sous la forme de l’hostie consacrée par le prêtre. (N.d.E.) 2 Collier de grains enfilés, que l’on fait glisser entre les doigts en récitant des prières. (N.d.E.) 3 Dans le catholicisme, prières ou actes de dévotion poursuivis pendant neuf jours, selon des règles précises, en vue d’obtenir une grâce particulière. (N.d.E.) 4 Représentation du «cœur de Jésus», auquel les catholiques rendent un culte d’adoration en sa qualité de symbole de l’amour divin. (N.d.E.)
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à l’Enfant Jésus de Prague5, à Saint-Joseph, à SaintAntoine et à Saint-Christophe, pour n’en citer que quelques-uns. Quand nous avions «l’honneur» d’accueillir chez nous la statue de Marie (elle passait de maison en maison dans notre paroisse), nous redoublions de ferveur en récitant chaque jour, à genoux, le chapelet et d’autres prières. Ma mère prenait très au sérieux les règlements de l’Eglise. Nous observions le jeûne pendant l’Avent et le Carême6 et ne mangions jamais de viande le vendredi. En période de jeûne, bacon et jus de viande étaient bannis de notre table. Dans le but d’abréger le temps de purgatoire7 des défunts, nous nous procurions des indulgences et donnions de l’argent pour faire dire des messes. L’atmosphère de notre foyer était pesante, c’est vrai, mais notre vie était régulière: pour nous, le mariage était un engagement à vie, nous étions assidus à l’église, et nous n’avions d’amis et de connaissances que dans le milieu catholique. Nous ne voyions que rarement les quelques parents éloignés qui ne respectaient pas ces schémas, ne parlions presque jamais d’eux et n’assistions pas à leurs cérémonies de mariage. La vie religieuse Avant d’avoir 20 ans, jamais je n’avais mis les pieds dans une église non catholique. Nous tenions en haute estime les religieuses et les prêtres, car ils passaient pour être plus 5 Statuette représentant l’enfant Jésus, conservée dans l’Eglise Notre Dame
de la Victoire à Prague et vénérée par de nombreux catholiques dans le monde. (N.d.E.) 6 Pour les catholiques, temps de pénitence qui dure quarante jours et se termine à Pâques. (N.d.E.) 7 Selon la doctrine catholique, lieu où les âmes des défunts sont purifiées par des souffrances temporaires afin de pouvoir être admises au ciel. (N.d.E.)
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saints et plus sages que les laïcs. Un de mes cousins, Vin, est entré chez les maristes8 à 15 ans: nous trouvions que c’était là une vocation supérieure au mariage, auquel nous étions pourtant fortement attachés. La sœur cadette de Vin est elle aussi entrée dans les ordres, et deux ans plus tard, j’ai pris la même décision, à la grande joie de ma famille. J’avais fait toute ma scolarité primaire et secondaire dans des établissements tenus par l’ordre diocésain des «Sœurs de Saint-Joseph». Là, je pourrais réaliser mon rêve: suivre une formation universitaire, puis entrer dans l’enseignement. Ma mère, surtout, soutenait ma décision de devenir religieuse. Il y allait de la fierté et de l’honneur de la famille. A l’époque où je suis entrée au couvent, la règle stipulait que plus jamais je ne retournerais chez mes parents. Pendant mon postulat, toutes les lettres que j’échangeais avec eux étaient lues. Les premières années de formation étaient soumises à des règles très strictes. A la fin de la première année, il y a eu une cérémonie de «mariage». Ensuite, j’ai dû me faire couper les cheveux, puis revêtir l’habit particulièrement strict de mon ordre. Désormais, j’étais novice, et je m’appelais Sœur Mary Dolora. Pendant un an, j’ai interrompu mes études universitaires pour suivre une formation religieuse poussée. Au cours de cette année-là, j’ai subi l’endoctrinement qui façonne «selon la règle» les pensées, les paroles et les actions d’une religieuse professe9. J’ai appris à garder le silence, à ne parler qu’à certaines personnes et à certains moments. Quand on m’a refusé la permission d’assister au mariage de ma sœur Carole, j’ai cependant commencé à me demander pourquoi on imposait de telles restrictions. Lorsque nous avions enfreint un règlement, nous 8 Congrégation catholique vouée à Marie. (N.d.E.) 9 Profès, professe: religieux ou religieuse qui a prononcé ses vœux. (N.d.E.)
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étions obligées de nous agenouiller pour demander une pénitence. Cette pratique était censée nous apprendre l’obéissance. Une fois, j’ai vraiment eu à lutter quand on m’a imposé cet acte humiliant simplement parce que j’avais, durant mon service à l’infirmerie, adressé la parole à une religieuse âgée qui souffrait de la solitude. Vers la fin de ma troisième année, l’Eglise catholique a commencé à subir de grands changements, qui ont eu quelques retombées sur notre petit ordre diocésain. Un an plus tard, ma classe d’âge aurait normalement dû commencer à pratiquer l’auto-flagellation (afin de parvenir à une spiritualité plus haute, à ce qu’on disait), mais cette pratique a été abolie. Pendant la deuxième année de mon noviciat10, chose étonnante, on a demandé à ma promotion de concevoir un habit bien moins contraignant. Puis, toutes les supérieures se sont réunies afin de réexaminer les règlements. Peu après, on a levé l’interdiction que nous détestions, celle d’aller rendre visite à notre famille. Des changements arbitraires Tous ces changements m’incitaient à me poser des questions sur le caractère arbitraire de notre règle. Pourquoi abandonnait-on aujourd’hui des prescriptions qui passaient pour être absolument essentielles hier? A cause d’abus commis au cours de cette période de changements, certaines mesures disciplinaires ont dû être rétablies. Des sœurs plus âgées, en position d’autorité, se sont trouvées confrontées à de graves problèmes. Par exemple, durant ma première année d’enseignement en école 10 Temps de préparation et de mise à l’épreuve au bout duquel une religieuse ou un religieux novice (nouveau venu) est admis à prononcer des vœux (généralement les vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance à ses supérieurs). (N.d.T.)
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paroissiale, on a eu vent, dans notre maison mère, de «rencontres amicales» entre prêtres et religieuses qui dansaient et se livraient à des frivolités diverses. Notre couvent a eu droit à des remontrances et a été placé sous surveillance. D’autre part, on m’a retiré la permission de rendre visite, dans la paroisse, à une famille que j’aimais beaucoup. Je ne comprenais pas, car la mère de famille était une ancienne voisine de mes parents, et son mari, George, atteint de sclérose en plaques, était entièrement paralysé. Je partageais bien des aspects de leur vie et de celle de leurs trois enfants; je les écoutais surtout, prenant part à leurs joies et à leurs peines. Cette famille rendait un témoignage d’amour impressionnant. L’interdiction d’aller les voir n’avait donc aucun sens. Puis, un de mes élèves du cours moyen, Jeff, s’est gravement blessé à la tête et a dû faire un long séjour à l’hôpital: pour que je puisse aller lui donner des leçons, sa mère a dû supplier mes supérieures de m’en accorder la permission. Jamais nous n’avons su pourquoi la règle changeait aussi arbitrairement; on avait simplement peur de nous voir commettre des infractions graves. Par la grâce de Dieu, ces épisodes concernant George et Jeff m’ont éclairée et m’ont permis d’avancer spirituellement. Censés conduire à la sainteté par une action sur notre comportement extérieur, ces règlements s’avéraient bien insuffisants face aux véritables problèmes de la vie. Période de congé En 1969, vers la fin de ma première année d’enseignement en école paroissiale, j’ai sérieusement envisagé de demander un congé et d’interrompre momentanément mon existence de religieuse. Autrefois, quitter le couvent après avoir prononcé ses vœux aurait été synonyme 15
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d’échec ou de disgrâce, mais maintenant, il ne nous était pas interdit de nous éloigner pendant un an pour considérer notre vocation. D’autres avaient la même idée, mais j’ai été la première de ma classe d’âge à demander un entretien à ce sujet avec la mère supérieure. Ma famille a été déçue, je le sais; mais son approbation n’était pas ma préoccupation première. J’avais décidé de quitter un temps le milieu clos du couvent afin d’aller dans un lieu favorable à la réflexion personnelle. C’était en juin 1969. Je possédais en tout et pour tout les vêtements que j’avais sur le dos et quelques maigres économies épargnées grâce à des «petits boulots» durant mes années de lycée. Mes parents avaient conservé cette somme pour moi. Après avoir passé quinze jours dans ma famille, j’ai commencé, en même temps qu’une autre sœur de mon couvent, à suivre des cours à l’Université d’Etat de l’Ohio. Ensuite, j’ai obtenu un poste dans l’enseignement à Chicago. Je logeais dans un grand foyer du centre-ville avec Margaret Ellen Traxler11, une religieuse qui militait dans le mouvement des droits civiques pour l’égalité raciale. Je partageais une chambre avec une sœur de mon ordre. Nous cohabitions avec d’autres religieuses qui œuvraient avec Margaret Ellen. Sortant de ce milieu si protégé qu’est le couvent, durant l’été 1969 et l’année d’après, j’ai suivi de près tous les événements de la fin des années 60: les manifestations contre la guerre du Vietnam, les tensions raciales, l’alcool, la drogue, la sexualité débridée, les horaires extravagants, les discussions sur les philosophies mystiques orientales, tout cela au sein d’une gigantesque ville en ébullition. J’ai été protégée, spirituellement et physique11 (1925-2002). Religieuse catholique dans un ordre enseignant; féministe et militante pour les droits de l’homme. Ses positions en faveur de l’avortement lui ont valu d’être sanctionnée par les autorités catholiques. (N.d.E.)
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ment, par les principes reçus de ma famille et surtout par la grâce de Dieu; mais je n’ai pris conscience de cela que bien plus tard. Beaucoup d’autres jeunes femmes venaient de milieux comparables au mien, mais elles ont choisi un mode de vie totalement destructeur. Sept mois plus tard, j’ai emménagé dans un appartement près de l’Université de Chicago. Au «Centre Newman», j’ai fait connaissance avec de nombreux prêtres et religieuses. Beaucoup quittaient leur ordre; d’autres y restaient, mais en s’attachant à des définitions fort diverses de «la vérité». On célébrait la messe sur de petites tables de salon, et là, on communiait. «L’évangile social» était dans le vent, et nous vivions sous la bannière de «l’égalité raciale». Personne ne savait ce qu’il croyait réellement, ni où il allait. L’essentiel était de «se dévouer à une cause». Les principes moraux étaient «jetés aux orties». Pendant toute cette période, je savais bien que je ne reviendrais jamais au couvent. J’ai donc définitivement renoncé à mes vœux et à mon ordre religieux. Le mariage Quand je repense à tout ce que j’ai traversé au cours de ces années à Chicago, je m’émerveille de la protection que m’a accordée le Seigneur. Il a pris soin de moi alors que j’habitais Hyde Park, un quartier où se mêlaient toutes les ethnies, et qui se trouvait au plus fort des tensions raciales. Il m’a gardée des «surprises-parties» à l’Université de Chicago, d’un raz-de-marée de débauche, de la drogue et de «philosophies» étranges prônées par des drogués et des gens séduits. Un peu partout, c’était le dérèglement. Dans cet environnement-là, j’ai quand même côtoyé quelques hommes relativement solides, puis j’ai rencontré mon futur mari, Bernie, un ancien séminariste. 17
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C’était au début des années 70, et j’avais 25 ans. A cause de nos antécédents, nous avions beaucoup en commun. Nous nous sommes fréquentés pendant quelques semaines seulement avant d’envisager de nous marier. Cependant, nous avons pris un an pour faire la connaissance de nos familles respectives dans l’Ohio et le Wisconsin, et nous avons préparé notre mariage avec soin. Pour la cérémonie, nous n’avons pas choisi ma paroisse familiale, mais celle où j’avais enseigné pendant un an, alors que j’étais encore au couvent. La supérieure de mon ancienne école était présente, ainsi que la veuve de George et certaines collègues d’autres établissements où j’avais exercé. Bernie et moi avions tous deux une haute idée de la famille. Nous avons donc décidé de nous installer au Michigan, à une journée de route de chez nos parents respectifs. C’est là que nous avons fondé notre foyer et participé, pendant cinq ans et demi, aux activités de la paroisse St. Peter. Nous étions très zélés. Un temps d’épreuve Nos filles avaient respectivement 2 ans et 4 mois lorsqu’on a diagnostiqué chez ma mère une tumeur inopérable au cerveau. Je devais donc faire de fréquents allers et retours entre le Michigan et l’Ohio, ce qui représentait un gros effort d’organisation et une double charge pour mon mari. Moins de six mois après le diagnostic, ma mère est décédée. Un an plus tard, j’étais enceinte de notre troisième enfant, quand ma sœur a téléphoné pour m’annoncer qu’elle avait retrouvé notre père sans vie dans son lit: il devait déjeuner chez elle ce jour-là, mais n’était pas venu. Tout au long de cette période éprouvante, Bernie a été mon soutien, par la grâce de Dieu. Six mois après la mort de mon père, nous avons déménagé dans la région de Milwaukee. Cette même année, la mère de Bernie a dû subir une opération à cœur 18
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ouvert. Pendant l’intervention, elle a eu un accident vasculaire cérébral qui a entraîné une paralysie partielle. C’est peu après que notre troisième fille est venue au monde. A deux reprises, Bernie a dû changer d’emploi dans des circonstances difficiles. Nous avions l’impression de vivre un bouleversement permanent. Pour ma part, j’ai occupé plusieurs emplois à temps partiel, dont le poste de directrice des écoles dans une grande paroisse de notre banlieue. On m’a alors initiée à ce qu’on appelle «la clarification des valeurs», values clarification en anglais. Cette technique pédagogique vise à amener un groupe à accepter l’idée que les diverses opinions se valent, et qu’il n’existe pas d’absolus, en particulier sur le plan moral. Cette façon de voir les choses était une rupture avec la morale stricte et la doctrine catholique qui m’avaient été inculquées: nous recourions donc moins souvent au sacrement de confession. Une confusion croissante s’est installée en moi, due à ces conceptions et à l’enseignement de plus en plus libéral dispensé par des hommes comme Daniel Maguire12, de l’Université Marquette, et l’Archevêque Rembert Weakland13. Parfois, je critiquais ces nouvelles tendances; en d’autres circonstances, j’y voyais un progrès. Les adopter donnait l’impression d’être «dans le coup». Nous avons fait baptiser nos trois filles. Elles ont fait leur première communion et ont été initiées au «sacrement de réconciliation» (remplaçant celui de «la confession», tombée en désuétude dans notre paroisse). Pendant les onze années où nous avons été membres de cette paroisse, j’ai enseigné et rédigé des manuels de catéchisme catholique. 12 Professeur de théologie morale, célèbre pour ses positions relativistes et libérales: milite pour l’avortement, l’euthanasie et la stérilisation des êtres humains pour motif d’eugénisme. (N.d.E.) 13 Archevêque de Milwaukee, depuis longtemps connu pour ses vues théologiques extrêmement libérales. Ayant été impliqué dans des scandales, il s’est retiré de la scène publique. (N.d.E.)
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Déracinement Au cours des trois derniers semestres que nous avons passés là, Bernie et moi avons assuré ensemble, chez nous, des cours de préparation à la confirmation pour collégiens. Paradoxalement, c’est par l’intermédiaire de ces cours et de leur responsable que Dieu a commencé à ébranler nos racines catholiques profondes. Un jour, le responsable nous a remis, à nous et à chacun de nos élèves, une Bible catholique. Ce faisant, il ne se doutait pas qu’il nous offrait bien plus qu’un outil pédagogique: ce livre allait être l’instrument de notre libération. Dès lors, nous avons commencé à étudier la Parole de Dieu. Le manuel qui l’accompagnait n’enseignait pas la doctrine catholique, mais «l’évangile social», un système de «bonnes œuvres» censées constituer un processus de sanctification pour «chrétiens». Les homélies14 relevaient de la même tendance. Nos discussions avec le prêtre de la paroisse à ce sujet ne menaient à rien. Par ailleurs, durant les cours, les élèves soulevaient de graves questions morales, mais nous n’avions aucun fondement spirituel solide à leur proposer, susceptible de les aider à prendre des décisions. Alors, une fois de plus, Dieu, dans sa grâce, nous a conduits vers sa Parole. Etant de moins en moins à l’aise avec ce programme d’enseignement qui me semblait catastrophique, j’ai souhaité revenir à une position plus conservatrice. Nous tenions à transmettre à nos élèves, comme à nos filles, une haute idée de la famille et de solides valeurs morales, mais notre paroisse ne nous soutenait plus. Notre aînée, Laura, suivait des cours de confirmation avec un autre couple. Elle aussi était troublée par cet enseignement et par le comportement de ses camarades, 14 Prédications du prêtre au cours de la messe. (N.d.E.)
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qui rejetaient toute morale traditionnelle. En même temps, les écoles publiques que fréquentaient nos trois filles dispensaient des cours d’éducation sexuelle de façon très libérale. Mon souci à ce sujet m’a amenée à rencontrer plusieurs nouveaux amis aux convictions fermes, qui savaient ce qu’ils voulaient pour leurs enfants. Ces personnes ne désiraient aucunement renoncer à leurs convictions pour «être de leur temps». Avec ce groupe, nous avons lutté énergiquement en faveur de nos enfants, et finalement, cela nous a donné l’occasion d’étudier l’Ecriture de plus en plus sérieusement. Convaincus par la Vérité Bernie et moi avons été invités à participer à des études bibliques et à des groupes de prière. C’est ainsi que nous avons pris conscience de l’autorité de la Parole de Dieu. Mon mari a proposé à notre groupe de confirmation des cours fondés sur la Bible et le Credo de Nicée15, et le responsable a donné son accord. Abandonnant le programme officiel, basé uniquement sur des concepts flous et des discussions vaines, nous avons préparé une série d’études bibliques faisant ressortir les principes immuables de Dieu. Parfois, certaines questions nous dépassaient, et nous faisions appel à nos nouveaux amis chrétiens. L’un d’eux est venu parler de l’autorité de la Parole de Dieu, et un autre a mis les jeunes en garde contre l’occultisme et le satanisme. Ils n’étaient ni prêtres ni religieux; c’étaient des «laïcs» qui connaissaient l’Ecriture et y conformaient leur vie. Je ne saurais dire quel jour exactement j’ai reconnu et reçu Jésus-Christ comme mon Sauveur, mais en 1989, la 15 Confession de foi établie au Concile de Nicée, en 325. Le principal souci
des évêques d’alors était d’affirmer la divinité de Jésus-Christ face aux ariens, qui ne lui reconnaissaient qu’une nature humaine. (N.d.E.)
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vérité de sa Parole avait déjà pénétré en profondeur dans ma vie. Au mois de juin de cette année-là, j’ai suivi les sages conseils de celui qui devait devenir plus tard le pasteur de notre première assemblée: «Femmes, que chacune soit de même soumise à son mari, afin que, si quelquesuns n’obéissent point à la parole, ils soient gagnés sans parole par la conduite de leur femme» (1 Pierre 3:1). J’ai demandé à Bernie la permission d’aller au culte dans une église fidèle à la Bible, et il a dit oui! A ce moment-là, nos filles avaient 15, 13 et 11 ans. Je savais que ma décision soulèverait des questions, et je m’inquiétais des répercussions possibles sur l’unité de notre famille. Pendant presque tout l’été, nous avons fréquenté en même temps une Eglise catholique et une Eglise évangélique. A ma demande, Bernie m’a accompagnée dans cette dernière le jour de mon anniversaire. Le fait qu’il m’ait tout d’abord permis d’y aller, puis qu’il m’y ait accompagnée ensuite montre bien que Dieu était à l’œuvre; il intervenait concrètement dans notre existence. Au début de ce même été, un dimanche, je me suis soudain sentie incapable de communier pendant la messe catholique. J’ai eu vivement conscience qu’il ne pouvait pas s’agir du «vrai» corps et du sang de Jésus, comme l’enseigne l’Eglise romaine. C’était une conviction aussi bouleversante que profonde, une question de foi. J’aurais été hypocrite en m’avançant pour participer. J’ai compris que «manger le corps et boire le sang» était, au sens biblique, tout autre chose: c’était s’approprier par la foi le bienfait de sa mort à la croix pour nous. Comment pouvais-je donc croire qu’il était présent en moi au moment de la communion et non le reste du temps? Comment accepter quelque chose d’aussi magique, d’aussi mystérieux? On disait que les paroles du prêtre avaient la puissance de transformer le pain et le vin en corps et en sang du Christ, mais cela revenait à nier l’ef22
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ficacité de l’œuvre de la croix. Or Jésus a dit: «Tout est accompli» (Jean 19:30). C’est donc en mémoire de ce qu’il a accompli que nous participons au pain et au vin, puisqu’il nous a commandé: «Faites ceci en mémoire de moi» (Luc 22:19). Je n’arrivais plus à prononcer les prières de la messe. A quoi bon continuer d’offrir un sacrifice? Il est écrit, dans l’épître aux Hébreux: «Il [Jésus] peut sauver parfaitement ceux qui s’approchent de Dieu par lui, étant toujours vivant pour intercéder en leur faveur… [Il] n’a pas besoin… d’offrir chaque jour des sacrifices… car ceci il l’a fait une fois pour toutes en s’offrant lui-même» (7:25-27). La messe, qu’on appelait «un sacrifice non sanglant»16, contredisait l’enseignement de l’Ecriture, puisque «sans effusion de sang il n’y a pas de pardon» (Hébreux 9:22). Jésus a «offert un seul sacrifice pour les péchés… Car, par une seule offrande, il a amené à la perfection pour toujours ceux qui sont sanctifiés» (Hébreux 10:12, 14). Le voile qui fermait l’accès au lieu très saint a été déchiré de haut en bas, et dès lors, l’homme a pu s’approcher du trône de Dieu. Cette révélation au sujet de la communion a suscité dans notre famille plus d’un échange animé. Ce genre de conversation était tout à fait nouveau pour nous; incontestablement, la puissance de la Parole de Dieu accomplissait une révolution spirituelle dans nos vies, en nous éclairant sur la Personne et la puissance du Seigneur Jésus. En août, nous avons cessé d’aller à la messe, considérant qu’elle niait la pleine suffisance de l’œuvre parfaite accomplie par Christ à la croix. Nous avons renoncé aux liturgies, aux rituels et à la communion hebdomadaire, et avons cessé d’entretenir nos contacts habituels. Ni nos familles respectives, ni nos amis catholiques ne compre16 Selon la doctrine catholique, le Christ est «immolé de manière non sanglante» sur l’autel, au cours de la messe (cf. Catéchisme, §1367). (N.d.T.)
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naient ce qui se passait; nous agissions pourtant avec une pleine conviction. A notre grand étonnement, lorsque nous avons parlé au responsable de l’enseignement religieux de notre ancienne paroisse, il nous a demandé de continuer une année supplémentaire, car, disait-il, «les bons enseignants ne courent pas les rues», et le groupe souhaitait encore travailler avec nous. A Noël, nous avons écrit à notre famille et à nos amis pour les mettre au courant de notre conversion. Bouleversés, ils ont réagi avec colère et ont pris leurs distances, ce qui nous a peinés. En Matthieu 19:29, il est écrit: «Quiconque aura quitté, à cause de mon nom, ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses enfants, ou ses terres, ou ses maisons, recevra le centuple, et héritera la vie éternelle.» Que de fois j’avais entendu citer ce verset à propos de la vie conventuelle; mais maintenant, il prenait tout son sens! Me sentant encore incapable d’expliquer clairement le chemin du salut, j’ai invité une chrétienne à venir chez nous pour en parler à nos filles. C’était la première occasion pour Allison, notre cadette, d’entendre l’Evangile. Laura, notre aînée, m’a montré une page de son journal sur laquelle elle avait noté le jour où elle avait reçu Christ comme son Sauveur. Cela remontait à plus d’un an auparavant. Dans son collège, elle avait un cercle d’amies chrétiennes, avec lesquelles elle étudiait régulièrement la Bible. Par la suite, notre deuxième fille, Sarah, nous a dit qu’elle avait entendu l’Evangile dans un camp de vacances, deux ans plus tôt. Elle avait cru à l’œuvre de Jésus en sa faveur, mais sa vie n’avait guère changé, car une fois le camp terminé, elle n’avait pas été enseignée dans la Parole de Dieu. Sauvés par grâce L’intervention divine qui nous a conduits tous les cinq à quitter le catholicisme est parfaitement miraculeuse. Et 24
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notre conversion à Jésus-Christ l’est tout autant. Après avoir passé plus de quarante ans dans l’Eglise catholique, pratiqué assidûment tous ses rituels et reçu une formation religieuse très approfondie, je n’étais pas parvenue à la connaissance de l’Evangile. J’étais une pécheresse, irrémédiablement perdue, et je ne connaissais pas le remède parfait offert par Dieu: «Christ est mort pour nos péchés, selon les Ecritures; il a été enseveli, et il est ressuscité le troisième jour, selon les Ecritures» (1 Corinthiens 15:3-4). Voilà le moyen par lequel Dieu m’a sauvée; il n’y en a pas d’autre. On ne peut absolument rien ajouter à l’œuvre de Jésus, ni la reproduire. Le pardon et la grâce ne s’obtiennent que par la foi en cette œuvre. Dieu a agi dans nos cœurs: il nous a attirés à lui par sa Parole, la Bible, et non par des traditions et des lois religieuses. Un pas d’obéissance Notre cheminement spirituel, en tant que famille, nous a conduits à demander le baptême par immersion, en mai 1993. Sachant que, contrairement à ce qu’enseigne le catholicisme, le baptême par lui-même n’ôte pas les péchés et ne sert pas à établir une relation avec Dieu, nous pensions, à un moment donné, qu’il n’était pas nécessaire de le demander. La première Eglise évangélique que nous avons fréquentée baptisait les petits enfants dans le contexte d’une «alliance familiale», mais nous avons remis en question cette pratique qui n’est pas fondée sur l’Ecriture. En 1993, nous avons fait la connaissance d’un pasteur de Caroline du Nord. Cet homme nous a montré, par la Bible, que le baptême est une question d’obéissance et un témoignage à rendre devant les hommes. Une fois de plus, le Seigneur nous formait indépendamment de notre Eglise locale; il nous montrait l’autorité de sa Parole. Nous 25
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devions «examiner chaque jour les Ecritures» (Actes 17:11). Lorsque nous avons expliqué à nos filles ce que nous venions d’apprendre, nous avons découvert que notre aînée, Laura, étudiante à l’Université de Pennsylvanie, désirait le baptême et priait à ce sujet depuis un voyage missionnaire qu’elle avait fait l’été précédent. Après avoir prié et étudié l’Ecriture, nos deux autres filles, Sarah et Allison, ont elles aussi demandé le baptême. Nous nous sommes donc préparés en famille et avons écrit nos témoignages respectifs. Tous, nous avions compris qu’il était capital de témoigner publiquement de notre conversion et de l’appel que Dieu nous avait adressé. Nouvelle vie Notre cheminement n’est pas terminé; il se poursuivra jusqu’au jour où le Seigneur viendra nous chercher. Je suis reconnaissante quand je vois combien Dieu agit dans ma vie et dans celle de ma famille. Il nous aide à persévérer dans la prière, dans l’étude de sa Parole et dans la communion fraternelle, et nous donne le désir de lui obéir au quotidien. La question de notre salut éternel est réglée, et notre certitude à ce sujet nous remplit de paix, d’espérance et de joie. Avec le temps, la rupture et le rejet que nous avons connus en quittant l’Eglise catholique sont devenus moins douloureux, mais ils n’ont pas entièrement disparu. Car les membres de notre famille proche comme ceux de notre parenté éloignée sont tous encore catholiques. Connaissant la vérité, nous désirons de tout cœur le salut de ces bien-aimés. Malheureusement, dans nos échanges avec eux, il est rare que nous puissions aborder la question de l’éternité. Après avoir quitté la première Eglise évangélique que nous avons fréquentée, nous avons vécu à nouveau une sorte de traversée du désert. Certaines relations nous ont 26
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déçus. Nous étions peinés par les désaccords qu’il pouvait y avoir sur des interprétations de la Bible et la manière de la mettre en pratique. Cependant, le Seigneur nous a toujours gardés dans sa paix. Il nous a permis de trouver des réponses à nos questions. Nous avons compris que pour être membre de la véritable Eglise, il fallait être «né de nouveau», selon l’enseignement de Jésus en Jean 3:3. Plus tard, à son heure, Dieu nous a conduits dans une Eglise locale où nous pouvions être formés à son service, et où le pasteur annonçait toute la Parole. Ainsi, le Seigneur a toujours placé sur notre chemin des personnes fidèles et des pasteurs capables de nous encourager et de nous soutenir. Et quand il les a écartés, Christ a toujours été pleinement suffisant. A présent, nous nous appliquons à discerner entre l’Ecriture et les traditions humaines. Nous reconnaissons que les principes divins ne changent pas au fil du temps, et que la vérité de Dieu est absolument digne de confiance. Certes, l’époque qui est la nôtre nous met parfois sévèrement à l’épreuve, mais conduits par la Parole, nous demeurons fermes et pleins d’espérance. JésusChrist est la Parole vivante de Dieu, et cette Parole est la vérité. Lorsque je ne connais pas la victoire, dans ma vie chrétienne, c’est que je n’ai pas su puiser dans les ressources infinies qui sont à ma disposition en Christ. Tout chrétien, quel qu’il soit, témoigne de l’œuvre parfaite que Christ a accomplie par sa mort et sa résurrection. Accepter cette œuvre par la foi est la seule condition nécessaire au salut. Cependant, l’histoire de chacun est unique, tout comme chaque individu est unique, car Dieu va chercher chacun là où il se trouve. Je suis reconnaissante d’avoir eu des parents qui m’ont donné la vie physique, un foyer, et transmis de solides valeurs morales. Mais Dieu seul, dans sa sagesse infinie, «fait que toutes choses concourent au bien de ceux qui l’aiment, de ceux qui sont appelés selon son dessein» (Romains 8:28). 27
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Son dessein est de choisir, d’appeler, de justifier et de sanctifier, afin que nous soyons «semblables à l’image de son Fils» (Romains 8:29). Je suis émerveillée devant les voies du Seigneur: il m’a transformée après quarante-quatre ans de catholicisme et m’a affranchie de l’esclavage d’un système religieux pétri de traditions humaines, pour me faire entrer dans la liberté d’une relation avec Christ. Que dire, sinon que sa grâce est extraordinaire! C’est par elle qu’il m’a sauvée, par le moyen de la foi. Cela ne vient pas de moi, mais c’est le don de Dieu, afin que personne ne se glorifie. Car je suis son ouvrage, ayant été créée en Jésus-Christ pour de bonnes œuvres, que Dieu a préparées d’avance, afin que je les pratique (cf. Ephésiens 2:8-10). Aujourd’hui A présent, lorsque je considère notre vie avec le Seigneur, je vois deux choses essentielles: la fidélité de Dieu, et notre besoin de rester vigilants, afin de ne pas nous écarter de sa Parole. Certes, dès l’instant où nous mettons notre foi en Jésus, nous sommes délivrés de la punition du péché. Le Père nous accepte en Christ et nous revêt de sa justice parfaite. Cependant, nous devons veiller chaque jour à marcher par l’Esprit, afin de ne pas accomplir les désirs de la chair (cf. Galates 5:16). Quand vient la tentation, l’épreuve, le test, le Saint-Esprit rappelle à notre cœur des passages de l’Ecriture. Ainsi, en toute circonstance, la grâce pourvoit à nos besoins. Par la puissance de l’Esprit, elle nous permet d’accomplir la volonté de Dieu et de croître dans la sainteté. Toujours, sa grâce suffit; et le Seigneur produit en nous ce dont nous sommes incapables nous-mêmes. La Parole de Dieu étant au centre de nos vies, notre famille est unie, et cette unité grandit à mesure que les 28
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pressions extérieures augmentent. Nos filles, âgées maintenant de 24, 22 et 19 ans, connaissent la stabilité grâce à la vérité immuable de Dieu, dans une société dénuée de tout repère, dominée par la futilité et l’égocentrisme. Mon mari, qui est le chef spirituel de notre famille, s’appuie sur l’Ecriture pour guider notre foyer avec sagesse. Chaque semaine, il dirige une réunion biblique pour hommes, et chaque mois, il organise, avec des pasteurs, un week-end d’étude de la Bible ouvert à tous. Nos décisions quotidiennes, nous les prenons à la lumière de notre compréhension de la volonté de Dieu. Plus nous étudions sa Parole, plus cette compréhension grandit. Nous sommes convaincus que notre vocation, en tant que chrétiens, est de faire toutes choses pour sa gloire. Personnellement, j’apprends à devenir ce qu’une femme doit être dans sa maison, et à seconder mon mari en pratiquant l’hospitalité, en recherchant la communion fraternelle avec d’autres chrétiens, et en saisissant les occasions de parler du Seigneur à ceux qui ne le connaissent pas. Nos enfants n’ont maintenant plus autant besoin de moi qu’avant, mais j’ai à cœur de rester fidèle à ce rôle si noble que Dieu a désiré pour la femme: prendre soin de son foyer. Avec le temps, je connais davantage la Parole, et cela me permet parfois d’aider les autres à la découvrir et à la mettre en pratique. Dernièrement, j’ai aussi été impliquée dans le ministère de Berean Beacon17 en faveur des catholiques. Ces activités sont pour moi de grandes bénédictions. Je suis convaincue que la vie d’un chrétien soumis à la volonté de Dieu est «naturellement» équilibrée. Elle reflète la joie et la paix, et porte du fruit. 17 Association fondée par Richard Bennett (cf. Leur chemin ne mène plus à
Rome – 1, chapitre 1) pour la propagation de l’Evangile. Son site: www.bereanbeacon.org/languages/francais.htm
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Connaître la volonté de Dieu pour y conformer sa vie implique de se laisser interpeller quotidiennement. Si, jour après jour, nous lui faisons confiance, nous lui resterons fidèles. «Confie-toi en l’Eternel de tout ton cœur, et ne t’appuie pas sur ta sagesse; reconnais-le dans toutes tes voies, et il aplanira tes sentiers», est-il écrit en Proverbes 3:5-6. C’est vrai, notre famille a grandi dans le Seigneur, mais nous avons aussi connu des échecs. Plus d’une fois, nous avons fait fausse route et commis des erreurs. Mais Dieu est fidèle: si nous confessons nos fautes, il nous restaure aussitôt dans la joie de la communion avec lui, et nous pouvons repartir. Car «si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité» (1 Jean 1:9). Ma prière, c’est que les lecteurs de ce témoignage soient attirés vers Christ et puissent le connaître. Il est la Vérité, et cette Vérité nous libère pour nous faire connaître la vie abondante; non seulement sur la terre, mais durant l’éternité (cf. Jean 10:10). Mary Hertel Mary Hertel, coauteur de ce livre, est aujourd’hui active dans son Eglise locale, notamment dans le travail parmi les femmes. Elle est aussi parfois amenée à donner son témoignage et à aider d’autres anciennes religieuses à publier le leur. Bernie, son mari, dirige une entreprise, et Mary travaille pour lui comme secrétaire à temps partiel. Leurs trois filles, dont une est mariée, suivent le Seigneur. Son adresse: 18320 Tilton Lane, Brookfield, WI 53045, Etats-Unis Tél.: 001 262-784-5998, e-mail: mhertel1@wi.rr.com
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2 A la recherche de Dieu Agnès Beau
Enfance et jeunesse Originaire d’une famille nombreuse, j’ai passé une enfance heureuse, entourée de merveilleux parents, profondément pieux. Mon père, surtout, avait une foi sincère. Il est né en Russie à la fin du XIXe siècle. En 1917, lorsque la révolution bolchevique a éclaté, il a combattu pour défendre le Tsar et reçu une balle à la tempe gauche. C’est ainsi qu’à 20 ans, il est devenu aveugle instantanément, sans autres dégâts toutefois, puisque la balle s’est arrêtée juste à l’entrée de sa tempe. Dans sa famille, on avait lu des livres sur Lourdes, et mon père a décidé de s’y rendre pour demander sa guérison. Après avoir rassemblé toutes ses économies, il s’est procuré un billet de train pour effectuer ce grand voyage. A peine avait-il parcouru trente kilomètres qu’un homme l’a dévalisé, lui volant aussi son billet, mais lui laissant son passeport. Résolu à ne pas se laisser arrêter dans son projet, il est rentré chez lui pour raconter ce qui lui était arrivé. Puis, aidé de sa plus jeune sœur, il est allé demander un peu d’argent aux habitants des villages alentour pour pouvoir reprendre le train. C’est ainsi qu’il est arrivé à Lourdes après un voyage de deux mois, au cours duquel il a été souvent véhiculé, 31
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hébergé et soigné par des personnes rencontrées sur son parcours. Mon père n’a pas été guéri à Lourdes, mais il ne s’est pas découragé. Car il avait vu tant de fois la bonté de Dieu se manifester dans sa vie. Il s’adressait toujours au Seigneur et semblait le contempler avec les yeux de son âme. Dieu a honoré sa foi et placé sur sa route, dans cette cité idolâtre, un homme compatissant, haut placé, académicien, noble de cœur et de situation, qui s’est occupé de lui comme de son propre fils. Voilà pourquoi je parlerai souvent de Lourdes dans mon témoignage. Toute notre vie familiale était empreinte de ce respect pour Dieu. Nous «faisions la prière» avant et après les repas, ainsi que le soir, souvent à genoux, surtout mon père et ma mère. J’aimais cette ambiance pieuse. Lorsque, à l’âge de 8 ans, j’ai dû rester alitée un certain temps, j’ai trouvé un Nouveau Testament dans un tiroir de la chambre de mes parents, et j’ai lu la vie de Jésus avec intérêt et ravissement. J’avais, certes, déjà entendu parler de la vie du Seigneur, mais c’était autre chose d’en lire moi-même le récit. Cette lecture faisait toute ma joie; je n’étais plus triste de devoir garder le lit. Dans ma petite tête d’enfant, je me demandais comment je pourrais faire pour être toujours avec Jésus. A ce moment-là, j’ai donc décidé que je serais religieuse, comme ma tante. Ce désir et cet idéal m’ont gardée pendant toute ma jeunesse. Je n’ai pas pleuré comme mes sœurs à cause des garçons, que je trouvais d’ailleurs vraiment stupides. Ma décision m’a valu beaucoup de moqueries, mais je les ai acceptées en attendant patiemment le moment où j’allais pouvoir entrer dans un couvent. Puis, mes 18 ans sont arrivés et avec eux, le temps que je m’étais fixé pour tout quitter. Alors, avec une grande joie, j’ai intégré un couvent de dominicaines1. 1 Ordre monastique fondé en 1215 par Dominique Guzman (1170-1221).
Les dominicains sont essentiellement des moines prédicateurs, mais cet ordre comporte aussi des communautés de femmes, cloîtrées ou non. (N.d.E.)
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Le couvent L’entretien qui a suivi mon entrée m’a laissée perplexe. Je venais pour être avec le Seigneur et on me disait que, pour être agréable à Dieu, il fallait d’abord que je m’occupe de ma vie personnelle, que je travaille à éliminer mes défauts et mes péchés. Bien sûr, j’ai accepté ce règlement, me disant que le Seigneur ne pouvait pas vivre avec quelqu’un de sale et de rebelle. J’ai donc mis tout mon cœur et toute mon énergie à faire ce qui m’était demandé par mes supérieures et à me fondre dans le moule imposé, espérant que j’excellerais sans tarder. Hélas, la sainteté ne venait pas sur commande, la joie naïve que j’avais en arrivant diminuait petit à petit, et la communion que je désirais tant avec Jésus n’était pas au rendez-vous… Je me sentais abandonnée de celui qui avait tellement rempli ma jeunesse. Mais, voulant le saisir, je m’accrochais tant bien que mal à la vie conventuelle. Après le noviciat, j’ai été envoyée à plusieurs endroits par la congrégation pour travailler dans le secrétariat. Ma vie était bien morne… mais je n’avais pas perdu de vue mon objectif. Quatorze années se sont ainsi écoulées dans la tristesse et, souvent, dans la révolte. Puis, un événement extraordinaire s’est produit: le pape Paul VI2 a demandé aux ordres religieux de revoir leur vie monastique à la lumière du Nouveau Testament. Nous devions lire et étudier personnellement les épîtres de Paul, puis en discuter en communauté. C’était du pur oxygène qui franchissait les portes de notre couvent! Lorsque je suis arrivée à l’épître aux Galates, j’ai compris que je vivais sous la loi, comme les Juifs, et que de cette manière, je n’aurais pas droit à la grâce. Cela m’a 2 1897-1978.
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