Titre original en allemand: Fünfzehn Minuten Todesgefahr Titel der im Brunnen Verlag Basel erschienenen deutschen Originalausgabe: «Fünfzehn Minuten Todesgefahr» © 2006, 2007 by Brunnen Verlag Basel
Les textes bibliques sont tirés de la version Segond 21
Traduction: Trudy Baudrier
© et édition: La Maison de la Bible, 2009 BP 151, Chemin de Praz-Roussy 4bis CH-1032 Romanel-sur-Lausanne E-mail: info@bible.ch Internet: www.maisonbible.net
ISBN 978-2-8260-3512-1 Imprimé en UE
Je dédie ce livre à Daniel Kyburz, un jeune homme qui m’a impressionnée par sa capacité de résistance et qui, dans l’adversité, n’a jamais cessé de croire en ses rêves.
Table des matières
Informations préliminaires . ....................................
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1ère partie Le prélude ..................................................................
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1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10.
Taxila, Pakistan, vendredi 9 août 2002 ............. Un rapatriement forcé ...................................... Amis de toujours . .............................................. Au camp de Balakot . ......................................... La douleur d’un père ......................................... Conseil de guerre ............................................... Un cours pas comme les autres . ...................... Saifi ..................................................................... Une bonne nouvelle .......................................... Commando-suicide ..........................................
13 23 31 41 47 53 59 65 67 71
2e partie La mission .................................................................
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11. 12. 13. 14.
Enfin de retour ................................................... 87 Prêts à passer à l’action ..................................... 93 Le calme avant la tempête ................................ 99 La terreur est en route ....................................... 105
15. 16. 17. 18. 19.
L’explosion ......................................................... Des questions essentielles ................................ Envahi par le doute ........................................... Le cheikh Rachid ............................................... L’étau se resserre . ..............................................
109 123 131 139 155
Informations préliminaires
3e partie 15 minutes ................................................................. 161 20. Le nouveau . ....................................................... 163 21. Un message de paix ........................................... 169 22. L’attaque ............................................................. 177 4e partie Un dénouement amer ............................................... 233 23. 24. 25. 26. 27. 28.
Fugitifs ................................................................ Conversation au clair de lune . ......................... Acculés ............................................................... Des convictions ébranlées ................................ Pris au piège ....................................................... En route pour la Thaïlande ...............................
235 243 255 265 269 279
Epilogue . ................................................................... 291 Postface ..................................................................... 293
La documentation relative aux événements rapportés dans ce livre a été rassemblée au Pakistan par Damaris Kofmehl. Et si cet ouvrage a pu voir le jour, c’est aussi grâce à la collaboration active des acteurs principaux de cette aventure poignante. La part essentielle revient à Deborah et Paul-Gerhard, qui ne se sont pas seulement contentés de raconter les faits, mais qui ont aussi relu le manuscrit en effectuant des corrections et en précisant des détails.
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1ère partie
Le prĂŠlude
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Taxila, Pakistan, vendredi 9 août 2002
7 h 00 Ce vendredi-là, rien ne laisse présager qu’un danger menace l’hôpital. Toute la nuit, il est tombé des trombes d’eau, et les visages des médecins, des infirmières et des patients expriment le soulagement. La sécheresse dont ils ont souffert tout l’été s’achève enfin. Après les 46°C à l’ombre, associés aux 90% d’humidité de l’air, la chute des températ ures de 11°C est une bénédiction pour le corps comme pour l’esprit. De nombreux enfants, et même quelques hommes et femmes plus âgés, sont dehors, vêtus de légers vêtements en coton, et dansent entre les bâtiments de l’hôpital missionnaire de Taxila1, savourant le plaisir que procurent les gouttes de pluie tiède qui éclatent sur leur peau. Le docteur Joseph Lall, ophtalmologiste, qui réside avec sa famille à l’intérieur du vaste domaine de l’hôpital, se réjouit lui aussi de cette ondée bienfaisante. Plusieurs fois, pendant la nuit, il s’est réveillé pour écouter 1 Cité
antique, classée au patrimoine mondial de l’Unesco et située à quelques kilomètres à l’ouest d’Islamabad, l’actuelle capitale du Pakistan. (N.d.E.)
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15 minutes de terreur
avec satisfaction le bruit monotone des gouttes de pluie qui tambourinaient sur le toit, un bruit qu’il n’a plus entendu depuis des mois. Demain, il fera agréablement frais et nous aurons peu de patients, a-t-il songé avant de se rendormir. Le matin est arrivé et il pleut toujours. L’air est rafraîchi. Les palmiers et les buissons resplendissent de couleurs éclatantes, comme s’ils avaient été repeints au cours de la nuit. Quand Joseph quitte sa maison, quelques oiseaux voltigent au-dessus de sa tête. La journée promet d’être bonne. L’hôpital presbytérien, fondé par un couple d’Américains, fête son 80e anniversaire cette année. Avec le temps, il a acquis une excellente réputation au sein de la population musulmane. 115’000 patients y sont soignés tous les ans. Il est renommé surtout pour ses opérations des yeux, et des Pakistanais particulièrement pauvres entreprennent des voyages de plusieurs jours pour s’y faire examiner. Au cours d’une journée ordinaire, Joseph Lall et ses collègues auscultent plus de 300 patients et effectuent jusqu’à 140 opérations de la cataracte. Joseph aime son travail. C’est même pour lui une vocation. Comme tous les matins, il se rend d’abord dans la petite chapelle qui se situe sur la partie avant de la propriété, distante de quelques mètres seulement du portail d’entrée. Elle est ainsi facilement accessible de la rue pour les personnes venant de l’extérieur. Quelques infirmières se joignent au médecin et lui font poliment remarquer qu’il a oublié son parapluie. – Voulez-vous profiter du mien, docteur? lui demande Parveen, une jeune assistante qui, déjà, s’éloigne de quelques pas. – Non merci, fait Joseph. Je ne me lasse pas de cette ondée céleste. N’est-ce pas une magnifique matinée?
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Taxila, Pakistan, vendredi 9 août 2002
7 h 25 Quand ils arrivent au niveau de la grille en fer forgé qui sépare la chapelle du terrain de l’hôpital, la pluie redouble. Les infirmières se mettent à rire joyeusement. Elles courent d’un pas léger sur le sentier étroit qui mène à la chapelle. Là, à l’abri sous la protection de l’auvent, elles peuvent fermer leur parapluie. Depuis de nombreuses années, le personnel de l’hôpital missionnaire a pris l’habitude de se préparer à l’effervescence de la journée de travail par un moment de méditation et de partage. Tous ceux qui peuvent se libérer à cette heure matinale font leur possible pour y assister. Joseph occupe comme toujours sa place préférée sur l’un des derniers bancs à droite, là où, traditionnellement, les hommes s’asseyent, le côté gauche étant réservé aux femmes. Ce matin-là, comme tous les matins, le lieu est bondé, et à 7 h 30 précises, une centaine de médecins, d’infirmières et d’autres membres du personnel et leur famille entonnent un premier cantique. Ensuite, quelques prières sont prononcées et, comme on est vendredi, quelqu’un partage quelques pensées pour conclure la semaine. Ce moment dure habituellement 15 minutes, et 30 le vendredi en raison du petit message hebdomadaire. Mais, sans que l’on ne sache pourquoi, il est cette fois plus court qu’à l’accoutumée, et le chant final est spontanément raccourci de quelques strophes par celui qui dirige la réunion. Ainsi, la rencontre se termine plus tôt ce jour-là. Les femmes se lèvent les premières et, en deux rangs, s’avancent tranquillement vers la sortie. Comme l’allée centrale est assez étroite, les hommes doivent attendre que toutes ces dames soient sorties pour pouvoir se lever à leur tour. D’ordinaire, Joseph prend tout son temps, il est souvent l’un des derniers à arriver,
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comme à partir. Mais quelque chose en lui le pousse aujourd’hui à se hâter. Il emboîte donc directement le pas à la dernière rangée de femmes. Chacun discute agréablement tout en ouvrant son parapluie pour sortir sous l’averse. Le médecin jette un coup d’œil à la pendule accrochée au-dessus de la sortie.
7 h 48 C’est alors que la catastrophe se produit. Un éclair illumine la chapelle. Puis, une puissante explosion fait voler en éclats toutes les fenêtres et jette à terre les personnes présentes. Quand Joseph sent son visage heurter le sol en pierre, il entrevoit du coin de l’œil une lumière blanche qui se reflète au plafond. La foudre est tombée sur la chapelle! pense-t-il, et bien qu’il manque d’étouffer sous le poids des gens qui se sont effondrés sur lui, il songe avec soulagement: «Mon Dieu, je suis vivant!» Pendant un long moment, le silence règne… un silence accablant. Le seul bruit que Joseph perçoit est le battement de son propre cœur. Rien d’autre. Ce silence l’angoisse presque plus que la détonation assourdissante de l’explosion. Qu’est-ce que cela signifie? Que s’est-il passé? Maintenant, des cris se font entendre à l’extérieur. Le médecin est tombé entre les bancs. Quand il tente de se relever, il est piétiné par plusieurs personnes, car la foule paniquée cherche à revenir sur ses pas. Ce n’était pas la foudre, on nous attaque! est la pensée qui lui traverse l’esprit. Il n’a pas la moindre idée de ce qui va suivre. Combien d’agresseurs ont participé à l’attentat? Où se trouvent-ils maintenant? Va-t-on leur tirer dessus ou jeter des grenades à travers les vitres brisées? Ont-ils la moindre chance de sortir vivants de cet endroit?
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Taxila, Pakistan, vendredi 9 août 2002
Le médecin se relève en tremblant et jette un coup d’œil prudent par-dessus les bancs pour avoir un premier aperçu des dégâts. Il est bouleversé par le spectacle qui s’offre à ses yeux: le sol, couvert de débris de verre et de métal, est jonché de lambeaux de vêtements. Des hommes et des femmes gémissent et se lamentent en appuyant sur leurs blessures avec leurs mains pour empêcher le sang de couler. Tout n’est que peur et confusion. Le vitrail, au-dessus de l’autel, laisse apparaître un grand trou juste au niveau de la représentation de Jésus priant au jardin de Gethsémané. Le verre de l’horloge est cassé lui aussi et ses aiguilles figées indiquent l’heure de l’explosion: 7 h 48. Joseph s’efforce de garder la tête froide. Comme il n’entend aucun coup de feu, il se dit qu’il peut oser quitter l’abri relatif de son banc. Des cris et des pleurs désespérés retentissent encore dehors. Si les assaillants avaient voulu tirer sur leurs victimes, ils l’auraient fait depuis longtemps, estime-t-il en se frayant à la hâte un chemin vers la sortie. Là aussi, l’explosion a renversé tout le monde, et la place devant la petite église ressemble à un champ de bataille. Sur sa gauche, deux cratères mesurant 1 m de diamètre et 50 cm de profondeur ont été creusés. La pelouse est parsemée de corps ensanglantés, de parapluies déchiquetés, de vêtements déchirés, de chaussures, de coiffes blanches d’infirmières et de débris de grenades. Il pleut sans discontinuer, mais les flaques d’eau se sont transformées en flaques de sang. Oh mon Dieu! murmure Joseph pour lui-même. Oh mon Dieu! Son regard erre sur les nombreux blessés et il constate qu’ils se trouvent tous près de l’entrée de la chapelle, alors que le chemin qui mène à la grille est complètement dégagé. Visiblement, les agresseurs ont
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jeté les bombes dans la foule à partir de cet endroit et se sont probablement enfuis par le même chemin. Sans hésiter, Joseph court vers la grille où il rejoint un gardien et un agent de sécurité, tous deux complètement médusés. Quelques personnes pétrifiées regardent aussi vers le lieu du drame sans prendre aucune initiative. – Par où sont-ils partis?! crie le médecin en faisant de grands gestes avec ses bras. Vous devez les avoir vus! Pourquoi restez-vous plantés là?! Courez, ne les laissez pas s’échapper! Appelez la police, faites quelque chose, bon sang! Il faut plusieurs secondes au gardien pour qu’il réussisse à s’exprimer. – Il… il a appuyé son arme contre ma tête, bégaiet-il. Je… j’ai cru que j’allais mourir. – Combien étaient-ils? demande Joseph. – Ils étaient trois, explique le gardien. Ils ont prétendu vouloir rendre visite à des patients, c’est pourquoi je les ai laissés passer. Mais sans hésiter, ils ont pris aussitôt la direction de la chapelle. Je les ai rappelés. Alors l’un d’eux a sorti une arme et m’a obligé à entrer dans la guérite. C’est à ce moment-là que j’ai entendu la première explosion. – Tout a été si vite! ajoute l’agent de sécurité. J’étais un peu plus bas dans la rue, quand cela a eu lieu. Et quand je suis arrivé, c’était déjà trop tard. Deux d’entre eux avaient commencé à jeter des grenades à main. – Et puis? Avez-vous vu par où ils se sont enfuis? veut savoir Joseph. – Deux sont partis dans cette direction, raconte l’agent de sécurité avec un vague geste de la main. J’ai vu que quelqu’un les poursuivait, mais je ne crois pas qu’ils aient été rattrapés. – Et le troisième?
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– Je ne peux pas dire. Je n’en ai aucune idée. Quand la première grenade a explosé, tout a sauté en l’air et je l’ai perdu de vue. Et après, c’était l’enfer ici. Joseph hoche la tête. – Vous avez prévenu la police? – Ici, les communications vers l’extérieur sont coupées, l’informe le gardien. – Alors essayez à la cantine, ou n’importe où! Mais faites-les venir et dites-leur que nous avons été attaqués par des terroristes. Il fait un signe aux badauds: – Que tous ceux qui ont deux bras valides donnent un coup de main! On n’a pas besoin de spectateurs, on a besoin d’aide! Là-dessus, Joseph retourne en courant vers la chapelle d’où sortent quelques infirmières en boitant. Il leur crie d’aller chercher des brancards à l’hôpital. Elles acquiescent et partent aussitôt. Le médecin demande à tous ceux qui peuvent se tenir debout de s’occuper des autres blessés. De son côté, il tente de repérer ceux qui sont le plus gravement atteints et qui ont besoin de soins urgents. Une jeune fille a été projetée par le souffle de l’explosion contre une clôture grillagée. Une infirmière a une profonde blessure à la jambe et tente vainement de stopper l’hémorragie avec ses vêtements. La plupart des victimes marchent comme des somnambules sur la pelouse détrempée en protégeant leurs plaies. Quelques-unes sont tout simplement assises sous la pluie et sanglotent. D’autres gisent par terre, sans bouger, les membres disloqués. C’est une vision d’horreur et Joseph voudrait qu’il s’agisse d’un affreux cauchemar dont ils vont bientôt se réveiller. Mais ce n’est pas un cauchemar! Non, quelqu’un les a bien attaqués avec des explosifs, et le résultat est désastreux.
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8 h 03 – Hé Joseph, tu vas bien? demande Ernest, un de ses collègues médecins qui s’est approché de lui par derrière et qui lui met la main sur l’épaule. – J’en ai l’impression, murmure Joseph en se retournant. C’est un vrai miracle si je n’ai pas été blessé! – Pourtant, tu saignes. – Je saigne? Où ça? – A l’oreille, l’informe son collègue. Ça saigne même pas mal. Tu ne sens rien? Surpris, Joseph porte la main à son oreille et constate, en la retirant, qu’elle est pleine de sang. – Je n’ai rien remarqué, s’étonne-t-il. Le docteur Ernest lui tend un mouchoir pour qu’il le presse contre sa blessure. – Tu souffres? – Je m’occuperai de ça plus tard, fait Joseph. Nous avons de quoi faire! J’ai envoyé quelques infirmières aux urgences pour qu’elles nous rapportent des brancards. – C’est bien, acquiesce le docteur Ernest. Dans la chapelle, nous avons principalement des coupures dues aux morceaux de verre qui ont volé en tous sens. Mais d’après ce que j’ai pu en juger, aucun organe vital n’est atteint. – Dieu merci! Et ici, à l’extérieur? – Cela ne se présente pas bien, Joseph, répond le docteur Ernest en soupirant. Deux grenades ont explosé en plein milieu de la foule. Tu as dû voir les cratères. Quelques infirmières ont été atteintes dans le dos ou au thorax par les éclats. – Y a t-il eu… des morts? – On ne sait pas, dit le docteur Ernest en indiquant d’un geste la direction des cratères où quelques personnes sont rassemblées autour d’une silhouette étendue par terre. Parveen a été sérieusement touchée.
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– Parveen?! Alarmé, Joseph regarde dans la direction montrée, mais à part une grosse flaque de sang, il ne distingue rien. – Un bout de grenade a déchiqueté son ventre et est resté planté dans son abdomen. – Mon Dieu! – Ses chances de survie sont très réduites. Bouleversé, Joseph hoche la tête. – Elle m’a proposé ce matin de m’abriter sous son parapluie, balbutie-t-il. C’est l’une des personnes les plus aimables que je connaisse. – Je sais, confirme le docteur Ernest. Je suis vraiment navré. Ils restent un moment sans rien dire en observant toutes ces personnes qui s’aident mutuellement à se relever et qui prennent la direction de l’hôpital. Entretemps, les infirmières parties chercher des brancards sont de retour et, avec les médecins, tous ceux qui ne sont pas eux-mêmes trop gravement touchés y allongent les blessés sérieux pour les transporter jusqu’à l’hôpital. Le premier instant de panique a fait place à une coordination d’une incroyable efficacité. Chacun fait ce pourquoi il a été formé, calmement, avec professionnalisme, comme s’il avait fait cela un millier de fois auparavant. Vu de l’extérieur, on pourrait croire qu’il s’agit d’une équipe de secouristes arrivée par avion et entraînée depuis des années à gérer une telle situation d’urgence. Les sept médecins qui se trouvent sur les lieux se hâtent vers le bloc opératoire et se mettent immédiatement au travail. En un rien de temps, toutes les bandes, tous les linges et les draps sont imbibés de sang, et le bloc, d’habitude d’une propreté méticuleuse, ressemble à un abattoir.
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Toutes les salles sont transformées en services d’urgence. Dans les couloirs, des bénévoles poussent les blessés sur des brancards, laissant sur leur passage des traînées de boue et de sang. Des infirmières veillent en permanence à ce qu’il y ait suffisamment d’antalgiques et d’anesthésiants. Deux ouvriers transforment en un temps record quelques minibus, enlevant les sièges, afin de pouvoir transférer les grands blessés dans un établissement mieux équipé. Des centaines de prières montent vers le ciel. Entre-temps, les forces de l’ordre sont arrivées et barrent l’entrée de l’hôpital pour éloigner les nombreux curieux. Les lieux grouillent d’officiers de police, d’hommes politiques et d’autres représentants des autorités, venus de la capitale, éloignée d’une trentaine de kilomètres. Tous ceux qui ont une fonction officielle quelconque sont là, sans parler de la BBC, de CNN et d’autres équipes de télévision étrangères.
11 h 00 Quand enfin, trois heures plus tard, quelqu’un pousse Joseph Lall dans la salle d’opération pour qu’il se fasse recoudre sa blessure à l’oreille, il apprend que Parveen a succombé à ses blessures. Elle venait de fêter son 20e anniversaire. C’était une jeune fille pleine d’énergie. Et maintenant, elle est morte. Des larmes de colère jaillissent de ses yeux tant cette mort est cruelle et injuste. Qui peut faire une chose aussi affreuse? Et pour quelle raison? Ces questions martèlent son esprit sans relâche tandis qu’on enlève les éclats de verre de son oreille et qu’on lui fait des points de suture, sans anesthésie. Mais Joseph ne sent aucune douleur.
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Un rapatriement forcé Murree, un an plus tôt
Samedi 15 septembre 2001, 14 h 00 Deborah traîne sa deuxième valise vers le muret en pierre situé devant l’internat et la pose à côté des bagages des autres élèves. Elle rejette ses longs cheveux châtains en arrière et parcourt l’endroit du regard pour s’assurer que ses frères et sœurs sont toujours à proximité. Elle n’a pas envie d’aller les chercher un par un quand ses parents auront fini de boire leur thé. Le vol pour l’Allemagne est réservé et, dans quelques jours, ils seront de retour dans leur pays. Deborah a du mal à se faire à cette idée. Elle préférerait rester ici, dans cette école au Pakistan. C’est là qu’elle est «à la maison». Durant les deux années et demie qu’elle y a séjourné, elle s’est enracinée et s’est fait de nombreux amis. Cette école est devenue sa famille, et en être arrachée du jour au lendemain est insupportable pour cette jeune fille de 15 ans. «L’école sera fermée jusqu’à nouvel ordre, leur a-t-on annoncé la veille au soir. Demain, vos parents viendront vous chercher.» Bizarre! Si, en Allemagne, un directeur d’école déclarait que les cours sont suspendus et que l’école est fermée pour un temps indé-
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