Prendre la Bible au Mot? (MB3554)

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Paul Wells La Bible a traversé les siècles. Mais comment les chrétiens peuventils l’associer à une révélation de Dieu? S’attacher à elle comme à une parole faisant autorité, n’est-ce pas vivre dans le passé et risquer de verser dans un fondamentalisme de mauvais aloi? Y a-t-il des manières plus appropriées que d’autres de la lire et de la comprendre et, à l’inverse, des pièges à éviter? Sur ces questions et sur bien d’autres encore, Paul Wells propose des réflexions et réponses qui n’esquivent pas les difficultés, levant au passage un certain nombre de malentendus entretenus parmi les croyants tout comme parmi les non-croyants. Vous voulez faire le point sur un des piliers de la culture judéochrétienne et de la foi chrétienne? Cet ouvrage est pour vous! Professeur émérite de théologie systématique à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence, dont il a été le doyen jusqu’en 2012, Paul Wells est professeur associé de la North-West University en Afrique du Sud et titulaire d’un doctorat en théologie de l’Université libre d’Amsterdam. Editeur de la revue internationale «Unio cum Christo», il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont l’édition en français moderne et l’édition abrégée de «L’Institution de la religion chrétienne» de Jean Calvin.

Prendre la Bible au mot?

Paul Wells

27.50 CHF / 24.90 € ISBN 978-2-8260-3554-1

P a u l We l l s



Paul Wells

Prendre la Bible au mot?


Prendre la Bible au mot? Titre original en anglais: Taking the Bible at Its Word © Paul Wells 2013 Published in 2013 by Christian Focus Publications, Geanies House, Fearn, Ross-shire, IV20 1TW, Scotland Edition française publiée après arrangement avec Christian Focus Publications © et édition (française): La Maison de la Bible, 2015 Chemin de Praz-Roussy 4bis 1032 Romanel-sur-Lausanne, Suisse Tous droits réservés. E-mail: info@bible.ch Internet: www.maisonbible.net Traduction: Adrien Galle Texte français revu par l’auteur Sauf indication contraire, les textes bibliques sont tirés de la version Segond 21 © 2007 Société Biblique de Genève www.universdelabible.net ISBN édition imprimée 978-2-8260-3554-1 ISBN format epub 978-2-8260-0338-0 ISBN format pdf 978-2-8260-9668-9 Imprimé en Bulgarie


Sommaire

Introduction .............................................................................. 9   1. Juste un livre ...................................................................... 13   2. La personne au centre du Livre ......................................... 33   3. Un livre avec une histoire .................................................. 51   4. La révélation de Dieu ......................................................... 71   5. La révélation spéciale de Dieu ........................................... 91   6. La révélation par la Parole ................................................. 109   7. Révélation et inspiration ................................................... 129   8. L’inspiration: ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas .............. 153   9. La Parole de Dieu ................................................................ 173 10. La Parole écrite par des hommes ....................................... 195 11. Autorité et clarté ................................................................ 217 12. Vérité et unité ..................................................................... 241 13. Le canon des Saintes Ecritures .......................................... 265 14. Lire la Bible ......................................................................... 289 15. Sola Scriptura, la Bible seule................................................ 311 Conclusion ................................................................................. 337 Appendice .................................................................................. 343 Index des références bibliques .................................................. 349



Introduction Y a-t-il quelqu’un qui m’écoute?

P

ar une magnifique matinée de juin, peu après le lever du soleil, j’avançais péniblement sur le chemin boisé qui monte à la forteresse d’Acha Sanseong, celle qui surplombe le fleuve Han à Séoul. J’avais du temps devant moi, puisque le Starbucks n’ouvrait pas avant 7 heures. Tout à coup, dans le silence matinal, j’ai entendu un genre de gémissement régulier. Cela a duré une dizaine de secondes, puis le son s’est éteint, comme emporté par le vent. Deux minutes plus tard, de là où j’étais, je l’ai entendu une deuxième fois, puis une troisième. J’étais intrigué: quelqu’un était-il en danger? Finalement, je suis arrivé dans une clairière, où j’ai découvert un très vieil homme. Surpris par mon apparition, il s’est brusquement tourné vers moi, puis il m’a salué en s’inclinant légèrement, selon la coutume coréenne. – Bonjour, a-t-il dit, en anglais, constatant que je n’étais pas du coin. – Puis-je vous demander ce que vous faisiez? – Je parlais aux esprits, m’a-t-il répondu en pointant son index vers le haut. Les peupliers frémissaient dans la brise, mais les esprits des ancêtres demeuraient muets. L’appel de cet homme exprimait la recherche de quelque chose dans un vide silencieux, quelque chose d’impénétrable, de mystérieux. 9


J’ai poursuivi mon chemin, non sans une certaine tristesse face à la détresse de ce vieux Coréen qui, en ce beau matin, avait entrepris une pénible ascension pour être seul avec les esprits. La réalité est telle que les humains, lorsqu’ils cherchent à s’approcher de Dieu par eux-mêmes, ne perçoivent que l’écho de leur propre voix. Et le silence du vide est déconcertant, comme l’a fait remarquer le philosophe Blaise Pascal. Pourtant, nous persistons à essayer d’«établir un contact», espérant désespérément que quelqu’un de l’au-delà voudra bien nous entendre. L’athéisme nous dit que rien ne nous répondra, que le vide est vide. Et l’agnosticisme affirme que s’il y a quelque chose, cela demeure inaccessible. Notre recherche de Dieu aboutit malheureusement bien trop souvent à une impasse. Et c’est tragique. Nos appels à l’aide ne vont pas plus haut que le plafond. Frustrés de ne pas trouver Dieu – ce qui est pourtant le plus grand désir de notre cœur – nous cessons de croire. Il semble ne pas y avoir d’issue: l’homme peut grimper au sommet de toutes les montagnes ou envoyer dans l’espace les plus gros télescopes pour étudier les trous noirs, il n’a aucune chance de succès. Notre seul espoir est dans une démarche inverse: un Dieu qui vient à nous. C’est exactement ce que propose la foi chrétienne. Dieu s’est révélé sur deux montagnes: tout d’abord, sur le mont Sinaï pour communiquer ses paroles à Moïse, puis au Calvaire pour révéler son dessein suprême en Jésus-Christ. A ces deux événements absolument essentiels s’ajoutent toutes les fois où Dieu a manifesté sa présence d’une manière particulière. La Bible raconte l’histoire de la venue de Dieu jusqu’à nous pour nous sauver et nous transformer. Même si l’on parle souvent du christianisme comme d’une religion du Livre, cela n’est pas sa particularité essentielle. Car la 10

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Bible n’est pas avant tout une liste de règles à respecter ou un recueil de méditations, mais un livre qui nous parle de la relation vivante entre Dieu et les hommes. C’est pourquoi elle s’adresse à nous de manière personnelle en nous montrant un Dieu qui s’est fait connaître à son peuple dans l’Ancien Testament et qui s’est révélé par Jésus-Christ dans le Nouveau. L’histoire de la Bible s’articule autour d’une alliance entre Dieu et l’homme, au travers de laquelle Dieu désire révéler son amour rédempteur pour son peuple. Toutes les doctrines et tous les enseignements de l’Ecriture sont enracinés dans les événements historiques par lesquels Dieu s’est fait connaître. L’histoire du salut s’étend sur plus de 2000 ans, longue période durant laquelle des témoins choisis par Dieu ont rédigé les textes inspirés. La majeure partie de l’Ancien Testament existait avant les écrits fondateurs des religions orientales, qui sont postérieurs à 600 av. J.-C. (Siddharta Gautama – Bouddha – est mort vers 480 av. J.-C.) et antérieurs aux écrits des grands philosophes grecs. Aristote, qui a été le précepteur d’Alexandre le Grand et qui est mort vers 320 av. J.-C., n’a probablement pas eu connaissance des textes de Moïse. La traduction en grec de l’Ancien Testament n’a commencé qu’au 2e siècle av. J.-C. et ne s’est terminée, penset-on, que vers 130 av. J.-C. La rédaction de l’ensemble du Nouveau Testament, par les apôtres et leurs collaborateurs, s’est achevée environ 35 ans après la crucifixion et la résurrection de Jésus. Le Coran, texte sacré de l’islam, n’est arrivé que plusieurs siècles plus tard. Mahomet est mort vers 630 apr. J.-C., soit bien après que les principaux conciles de l’Eglise chrétienne ont statué officiellement sur les doctrines de la Trinité et de la divinité de Jésus. Aucun des manuscrits originaux de la Bible (dits «manuscrits autographes») ne nous est parvenu, ce qui n’est pas surprenant. D’ailleurs, nous ne disposons pas non plus des manuscrits Introduction

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originaux des pièces de Shakespeare, par exemple, ni de la plupart des autres chefs-d’œuvre de la littérature, même de ceux qui sont bien plus récents. Mais grâce aux nombreuses copies de manuscrits qui ont été retrouvées, il est possible de rétablir un texte biblique fiable et conforme à ce que l’original a dû être. Les chrétiens sont convaincus que Dieu a particulièrement veillé à la transmission et à la conservation des écrits bibliques. Sans cette intervention divine, la Bible n’aurait pas traversé les siècles et ne serait pas parvenue jusqu’à nous. L’Ecriture nous donne la chance de connaître Dieu et ce qu’il a fait pour nous. Le but de cet ouvrage – Prendre la Bible au mot? – est de montrer que la Bible est le lieu où Dieu se révèle et d’expliquer ce que cela signifie. En considérant tout d’abord comment la Bible est conçue en tant que livre, nous verrons de quelle manière Dieu nous y parle personnellement en Jésus-Christ. Nous verrons aussi comment il se fait connaître en actes et en paroles dans toute l’histoire du salut. Pour que nous disposions d’un témoignage authentique de ce qu’il a fait, Dieu complète sa révélation en actes par les Ecritures, sa Parole inspirée. Voilà pourquoi l’Ecriture sainte est appelée Parole de Dieu et, de ce fait, est la vérité et a une pleine autorité. Cependant, si elle est inspirée, elle est aussi incontestablement humaine. Dieu nous parle dans notre propre langage. Sa révélation est achevée, comme l’est son salut. Et le canon des Ecritures est donc clos. La Bible est un livre qui parle clairement et nous sommes appelés à l’écouter et à recevoir son enseignement tel qu’elle nous l’expose et non comme nous l’entendons. Maintenant que vous avez lu cette brève introduction, je vous conseille de faire deux choses avant de passer au premier chapitre: parcourez la table des matières pour avoir un aperçu du contenu de l’ouvrage (si vous ne l’avez pas déjà fait); ensuite lisez la conclusion pour avoir une idée de là où nous en viendrons finalement.

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1. Juste un livre

L

a Bible est un livre et seulement un livre. Il y a un monde de malentendus derrière cette notion. Les gens veulent des livres pour ce qu’ils pourront leur apporter: des informations, un moment de détente ou un moyen de passer le temps en attendant un avion. Notre première impression peut nous décourager…

Qu’est-ce qu’un livre? Tous les livres ont deux côtés: l’un est visible, l’autre est caché. C’est ce qui les rend fascinants. Vous avez maintenant ouvert celui-ci à cette page, mais vous ne pouvez pas me voir l’écrivant, éclairé par le soleil du sud de la France qui pénètre par ma fenêtre. Il y a derrière un livre tout un monde qu’on ne voit pas: celui des pensées, des expériences, des réflexions et de la vie de son auteur. Un livre en dit long sur la personne qui l’a écrit; vous ne la rencontrerez jamais, mais vous pouvez avoir l’impression de la connaître déjà. Nombreux sont ceux qui ont un livre à l’intérieur d’eux-mêmes, un livre qu’ils n’ont jamais l’occasion d’écrire, comme mon beaupère, qui aurait aimé raconter son enfance passée dans les campagnes du Cheshire1. Toutefois, les livres n’existent que s’ils sont matérialisés, ce qui peut se faire sous différentes formes. Au cours de l’histoire, les supports écrits ont évolué: il y a eu les tablettes d’argile, les Comté du nord-ouest de l’Angleterre. (N.d.E.)

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rouleaux de papyrus ou les manuscrits sur lesquels on écrivait à la main et, aujourd’hui, bien longtemps après, il y a les ebooks. Peutêtre qu’un jour, quelqu’un écrira un livre sous la forme d’un long texto  (si cela n’a pas déjà été fait!). Mais quel que soit le support, les mots publiés sont toujours le résultat de ce qui s’est passé dans les coulisses. Les deux côtés de la Bible en tant que livre sont importants. De l’extérieur, elle ressemble beaucoup à n’importe quel livre. Personne ne croit que le papier et l’encre sont «la Parole de Dieu». Ce n’est pas dans son côté visible, matériel, que se trouve sa particularité, mais dans les facteurs invisibles qui ont contribué à son élaboration: l’histoire de chacun de ses auteurs et la conviction qu’ils avaient de parler de la part de Dieu. Voilà pourquoi nous croyons que la Bible n’est pas un livre comme les autres. Par-dessus tout, la Bible est importante à cause de sa figure centrale: Jésus-Christ, qui nous est présenté par des témoins oculaires ayant, durant trois ans, sillonné avec lui la Terre sainte. Ainsi, quand nous pensons à la Bible, nous devons considérer non seulement sa forme finale, mais aussi la manière dont elle a été fabriquée, ainsi que les événements et les personnes qui y ont contribué. Depuis toujours, les hommes ont reconnu l’utilité des livres. Certains ouvrages ont fait date, comme par exemple La Bible du roi Jacques (King James Version) ou les pièces de Shakespeare, qui ont contribué à faire de la langue anglaise ce qu’elle est aujourd’hui. Nous connaissons aussi le sort qui est le leur lorsqu’ils aboutissent, jaunis, dans une vente de charité, au grand dam des auteurs qui aspirent à être connus. Certains, lorsqu’ils ont terminé un livre, le jettent. Et, malheureusement, beaucoup l’ont fait avec la Bible, pensant qu’elle n’était plus en phase avec la vie moderne. Le présent ouvrage cherche à montrer pourquoi, au contraire, en raison de la manière extraordinaire dont elle nous est parvenue 14

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ou du caractère extraordinaire de ses origines, nous devrions rester fermement attachés à la Bible.

La Bible en tant que livre Tout ceci semble évident. Nous avons tendance à oublier que tout au long de l’histoire, les écrits ont rempli un grand nombre de fonctions différentes. Les livres ne sont pas que pour les rats de bibliothèque, ils ont aussi un rôle social très diversifié. La Bible est, elle aussi, constituée de toutes sortes de documents différents: des récits historiques, des généalogies, des lois, des instructions, de la poésie, des prophéties et des propositions pleines de sagesse, les Proverbes. La réalité historique présente derrière notre mot «Bible» est an­cienne et complexe. Le terme vient du grec biblia (du mot biblos, l’écorce intérieure du papyrus) et signifiait «les livres». On le trouve dans la traduction grecque de l’Ancien Testament en Daniel 9.2: La première année de son règne, moi, Daniel, je me suis aperçu dans les livres que le nombre d’années indiqué par l’Eternel au prophète Jérémie pour la durée de la dévastation de Jérusalem était de 70. Ici, il est fait référence aux écrits prophétiques, ou rouleaux, de Jérémie (cf. Jérémie 25.11) dont Daniel, qui a vécu à peu près à la même époque, semblait disposer. Dans l’usage, l’expression «les livres» est passée du judaïsme au christianisme et a commencé à désigner l’ensemble de l’Ancien Testament. Jérôme, qui a traduit la Bible en latin au 4e siècle (appelée la Vulgate), utilisait l’expression «la bibliothèque divine». Ceci accorde un crédit historique à l’affirmation que la Bible est bien un ensemble de 66 livres et non un seul livre. Juste un livre

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Rapidement, l’expression «les livres» a désigné la Bible dans son ensemble et, finalement, c’est l’appellation «le Livre», au singulier, qui a été adoptée. C’est au Moyen Age que le mot «Bible» est apparu dans la langue française. De nos jours, la plupart des chrétiens possèdent une Bible et la lisent régulièrement, à l’exception de ceux qui vivent dans des régions particulièrement pauvres, au faible taux d’alphabétisation. Durant la période de rédaction de l’Ancien Testament, le matériel d’écriture était cher et les manuscrits bibliques étaient copiés avec le plus grand soin et gardés en lieu sûr. L’épître aux Romains est bien plus longue que ne l’étaient beaucoup de textes à l’époque de l’apôtre Paul. Les chrétiens de Rome n’auraient jamais imaginé en avoir une copie de poche. Entre 200 av. J.-C. et 300 apr. J.-C., le support d’écriture utilisé par les Romains, le papyrus (fait à partir de la plante du même nom) a été remplacé par le vélin, un matériau de luxe et bien résistant, qui était fabriqué à partir de peaux de veau saupoudrées de chaux puis séchées. Certaines des lettres du Nouveau Testament ont donc été écrites sur ce support, puis cousues ensemble et reliées en codex, constituant ainsi de petites brochures. Ce n’est que beaucoup plus tard que les livres sont devenus plus accessibles. Vers 1450, Johannes Gutenberg a commencé à imprimer la Bible avec des caractères mobiles. Cette Bible allait être connue sous le nom de «Bible à 42 lignes» (en raison du nombre de lignes par page). Cinq ans après, le travail était achevé et la Bible devenait le premier livre imprimé. Avant Gutenberg, même les bibliothèques les plus grandes d’Europe ne contenaient pas plus de 1000 ouvrages écrits à la main, mais les choses allaient bientôt changer. En 1472, le premier livre était imprimé en France, et dès 1500, 9 millions de livres imprimés circulaient en Europe. La Bible était un best-seller. En second venait L’Imitation de Jésus-Christ, de Thomas 16

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a Kempis, qui a été édité 99 fois au cours des 30 dernières années du 15e siècle. Alors que commençait ce que les historiens appellent l’«époque moderne», la publication de textes juridiques et religieux posait le fondement des langues nationales. Ainsi, la Bible allemande de Martin Luther a fixé la langue allemande dans ses caractéristiques actuelles. Puis, Calvin (avec Rabelais) a été un des premiers à publier une œuvre majeure en français. Avant cela, les accords entre les personnes étaient conclus de façon orale et scellés par un serment, puis par une poignée de main. Avec le développement de l’imprimerie, des documents écrits de toutes sortes sont devenus plus largement répandus et, au fur et à mesure de l’alphabétisation des populations, ils ont commencé à jouer un rôle social inconnu jusque-là. Dans ce contexte, et particulièrement grâce au développement de l’imprimerie et des traductions, la Bible s’est démarquée des autres ouvrages publiés par l’appellation «La Sainte Bible» ou, plus tard, «Le saint Livre» (the good Book). A la différence des catholiques, les protestants possédaient la Bible et la lisaient. Elle servait non seulement pour la lecture dans l’église ou dans le cadre de la prédication, mais les gens l’utilisaient aussi pour toutes sortes d’autres choses: ils juraient sur la Bible au tribunal, ils s’en servaient pour tirer des présages et les soldats mourants dans les tranchées d’Ypres y ont trouvé un dernier réconfort. Dans le roman L’Île au trésor, de R.L. Stevenson, une de ses pages est même utilisée pour tirer au sort et «décerner la tache noire». De tels usages devaient être plus choquants encore à l’époque qu’ils ne le sont aujourd’hui, où le blasphème n’est plus punissable par la loi. En d’autres termes, la Bible a tenu une place importante dans la vie publique et dans la piété personnelle. Elle a même servi dans des pratiques superstitieuses. Bref, elle a été utilisée dans bien des situations, souvent à tort ou d’une manière tout à fait inappropriée. Juste un livre

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En réalité, les gens n’en connaissaient que des bribes, qu’ils citaient sous forme de proverbes dans des expressions comme «œil pour œil…», «tout contribue au bien…» ou encore «aime ton prochain…»

Un livre fermé La révolution technologique des 50 dernières années a changé notre manière de considérer les livres. Non seulement la parole écrite n’a plus le même rôle qu’autre­fois en termes de communication, mais les livres en général ont perdu de leur prestige. Le sociologue français Jacques Ellul a même publié, dans les années 80, un ouvrage intitulé La parole humiliée, où il met en garde contre la prédominance de la communication non verbale. Ainsi, l’écrit a été relégué au second plan, particulièrement dans le domaine des loisirs et de la culture. La communication par l’image règne en maître dans les films, les bandes dessinées et la publicité. Le graphisme a une place centrale dans la communication. Même lorsque les mots sont importants, l’image joue un rôle essentiel. Si François Mitterrand a gagné les élections présidentielles de 1981, il ne le devait pas tant à son slogan de campagne («La force tranquille») qu’aux affiches qui présentaient le portrait de cet homme aux traits caractéristiques devant un village traditionnel surplombé par une église, paysage typiquement français. On dit qu’aux Etats-Unis, l’analphabétisme touche environ 10 millions de personnes et qu’un grand nombre ont des difficultés de lecture. En 2013, en France, la lutte contre l’illettrisme a été déclarée «grande cause nationale». Et en 2009, des membres du Parlement britannique ont tiré la sonnette d’alarme face à «un taux d’analphabétisme intolérable parmi les adultes». Nul besoin d’éplucher les statistiques pour constater que nous ne vivons plus dans la «galaxie de Gutenberg» mais bien dans le cyberespace ou monde du virtuel. 18

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Beaucoup, aujourd’hui, n’ouvrent jamais un livre; d’autres se limitent aux modes d’emploi des appareils qu’ils achètent. D’autres encore ne possèdent aucun livre chez eux. Le phénomène ne touche pas seulement certaines catégories sociales. On constate la même chose chez les personnes très instruites dans le domaine qui les concerne sur le plan professionnel, mais qui, en dehors de cela, ne lisent guère autre chose que, de temps en temps, la biographie d’une célébrité. Et les jeunes ont plus tendance à passer leur temps libre sur Facebook qu’à ouvrir un livre ou, même, à allumer la télévision. Quant aux adultes, ils lisent des ouvrages pour enfants, comme l’a démontré le succès de la série Harry Potter. Certains chrétiens regardent peut-être ces évolutions avec un peu de crainte. Car si les livres restent fermés, qu’adviendra-t-il de la Bible, un vieux livre ancien bien éloigné des préoccupations de l’homme moderne? Une réaction possible est de s’accrocher aux versions anciennes du texte biblique, comme celles qui contiennent des «il fallait que nous arrivassions». Des efforts ont été faits pour surfer sur la vague du succès de l’image. C’est ainsi qu’il y a des Bibles en bandes dessinées, en «version manga», en français simplifié et dans une présentation adaptée à tel ou tel groupe de lecteurs… Les histoires de la Bible et la vie de Jésus sont aussi mises en films et, quand ils vont à l’école du dimanche, les enfants regardent plus de DVD qu’ils n’entendent racontées de bonnes vieilles histoires bibliques. Ainsi, si vous êtes amateur de Bibles d’étude, vous n’êtes pas dans l’air du temps! Pour beaucoup de nos contemporains, la Bible n’est plus qu’un livre fermé. Et au-delà des tendances culturelles inquiétantes que nous venons de mentionner, cela soulève d’importantes questions sur son statut. La place d’honneur qu’on lui accordait autrefois – la Sainte Bible, les Saintes Ecritures, la Parole de Dieu – semble être remise en question par la triste réalité d’aujourd’hui. Les jeux télé­ visés révèlent une profonde ignorance même des choses les plus Juste un livre

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basiques à son sujet. Elle est peut-être vendue dans les supermarchés et offerte lors des mariages, mais qui, en dehors de certaines personnes âgées et déconnectées de la réalité, a envie de la lire?

De nouveaux défis De plus, la Bible se voit concurrencée par d’importants mouvements qui, autrefois, n’étaient connus que des spécialistes. Les textes bouddhiques, le Coran, le Yi Jing, le folklore et les croyances de l’animisme, la sorcellerie… sont des alternatives attrayantes en termes de spiritualité. Et quand viennent Noël et Pâques, les médias ont tendance à ne prendre aucunement en considération les histoires comme celles de l’étoile de Bethléem ou du tombeau vide, et on fait croire (aux enfants) que l’histoire de l’arche de Noé est aussi peu crédible que les contes de fées. Alors comment une Bible plutôt «passée de mode» peut-elle rester attrayante face à un tel choix de spiritualités exotiques? En l’état actuel des choses, il semble que l’avenir du plus grand best-seller est en danger. Et une question se pose: Pourquoi Dieu a-t-il pris la peine de donner à un livre la première place, si les livres ont en eux-mêmes une durée de vie si limitée? A-t-il choisi une façon de communiquer qui ne résiste pas aux changements et aux évolutions de la société? Et si oui, cela ne conduit-il pas à douter de sa sagesse? Certains théologiens réputés ont dit des choses comme: «Si Dieu avait voulu, il aurait pu se faire connaître à l’humanité par un autre biais que par l’écriture. Il aurait pu, par exemple, transmettre sa vérité directement à la conscience humaine.» Sans doute, rien n’aurait pu l’en empêcher, pas même l’incrédulité naturelle de l’homme. Mais le fait est que Dieu a choisi d’utiliser l’écrit, un assemblage de textes inspirés qui, au final, ont formé une entité appelée «la Bible», et ceci pour faire connaître sa volonté à l’humanité. Ainsi, bien que 20

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l’Ecriture elle-même ne nous dise pas pourquoi Dieu a jugé bon de nous donner un livre, il y a certainement des raisons qui expliquent pourquoi, dans sa sagesse, il a voulu qu’il en soit ainsi. Les trois points suivants nous aideront à comprendre pourquoi la naissance d’un livre rassemblant des oracles de Dieu n’a pas été une coïncidence, mais bien l’aboutissement d’un plan divin. La Bible a quelque chose qui surpasse les usages d’une époque.

Le rôle des textes saints Premièrement, on pourrait penser que si un livre est utile socialement, il est forcément populaire et lu par beaucoup. Mais, de toute évidence, cela n’a pas toujours été le cas. Il se pourrait que notre opinion sur le rôle de la Bible en tant que texte saint soit marquée par l’individualisme actuel et par des conceptions anciennes de l’éducation plutôt que par la Bible elle-même. Souvent, nous partons aussi du principe que la Bible doit être un genre de petit guide de poche pour ceux qui aiment ses enseignements ou une sorte de remontant spirituel pour ceux qui ont besoin d’une prière rapide. En revanche, il est évident que le Coran a une grande emprise sur la vie de bien des gens, même dans les endroits où ceux qui savent lire l’arabe sont peu nombreux. De même, Jésus et Paul citaient les textes de l’Ancien Testament sans transporter les rouleaux de la Torah avec eux lors de leurs déplacements. Et si l’eunuque éthiopien avait une copie du rouleau d’Esaïe dans son char (Actes 8.28), il l’avait probablement acquise à un prix prohibitif pour les gens ordinaires. Les livres ont des fonctions sociales très diverses et peuvent avoir une grande influence dans des sociétés où les analphabètes sont nombreux. Le fait qu’un livre saint ne soit pas accessible à beaucoup ne veut donc pas dire qu’il est clos pour le public. La lecture des textes bibliques, mais aussi leur écoute, leur répétition, Juste un livre

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leur mémorisation, ainsi que leur utilisation dans la prière individuelle ou collective et dans les cantiques, tout cela a marqué la vie quotidienne des croyants à travers les siècles. Il suffit de penser aux chants composés à partir des Psaumes et au rôle qu’ils ont joué dans la tradition musicale afro-américaine. A une époque où la lecture n’intéresse plus grand monde, les églises feraient bien de revenir à certaines de ces pratiques dans leurs cultes et dans l’enseignement qu’elles dispensent. Cela pourrait renouveler la qualité des lectures et rompre la monotonie de la liturgie dans nos églises. Pourquoi, par exemple, ne pas lire toute l’épître aux Ephésiens au lieu de se limiter à quelques versets du premier chapitre? Pourquoi ne pas chanter davantage de Psaumes ou de textes du Nouveau Testament au lieu de ces mantras au contenu léger qui flattent les sens? L’écoute de la Parole lue semble avoir été une pratique courante dans les églises des premiers siècles. Et dans l’Ancien Testament, le peuple de Dieu se rassemblait pour écouter la lecture de la Loi et pas seulement de quelques versets.

La Parole et l’Esprit Deuxièmement, nous pensons souvent à la Bible en termes de culte personnel et de lecture individuelle. Rien ne s’oppose à cela, mais est-ce la première fonction de la Bible? Si elle est un livre «ouvert», ce n’est pas parce que nous choisissons de l’ouvrir, mais parce que le Saint-Esprit le fait. Nous y reviendrons plus tard, mais en nous donnant sa Parole, Dieu n’a jamais voulu qu’elle existe indépendamment de l’œuvre de l’Esprit saint. En réalité, à l’origine du texte écrit, il y a les actions et la parole parlée qui, par la suite, ont été consignées par écrit, puis utilisées pour témoigner. Il en va de même pour les textes de nature juridique. Quand, par exemple, Moïse était sur le mont Sinaï dans la présence de 22

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Dieu, il a entendu les paroles du Seigneur et, une fois redescendu de la montagne, il les a transmises au peuple: «Moïse vint rapporter au peuple toutes les paroles de l’Eternel et toutes les règles. Le peuple entier répondit d’une seule voix: ‘Nous ferons tout ce que l’Eternel a dit.’» Moïse devait avoir une bonne mémoire, car ce n’est qu’après avoir rapporté les paroles de Dieu au peuple qu’il les a mises par écrit. Ensuite, il est remonté sur la montagne pour recevoir les tables de la loi et l’enseignement que l’Eternel avait «écrits pour les enseigner» (Exode 24.3, 12). Le «grand ordre de mission» donné par Jésus aux apôtres, qui les appelait à aller «dans le monde entier proclamer la bonne nouvelle» (Marc 16.15), leur a fait comprendre l’importance de la prédication. La parole, soutenue par le travail de l’Esprit, est le moyen principal qui est donné à l’Eglise pour annoncer l’Evangile au monde. Les apôtres prêchaient une personne; ils prêchaient le don du salut accordé gratuitement au moyen de la foi. Puis ils attendaient une réponse. Aussi bien dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau, nous voyons que la parole (prédication, témoignage) et l’Esprit travaillent toujours ensemble. C’est ce que montrent clairement les récits, inspirés, des événements qui ont marqué l’histoire du salut. Un de mes amis rêvassait au bord du fleuve Gange quand un chrétien indien lui a donné un évangile. Il l’a lu et y a trouvé la vérité. Pour la majorité d’entre nous, les choses se passent de manière inverse: nous entendons l’Evangile à l’âge adulte ou nous recevons une éducation chrétienne avant d’ouvrir la Bible et de l’étudier par nous-mêmes. Cela nous rappelle que la Parole ne nous est jamais donnée sans qu’il y ait des témoins et que la prédication est le prolongement naturel de la Parole. La chrétienté actuelle se montre souvent trop timide dans ce domaine. A une époque où les livres sont délaissés, une proclamation de l’Evangile et un témoignage accompagnés par l’Esprit sont plus nécessaires et plus importants que jamais. Le Dr Martyn Juste un livre

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Lloyd-Jones exprimait cela de manière imagée en encourageant les chrétiens à «bavarder de l’Evangile». Il est navrant de constater que, dans de nombreuses églises, les prédicateurs sont ennuyeux. Pourquoi? Parce que l’absence de conviction et de zèle pour la vérité donne l’impression que celle-ci n’a pas d’importance.

Sola Scriptura, quand le livre s’ouvre Troisièmement, il ne faut pas oublier qu’un livre est une entité complète, une unité, et que, par conséquent, il a un statut particulier: cela lui donne un caractère définitif et complet. La fonction du Nouveau Testament est de montrer que l’œuvre du salut trouve son aboutissement en Jésus. L’œuvre de Christ accomplie parfaitement et une fois pour toutes est attestée par le dernier témoignage que nous avons le concernant dans la Bible. Le Nouveau Testament scelle et conclut l’ensemble du message biblique. C’est un des sens de l’expression sola Scriptura, qui signifie «l’Ecriture seule». Cette expression rappelle que l’Ecriture se suffit à ellemême et qu’elle nous communique tout ce que nous avons besoin de savoir pour notre vie et notre avenir éternel. Que rien ne doive y être ajouté signifie que rien n’est attendu de l’extérieur pour la compléter. Tel est le point fondamental sur lequel les réformateurs ont insisté, proclamant qu’on ne devait pas ajouter des traditions humaines à son message. Quand un livre est incomplet, que ce soit un ouvrage scientifique, un roman ou un annuaire, son utilité est plutôt limitée. Le prochain fascicule, ou le prochain épisode, réglera le problème. C’est d’ailleurs ce qu’exploitent largement les séries télévisées. Un texte qui n’est pas complet manque d’autorité et laisse le lecteur sur sa faim. En revanche, dans un roman comme Sarah et le Lieutenant français, où l’auteur, John Fowles, présente plusieurs 24

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fins possibles pour exciter la curiosité du lecteur et stimuler son imagination, cela peut être plaisant. L’évangéliste Luc, qui savait très bien raconter, a utilisé une technique semblable. A la fin du passage sur Marthe et Marie (cf. Luc 10.38-42), après que Jésus a déclaré: «Marie a choisi la bonne part, elle ne lui sera pas enlevée», Luc ne nous dit pas ce que les deux sœurs ont fait ensuite. Est-ce que, finalement, Marthe a laissé de côté ses tâches ménagères pour écouter le Maître ou est-ce que Marie est allée lui donner un coup de main dans la cuisine? Ou, autre solution, est-ce qu’elles ont écouté ensemble le Maître pour, ensuite, accomplir ensemble le travail à faire? Personnellement, c’est ce que je m’imagine, mais peut-être avezvous une autre idée! Evidemment, une fin sans conclusion n’est pas un problème, si elle est voulue. Mais dans d’autres cas, elle serait très malvenue, par exemple dans tout texte censé faire autorité, qu’il soit de nature juridique, historique ou religieuse. Sans conclusion, l’ouvrage perdrait de son sens. De plus, un texte présenté comme complet, tel un tableau de maître, contient son propre message. Le sens est dans le texte qui s’interprète par lui-même. Telle partie du livre (ou du tableau) permet d’en comprendre une autre et, parce que l’œuvre est un tout, aucune information supplémentaire n’est nécessaire pour en saisir la signification. Récemment, j’ai regardé sur YouTube une petite vidéo montrant les différents autoportraits de Van Gogh les uns à la suite des autres, dans un fondu enchaîné assez réussi. C’était très intéressant, car cela mettait clairement en évidence la déchéance de l’artiste au fil des années, jusqu’à sa triste fin. C’est un peu pareil avec la Bible, mais dans un sens positif. Car, au fil des livres qui la composent, on voit que le message est développé jusqu’à sa conclusion. Juste un livre

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C’est ce que les réformateurs ont voulu dire en déclarant que «les Ecritures interprètent les Ecritures» ou que «la Bible s’autointerprète». Puisque la révélation divine est complète, nous n’avons pas besoin de chercher ailleurs – dans la tradition de l’Eglise ou dans les systèmes de pensée humains – pour en comprendre le message. Le texte biblique est un tout, une unité, qui lui confère son autorité. La fonction d’interprétation est contenue dans le texte luimême. Nous avons besoin du Nouveau Testament pour comprendre l’Ancien. C’est un principe que défendait Augustin: le message de l’Evangile, sous-jacent dans l’Ancien Testament, est exposé clairement dans le Nouveau.

Un message compréhensible Puisque la révélation biblique est complète, son message constitue un ensemble qui nous permet de la comprendre. Où se trouvent le début et la fin de la Bible? peut-on se demander. La réponse est très différente suivant que l’on aborde le texte biblique dans une perspective critique «moderniste» ou du point de vue évangélique. Selon l’approche évangélique, le début et la fin de la Bible, qui en expriment l’unité, se trouvent dans son premier et son dernier versets tels qu’ils se présentent. Cela ne peut pas être taxé de «littéralisme fondamentaliste», parce que c’est simplement ce que l’on s’attend à trouver entre les deux couvertures d’un livre. Le début ne pose pas de problème, car il est clair et précis: l’Ecriture commence avec le récit de la création. Tout ce qui est exposé ensuite part de là, et non de l’appel d’Abraham ou de la sortie d’Israël hors d’Egypte (l’Exode). Le début naturel et littéral de la Bible est formalisé par les mots: «Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre (…) Dieu créa l’homme à son image (…) Il créa l’homme et la femme.» Le premier chapitre de la Genèse emploie 26

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cinq fois le mot hébreu bara («créer») pour bien montrer qu’au début, il y a l’acte créateur de Dieu. Cela signifie qu’avant qu’il y ait quoi que ce soit, Dieu était. Il n’y a pas de meilleure manière de dire que la Bible est son histoire: elle commence et s’achève avec lui. Et qu’en est-il de la fin? Si nous prenons la fin de l’Ancien Testa­ ment, nous voyons qu’elle reste ouverte. En Malachie 3.23, il est dit: «Je vous enverrai le prophète Elie avant que n’arrive le jour de l’Eternel, ce jour grand et redoutable.» Puis, l’Evangile de Marc prend la suite avec un nouveau commencement: «Voici le commencement de l’Evangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu», faisant référence à la venue de Jean-Baptiste (cf. Marc 1.1-3, qui cite Esaïe 40.3). La fin du dernier livre de la Bible, l’Apocalypse de Jean, est intéressante. En Apocalypse 22.18-20, on lit: Je le déclare à toute personne qui écoute les paroles de prophétie de ce livre: si quelqu’un y ajoute quelque chose, Dieu lui ajoutera les fléaux décrits dans ce livre; et si quelqu’un enlève quelque chose aux paroles du livre de cette prophétie, Dieu enlèvera sa part de l’arbre de la vie et de la ville sainte décrits dans ce livre. Celui qui atteste ces choses dit: «Oui, je viens bientôt.» Amen! Viens, Seigneur Jésus! Le mot «livre» (biblion) qui est employé quatre fois dans ce passage fait, sans aucun doute, référence au manuscrit ou au rouleau sur lequel était écrite la révélation de l’apôtre Jean. L’avertissement très sévère de ne pas y ajouter ni d’en enlever quoi que ce soit met en évidence l’aspect définitif et le caractère divin de ce qui est écrit. En même temps, tout en étant complète, achevée, la révélation annonce un dernier événement prophétique, le retour de Christ, attesté par les mots de Jésus lui-même: «Oui, je viens bientôt» (cf. Apocalypse 1.3, 7). La future venue du Seigneur Jésus est confirmée par un «amen» final. Le livre est clos précisément pour que cette promesse ne soit pas falsifiée. Juste un livre

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Il serait impossible de prouver que Jean pensait à autre chose qu’à ce texte-là en écrivant ces mots de conclusion. Il se peut qu’à l’époque – l’Apocalypse a été rédigée avant la destruction du temple de Jérusalem (70 apr. J.-C.) 2 – il n’avait pas une vue d’ensemble des différents écrits prophétiques qui constituent ce que nous appelons, aujourd’hui, «Nouveau Testament». Néanmoins, pour tous ceux qui croient que «Dieu ne joue pas aux dés», le fait que ce texte se trouve justement à la fin de notre Bible n’est pas le fruit du hasard. L’Eglise comprenait que les livres étaient clos jusqu’à ce qu’ils soient rouverts par le dernier événement annoncé dans l’Apocalypse: la seconde venue de Jésus. Et là aussi, la conclusion ouvre sur un nouveau début, plutôt inattendu: lorsque la nouvelle terre apparaîtra, resplendissante, sous le nouveau ciel, le but ultime qu’avait Dieu par son acte créateur et son plan de salut par grâce sera manifeste pour tous. Ainsi, dans l’histoire de Dieu, le commencement, la fin et le milieu sont étroitement liés. Voilà qui nous amène à une dernière question pour ce chapitre, question souvent soulevée dans nos sociétés multiculturelles: Quel lien y a-t-il entre la Bible des chrétiens et les textes des deux autres religions dites «du Livre», à savoir le judaïsme et l’islam?

Les trois religions du Livre Autrefois, la Bible était une autorité reconnue en Occident. Mais aujourd’hui, elle a des concurrents, et les gens, s’ils se posent la question, ont tendance à dire: «Pourquoi la Bible?» Il y a, parmi les nombreux systèmes de croyances existant dans le monde, trois religions monothéistes, c’est-à-dire qui ne reconnaissent qu’un seul Dieu. Elles remontent toutes les trois à Abraham, le patriarche, et elles ont chacune leur texte de référence. Selon la datation préconisée par le théologien John Wenham. (N.d.E.)

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Beaucoup pensent qu’elles sont fondamentalement semblables, tel­ les les trois branches d’un même arbre, et qu’au fond, au-delà des différences extérieures, il s’agit de la même religion et du même Dieu, et que, par conséquent, rien n’empêche juifs, chrétiens et musulmans de prier ensemble. Les apparences sont trompeuses. En réalité, les différences sont profondes et de tous ordres. Un philosophe français a dit un jour, non sans ironie, que les religions du Livre devaient moins à Abraham qu’à trois femmes: Sarah, Agar et Marie! Le judaïsme (selon l’enseignement de l’Ancien Testament), la foi chrétienne et l’islam ont trois conceptions bien distinctes du péché, de la grâce et du salut, sans parler de la manière dont Dieu se révèle et désire qu’on s’approche de lui. La pensée chrétienne et celle de l’islam sont fondamentalement différentes. C’est pourquoi leurs textes sacrés n’ont pas le même rôle. Il en va de même pour la foi chrétienne et le judaïsme, mais dans une moindre mesure. Comment cela peut-il s’expliquer ? La révélation de l’Ancien Testament est comme une fleur en bourgeon qui attend le moment où elle éclora. Ses prophéties appellent un accomplissement: la venue du Sauveur promis, du Messie attendu depuis tant de siècles. Il s’agit d’une religion incomplète, d’une foi inaccomplie. Qu’on considère le Messie comme un groupe, c’est-à-dire le peuple d’Israël, ou comme une personne, l’accomplissement ne peut venir qu’en dehors du Livre, par une nouvelle révélation, par la mise en œuvre du plan rédempteur de Dieu, selon sa promesse. Les Juifs religieux attendent toujours quelque chose en plus de la Torah, qui est l’ensemble des écrits et des prophéties de leur Bible, ce qui correspond à notre Ancien Testament. Faut-il qu’ils obéissent à la Torah à la lettre pour que l’Eternel agisse et les sauve? Le silence de Dieu est pour eux un terrible fardeau. Le Maître de l’univers est-il indifférent aux souffrances de son peuple? Juste un livre

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Le christianisme affirme que Dieu a réalisé sa promesse: le Messie est venu, en la personne de Christ. La rançon pour le péché a été payée, le salut est accompli et une nouvelle création est apparue avec la résurrection de Jésus. Si le royaume de Dieu est spirituel et doit être révélé dans le futur, le croyant jouit déjà, par la foi, d’un salut gratuit et parfait. Il n’y a rien à y ajouter. L’Esprit du Christ vivant atteste les faits. Le salut est achevé et le message de la Bible est complet, puisque Dieu a parlé finalement par son Fils (cf. Hébreux 1.1-2). Le christianisme, et ce depuis le début, affirme que celui que les Juifs ont attendu est le Christ, le véritable Israël. Oui, le Nouveau Testament complète et conclut l’Ancien parce qu’on est «arrivé au terminus». L’islam affirme être le dernier mot et la conclusion de toutes les prophéties précédentes, non seulement du judaïsme mais aussi du christianisme. Le Coran a été révélé à Mahomet, le dernier prophète, à partir de 610 apr. J.-C. et jusqu’à sa mort en 632, par l’intermédiaire de l’ange Gabriel. Une partie du Coran a été écrite par les compagnons de Mahomet du vivant de celui-ci, mais la plupart de ses enseignements ont été transmis oralement. Après sa mort, les textes ont été compilés, et durant les décennies qui ont suivi, le tout a été uniformisé puis diffusé dans ce qui est devenu le monde musulman. Le Coran est apparu environ six siècles après la rédaction des textes du Nouveau Testament. Bien des gens l’ignorent, y compris parmi les musulmans. L’islam affirme que Mahomet a été le dernier prophète et que le Coran complète la révélation judéo-chrétienne. Pourtant, nombre des enseignements et des faits historiques qu’il rapporte contredisent la Bible. Il n’y a que deux explications possibles: 1. Mahomet a réellement consigné la bonne version de la révélation divine et de l’histoire biblique dans le Coran. La 30

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révélation authentique qui avait été donnée a été corrompue par les chrétiens au cours du temps. La Bible contient de fausses informations et le Coran a rétabli la vérité. Cette explication est toutefois peu plausible, car ce que dit la Bible est confirmé par un grand nombre de documents historiques très anciens qui ont été retrouvés en différents lieux géographiques. Aucun de ces documents ne dit, par exemple, que Simon de Cyrène aurait pris la place de Jésus et serait mort sur la croix, comme l’affirme l’islam. 2. Autre possibilité: les informations transmises par Mahomet dans le Coran sont erronées et le récit biblique est exact, ce qui est historiquement plus vraisemblable. Pour les musulmans, seule la première explication est vraisemblable, Mahomet ayant reçu le Coran par une révélation directe. Les textes bibliques ont dû être modifiés et falsifiés puisqu’ils enseignent des doctrines comme celle de la divinité de Jésus-Christ. Cependant, le problème historique demeure. Car il faut bien admettre que des informations confirmées par de nombreuses sources du 1er siècle, c’est-à-dire très proches de la vie de Jésus, ont bien plus de chances d’être vraies que des idées qui sont apparues plusieurs siècles plus tard. La question historique n’est pas la principale différence qui existe entre la Bible et le Coran. L’Ecriture est centrée sur une personne par laquelle le salut est accompli. Le christianisme peut être une religion du Livre, mais il est plus que cela. Il est la foi en un médiateur qui comble le fossé entre un Dieu inaccessible et un être humain qui a besoin d’être sauvé. Il est la «religion» d’une personne qui affirme être Fils de Dieu et Fils de l’homme. Le cœur de la foi chrétienne n’est pas un ensemble de règles mais une personne et une relation nouvelle de réconciliation et de pardon avec le Dieu éternel, qui est aussi un Dieu personnel. Juste un livre

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Conclusion La Bible n’est pas simplement un livre. Elle est unique, car elle parle d’un Dieu personnel qui se révèle en Jésus le Messie. Dans l’histoire de la pensée chrétienne, c’est durant la Réforme que cette réalité essentielle a été le plus mise en avant: d’une part par la théologie de la croix de Martin Luther et d’autre part par la manière dont Jean Calvin a présenté Christ comme médiateur. Mais Jésus et la Bible sont indissociables. Le Christ de la foi chrétienne est la personne que révèle le texte des Ecritures, et les textes des deux Testaments ont Christ pour centre. Si nous n’avions pas la Bible, nous ne connaîtrions pas Christ, et s’il n’y avait pas eu de Christ incarné, il n’y aurait pas eu de révélation écrite. Voilà pourquoi le statut de l’Ecriture tel que les réformateurs l’ont exprimé – sola Scriptura – est absolument essentiel. Ceci étant dit, il y a un ordre de priorités à respecter: il y a d’abord la Parole incarnée et, ensuite, la Parole inscripturée. La personne et le texte vont de pair. Dans le chapitre suivant, nous verrons ce que Jésus lui-même a dit au sujet des textes.

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2. La personne au centre du Livre

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omme nous l’avons évoqué au chapitre précédent, la Bible est un livre qui nous présente une personne. Et cette personne, Jésus-Christ, en est le centre. Cela surprendra peut-être ceux qui n’ont fait que feuilleter les Ecritures en vitesse. Peut-être se diront-ils que, normalement, le personnage principal d’un livre est présent à chacune de ses pages ou presque et que Jésus ne semble réellement «entrer en scène» que dans les quatre Evangiles. Comment, donc, peut-il être le personnage central du livre? Pour répondre à cette question, il nous faut réfléchir à la manière dont Jésus lui-même voyait les Ecritures, les interprétait et s’y soumettait. Quel rôle jouaient-elles dans sa vie? Ce qui est vrai du maître doit l’être de ses disciples. Si nous sommes chrétiens, nous ne pouvons pas constamment adopter une attitude autre que celle de Jésus. De nombreuses personnes, chrétiennes ou non, n’ont peut-être jamais considéré la Bible ainsi. D’autres l’ont peut-être fait un certain temps, mais pour finalement rejeter catégoriquement cette manière de voir, se disant que nous ne pouvons pas réellement savoir quelle était l’attitude de Jésus envers la Bible puisque c’est la Bible elle-même qui nous la fait connaître. Nous serions comme pris au piège d’une pétition de principe. D’autres encore se demandent ce que cela peut bien faire, puisque, de toute façon, les événements se sont déroulés il y a très longtemps. 33


Paul Wells La Bible a traversé les siècles. Mais comment les chrétiens peuventils l’associer à une révélation de Dieu? S’attacher à elle comme à une parole faisant autorité, n’est-ce pas vivre dans le passé et risquer de verser dans un fondamentalisme de mauvais aloi? Y a-t-il des manières plus appropriées que d’autres de la lire et de la comprendre et, à l’inverse, des pièges à éviter? Sur ces questions et sur bien d’autres encore, Paul Wells propose des réflexions et réponses qui n’esquivent pas les difficultés, levant au passage un certain nombre de malentendus entretenus parmi les croyants tout comme parmi les non-croyants. Vous voulez faire le point sur un des piliers de la culture judéochrétienne et de la foi chrétienne? Cet ouvrage est pour vous! Professeur émérite de théologie systématique à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence, dont il a été le doyen jusqu’en 2012, Paul Wells est professeur associé de la North-West University en Afrique du Sud et titulaire d’un doctorat en théologie de l’Université libre d’Amsterdam. Editeur de la revue internationale «Unio cum Christo», il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont l’édition en français moderne et l’édition abrégée de «L’Institution de la religion chrétienne» de Jean Calvin.

Prendre la Bible au mot?

Paul Wells

27.50 CHF / 24.90 € ISBN 978-2-8260-3554-1

P a u l We l l s


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