Tabéa & Léa (OUR1012)

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Tabéa & Léa

La vie malgré tout Nelly Block & Constanze Nolting Le diagnostic est posé: bébés siamois soudés à la tête! Que faire: avorter? Nelly et son mari décident de se confier en Dieu et de garder les enfants. Après l’accouchement, il s’avère que les jumelles n’ont aucune autre malformation. Quelques mois plus tard, ils entrevoient la possibilité d’une opération de séparation. Un médecin de Baltimore est d’accord de procéder à l’intervention. L’opération nécessitant une préparation minutieuse sur place, ils partent assez rapidement pour les Etats-Unis. Cette intervention si délicate va-t-elle réussir? Vous le saurez en lisant cet ouvrage qui relate avec une grande authenticité les hauts et les bas traversés par Nelly et son mari durant cette épreuve.

Nelly et Peter Block habitent à Lemgo, en Allemagne, avec leurs trois enfants. Constanze Nolting, qui a fait des études de théologie, est une de leurs amies.

ISBN 978-2-940335-12-1

Nelly Block & Constanze Nolting

Tabéa & Léa

Tabéa & Léa La vie malgré tout

Nelly Block & Constanze Nolting

SUR LE VIF COLLECTION

9 782940 335121

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COLLECTION

SUR LE VIF

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Titre original en allemand: Tabea und Lea – Die siamesischen Zwillinge aus Lemgo, Nelly Block & Constanze Nolting Nach dem beim Hänssler Verlag, D-71087 Holzgerlingen erschienenen Originalausgabe autorisierte Lizenzausgabe © für die Originalausgabe 2005 by Hänssler Verlag, D-71087 Holzgerlingen © für die bearbeitete Lizenzausgabe 2007 by Editions Ourania

Les textes bibliques sont tirés de la Bible Segond revue, Nouvelle Edition de Genève, 1979

Traduction: Jean-Pierre Schneider

© et édition: Ourania, 2007 Case postale 128, CH-1032 Romanel-sur-Lausanne ISBN 978-2-940335-12-1 Imprimé en UE


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Table des matières

Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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1ère partie: L’attente Février à juillet 2003

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Des nouvelles bouleversantes . . . . . . . . . . . . . . . . . Bébés siamois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Une souffrance partagée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Courage et espoir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le chemin de la confiance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le dessin du Maître . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . La naissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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2e partie: La vie avec Tabéa et Léa Août 2003 à mai 2004

08 09 10 11 12 13 14

Reconnaissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Les jumelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A la maison . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Joies et peines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Une décision difficile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Invasion médiatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Le grand voyage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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3e partie: L’opération Juin à septembre 2004

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«Sweet girls» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Seuls et découragés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A la découverte de Baltimore . . . . . . . . . . . . . . . . . . Happy Birthday! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’opération commence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Terrible attente . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Tabéa, notre petit ours, se débat . . . . . . . . . . . . . . .

127 135 143 151 159 167 175

4e partie: Léa, le chemin de la guérison Octobre 2004 à mai 2005

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Léa est en vie! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . L’enterrement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Léa réapprend la vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Premier mois de convalescence . . . . . . . . . . . . . . . Enfin à la maison! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Dorothea . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Un avenir fait d’espérance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Epilogue de l’édition allemande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Epilogue de l’édition française . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Préface

«Fais simplement confiance au Seigneur»: voilà un conseil facilement donné par des chrétiens bien intentionnés. Mais qu’en est-il de notre foi en Dieu lorsqu’il commence à secouer les bases mêmes de notre vie? Qu’en est-il de notre confiance en lui quand il nous conduit dans des situations semblables à celle d’Abraham, dont le récit nous est rapporté dans la Bible, et qui, un jour, a dû redonner à l’Eternel son fils unique, qu’il aimait par-dessus tout? Pouvons-nous encore croire en un Dieu d’amour lorsque, face au deuil et à la souffrance, la vie semble avoir perdu son sens? Ce n’est pas facile, mais c’est justement à travers des circonstances particulièrement éprouvantes que mon mari Peter et moi avons pu apprendre qu’il vaut toujours la peine de faire confiance à Dieu. Ce livre est l’histoire de nos jumelles siamoises, Tabéa et Léa, depuis le diagnostic de la gynécologue jusqu’à la naissance de notre troisième fille, Dorothea. Dieu lui-même est l’auteur de cette histoire. Il y a eu certains moments joyeux, mais aussi d’autres que nous aurions souhaité vivre différemment. Néanmoins, malgré notre déception et notre tristesse, nous restons absolument certains que le Seigneur 7


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est bon, et qu’il est bien au-dessus de tout ce qui arrive dans notre vie. Il n’est pas facile de résumer deux années bien remplies en 160 pages, et j’ai dû me concentrer sur l’essentiel. Cet ouvrage n’est pas un rapport médical mais une partie de notre histoire, telle que nous l’avons vécue ensemble et avec Dieu. Notre expérience a de multiples facettes. Nous avons connu beaucoup de joie, mais aussi bien des peines. Ensemble, nous avons ri, prié, espéré et pleuré. Mais nous n’étions pas seuls. Nous sommes certains que des milliers de personnes, qui ont suivi notre histoire à travers les médias, ont espéré, prié et souffert avec nous. Beaucoup nous ont écrit pour dire qu’ils pensaient à nous; certains nous ont même envoyé des cadeaux pour Léa, puis, plus tard, pour Dorothea. A tous, nous aimerions dire un grand merci! Nous n’avons rien mérité, ni rien attendu. Cette sollicitude nous a surpris et, aujourd’hui encore, nous sommes émerveillés de voir à quel point Dieu a touché les cœurs. Ces lettres contenaient de nombreuses paroles de réconfort, qui ont renouvelé nos forces et nous ont encouragés à persévérer. Mais il y avait aussi beaucoup de questions: «Pourquoi une telle souffrance?»; «Où trouvez-vous la force de la supporter?», etc. Comme il nous était impossible de répondre à chacun des courriers reçus, nous avons décidé de publier un livre. Nous espérons qu’il sera un encouragement pour les lecteurs et qu’il répondra peut-être à certaines des questions qui nous ont été posées. Certes, il est des interrogations qui resteront toujours sans réponse; mais notre espérance est dans le ciel. Et lorsque, là-haut, nous nous tiendrons devant Dieu, nous pourrons sûrement lui poser toutes nos questions, et il nous répondra. 8


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Préface

Beaucoup nous ont aidés à concrétiser le projet de ce livre. Avant tout, j’aimerais remercier notre Dieu qui, non seulement nous a portés durant la période éprouvante décrite ici, mais qui continue à le faire aujourd’hui encore. C’est grâce à lui que nous avons pu publier ce témoignage. Car il n’était pas toujours facile de nous remémorer ces souvenirs douloureux, de nous rappeler la souffrance et les larmes versées. Ensuite, nous adressons un très grand merci à nos parents et nos frères et sœurs, qui ont toujours été là pour nous. Ils se sont réjouis et ont pleuré avec nous, et ont beaucoup prié pour nous. Ils se sont souvent occupés de Léa lorsque j’étais devant l’ordinateur et que je travaillais au manuscrit. Puis, c’est certain, ce livre n’aurait pas vu le jour si je n’avais pas eu l’aide de Constanze Nolting, une chère collègue. Merci, Constanze, d’avoir trouvé les mots justes pour mettre sur papier ce que je te racontais. J’ai souvent de la peine à trouver les expressions appropriées, mais Dieu te les a données, et tu as pu rédiger notre histoire. Merci aussi à Ella et Eduard pour leur fidèle soutien et leurs précieux encouragements. Merci, Elli, d’avoir accepté de prendre du temps pour apporter au manuscrit la dernière touche et y déceler les fautes restantes. Dieu a placé sur notre chemin bien d’autres personnes bienveillantes qui nous ont beaucoup aidés. Nous pensons notamment à notre conseiller médiatique, Henning Röhl, au comité directoire de notre caisse maladie, mais aussi à la Lufthansa1. Tous ont fait des pieds et des mains pour nous faciliter les choses. Je remercie aussi toutes les Eglises qui

1 Principale compagnie aérienne allemande. (N.d.E.)

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ont prié pour nous et nous ont soutenus financièrement. Je suis profondément reconnaissante pour chacun de vous! Merci à tous les médecins, de Münster, de Lemgo, de Bielefeld et de Baltimore, qui ont si bien travaillé ensemble. Merci à Alexa, notre traductrice, et à Lucy, qui nous ont aidés à nous y retrouver dans cette grande Amérique. Enfin, nous remercions particulièrement Jakob et Helene Janzen, qui nous ont fait un formidable cadeau à Noël: ils ont composé une chanson en mémoire de Tabéa et nous ont offert le premier enregistrement. J’aimerais vous inviter maintenant à refaire avec moi le chemin parcouru. Nelly Block

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1ère partie

L’attente Février à juillet 2003


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Chapitre 1

Des nouvelles bouleversantes

«S’il vous plaît, Mme Block, rasseyez-vous, je dois vous dire encore quelque chose!» Le visage de la gynécologue était grave. J’ai pris place sur la chaise qu’elle m’indiquait, à côté de son bureau. Nerveuse, je me demandais ce qu’elle allait bien m’annoncer. La crainte commençait à s’emparer de mon cœur. Effectivement, durant l’échographie, Mme Mertens était devenue de plus en plus silencieuse. Elle avait passé et repassé sa sonde sur mon ventre, fait de nombreux clichés, et regardé sans cesse l’écran avec de grands yeux. Quelque chose n’allait pas; mais quoi? Alors qu’elle feuilletait mon dossier, j’ai aperçu sur son bureau un petit bonhomme en métal. Ses pieds et ses mains étaient en forme de boules, et, en équilibre sur un genre d’aiguille, il se balançait sur une jambe. C’était certainement un cadeau publicitaire d’un laboratoire pharmaceutique. Il tenait entre ses mains une petite pancarte, sur laquelle on pouvait lire: «Balantius, pour que les hormones ne perdent pas l’équilibre.» Mme Mertens s’est raclé la gorge. Arrachée à mes pensées, j’ai levé la tête. Apparemment, elle réfléchissait à la manière de me dire les choses. «J’ai ici l’échographie de vos 13


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jumeaux, a-t-elle fini par dire en posant son doigt sur les photos noir et blanc. En fait, tout semble normal. Mais vers la tête, je n’arrive pas à avoir une image distincte des deux fœtus, et ce, quel que soit le réglage.» Me penchant sur le cliché, j’ai tenté de distinguer quelque chose au milieu de cet enchevêtrement de taches grises. «C’est comme si les enfants étaient soudés à la tête; probablement des jumeaux siamois», a-t-elle ajouté. J’avais du mal à distinguer quoi que ce soit dans cette masse grise. Il me fallait regarder cela de plus près. J’ai saisi la photo, faisant tomber le petit bonhomme en métal. «Désolée», ai-je bredouillé, les yeux rivés sur le cliché. La doctoresse semblait avoir constaté quelque chose d’important, et je voulais le voir moi aussi. Mais, soudain, une nette sensation de froid s’est mise à envahir mon corps, et mon cerveau me semblait complètement engourdi; je n’arrivais plus à réfléchir. – Je ne suis pas tout à fait sûre de ce que j’avance là, a continué la gynécologue, rompant le silence, mais je le suppose fortement, étant donné que je ne distingue pas la limite des deux têtes. Regardez, j’ai fait plusieurs clichés, et à la tête, on ne voit toujours qu’une seule masse. Soudain, voyant son regard, j’ai compris: c’était certain, les enfants avaient une malformation. – Des jumeaux siamois? ai-je demandé, des images vues dans des livres d’école ou des dictionnaires me revenant en mémoire. Parlait-elle vraiment de mes enfants? Soudés à la tête? – Ils sont si petits! ai-je ajouté. Je n’en suis qu’à la douzième semaine! La doctoresse a fait un signe de la tête. – J’aimerais vous proposer d’aller vous faire examiner à la clinique, a-t-elle continué, remettant d’aplomb le petit 14


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bonhomme en métal. Leurs appareils, qui sont plus performants que le mien, permettent de faire des clichés plus précis. Si vous êtes d’accord, nous pouvons prendre directement rendez-vous pour demain. Le petit bonhomme se balançait à nouveau d’un côté, puis de l’autre, sur une seule jambe. Son mouvement était plutôt saccadé, mais il ne tombait jamais. Troublée, j’ai détourné la tête. Comment pouvais-je être ainsi absorbée par un jouet, alors que Mme Mertens attendait une réponse de ma part? Son visage était grave, mais elle restait malgré tout aimable et sympathique. Quel bon médecin! me suis-je dit, ce n’était sûrement pas facile, pour elle, de m’annoncer une pareille nouvelle. Dès ma première consultation, je m’étais sentie en confiance. Elle avait raison de m’envoyer à la clinique. Pour le moment, je n’avais pas besoin d’en savoir davantage. Il ne fallait pas réfléchir; ne rien faire, seulement dire «oui». Finalement, lentement, j’ai hoché la tête. – Bien sûr, j’irai à la clinique, ai-je répondu en remettant la photo, toute froissée, sur le bureau. Cette fois, le petit bonhomme est resté debout. Je me suis levée pour partir. Toute la suite s’est déroulée comme un film. Je n’avais qu’à jouer mon rôle et faire ce qu’on me disait. Tout d’abord, j’ai pris congé de Mme Mertens. Puis, je suis retournée à l’accueil, et sa secrétaire m’a pris un rendez-vous à la clinique. Elle m’a aussi remis mon carnet de maternité, que j’ai fourré aussitôt dans mon sac à main. Tout est allé très vite, et avant de m’en rendre compte, je me suis retrouvée dehors, sur le trottoir, dans le froid de février. La nuit était déjà tombée. Alors que j’attendais là, devant chez le médecin, faisant les cent pas, j’ai senti une douleur 15


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sourde dans ma poitrine. Je voulais réfléchir, mais je n’arrivais pas à mettre de l’ordre dans mes pensées. J’étais saisie par un engourdissement qui était en train de se répandre dans tout mon corps. Enfin, mon mari Peter et ma sœur Irène sont arrivés. Nous devions nous rendre ensemble à une rencontre de responsables d’école du dimanche. Irène, toute souriante, était assise au volant. A mon grand soulagement, mon mari était devant, à côté d’elle. – Tu nous attends depuis longtemps? a-t-il demandé, me regardant d’un air complice. A part nous deux, personne n’était au courant de ma grossesse, et manifestement, il prenait plaisir à garder ce joyeux secret. Mais je devais lui dire la vérité; il avait tellement désiré ces enfants. – Ça fait juste quelques minutes, ai-je répondu tout en attachant ma ceinture. J’ai adressé une courte prière de reconnaissance à Dieu qui permettait que je sois seule sur la banquette arrière. Au moins, Peter ne pourrait pas lire mes pensées. Epuisée, je m’efforçais de donner l’impression que tout allait bien. Heureusement que mon mari ne pouvait pas voir mon visage! Déjà avant notre mariage, je ne pouvais rien lui cacher, car il savait si bien deviner mes sentiments, et parfois même mes pensées. Après un trajet sans incident, nous sommes arrivés à notre lieu de rendez-vous. M’étant, entre-temps, quelque peu ressaisie, je parvenais mieux à cacher le terrible souci qui pesait sur mon cœur. Qu’aurais-je bien pu dire, de toute façon, entre deux portes, et au milieu de toutes ces personnes? Ce cours de formation pour les moniteurs d’école du dimanche regroupait plusieurs Eglises. L’orateur avait choisi un thème de la Bible. Je ne sais trop comment, sur le 16


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moment, j’ai pu tout suivre. Mais un peu plus tard, j’étais incapable de raconter de quoi il avait été question. En réalité, je n’avais qu’une envie: rentrer chez moi. J’étais fatiguée et je me sentais mal. A la maison, je pourrais boire une tisane avec Peter, puis m’asseoir tout contre lui dans le canapé, et tout cela ne serait plus qu’un mauvais rêve. Finalement, la formation a touché à sa fin, et je me suis retrouvée en train de souper avec mon mari. Comme il était déjà tard, nous n’avons pas traîné dans la cuisine et sommes allés rapidement nous coucher. Enfin allongée dans mon lit, je fixais le plafond. J’avais toujours mal partout. Tout cela est donc bien vrai, me disais-je. Puis, plaçant l’oreiller derrière mon dos, je me suis redressée et j’ai pris une grande respiration. Peter, qui avait posé son livre, me regardait attentivement. – Il faut que je te dise quelque chose d’important, ai-je commencé. Alors que je lui expliquais ce qu’avait dit la gynécologue, la douleur sourde qui, depuis des heures, pesait sur tout mon être, et la certitude qu’elle avait dit vrai m’ont submergée, et je n’ai pu qu’éclater en sanglots. Peter, silencieux, s’est rapproché de moi. Il avait tout écouté, mais ne parvenait pas encore à y croire. – Es-tu sûre que tout cela est vrai? a-t-il demandé en me tendant un paquet de mouchoirs. Puis, après un instant de silence, il a posé sa main sur mon bras. Ne dis-tu pas toimême que Mme Mertens n’était pas très sûre? Attends d’abord d’aller à la clinique et de voir le résultat de l’examen, puisqu’ils ont de meilleurs appareils. On ne peut pas toujours tout voir sur l’échographie. Peut-être s’est-elle trompée. Il peut y avoir tellement d’erreurs avec ce genre d’examens. Tout va s’arranger, tu vas voir, a-t-il encore ajouté, me passant la main dans les cheveux. 17


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Je me suis mouchée et j’ai respiré profondément. Effectivement, je m’étais déjà fait ces réflexions. Et si Peter pensait la même chose, tout n’était peut-être pas si grave. – Confions-nous en Dieu, Nelly, a-t-il dit encore, voyant que j’avais cessé de pleurer. C’est lui qui nous donne ces deux enfants, et il les connaît dès maintenant. Remercions-le pour cela, et demandons-lui de nous accorder, malgré tout, une bonne nuit de repos. Il porte ce fardeau avec nous, et il veut même nous en décharger totalement, ne l’oublions pas. Reconnaissante, j’ai mis ma main dans la sienne. Enfin, la douleur qui m’étreignait depuis la consultation chez Mme Mertens devenait supportable. Je ne suis pas seule, Peter est là; et il sait trouver les mots quand je n’en trouve plus. Il me soutiendra et m’aidera. Ensemble, nous tiendrons le coup. Et jamais Dieu ne nous abandonnera. Il sera toujours là pour nous. J’étais encore plongée dans mes pensées, mais Peter priait déjà, ainsi que nous en avions l’habitude avant d’éteindre la lumière. Peu après, nous nous sommes endormis, consolés.

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Chapitre 2

Bébés siamois

Le lendemain, je me suis retrouvée sur la table d’examen, à regarder le plafond. Mon dos me faisait mal, car j’étais dans cette position depuis plus d’une demi-heure. Il y avait maintenant trois médecins dans la pièce. Ils fixaient l’écran, et le médecin-chef passait et repassait la sonde sur mon ventre. Personne ne disait mot. Doucement, j’ai soulevé la jambe droite pour tenter de soulager ma douleur dorsale. Je voulais prier, mais ne trouvant pas les mots, j’ai fait confiance au Seigneur, qui saurait lire dans mes pensées. Les trois spécialistes observaient toujours les nombreux clichés. Je savais bien qu’il y avait quelque chose d’anormal, car leurs rires et leurs plaisanteries du début avaient cessé. Mme Mertens avait raison, me disais-je sans cesse. Mais curieusement, je pouvais me répéter ces paroles sans en comprendre véritablement le sens. Finalement, le silence devenant presque insupportable, quelqu’un s’est raclé la gorge. Le médecin-chef a reposé la sonde et m’a tendu une serviette en papier pour que je m’essuie le ventre. «Pourriez-vous repasser à mon bureau, Mme Block?» m’a-t-il demandé. Se taisant toujours, le 19


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troisième médecin a rassemblé les clichés fraîchement sortis de l’imprimante, puis tous ont quitté la salle d’examen. J’ai remis mes habits et recoiffé une mèche de cheveux rebelle. Puis, lentement, je me suis redressée, mais j’ai dû tout de suite m’appuyer sur le lit, car la tête me tournait. Prudemment, je me suis assise sur une chaise, essayant de penser à quelque chose. Il faut que tu parles avec le médecin, me suis-je dit comme si j’étais ma propre mère. Il te dira comment vont les bébés, puis tu pourras rentrer à la maison. Je me suis levée pour aller voir le Dr Thede. Celui-ci m’attendait déjà. Assis à son bureau, il examinait les clichés, sûrement pour la centième fois. J’ai pris place, puis il a levé les yeux vers moi. «Mme Block, a-t-il dit d’une voix grave. Malheureusement, je suis obligé de confirmer l’hypothèse émise par Mme Mertens hier. Les enfants sont soudés à la tête.» J’ai acquiescé, car je m’y attendais. Il a continué: «Etant donné que vous n’êtes que dans votre douzième semaine, on ne peut pas encore dire précisément comment ils sont soudés, mais le fait est là: ils le sont.» A nouveau, j’ai hoché la tête, sans rien dire. Que pouvaisje bien répondre? Et d’ailleurs, fallait-il vraiment que je dise quelque chose? Le Dr Thede qui, manifestement, ne s’attendait pas à ce silence, a ajouté doucement: «Votre gynécologue vous conseillera. Mais je voudrais d’ores et déjà vous dire que vous pouvez vous faire avorter; dans votre cas, ce serait justifié.» Puis, il a rédigé un court rapport à l’attention de Mme Mertens et glissé les nouvelles échographies dans l’enveloppe. Je l’ai regardé faire. Sur son bureau, il n’y avait aucun bibelot; pas de petit bonhomme en métal, uniquement les 20


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clichés, les formulaires et ce diagnostic: «bébés siamois soudés à la tête». A la douleur sourde qui m’oppressait depuis la veille s’ajoutait maintenant une crainte que je n’avais pas connue jusque-là: le mot «avortement» était tombé. Jamais, auparavant, je n’avais réfléchi à ce que pourrait signifier ce mot pour moi. Et jamais, je n’avais pensé être un jour confrontée à cette réalité: «bébés siamois». Je voulais rentrer chez moi! Lorsque je me suis enfin retrouvée dehors, j’ai décidé de couper par le cimetière. Car ainsi, je ne risquais pas de rencontrer quelqu’un que je connaissais, et je pourrais réfléchir en paix. Effectivement, lorsque j’ai refermé le portail et que je me suis engagée dans le petit chemin du cimetière, je n’entendais plus que le crissement de mes souliers dans le gravier. Gauche, droite, gauche, droite… Voulant arriver le plus vite possible, je marchais droit devant moi. Puis, alors que je passais devant une tombe sur laquelle on avait posé une bougie, je me suis arrêtée un instant pour regarder la flamme vacillante. «Au milieu même de la vie, la mort nous entoure.» Qui avait dit cela? L’apôtre Paul, Luther, Dietrich Bonhoeffer? A nouveau, la tête me tournait. Etait-ce dû à la grossesse? Vite, il fallait que je rentre! J’ai repris ma marche, au pas de course cette fois, le vent me fouettant le visage et me faisant pleurer. «Peter, la gynécologue avait raison, les bébés sont siamois et ils sont soudés à la tête. Non, personne ne sait quel sera leur handicap. A la clinique, le médecin m’a parlé d’avortement. Peter, as-tu jamais réfléchi à cette éventualité pour nos bébés? Je le sais, toi aussi, tu trouves que cela reviendrait à commettre un meurtre. Mais t’étais-tu imaginé être un jour confronté, en tant que père, à une telle décision: avorter nos enfants handicapés, ou les élever avec moi? Mais comment élever des enfants qui sont soudés à la 21


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tête? Comment de tels bébés peuvent-ils se développer? Nos enfants pourront-ils jouer, rire et aimer, Peter? Chéri, viens me chercher, je t’en prie, je n’arrive pas à rentrer toute seule.» Mécaniquement, je continuais à mettre un pied devant l’autre, sans m’arrêter, même pas pour me moucher. Je ne désirais qu’une chose: rentrer! Qu’allais-je vraiment dire à Peter, et que répondrait-il? Que fallait-il faire? Oh mon Dieu, que faire? Enfin, j’arrivais à la sortie du cimetière. Je n’en avais plus pour longtemps jusqu’à la maison. Où en serions-nous dans un an? Combien nous nous étions réjouis de donner naissance à des jumeaux! Peter, qui aime tant les enfants, avait accueilli la nouvelle avec un immense bonheur. Mais maintenant, tout était différent… Comment seraient nos enfants? Qu’allaient-ils pouvoir faire? Comment pourrions-nous vivre avec eux? Les médecins ne s’étaient-ils vraiment pas trompés? Tant de questions se bousculaient dans ma tête! Le chemin me semblait interminable, mais, enfin, je suis arrivée devant chez nous, soulagée. J’ai accroché mon manteau et mon sac à main au porte-manteau, je me suis affalée sur le canapé et j’ai fermé les yeux. Ceux-ci me brûlaient toujours à cause du vent et du froid, et même au bout d’un certain temps, cette sensation ne disparaissait pas. Encore deux heures, et Peter serait à la maison. En attendant, je me suis mise à observer le tapis multicolore qu’Ella et son mari nous avaient rapporté de leur voyage de noces. Il était particulièrement bigarré, et le motif était très original. Cette chère amie Ella! Elle avait déjà une petite fille et attendait maintenant son deuxième enfant. N’aurait-il pas été amusant que nous soyons enceintes en même temps? C’est ce que nous nous disions en plaisantant. Mais non, il ne fallait pas penser à cela maintenant… 22


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A leur retour de Tunisie, nos amis nous avaient raconté pendant des heures leur magnifique voyage. Ils avaient particulièrement apprécié d’en apprendre davantage sur l’art de nouer les tapis. Là-bas, ils avaient pu en voir de toutes sortes, noués à la main et tous plus splendides les uns que les autres, exposés dans une grande salle, fixés aux murs et accrochés au plafond. Il y en avait vraiment pour tous les goûts, et Ella avait tout de suite souhaité m’en acheter un. Le choix était vaste: certains motifs étaient très voyants, mais d’autres étaient plus sobres et plus délicats. Ils avaient aussi visité la grande halle dans laquelle de nombreuses femmes travaillaient à nouer les tapis. Cela les intéressait vraiment de voir de près la fabrication de ces chefs-d’œuvre. Mais ils n’avaient pas tardé à être déçus. De plus, ils avaient eu bien de la peine à trouver un interprète pour poser leurs questions. En effet, le premier ouvrage qu’ils avaient vu n’était qu’un enchevêtrement indescriptible de fils, de nœuds et de couleurs. Enfin, le contremaître était arrivé et ils avaient pu exprimer leur étonnement. Où étaient donc fabriqués les superbes tapis vendus dans la salle d’exposition? L’homme avait ri, puis il avait pris un tapis à moitié terminé sur une chaise. Ensuite, le guide avait expliqué: «Pour obtenir cet assemblage spécial de couleurs, il faut toujours travailler sur l’envers. C’est le côté que nous voyons maintenant. Pour l’instant, cela ressemble à un drôle de méli-mélo, mais à la fin, quand le tapis ne sera plus sur le métier, on verra le motif. Les femmes travaillent selon un modèle très précis, qui a été conçu par le maître. Lui seul connaît le dessin final, et c’est chaque fois une grande surprise lorsqu’on peut retourner un tapis terminé sur l’endroit.» Enthousiastes, Ella et son mari en avaient acheté deux, dont celui qui se trouvait dans notre salon. Nos amis 23


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aimaient à raconter cette histoire des tapis aux motifs que nul ne connaissait, hormis le maître qui les avait conçus. Tout à coup, des larmes ont commencé à tomber sur le canapé. La «digue» avait lâché, je ne pouvais plus me retenir. J’avais si mal, et je me trouvais comme «en plein dans l’envers du motif». Il n’y avait pas d’issue, seulement un enchevêtrement de fils qui ne ressemblait à rien… J’ai dû m’endormir, car le bruit de la clé dans la serrure m’a fait sursauter. La seconde d’après, Peter se tenait devant moi. Immédiatement, il a compris ce qui se passait. Je lui ai raconté tout ce que j’avais appris, étonnée d’arriver encore à m’exprimer. Peter ne disait rien. Il demeurait étrangement silencieux. Puis, une larme a roulé sur sa joue. «Nelly, a-t-il dit, Nelly…» Mais il n’a pu continuer. Comme je n’étais pas en mesure de le consoler, nous avons pleuré tous les deux. Un mouchoir mouillé après l’autre tombait sur le tapis. Pendant longtemps, nous sommes restés ainsi dans les bras l’un de l’autre, jusqu’à ce que nous n’ayons plus de larme à verser. Puis, nous avons soupé, et nous sommes allés nous coucher. Il était pourtant encore bien tôt, mais il n’y avait rien d’autre à faire, car nous étions épuisés d’avoir tant pleuré et nous avions encore beaucoup à discuter. Mais soudain, la sonnette a retenti. Vite, Peter s’est rhabillé pour aller ouvrir. C’étaient ses parents. Ils passaient simplement nous dire bonsoir et échanger quelques mots. Mon mari les a fait entrer. Tandis que je me rhabillais moi aussi, j’ai entendu ma belle-mère poser des questions au sujet du tas de mouchoirs qui se trouvait dans le salon. Peter a trouvé une excuse et s’est empressé de les mettre à la poubelle dans la cuisine. Lorsque je suis arrivée, on parlait de tout et de rien. Mes beaux-parents n’ont pas tardé à nous quitter. 24


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– Ils ont sûrement remarqué quelque chose; je n’arrivais pas à être naturel! a dit Peter en refermant la porte derrière eux. – C’était terrible, ai-je répondu, Peter me prenant dans ses bras. – Nous devrions les mettre au courant, a-t-il ajouté. Nous avons donc décidé de leur annoncer le diagnostic dès le lendemain. – Ce ne sera pas facile, a repris Peter, mais nous avons toujours pu leur faire confiance. Ils nous aiment et ont le droit d’apprendre cette nouvelle. Ils prieront pour nous. – C’est vrai, ai-je dit en hochant la tête, cela nous permettra de ne pas porter seuls notre fardeau.

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Chapitre 3

Une souffrance partagée

J’ai passé le samedi à faire les cent pas dans l’appartement. Le matin, nous avions téléphoné à nos parents et les avions priés de passer chez nous le soir, après la réunion de prière. L’après-midi, Peter est parti faire les courses, puis il est allé à l’Eglise, où il aidait pour la réunion d’enfants. Je suis restée à la maison. Depuis de nombreuses années, j’avais, moi aussi, beaucoup de joie à m’occuper des réunions d’enfants. Celles-ci avaient lieu pendant la réunion de prière des adultes. Nous racontions aux petits des histoires bibliques, et leur faisions faire des bricolages et des jeux. Mais, pour cette fois, je m’étais fait excuser. Je ne voulais en aucun cas sortir de chez moi, car tous auraient remarqué, en me voyant, que quelque chose n’allait pas. Qu’allaient dire nos parents? Et quelle décision allionsnous prendre? Agitée, je passais d’une pièce à l’autre. Puis, je me suis mise à regarder mes livres de classe, tentant de préparer mes cours pour la semaine suivante. Avec les élèves de CP, nous en étions au «Z». Mais l’essai n’était pas concluant. Peu de temps après, j’ai posé tous mes manuels. Toujours, les mêmes pensées me revenaient. Si je parvenais parfois, l’espace d’un instant, à me concentrer sur autre 27


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chose, le sentiment de tristesse profonde que j’éprouvais depuis le diagnostic continuait à peser sur mon cœur. Deux jours avant, seulement, tout était encore si beau, si harmonieux: nous nous réjouissions de fonder une famille, nous nous imaginions déjà en train de jouer avec nos enfants, de partir en vacances avec eux, de les accompagner à l’école maternelle, etc. Nous dormions, travaillions, faisions les courses… Tout était normal. Mais désormais, tout était si inquiétant, et notre désarroi était si grand. Comment vivre normalement, lorsque l’avenir était si incertain? Nous nous trouvions devant de bien sombres perspectives. J’allais sans cesse voir à la fenêtre pour guetter le retour de Peter. La forte pluie qui tambourinait sur les vitres rendait cette journée de février encore plus morne et triste qu’elle ne l’était déjà. «Dans ce cas, un avortement serait justifié.» Pourquoi ces paroles me revenaient-elles toujours à l’esprit? Sans repos, je continuais à arpenter l’appartement. Je n’avais rien envie de faire. Comment pourrais-je justifier un avortement? Plusieurs années auparavant, j’avais décidé de ne jamais envisager une chose pareille. Cependant, cela ne faciliterait-il pas les choses, maintenant? Je pourrais rapidement tomber à nouveau enceinte, et nous pourrions avoir encore plusieurs autres enfants. Mais comment justifier cet acte? Deux jours plus tôt, j’étais encore tout à fait convaincue que chaque enfant est un miracle de Dieu, que chaque naissance est voulue de lui et s’inscrit dans son plan. Mais Seigneur, des bébés siamois font-ils vraiment partie de ton plan? Comment seront-ils soudés? Au visage? Et leur visage sera-t-il complètement déformé? N’auront-ils que trois yeux en tout, au lieu de deux chacun? Comment pareille chose est-elle possible? Oh Seigneur, permets que mes enfants aient chacun leur visage! 28


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