OUR1034-extrait

Page 1

David Gregory

Rencontre avec un parfait inconnu Une singulière invitation


Titre original en anglais: Dinner With a Perfect Stranger Originally published in English under the title: Dinner With a Perfect Stranger by David Gregory Copyright © 2005 by David Gregory Smith Published by WaterBrook Press an imprint of the Crown Publishing Group, a division of Random House, Inc. 12265 Oracle Boulevard, Suite 200 Colorado Springs, Colorado 80921, USA International rights contracted through: Gospel Literature International P.O. Box 4060 Ontario, California 91761-1003, USA This translation published by arrangement with WaterBrook Press, an imprint of the Crown Publishing Group, a division of Random House, Inc. Sauf mention contraire, les textes bibliques sont tirés de la version Segond 21 – www.universdelabible.net Photo de couverture: © Andrejs Nikiforovs - Fotolia.com Traduction: Dorcas Poget © et édition française Ourania, 2010 Case postale 128 CH-1032 Romanel-sur-Lausanne

ISBN 978-2-940335-34-3 Imprimé en UE

A Rick et Denise, grâce à qui cet ouvrage a pu voir le jour


Table des matières

Remerciements .................................

9

1 L’invitation .................................

11

2 La carte des vins ..........................

19

3 Le choix du menu .........................

29

4 L’entrée .....................................

39

5 La salade ...................................

55

6 Le plat principal ...........................

67

7 Le dessert ..................................

79

8 Le café ......................................

95

9 L’addition ................................... 109 10 Le retour à la maison...................... 119


Mais j’y suis déjà presque. Et, de toute façon, si cela tourne mal, je pourrai toujours me racheter auprès de ma femme en rentrant plus tôt. En arrivant à la maison avant l’heure prévue au moins une fois par mois, il me semble que je devrais pouvoir remonter un peu dans son estime. Et après ces trois dernières semaines, j’en ai vraiment besoin. Ce plan B en tête, je traverse le parking, pousse la porte du restaurant et jette un rapide coup d’œil sur la salle qui comporte une vingtaine de tables. Mais je n’y vois aucun homme qui ait les cheveux longs et soit vêtu d’une ample tunique. Et je n’aperçois aucun collègue de travail…

18

2. La carte des vins

– Une table pour une personne, Monsieur? -H PH UpVHUYDLV OD SRVVLELOLWp GH ÀOHU DYDQW TX·RQ ne remarque ma présence, mais le maître d’hôtel vient de surgir de derrière le bar. – Monsieur? Une table pour une personne? – Non, euh… je suis attendu. Guillaume Martin… – Ah, Monsieur Martin? Suivez-moi! Il me remet la carte des menus et me conduit le long du treillis en bois qui délimite l’unique salle à manger. L’endroit n’a pas changé depuis que j’y ai invité ma femme pour la Saint-Valentin, il y a deux ans. Deux petites nappes, une blanche et une rouge, recouvrent chaque table. De grands miroirs donnent l’impression qu’il y a une autre salle sur le côté. Des fenêtres, on aperçoit la Seine HW OHV OXPLqUHV GH OD YLOOH TXL V·\ UHÁqWHQW 8Q DLU d’Andrea Bocelli, que Florence aime particulièrement, résonne doucement à travers la pièce. /H PDUGL Q·D SDV O·DLU G·rWUH XQ MRXU G·DIÁXHQFH au Milano. Quatre tables seulement sont occupées. Une délicieuse odeur de petits pains grillés parvient à mes narines depuis une table située vers l’avant, où six personnes d’un certain âge

19


rient joyeusement. Dans le coin, au fond Ă droite, un jeune couple d’une vingtaine d’annĂŠes se tient la main et se regarde avec des yeux tendres, le jeune homme n’ayant manifestement pas remarquĂŠ que la manche de sa chemise trempe dans son assiette de raviolis. Au milieu de la salle, deux femmes bien en chair pouffent de rire en entamant un ĂŠnorme gâteau au chocolat. Et au fond Ă gauche, seul Ă une table, un homme d’environ 30 ans, vĂŞtu d’un costume bleu, examine attentivement la carte des entrĂŠes. Le maĂŽtre d’hĂ´tel me conduit vers lui. L’inconnu, se levant de sa chaise, me tend la main et serre fermement la mienne. – Guillaume Martin, dit-il, bonsoir. JĂŠsus. En y repensant, je me dis que des milliers de rĂŠponses auraient ĂŠtĂŠ possibles: ÂŤJĂŠsus-Christ? EnFKDQWp GH Ă€QDOHPHQW YRXV UHQFRQWUHU ÂŞ RX Š1H manque-t-il pas douze personnes Ă notre table?Âť ou encore: ÂŤJe ne savais pas que vous aviez ĂŠtĂŠ enterrĂŠ en costume‌ Mais stupĂŠfait par le caractère absurde de la scène, je ne parviens pas Ă articuler un seul mot. Que rĂŠpondre Ă cela? Nous ĂŠchangeons une poignĂŠe de mains qui dure un peu trop longtemps Ă mon goĂťt‌ jusqu’à ce que j’Êmette un discret: ÂŤHum!Âť Il lâche alors ma main et se rassoit. Mon regard croise celui du maĂŽtre d’hĂ´tel, qui s’empresse de tourner la tĂŞte. Il Ă´te la serviette de dessus mon assiette et m’invite Ă prendre place.

20

Puis, il me remet un menu et, après avoir lancĂŠ un ÂŤBon appĂŠtit!Âť, me laisse seul avec‌ – Merci d’avoir acceptĂŠ mon invitation, commence l’homme. Ce n’Êtait probablement pas le meilleur moment pour vous, en plein milieu de semaine‌ 1RXV QRXV UHJDUGRQV VDQV ULHQ GLUH (QĂ€Q je le reJDUGH Ă€[HPHQW /XL UHSUHQG VRQ pWXGH GX PHQX Il est de taille normale, un peu plus petit que moi. Peut-ĂŞtre fait-il 1 m 70, ou quelque chose comme cela. Son teint est lĂŠgèrement basanĂŠ, ses cheveux noirs et frisĂŠs sont coupĂŠs courts et peignĂŠs vers l’avant. Ses sourcils bien fournis (Florence me les ferait couper, je pense) retombent sur ses yeux SURIRQGV HW PDUURQV VXIĂ€VDPPHQW VRPEUHV SRXU TXH O¡RQ QH SXLVVH SDV YUDLPHQW GLVWLQJXHU OD Ă€Q GH l’iris du dĂŠbut de la pupille. Son nez ĂŠtroit et ses OqYUHV Ă€QHV V¡DFFRUGHQW DYHF XQ PHQWRQ TXL UHQWUH lĂŠgèrement, comme s’il savait qu’il ne pouvait se mesurer aux sourcils. L’homme ne ressemble pas aux stars qui sont en couverture des journaux de mode masculine, mais il me paraĂŽt plus sportif que moi. Son costume n’est pas un Emporio Armani, toutefois, il est correct et simple. Il relève la tĂŞte et me surprend en train de le dĂŠvisager, mais cela ne semble aucunement l’incommoder. Puisque, malgrĂŠ mon observation attentive, je ne vois rien qui puisse m’indiquer qui est Ă l’origine de cette singulière invitation, je dĂŠcide d’ouvrir grand mes oreilles. – Excusez-moi, mais suis-je censĂŠ vous connaĂŽtre?

21


– Bonne question, dit-il en souriant, je dirais que oui. – DĂŠsolĂŠ, mais je ne me souviens pas de vous avoir dĂŠjĂ rencontrÊ‌ – Effectivement. Je regarde autour de moi, m’attendant Ă ce que mes collègues farceurs surgissent des toilettes ou de derrière le treillis en bois. Mais il n’y a personne en vue‌ Je concentre Ă nouveau mon attention sur l’Êtrange inconnu assis en face de moi. – Donc, vous ĂŞtes‌ – JĂŠsus. Dans ma famille, on m’appelait Yechoua. – Votre famille originaire de‌ – Nazareth. – Oui, ĂŠvidemment. – En fait, c’est lĂ que j’ai grandi, mais je suis nĂŠ ailleurs. – Bien sĂťr. Vous avez dĂť naĂŽtre à ‌ – BethlĂŠem. Mais nous n’y sommes restĂŠs que peu de temps, avant de partir en Egypte. &HOD PH VXIĂ€WÂŤ &H W\SH HVW WLPEUp 6DQV XQ PRW je me lève, repasse le long du treillis, tourne Ă droite et entre dans les toilettes messieurs. Hormis le jeune gars aux raviolis qui nettoie sa manche de chemise, il n’y a personne. Je sors Ă reculons et j’hĂŠsite un instant Ă pousser la porte des toilettes dames. Mais en rĂŠalitĂŠ, je n’ai pas autant envie que cela de tomber sur Christophe et Thomas. Je prends Ă gauche et jette un coup d’œil dans la cuisine Ă travers la porte vitrĂŠe qui y conduit. Rien. Je m’arrĂŞte, j’inspecte du regard la

22

salle Ă manger, puis, dĂŠcidant que cela permettra une approche plus directe, je retourne Ă table. – Ecoutez, dis-je, assis sur le bord de ma chaise, j’ai mieux Ă faire ce soir que de partager un repas DYHFÂŤ 4XL rWHV YRXV DX MXVWH HW TXH VLJQLĂ€H WRXW cela? Sans que je le veuille, le ton de ma voix laisse transparaĂŽtre un certain ĂŠnervement. Pourtant, au fond, cet inconnu n’a rien fait d’autre que de m’inviter au restaurant‌ – Je sais, cette rencontre ne correspond pas Ă ce que vous vous ĂŠtiez imaginĂŠ. Mais si vous acceptez de rester jusqu’au bout, vous dĂŠcouvrirez un sens Ă tout cela. – Bien sĂťr! dis-je, qui n’aurait pas envie de partager un repas avec JĂŠsus? D’ailleurs, la semaine dernière, j’ai mangĂŠ avec NapolĂŠon, et celle d’avant, avec Socrate. Mais JĂŠsus! Merci beaucoup d’avoir fait tout ce chemin depuis la terre sainte! Je me rends compte que je hausse la voix malgrĂŠ moi. Les deux femmes de la table du milieu se sont tournĂŠes dans notre direction. Lui reste assis, silencieux. – Euh, dis-je en me levant Ă nouveau, il faut que je rentre pour ĂŞtre un peu avec ma femme et ma Ă€OOH 0HUFL SRXU O¡LQYLWDWLRQ Je tends la main d’un geste conciliant. – Florence est allĂŠe au cinĂŠma avec VĂŠronique, dit-il, imperturbable. Elle a demandĂŠ Ă Violaine de garder Manon.

23


7LHQVÂŤ (QĂ€Q TXHOTXHV SLqFHV GX SX]]OH FRPPHQcent Ă se mettre en place: il connaĂŽt ma femme, il connaĂŽt VĂŠronique Laporte, l’Êpouse d’Antoine, mon meilleur ami, il connaĂŽt Violaine, notre baby-sitter attitrĂŠe, et il sait que Florence et VĂŠronique sont allĂŠes au cinĂŠma‌ Une fois de plus, je me rassois. – Est-ce Antoine qui est derrière tout ça? HonnĂŞtement, j’ai du mal Ă imaginer qu’Antoine ait quelque chose Ă voir avec ce qui se passe ici, car tout cela est bien trop bizarre pour lui. – Non. Je reviens donc Ă mes suspects du dĂŠpart. – Seriez-vous un ami de Christophe PrĂŠvost et Thomas Picard? Il pose la carte qu’il tenait dans ses mains et se penche vers moi. – Ecoutez, je vais vous dire une chose: si vous resWH] SRXU FH GvQHU MH YRXV SURPHWV TX¡j OD Ă€Q MH vous expliquerai qui a tout organisĂŠ. La dernière fois que Christophe et Thomas m’ont IDLW XQH YUDLH IDUFH M¡DL Ă€QL WRXW KDELOOp GDQV XQH piscine, en plein automne. Heureusement que l’eau ĂŠtait chauffĂŠe‌ Et ce soir, me voilĂ au restaurant avec un type qui se fait passer pour JĂŠsus. – Avez-vous choisi un vin, Monsieur? demande le serveur Ă l’inconnu en face de moi, me tirant de mes pensĂŠes. – Je crois que je prĂŠfère laisser mon ami choisir, rĂŠpond-il en me regardant. – Voulez-vous du vin?

24

– Qui est-ce qui paye? – C’est moi. – Oui, bien sĂťr. J’ouvre la carte des vins et je jette un Ĺ“il Ă la trentaine de crus proposĂŠs. Je suis tentĂŠ de comPDQGHU OH SOXV FKHU GH OD OLVWH PDLV Ă€QDOHPHQW MH choisis un blanc dans la moyenne. – Nous prendrons un Sancerre. Je rends la carte au serveur. Il regarde mon hĂ´te qui acquiesce discrètement. – Entendu, le Domaine de la Tressaille, Sancerre FRQĂ€UPH OH VHUYHXU Il nous laisse et croise un assistant serveur qui arrive avec une carafe d’eau. Ce dernier remplit d’abord mon verre, puis celui de mon hĂ´te, ce qui lui vaut un: ÂŤMerci, Carlos!Âť Nous buvons tous deux une gorgĂŠe. Je dois admettre que ce type est vraiment douÊ‌ OĂš ont-ils bien pu trouver quelqu’un qui ĂŠtait d’accord de jouer le rĂ´le de JĂŠsus pour une soirĂŠe? Et ce de manière si modeste, comme s’il ĂŠtait comme tout le monde. Mais pourquoi ont-ils fait cela? A quoi ça rime, toute cette histoire? Surtout que Christophe et Thomas ne sont pas particulièrement religieux. Christophe va Ă la messe Ă NoĂŤl et Ă Pâques, quand sa femme arrive Ă l’y traĂŽner. Quant Ă Thomas, il ne s’intĂŠresse qu’à son prestigieux club de golfeurs. VoilĂ son ĂŠglise‌ Alors que je jette un regard furtif dans la direction des amoureux, le miroir retient mon attention: se

25


pourrait-il qu’il soit à double fond? Cela semble un peu tiré par les cheveux, mais ce ne serait pas plus étrange que la manière dont se déroule cette soirée jusqu’à présent… Notre serveur réapparaît derrière moi avec la bouteille de vin, l’ouvre et pose le bouchon de liège à côté pour moi. Je le prends et le hume. – Il sent bon. Je le regarde, remarquant une légère expression de surprise dans ses yeux. Puis, il me verse un peu de vin dans le verre réservé à cet effet et me le tend pour que je goûte. Il m’arrive régulièrement de boire un peu de vin à la maison avec Florence, mais il n’est pas de cette qualité. – Excellent. Il remplit mon verre, puis celui de l’étrange inconnu, et repart en nous laissant la bouteille, ce qui lui vaut un: «Merci, Eduardo.» Mais est-ce qu’il connaît chaque membre du personnel de ce restaurant par son prénom? Il doit venir ici toutes les semaines! Je suis tenté de lui poser des questions pour en savoir plus, mais je décide d’adopter une autre stratégie. Je me recule, m’appuie sur le dossier de la chaise et me tourne vers cet homme qui se fait passer pour «Jésus», réprimant mon sourire sarcastique habituel. – Alors, comme ça, votre famille vous appelait Yechoua?

26

– La plupart du temps, oui. Jacques m’appelait aussi autrement. – Bon. Je peux vous appeler «Yech»? – Comme vous voulez. – Alors ce sera «Yech». Dites-moi – je lève mon verre de vin – pouvez-vous transformer ce vin en eau?

27


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.