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Christopher Catherwood

Un Dieu divisé?

Judaïsme, christianisme et islam sous la loupe


Titre original en anglais: A God Divided Christopher Catherwood Copyright © 2007 by Christopher Catherwood David C. Cook 4050 Lee Vance View Colorado Springs, Colorado 90818 USA

Les textes bibliques sont tirés de la version Segond 21 www.universdelabible.net

Les citations du Coran sont tirées du Saint Coran et la traduction en langue française du sens de ses versets, traduit par le Professeur Muhammad Hamidullah et édité par le Complexe du Roi Fahd en 1990

Traduction et adaptation française: Odile Favre, Olivia Festal © et édition: Ourania, 2010 Case postale 128, CH-1032 Romanel-sur-Lausanne E-mail: info@ourania.ch Internet: www.ourania.ch

ISBN 978-2-940335-36-7 Imprimé en UE

Table des matières

Remarque préliminaire ........................................... Introduction ..........................................................

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1. Une foi en un seul Dieu ...................................... 2. Peuple de Dieu .................................................. 3. Un Sauveur parmi nous ...................................... 4. L’islam, troisième grand monothéisme ................... 5. De Saladin à Ben Laden ..................................... 6. Les trois grands monothéismes et leurs réformes ..... 7. Une foi vivante .................................................. 8. Pourquoi l’islam n’est pas le seul problème ............

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Conclusion ........................................................... Appendice ...........................................................

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Chapitre 3

Un Sauveur parmi nous

Comme nous l’avons vu, le christianisme est, chronologiquement parlant, la deuxième des trois grandes religions monothéistes pour lesquelles Abraham est un modèle de foi. Toutefois, elle est complètement différente des deux autres. Dans ce chapitre, nous parlerons clairement de ce qui fait la particularité de la foi chrétienne et de la raison pour laquelle les chrétiens se réclament d’une seule vérité objective. Bien entendu, cette façon de voir les choses n’est pas acceptable pour beaucoup de penseurs et intellectuels non croyants. Elle ne se conforme pas non plus au courant postmoderne actuellement en vogue dans nos universités occidentales, ni à la mentalité de la plupart de nos contemporains. Toutefois, cela ne veut pas dire que la foi véritable est une notion relative, que pour les uns ce serait le christianisme, pour d’autres, le judaïsme, l’islam ou une autre croyance encore. Lorsque les gens réclament une approche plus «objective» de la personne de Jésus et du but de sa venue, c’est révélateur en ce qui concerne leur conception de la religion. De plus, en 59


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déclarant que toutes les croyances détiennent la vérité, ces personnes ne sont pas en accord avec la logique. Car s’il en est ainsi, l’idée contraire, à savoir qu’aucune croyance religieuse ne détient la vérité, est vraie aussi, puisque, s’intéressant à des questions essentielles, elle est, de ce fait, aussi une conviction religieuse. Or ces deux idées contraires s’annulent mutuellement! De même, les croyances fondamentales de l’islam et de la foi chrétienne, deux religions monothéistes qui se définissent comme universelles, sont contradictoires. Il est donc impossible que toutes deux détiennent la vérité universelle; soit l’une est vraie et l’autre ne l’est pas, soit ni l’une ni l’autre ne le sont!1 C’est dans cette optique que nous aborderons les choses au cours de ce chapitre.

Mais dans ce chapitre, je montrerai que, même si la foi chrétienne et le judaïsme ont beaucoup en commun, pour les auteurs non croyants, les deux «religions universelles», comme ils les appellent, sont le christianisme et l’islam. Cette expression désigne des croyances qui se définissent non seulement comme uniques, mais aussi comme ouvertes à tous et valables pour tous les hommes, peu importe le peuple auquel ils appartiennent. Même s’il y a toujours eu des non-Juifs qui se sont convertis au judaïsme, d’une manière générale, la foi juive est demeurée la religion d’un peuple. Il n’en va pas de même de la foi chrétienne ou de l’islam. Et à notre époque de mondialisation et de l’après 11 septembre, c’est une réalité qu’il est de plus en plus indispensable de ne pas oublier.

Pourquoi la foi chrétienne est-elle différente?2 Pour répondre à cette question, il convient tout d’abord de considérer ce qu’est la foi chrétienne en elle-même. Ensuite, nous réfléchirons à ce qui la distingue de la foi monothéiste qui l’a précédée, le judaïsme, et de celle qui est venue après elle, l’islam. Ce dernier aspect sera abordé plus en détail dans un chapitre traitant de ce que croient les musulmans. 1

Voir à ce sujet: Dean Halverson et al., Guide des religions, La Maison de la Bible, 2009, pp. 255-258. (N.d.E.) 2 L’approche développée dans cet ouvrage est basée sur un point de vue explicitement chrétien. J’ai publié auparavant des livres neutres chez des éditeurs séculiers, notamment sur l’histoire du Moyen-Orient, mais celui-ci, de par son titre même, Un Dieu divisé? se veut objectif sur une autre base: la base théologique ou doctrinale. Ce faisant, il montre clairement quelle religion, parmi les trois qui sont dites «abrahamiques», détient réellement la vérité.

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Une foi centrée sur une Personne La foi chrétienne remonte au 1er siècle apr. J.-C. Nous ne connaissons pas la date exacte de la naissance de Jésus, car ce n’est qu’au 6e siècle qu’ont été introduites, par un abbé, les références «av. J.-C.» et «apr. J.-C.» utilisées dans notre système de datation actuel. Toutefois, certains détails des Evangiles au sujet des empereurs et gouverneurs de l’époque, notamment dans l’Evangile de Luc, nous permettent d’estimer cette date de façon approximative. Selon ces indications, il est peu probable qu’il s’agisse de l’an 1; Jésus est vraisemblablement né quelques années plus tôt. La foi chrétienne est la seule religion monothéiste qui porte le nom de son fondateur, Jésus-Christ. Le judaïsme tire son nom d’un peuple, les Juifs. Quant au mot islam, il signifie «soumission» en arabe et désigne une réalité doctrinale (il n’est donc 61


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pas juste de parler de «mahométanisme», comme on le faisait autrefois en Occident). Ce lien entre Christ et la foi chrétienne est capital. Car c’est ce qui fait la spécificité et l’exclusivité de cette foi. Celle-ci est en effet tournée vers une personne bien avant de définir des règles de vie. Les chrétiens croient qu’ils sont sauvés par ce que Jésus a fait, et non pas simplement par ce qu’il a dit. C’est une foi qui appelle l’homme à se réconcilier avec Dieu par le sacrifice de Jésus sur la croix, plutôt que de l’enjoindre à suivre toutes sortes de lois morales définies. Cela doit être souligné dès le début. Car comme nous l’avons vu, les Juifs ont eu, à travers les siècles, leurs grands chefs spirituels et nationaux. Et Mahomet était à la fois le chef spirituel, politique et militaire de la communauté musulmane de l’époque. Cependant, les Juifs ne sont pas sauvés par Abraham, et les musulmans ne le sont pas non plus par Mahomet, même s’ils le vénèrent comme prophète. Seuls les chrétiens sont convaincus que le fondateur de leur foi est leur Sauveur.3 Les chrétiens croient que Jésus est Dieu, c’est-à-dire Dieu le Fils. Cela, en soi, les distingue des juifs et des musulmans. Car aucun des grands héros de la foi juive, d’Abraham à David, en passant par Moïse, n’est reconnu par les juifs comme étant de nature divine. De même, si, dans l’islam, Mahomet est le dernier prophète de Dieu, il est clairement présenté comme n’étant pas de nature divine. En outre, tout en étant vénéré par les musulmans, il n’est, pour ainsi dire, pas mentionné dans le Coran.

La doctrine de la tri-unité, trois personnes en un seul Dieu, est spécifique à la foi chrétienne, le judaïsme et l’islam enseignant tous deux l’unicité de Dieu/d’Allah. En tant que chrétiens, nous voyons cette doctrine implicitement exposée dans l’Ancien Testament4, mais juifs et musulmans y sont opposés. Dans l’islam, elle est même considérée comme blasphématoire, car pour les musulmans, Allah est un (voir sourates 4.171; 5.72-73). De plus, Mahomet, à l’époque, n’a probablement eu connaissance que de thèses tout à fait hérétiques comme, par exemple, celle qui intègre Marie à la tri-unité (voir sourate 5.116). Par ailleurs, selon la foi juive et, plus encore selon l’islam, c’est en obéissant à la loi et en faisant de bonnes actions que l’homme devrait pouvoir entrer au ciel. Ce n’est donc pas par une personne qu’il parvient au salut. Par ailleurs, ces deux religions sont des «religions de naissance», bien que, comme le montre très clairement l’Ancien Testament, le fait d’être né juif ne sauve personne en soi. Jésus a dit, comme nous pouvons le lire en Matthieu 5.17, qu’il était venu accomplir la loi, et la Bible nous fait comprendre qu’il nous est impossible de respecter la loi dans sa totalité. La loi condamne, mais ne peut sauver. Elle nous rend conscients de notre besoin d’un Sauveur et nous pousse vers Dieu. Comme le montre l’exemple des pharisiens qui, malgré leur zèle et leurs bonnes intentions, étaient souvent tristement éloignés de Dieu dans leur cœur, le judaïsme est devenu une religion de plus en plus légaliste. Avec le temps, les lois et les 4

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Nous aborderons plus tard la question soulevée par de nombreux adeptes de la pensée postmoderne: le Dieu des trois religions monothéistes, dites «abrahamiques», est-il un seul et même Dieu?

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Par exemple en Esaïe 63.7-10: au verset 7, le prophète parle de l’Eternel (Yaweh en hébreu), puis au verset suivant, il dit qu’il a été leur Sauveur (Yechoua en hébreu, c.-à-d. Jésus) et, enfin, au verset 10, il rappelle que le peuple s’est rebellé contre Yechoua et a «attristé son Esprit saint». (N.d.E.)

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préceptes ajoutés par les hommes ont été bien au-delà des commandements simples et clairs de l’Ecriture. Car le respect de la loi est une chose, mais le légalisme en est une autre. Il conduit ceux qui le pratiquent à accorder tellement d’importance à de petits détails qu’ils perdent de vue l’esprit de la loi, c’est-à-dire ce qui en fait l’essence.5 Cet aspect légaliste est encore plus présent dans l’islam, en tout cas dans ses formes non mystiques.6 Les chrétiens croient, ainsi que le montre le Nouveau Testament, que l’homme peut réellement connaître Dieu à travers Jésus-Christ. Néanmoins, il apparaît clairement dans l’Ancien Testament qu’une relation avec le Dieu d’Israël était déjà possible à l’époque. Il suffit, pour s’en rendre compte, d’examiner la profonde vie de prière de certains grands personnages bibliques, tels Abraham, Moïse, David, Daniel ou Néhémie. Et ce ne sont pas les seuls exemples. C’est plus tard que la foi juive est devenue de plus en plus formelle et impersonnelle. D’une manière générale, cette notion de relation personnelle avec Dieu est, à l’exception des fraternités soufies, étrangère aux musulmans. Nous n’en voyons pas non plus réellement de traces dans l’histoire de l’islam. Les spécialistes ont défini le soufisme comme la recherche d’une foi plus personnelle, en réaction à l’orientation tout à fait impersonnelle et légaliste de l’islam coranique. Il est intéressant de remarquer que cette

aspiration à une foi plus personnelle est précisément ce que les autres musulmans reprochent à la philosophie soufie. Ce courant est aussi rejeté à cause de son aspect syncrétique, le soufisme ayant emprunté des éléments aux autres religions (en particulier à l’hindouisme, au bouddhisme d’Asie centrale et à la vie monastique du christianisme moyenâgeux).

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En 2 Corinthiens 3.6, Paul écrit: «Il [Dieu] nous a aussi rendus capables d’être serviteurs d’une nouvelle alliance, non de la lettre, mais de l’Esprit; car la lettre tue, mais l’Esprit fait vivre.» (N.d.E.) 6 Les soufis, adeptes d’un mouvement mystique et ascète de l’islam (le soufisme), n’ont pas la même interprétation de l’islam que les autres musulmans qui, à leur tour, sont souvent sceptiques par rapport à la pensée soufie.

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Selon ces divers aspects que nous venons de considérer, la foi chrétienne se distingue très nettement des deux autres grands monothéismes. Comme le judaïsme et l’islam, elle est une religion dite «révélée», c’est-à-dire qui part du principe que Dieu peut parfaitement se faire connaître dans notre langue et dans notre monde. Mais à la différence du judaïsme, elle considère, sur la base de la Bible, que cette révélation est désormais complète. Et contrairement à l’islam, cette révélation est, dans la foi chrétienne, centrée sur une personne et non sur un ensemble de lois. Si donc ceux qui ont grandi dans une famille chrétienne ont souvent appris que seule la foi biblique était une religion révélée, au sens strict du terme, on ne peut pas dire qu’il en soit ainsi. Ce qui est vrai, en revanche, c’est que seule la Bible nous révèle véritablement et pleinement le caractère et la personne de Dieu. Et cette révélation se distingue de celle du judaïsme et de l’islam. Pour prendre une image, cette différence ressemble à celle qu’il pourrait y avoir entre la manière dont les médias présentent un homme politique et la manière dont son épouse le présenterait. Qui connaît vraiment cet homme? Encore une fois, les Juifs n’ont pas été sauvés par Abraham, et les musulmans ne le sont pas non plus par ce que Mahomet a accompli de son vivant. Les chrétiens, en revanche, savent 65


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qu’ils obtiennent un salut parfait par Jésus-Christ et par lui seul. «Toute notre justice est pareille à un habit taché de sang», peuton lire en Esaïe 64.5. Ainsi, même le plus «juste» des hommes ne pourra jamais obtenir le salut par lui-même. Voilà pourquoi la grâce est si importante. La grâce est le «signe distinctif» de la foi chrétienne au regard des autres monothéismes. Elle est implicitement présente dans l’Ancien Testament, puisqu’il y apparaît clairement que le simple fait d’être juif ne suffisait pas pour être sauvé. En outre, comme le montre l’Epître aux Hébreux, les juifs pieux et fidèles étaient sauvés par la foi en la personne de Dieu, comme les chrétiens aujourd’hui. Mais la grande différence, c’est que les chrétiens savent maintenant tout à fait clairement comment et par qui ils obtiennent le salut. Bien qu’en Occident, la fête de Noël soit, de façon assez générale, devenue une fête dépourvue de sens religieux, le récit de la naissance de Jésus revêt une grande importance et, une fois de plus, il est unique. Nous pouvons lire des récits concernant Abraham et Mahomet adultes, mais nous ne savons rien de la naissance d’Abraham et disposons de très peu de détails sur celle de Mahomet. La venue de Jésus n’était pas un événement ordinaire, et il est capital que les chrétiens continuent à souligner que leur foi repose sur l’intervention miraculeuse de Dieu lui-même. La naissance virginale du Sauveur est un des miracles les plus importants. Si elle ne fait l’objet d’une fête que depuis le 4e siècle et n’a certainement pas eu lieu le 25 décembre (cette date était alors celle de la fête païenne du solstice d’hiver), elle demeure l’événement unique de la venue de Dieu sur la terre: Dieu se faisant homme. Aucune autre religion ne comporte la foi en un Sauveur comme Jésus-Christ qui, comme nous, a été tenté

en toute chose, mais contrairement à nous, n’a jamais commis aucun péché (voir Hébreux 4.15). Quelque part, d’un point de vue spirituel, il est étrange que nous accordions à la fête de Noël plus d’importance qu’à celle de Pâques. S’il y a eu Noël, c’était pour que Pâques puisse avoir lieu. Ce que Jésus-Christ a fait en mourant sur la croix à notre place, en prenant sur lui la punition que nous méritions à cause de nos péchés, puis en ressuscitant des morts le troisième jour est le message central de l’Evangile et le cœur de la foi chrétienne. La notion d’expiation, c’est-à-dire de sacrifice offert pour les péchés, est extrêmement présente dans tout l’Ancien Testament. Cependant, les sacrifices devaient être sans cesse répétés. Mais la bonne nouvelle, c’est que Jésus-Christ s’est offert en sacrifice une fois pour toutes, et que son sacrifice est valable pour l’éternité (voir Hébreux 7.27; 9.12, 25-26, 28; 10.10). Ces notions d’expiation et de rédemption sont complètement absentes de la foi musulmane, ce qui la distingue tout à fait du christianisme et du judaïsme. Elles constituent très clairement une des spécificités de la foi chrétienne, ainsi que le soulignent de nombreux ouvrages encourageant les chrétiens à présenter l’Evangile à leurs amis musulmans. Non seulement l’homme peut connaître Dieu personnellement, mais Dieu a prévu un moyen pour sauver de la mort et du péché tous ceux qui se tournent vers lui dans une attitude de repentance et de foi (c’est-à-dire en regrettant sincèrement leurs fautes et en s’en détournant pour s’abandonner à Dieu). Les Evangiles, qui relatent la vie de Jésus, diffèrent par là de l’Ancien Testament et du Coran. Si, comme nous l’avons vu, l’Ancien Testament est d’une honnêteté réconfortante en

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ne cachant pas les faiblesses de certains personnages-clés, le Nouveau Testament affirme clairement que Jésus était sans péché (voir p. ex. Hébreux 4.15). Il ne cache toutefois pas les faiblesses de ses disciples, à la différence du Coran, mais ne centre pas le récit sur eux. En réalité, le Coran ne mentionne

Il y a cependant une différence, subtile mais non moins importante pour autant, entre la Bible et le Coran. Tous deux contiennent des lois et des instructions sur la façon de mener une vie juste. L’Ancien Testament, notamment, comprend de très nombreux préceptes. Comme nous l’évoquions au début du chapitre 2, nous y trouvons aussi le magnifique récit du roi Josias ramenant le peuple de Juda à la loi de Dieu (voir 2 Rois 23.1-23; 2 Chroniques 34.29-35.19). Et si le Nouveau Testament n’a pas d’équivalent direct du Pentateuque (les cinq premiers livres de la Bible contenant la loi), il comporte aussi de nombreuses instructions nous permettant de vivre d’une manière qui plaît à Dieu. Par ailleurs, l’Ancien et le Nouveau Testaments parlent de la relation de Dieu avec son peuple. Nous voyons, à travers ces pages, l’histoire de personnes connaissant véritablement Dieu se dérouler sous nos yeux. Cette relation est, à plusieurs reprises, représentée par l’image du mariage: les enfants d’Israël, le reste fidèle du royaume de Juda, puis l’Eglise elle-même sont comparés à l’épouse d’un mari fidèle. Cette image est unique à la Bible. Les Juifs fidèles formaient le peuple de Dieu sous l’ancienne alliance, tout comme les chrétiens authentiques dans la nouvelle alliance inaugurée par Jésus-Christ. Ce qui était autrefois réservé à une seule nation est maintenant possible pour tout un chacun, quelle que soit sa nationalité. Ce qui ressemble le plus à cette notion de peuple dans l’islam est le concept de l’umma, qui désigne la communauté des musulmans fidèles, par-delà leur nationalité. Cela nous ramène à une chose que nous avons déjà évoquée: l’islam et la foi chrétienne sont deux religions considérées comme «universelles».

pas Mahomet. Alors que la sunna (ensemble de ses paroles, de ses actions et de la tradition qui les rapporte) est importante, ses sources biographiques ne se trouvent pas dans le Coran.

La place centrale de l’Ecriture Pour les musulmans, les juifs et les chrétiens sont les «gens du Livre», c’est-à-dire des disciples des religions monothéistes préislamiques possédant des Ecritures saintes. Ils bénéficient par conséquent d’un statut spécial dans l’islam. Dans un sens, chacune de ces trois religions est basée sur des Ecritures. La foi chrétienne accorde une importance capitale à la Bible, ainsi que l’ont rappelé les Réformateurs par la devise sola Scriptura (l’Ecriture seule). Etant personnellement profondément convaincu de l’infaillibilité et de l’inerrance de l’Ecriture, je ne peux qu’affirmer haut et fort ce rôle essentiel de la Bible dans tout ce que nous pensons ou faisons en tant que chrétiens! Ce que nous savons au sujet de la personne de Dieu et au sujet de ce qu’il fait nous vient de la Bible, c’est-à-dire de l’Ancien et du Nouveau Testaments. L’Ecriture est notre absolue référence en matière de doctrine et au regard de notre façon de vivre. Sur ce plan, nous ressemblons aux juifs, avec lesquels nous partageons l’Ancien Testament, et aux musulmans, le Coran étant au centre de leur foi. 68

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Une foi pour chacun L’appellation «religions universelles» est plus un concept géopolitique que théologique. Toutefois, c’est une notion à laquelle nous devrions, en tant que citoyens responsables, prendre le temps de réfléchir, car elle est au cœur de nombreux débats publics de portée internationale, surtout depuis le 11 septembre. Posons-nous d’abord la question qui, pour chaque chrétien, devrait toujours venir en premier: Que montre la Bible? Dans le livre des Actes, nous voyons que la foi chrétienne est rapidement devenue une religion multinationale et multiculturelle. Dans tout l’Empire romain et même au-delà, des individus qui ne faisaient pas partie du peuple juif et n’avaient aucun lien avec le judaïsme se sont convertis à Jésus-Christ. Il y a eu par exemple cet eunuque, qui appartenait à une catégorie de personnes jusqu’alors exclues de l’assemblée de l’Eternel (voir Deutéronome 23.2) et qui était originaire d’Ethiopie, un pays africain non soumis à l’autorité de l’Empire romain. Puis, plus tard, l’apôtre Pierre a découvert que les lois judaïques relatives à l’alimentation ne s’appliquaient plus aux chrétiens non juifs. C’est ainsi que même des Romains qui, jusque-là, étaient considérés comme des ennemis du fait qu’ils représentaient l’occupant, ont été bienvenus dans l’Eglise (voir Actes 10). Très vite, l’Evangile s’est répandu partout, et ce en dépit de son caractère illégal, puisque les chrétiens refusaient de se soumettre au culte de l’empereur. En théorie, l’islam a commencé d’une manière semblable: croyance des Arabes au départ, il s’est répandu des milliers de kilomètres plus loin, jusqu’en Espagne d’une part et jusqu’en Iran d’autre part. Aujourd’hui, la communauté islamique (umma) est, 70

Un Sauveur parmi nous comme l’Eglise de Christ, mondiale, multiraciale et constituée d’individus de toutes classes sociales. Lorsqu’on examine certaines des autres grandes religions du monde, on constate que, souvent, elles restent fortement ethniques. Si un certain nombre d’Occidentaux se sont tournés vers les religions orientales, l’hindouisme demeure très nettement une religion propre à l’Inde et aux communautés indiennes dispersées à travers le monde (notamment en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis). De même, un certain nombre d’Occidentaux sont devenus bouddhistes (ce sont surtout des adeptes du dalaï-lama, représentant du bouddhisme tibétain). Cependant, en général, les adeptes de l’hindouisme et du bouddhisme ne s’emploient pas activement à répandre leurs croyances au-delà des frontières. Par ailleurs, ces deux religions ne se présentent pas comme universelles et seules détentrices de la vérité, comme le font l’islam et la foi chrétienne. Quant au judaïsme, il est, par définition, la foi du peuple juif, et les quelques convertis que l’on rencontre aujourd’hui sont, le plus souvent, des non-juifs qui ont épousé une personne juive pratiquante. Il est une théorie en matière de relations internationales qui est devenue particulièrement connue durant ces quinze dernières années: c’est celle du «choc des civilisations», développée par Samuel Huntington, professeur de l’Université de Harvard, dans un article paru en 1993 et un ouvrage publié quelques années après.7 Dans une de ses principales thèses, il affirmait qu’après la mésentente américano-soviétique de la guerre froide, la religion jouerait un rôle prépondérant dans 7

Le Choc des civilisations, Editions Odile Jacob, 2000.

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les conflits internationaux. Il croyait en outre que les frontières de la zone islamique étaient «tachées de sang» et que, de ce fait, un conflit entre le monde musulman et l’Occident traditionnellement chrétien était inévitable. Après les événements du 11 septembre 2001, il a été convaincu, comme bien d’autres avec lui, de la pertinence de cette théorie. D’une certaine manière, Oussama Ben Laden partage lui aussi cette vision des choses: il oppose le domaine de l’islam (Dar al-Islam), regroupant les pays des fidèles musulmans, à celui de la guerre (Dar al-Harb) constitué des nations incrédules (non encore musulmanes), avec, à leur tête, les Etats-Unis et leur volonté de partir en croisade contre l’islam. Certains universitaires, comme Paul Marshall, auteur spécialisé dans les questions de liberté religieuse et de droits de l’homme et professeur au Claremont Institute et au Hudson Institute’s Center for Religious Freedom 8, sont assez convaincus de la thèse avancée par S. Huntington. Après les attentats du World Trade Center en 2001 et ceux qui ont suivi à Madrid9 et Londres10, il n’est d’ailleurs pas difficile de comprendre pourquoi. Cependant, de nombreux autres spécialistes ne sont pas d’accord avec cette théorie du choc des civilisations. Nous essaierons, pour notre part, de l’analyser sous un angle biblique. L’islam, comme nous le verrons plus en détail par la suite, mélange les notions de religion et d’Etat. Ben Laden et d’autres

militants islamiques considèrent l’ensemble du monde musulman (umma) comme un gigantesque «super Etat» islamique. Un de leurs buts clairement exprimés est de restaurer le califat, ce grand Empire islamique qui, sous diverses formes, a duré du 7e siècle jusqu’à la fin de l’Empire ottoman au 20e siècle. Pour Ben Laden la communauté musulmane à travers le monde est un seul et même bloc homogène, les Occidentaux représentant, de l’autre côté, le bloc des non-musulmans. Sur le plan politique, cette théorie pose problème. Elle inclut en effet dans ce bloc de «l’Occident chrétien» l’Occident catholique et protestant, et principalement l’Europe de l’Ouest, l’Europe centrale et les Amériques.11 Mais pensonsnous vraiment que la France et les Etats-Unis se ressemblent à ce point-là? Dans les domaines culturel et politique, sans parler du reste, Français et Américains savent qu’ils sont bien différents! Il est ensuite un autre problème, celui de la «théorie de la sécularisation», comme l’appellent les sociologues. Par le passé, certains sociologues non croyants (qui étaient même souvent clairement antichrétiens) ont affirmé qu’à mesure que le monde deviendrait plus cultivé et plus moderne, la religion perdrait de son importance, et ce particulièrement dans les pays développés d’Occident. De nos jours, cependant, ces experts se rétractent. Car il est évident, même aux yeux des universitaires athées, que notre monde, au contraire, devient plus religieux! Non seulement cela, mais la religion qui se répand le plus à travers le monde

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Ces deux instituts de recherche, basés à Washington, sont spécialisés dans les questions de sécurité, de liberté et de droits des citoyens. (N.d.E.) 9 Le 11 mars 2004, plusieurs explosions de bombes, posées par des islamistes marocains, se sont produites dans des trains de banlieue à Madrid, tuant près de 200 personnes et faisant 1400 blessés. (N.d.E.) 10 Voir note p. 23.

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S. Huntington et d’autres auteurs mettent à part les pays de religion orthodoxe, comme la Russie, même si, aujourd’hui, plusieurs de ces pays sont membres de l’Union européenne (par exemple la Grèce).

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est la foi chrétienne, que ces mêmes sociologues voyaient disparaître dans un avenir proche.12 Il semble toutefois que l’Europe occidentale fasse exception. Le christianisme de nom y est en effet en très net déclin, et certaines grandes régions comptent bien moins de chrétiens que de nombreuses parties de l’Afrique. Plusieurs organisations missionnaires mondiales disent, à juste titre, qu’avec la croissance rapide de la foi chrétienne dans les pays en développement, c’est maintenant l’Europe qui a besoin de missionnaires pour lui annoncer l’Evangile. Ainsi, en Grande-Bretagne, on trouve des églises qui ont été fondées par des chrétiens venus d’aussi loin que le Nigeria ou le Brésil, et celles-ci sont souvent parmi les plus vivantes. La région d’East Anglia13, où j’habite, a heureusement conservé ses racines puritaines, et la célèbre cité universitaire de Cambridge a même été surnommée la «ceinture de la Bible de Grande-Bretagne»! Mais malheureusement, c’est une exception au milieu de la déchristianisation généralisée de l’Europe occidentale. Cela signifie que de grandes régions de cet Occident dit «chrétien» sont aujourd’hui tout sauf chrétiennes. Elles sont, dans l’ensemble, athées et résolument postchrétiennes. Par contraste, il y a maintenant de très grandes églises chrétiennes protestantes en Afrique, en Amérique centrale et en Asie

(comme à Singapour et en Corée du Sud). Celles-ci sont actives et continuent à croître. Seuls les Etats-Unis suivent la tendance de l’Occident «chrétien». Car si l’enthousiasme des chrétiens évangéliques14 y est impressionnant, beaucoup d’entre eux sont aussi nettement plus pessimistes! Pour ces derniers, il est en effet difficile de considérer comme chrétienne une nation au taux d’avortement aussi élevé que celui des Etats-Unis. Si, personnellement, j’aimerais défendre la ferveur des chrétiens évangéliques américains (non pas seulement parce que ma femme est une des leurs), je comprends aussi très bien le point de vue des pessimistes. Comme je l’ai exposé dans un précédent livre, intitulé Whose Side Is God On? 15, l’Eglise n’est pas constituée d’une nation en particulier, quelle qu’elle soit, mais de tous ceux qui appartiennent à Dieu. Il y a beaucoup de chrétiens formidables qui vivent aux Etats-Unis, mais au sens strictement biblique du terme, on ne peut pas dire qu’il s’agit d’un pays chrétien de la même manière que l’Arabie saoudite est qualifiée d’Etat islamique. Si donc les militants islamiques comme Ben Laden et d’autres regroupent tous les musulmans dans une seule entité politico-religieuse,

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En toute objectivité, la foi chrétienne enregistre également une forte progression sur les campus universitaires en Occident, non seulement parmi les étudiants, mais aussi parmi les professeurs. Plusieurs des plus éminents scientifiques de Cambridge sont des chrétiens évangéliques, et j’ai été plus qu’agréablement surpris de rencontrer un grand nombre de chrétiens à l’Université de Virginia, lorsque j’y étais en 2001. 13 Région d’Angleterre située en bordure de la mer du Nord, entre le golfe du Wash et la région londonienne. (N.d.E.)

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Dans notre étude, le terme «évangéliques» devrait toujours être pris dans son sens théologique ancien et non dans le sens populaire et politique qu’on lui attribue souvent aujourd’hui. Les chrétiens évangéliques croient en effet que la Bible est la révélation de Dieu et qu’elle est donc la vérité; ils croient que Dieu est le Créateur de tout ce qui existe et qu’il est intervenu dans l’Histoire de l’humanité en offrant aux hommes, par l’incarnation et le don de son Fils Jésus-Christ, un plan de salut parfait; ils croient que Jésus est pleinement Dieu et pleinement homme, que Dieu est un Dieu tri-unitaire et que la résurrection et le jugement dernier auront lieu lors du retour de Jésus-Christ, à la fin des temps. 15 Signifie: «De quel côté Dieu est-il?». Christopher Catherwood, Whose Side Is God On? Nationalism and Christianity, Church Publishing, 2003.

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nous ne pouvons faire de même en tant que chrétiens. Car c’est à Dieu et à son royaume invisible, royaume qui n’est pas de ce monde, que nous devons fidélité et obéissance.16 Heureusement, dans nos Etats occidentaux, il n’y a, pour l’instant, que peu de conflit d’intérêts entre la soumission que nous devons à Christ et celle que nous devons aux autorités qui nous gouvernent. En revanche, dans de nombreux pays hostiles à l’Evangile, comme le Pakistan, la Chine, la Corée du Nord, le Laos et bien d’autres encore, la situation des chrétiens est très différente: elle ressemble beaucoup à la condition de l’Eglise primitive sous domination romaine.17 Nous devrions pouvoir être à la fois des citoyens loyaux à l’égard de notre pays et des chrétiens qui confessent leur foi librement. Pourtant, dans une très grande partie du monde, et particulièrement là où l’Eglise grandit le plus vite, les chrétiens doivent choisir entre obéir à Dieu et obéir à ceux qui les gouvernent. Et en décidant d’obéir à Dieu, ils vont au-devant de grandes souffrances. Alors que pour les musulmans, le Dar al-Islam et le Dar al-Harb sont des concepts à la foi politiques et religieux, les chrétiens doivent, quant à eux, toujours veiller à bien faire la distinction entre la foi et la politique. Ainsi, toute vision des choses qui oppose un «Occident chrétien» contre un «Orient islamique» pose un véritable problème d’un point de vue théo-

logique, et ce d’autant plus que l’Eglise devient aujourd’hui plus forte en dehors de l’Occident. Cette conception de l’islam n’est pas étonnante. Car comme nous allons le souligner à plusieurs reprises encore, l’islam est une religion de pouvoir. Je veux dire par là qu’il implique forcément la dimension politique, à savoir un gouvernement islamique qui règne sur une nation musulmane ou sur des non-musulmans (en général les «gens du Livre»), ceux-ci étant contraints de payer, littéralement, sous forme d’impôts élevés, leur refus d’adopter l’islam. Cependant, il y a bien un choc entre deux entités opposées, mais dans un autre sens, ainsi que l’explique Bassam Tibi, universitaire musulman enseignant en Allemagne, dans son livre The Challenge of Fundamentalism: Political Islam and the New World Disorder 18. Il parle du «choc des universalismes» et, plus particulièrement, des deux religions qui déclarent détenir la vérité: la foi chrétienne et l’islam.

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En Jean 18.36, Jésus dit: «Mon royaume n’est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour moi.» (N.d.E.) 17 Je viens de lire, dans un journal séculier, un article d’un responsable chrétien anglais qui déplore un nouvel incendie criminel contre une église chrétienne au Pakistan.

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Rivalité entre foi chrétienne et islam Comme nous venons de le voir, il n’y a pas d’équivalent chrétien au monde musulman. L’Occident se sécularise de plus en plus et, dans de nombreux pays, les chrétiens sont des minorités persécutées. Ce sont les groupes islamiques extrémistes, telle l’organisation terroriste al-Qaida, qui voient un conflit politique entre le Dar al-Islam et l’Occident. Il y a cependant une réalité spirituelle derrière tout cela. En effet, souvent, l’islam se bat pour faire des convertis juste18

Signifie: «Le défi du fondamentalisme: l’islam politique et le nouveau désordre mondial.» University of California Press, 2002.

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ment dans les régions où l’Eglise grandit. Si l’on considère les choses sur un plan biblique, on peut dire que ce n’est certainement pas là une coïncidence. Dans certaines autres parties du monde, et elles sont nombreuses, c’est l’attrait de la société moderne qui est souvent l’ennemi de l’Eglise. Les gens sont aveuglés par le matérialisme et une vision des choses athée et égocentrique. Mais sinon, dans bien des endroits, les gens restent naturellement religieux. Insatisfaits des croyances polythéistes et superstitieuses de leurs ancêtres, ils se tournent parfois en grand nombre vers la foi en Jésus-Christ. Dans d’autres cas, ils écoutent le «chant des sirènes» de l’islam. Et il n’est pas rare que ces deux cas de figure se rencontrent dans une même zone géographique. Certains des conflits actuels les plus violents ont lieu le long de ces «lignes de faille», comme les appelle S. Huntington. C’est le cas au Nigeria et en Indonésie. Au Nigeria, la foi chrétienne se répand de la côte vers le Nord, en passant par le centre du pays. L’islam, qui est arrivé par le désert du Sahara il y a plusieurs siècles, progresse aujourd’hui en direction du sud. Il va de soi que le centre du Nigeria est actuellement le théâtre de très violentes émeutes, lors desquelles de nombreux chrétiens sont tués. Souvent, ces terribles conflits éclatent dans les Etats (le Nigeria est une fédération d’Etats) où une majorité musulmane cherche à imposer la loi islamique (charia).19 Ce système législatif désavantage considérablement les chrétiens et les autres habitants du pays qui ne sont pas de religion islamique. De graves affrontements ont éclaté et des non-musulmans ont été condamnés à mort.

Il convient de préciser que de tels actes scandalisent certains musulmans modérés. Si le président au pouvoir en Iran à l’heure où j’écris est considéré comme un musulman extrémiste – il est peut-être même plus radical encore que de nombreux ayatollahs – son prédécesseur, Mohammad Khatami, rejetait, quant à lui, l’approche oppressive et violente. Lorsqu’il était au pouvoir, ce musulman réformateur prônait la liberté d’expression et la tolérance. Il n’a pas réussi à changer les institutions, du fait de l’opposition conservatrice au Parlement, mais il est toutefois parvenu à élargir considérablement les droits des femmes. Ardent défenseur de ce qu’il appelait le «dialogue des civilisations», il pensait que des peuples de différentes religions pouvaient se parler sans violence. Ses partisans ont même organisé des manifestations pro-américaines après le 11 septembre; et à Téhéran, la capitale, quelques femmes courageuses ont commencé à faire chaque jour leurs mouvements d’aérobic sur la musique de la célèbre marche militaire américaine «Stars and Stripes for Ever», juste pour manifester leur solidarité envers les Etats-Unis! Sur bien des questions d’éthique, telles que celle de l’avortement, les musulmans sont du même avis que les chrétiens. En Angleterre, les imams (chefs de la prière du vendredi à la mosquée) et les chrétiens qui militent contre l’avortement et l’euthanasie défendent souvent la même cause. C’est ce que Francis Schaeffer a appelé la «cobelligérance». Nous pouvons être reconnaissants de ce que, sur de nombreux sujets de ce genre, les chrétiens ne luttent pas seuls contre la décadence croissante de la société. De même, lorsque, en 2005, un chrétien anglais baptiste qui militait pour la paix a été enlevé en Irak, des musulmans bri-

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Nous développerons ce sujet en détail dans le chapitre sur l’islam.

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tanniques, scandalisés par cet acte qui nuisait à la réputation

l’islam qui s’oppose à la vérité. Et sur ce point, les chrétiens ont un net avantage. Nous voyons en effet à travers tout le Nouveau Testament que la persécution a toujours été une réalité pour les chrétiens. C’est, une fois encore, une chose que nous oublions souvent en Occident. En général, dans le pire des cas, nous sommes mis de côté et objets de moqueries, mais notre souffrance s’arrête là. En revanche, une grande partie de l’Eglise subit aujourd’hui, à travers le monde, des persécutions qui ressemblent beaucoup à celles que vivait l’Eglise primitive. Mais la persécution empêche-t-elle la foi en Jésus de se répandre? La réponse est un non retentissant! Nous en avons la preuve dans le livre des Actes et dans toute l’histoire de l’Eglise jusqu’à nos jours! La Bible montre clairement que Dieu contrôle toute chose et qu’il est souverain, même si, sur le terrain, le diable peut sembler puissant. A la croix, Jésus a remporté sur celui-ci une entière victoire, et à la fin des temps, lorsque Christ reviendra, Satan sera jeté et tourmenté éternellement dans l’étang de feu et de soufre. Les hommes ne peuvent stopper la propagation de l’Evangile. Car comme cela s’est vérifié au 1er siècle dans l’Empire romain et au 20e siècle en Chine, souvent, la persévérance et la fidélité des chrétiens au sein de la persécution engendre plus de conversions encore. Cependant, selon le Coran, la pratique de l’islam requiert un régime islamique. Voilà qui explique pourquoi la situation de millions de musulmans dans les pays occidentaux est si problématique au regard de leur pratique religieuse. Ce n’est qu’au cours des dernières décennies que des musulmans ont réellement été persécutés pour leurs convictions, et ce non par des chrétiens, mais par des groupes extrémistes, tels les ultra-

de l’islam en Occident, se sont empressés de prendre sa défense, exigeant sa libération sur la chaîne de télévision arabe Al Jazeera. Ce groupe de musulmans convaincus s’adressant à un autre groupe de musulmans convaincus a pu bénéficier de la crédibilité qui manquait aux diplomates occidentaux. Cependant, lorsqu’on considère les choses dans leur globalité, on peut dire que, sur le plan spirituel, l’islam représente, à travers le monde, la même concurrence à la foi chrétienne que le matérialisme en Occident. Jésus a dit: «C’est moi qui suis le chemin, la vérité et la vie. On ne vient au Père qu’en passant par moi.» (Jean 14.6). C’est une déclaration universelle quant à la vérité, à laquelle les chrétiens ajoutent foi, qu’ils habitent à Yaoundé, à Paris ou à Manille. Les musulmans, quant à eux, croient que Mahomet était le dernier prophète de Dieu, ce qui est aussi une déclaration exclusive et universelle en matière de vérité. L’Occident, tellement habitué à la mièvrerie de sa mentalité postmoderne, en oublie qu’ailleurs, bien des gens croient, comme les chrétiens, à une vérité absolue. Et aucun groupe n’incarne autant cela que les musulmans. Il y a donc bel et bien un conflit dans le monde, mais ce n’est pas un conflit d’ordre politique avec l’Arabie saoudite, l’Irak et l’Iran d’un côté, et les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France de l’autre. C’est un choc entre ceux qui savent que la foi chrétienne est la seule foi véritable et ceux qui affirment qu’au contraire, seule leur croyance est juste. Ainsi, comme nous l’avons vu, si dans nos pays occidentaux, la recherche effrénée des plaisirs matériels peut empêcher bien des gens de saisir la vérité, dans une grande partie du monde, c’est 80

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nationalistes hindous en Inde, qui ont tué aussi bien des musulmans que des chrétiens. Ces différences radicales entre l’islam d’une part et la foi chrétienne et le judaïsme d’autre part ont marqué l’histoire de ces trois religions. A travers les siècles, les chrétiens, et les juifs bien plus encore, ont été très souvent persécutés. Le judaïsme et la foi chrétienne sont basés sur une relation personnelle de l’homme avec Dieu, par la foi en sa grâce; ils ne sont pas liés à une zone géographique. Car comme nous l’avons vu, bien que l’Ancien Testament le mentionne peu, les Juifs fidèles avaient, comme les chrétiens, une relation personnelle avec Dieu. Et pour eux, le sentiment collectif d’appartenance à une nation sur un plan géopolitique n’était pas le plus important. Peu importe où ils se trouvaient, les Juifs fidèles pouvaient, par la foi, avoir cette relation avec le Dieu d’amour.20 Les théologiens libéraux accusent les chrétiens qui veulent rester fidèles à l’Ecriture de «bibliolâtrie»21, disant que, contrairement à eux, ils basent leur foi sur Jésus et non sur la Bible. Mais cela soulève inévitablement une question: Comment peut-on connaître Jésus si ce n’est par ce que la Bible enseigne à son sujet? Si vraiment ces gens croient en Jésus, il est un fait embarrassant pour eux: Jésus lui-même croyait pleinement à toute l’Ecriture.

Par la Bible, Dieu parle aux hommes. C’est là une chose

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Je n’aborde pas ici la question, très discutée parmi les chrétiens, de savoir si l’Etat d’Israël, au sens géopolitique, fait oui ou non partie du plan de Dieu. Notre objet étant ici une comparaison des trois grands monothéismes, nous parlons des Juifs qui vivent dans toutes les parties du monde, comme par exemple aux Etats-Unis, où la communauté juive est très importante et particulièrement vivante. 21 Selon la racine grecque du mot: biblion («livre»). Selon cette accusation, les chrétiens feraient de leur livre un objet de culte. (N.d.E.)

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qu’il est essentiel de comprendre. La Bible est donc vraiment un livre unique, et ce d’autant plus lorsqu’on considère la manière dont elle nous a été transmise: bibliothèque de 66 livres aux genres littéraires variés (histoires, biographies, poèmes, lettres, prophéties, etc.), elle est l’œuvre de nombreux auteurs différents, et sa rédaction s’est étalée sur une période de 1500 ans environ. Il en est bien autrement du Coran, qui n’a été «révélé» qu’à une seule personne et sur une courte période. La Bible tout entière relate une histoire passionnante qui aboutit à la venue de Jésus sur la terre, à sa mort sur la croix et à sa résurrection, puis à la naissance de l’Eglise. Ainsi, elle est à la fois la Parole infaillible de Dieu, inspirée par son Esprit et donnée à l’humanité, et un livre écrit par des hommes pour les hommes. En cela, elle diffère à nouveau nettement du Coran. En effet, les musulmans croient que les mots qui constituent le Coran seraient les mots mêmes de la révélation d’Allah à Mahomet et que ses disciples les ont mis par écrit après sa mort, puisqu’il était, semble-t-il, illettré. Ce sont donc plutôt les musulmans qui seraient «bibliolâtres», pour reprendre ce terme. Pour eux, par exemple, seule la version arabe originale du Coran est authentique, contrairement aux chrétiens qui, particulièrement depuis la Réforme, font beaucoup d’efforts pour traduire la Bible dans la langue des différents peuples, afin que les gens puissent bien comprendre son message pour eux-mêmes. Les musulmans, bien entendu, rejetteraient cette accusation, de même que bien des chrétiens, et il faut dire qu’ils auraient des raisons de le faire. Cependant, contrairement à la Bible, le 83


Un Dieu divisé? Coran n’est pas un livre qui s’adresse au cœur de l’homme; il ne montre pas le chemin d’une relation personnelle avec Dieu.

Chapitre 4

Pour retenir l’essentiel 1. Pourquoi Jésus-Christ est-il venu sur la terre? Quelle était sa mission?

L’islam, troisième grand monothéisme

2. Dès le début, la foi chrétienne a revêtu une dimension multinationale, multiculturelle et multiethnique. Pourquoi? Votre église est-elle le reflet de cette réalité? 3. Les premiers chrétiens, convaincus que le message de l’Evangile était pour tous les hommes, l’annonçaient avec zèle autour d’eux. Qu’en est-il de nous aujourd’hui? Sommes-nous conscients de connaître la vérité au sujet du salut de l’être humain? Sommes-nous saisis par l’urgence de ce message? Et s’il n’en est pas ainsi, quelle est la raison?

Fondé par Mahomet au 7e siècle, l’islam est la plus récente des trois religions monothéistes «abrahamiques» qui sont nées au Moyen-Orient. Mais les musulmans ne sont pas de cet avis, et c’est une chose à ne pas oublier lorsqu’on discute avec eux. Ils considèrent en effet que Mahomet était l’ultime messager de Dieu et qu’il n’a pas fondé une nouvelle religion, mais a

4. Sous le règne de l’empereur Constantin, l’Eglise a été associée à l’Etat. Est-ce toujours utile? Qu’est-ce qui transforme véritablement la vie des individus?

révélé aux hommes la vérité divine, corrigeant ainsi l’interpré-

5. Dans le contexte actuel de lutte contre le terrorisme, bien des gens parlent d’un «choc des civilisations». Pensezvous que ce choc existe? Comment les chrétiens devraient-ils se comporter vis-à-vis des personnes d’autres religions autour d’eux?

Evitons aussi l’erreur commise dans le passé par de nom-

6. Qu’est-ce qui distingue la Bible du Coran? Pourquoi at-elle une place si centrale dans la vie des chrétiens? Comment pouvons-nous en approfondir la connaissance? 84

tation qu’en avaient faite les juifs et les chrétiens au cours des siècles. breux Occidentaux: ne donnons pas à la religion musulmane le nom de «mahométanisme». Si, pour les musulmans, Mahomet était le dernier des prophètes, il n’était certainement pas de nature divine, contrairement à ce qu’affirme la Bible au sujet de Jésus-Christ. Donner à l’islam le nom de son prophète, c’est transmettre une croyance tout à fait erronée au sujet de la foi musulmane. 85


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