La vie, c’est comme un voyage: nous avons des bagages à prendre, des choix à faire. Mais, au fait, qu’est-ce qui est vraiment nécessaire pour ce parcours et qu’est-ce qui, au contraire, est superflu, lourd et encombrant? Quelles sont les conceptions déformées qui entravent notre marche et ont besoin d’être rectifiées? Y a-t-il vraiment Quelqu’un qui soit capable de nous rejoindre dans nos besoins, nos appréhensions, nos difficultés? Pasteure dans le canton de Vaud, Hetty Overeem manifeste un souci particulier pour l’écoute et l’accompagnement. Dans un style plein de vie, elle fait part de ses découvertes et réflexions. Des textes inspirants qu’il vaut la peine de savourer.
L , Evangile en chemin
«Dieu prend la réalité humaine, tordue, malade, et la transforme en réalité de Dieu. Il est expert pour cela, il aime cela. C’est caractéristique de sa personne.»
Hetty Overeem
Hetty Overeem
CHF 15.00 / € 13.00 ISBN 978-2-940335-75-6
9 782940 335756
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Hetty Overeem
L’Evangile en chemin
© et édition: Ourania, 2012 Case postale 128 1032 Romanel-sur-Lausanne, Suisse Tous droits réservés. E-mail: info@ourania.ch Internet: http://www.ourania.ch
Illustrations couverture et intérieur: Sr Gabrielle, Grandchamp. Photo dos: journal La Côte. Illustration page 6: Florence Clerc-Aegerter. Photo page 156: Dany Schaer.
ISBN édition imprimée 978-2-940335-75-6 ISBN format epub 978-2-88913-569-1 ISBN format pdf 978-2-88913-951-4
Table des matières L’Evangile en chemin
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Prologue 9 1. Premier choix: un compagnon de route
15
2. Deuxième choix: un abri
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3. Troisième choix: un passeport
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4. Quatrième choix: un dictionnaire de poche et le guide du coin 49 5. Cinquième choix: après la préparation, le départ!
73
6. Sixième choix: garder les yeux sur le chemin pour éviter les obstacles
91
7. Septième choix: oser demander le chemin
101
8. Huitième choix: de quoi vivre pour la route
111
9. Neuvième choix: une bonne carte
125
10. Dixième choix: le séjour à l’arrivée
133
Quelques souvenirs de voyage
139
Conclusion 155
1. Premier choix: un compagnon de route Un Dieu réel
Je suis qui je suis! Exode 3.14 Pour des vacances à vélo, il faut… un vélo! Tout dépend de ce qu’on choisit. On peut parfaitement faire un voyage en voiture ou en avion, mais il s’agit alors d’une autre sorte de voyage, et il faut l’appeler autrement. Il ne suffit pas non plus d’avoir l’idée ou le dessin d’un vélo, même si cette idée ou ce dessin représente notre idéal. Il faut un vélo bien réel, concret, solide, qui, en plus, fonctionne! Pour des vacances à deux, il en faut… un deuxième! / 15
Apparemment, il n’est pas superflu de dire que pour un voyage de vie avec Dieu, il faut… Dieu. Il ne suffit pas d’avoir une idée sur Dieu, un idéal ou un sentiment sur lui. Il faut quelqu’un de réel, concret, solide, qui, en plus, soit vraiment vivant! Sinon il ne s’agit pas d’un voyage à deux, mais en réalité d’un voyage solitaire, accompagné uniquement par nos propres idées, pensées et désirs, même si ceux-ci sont projetés ensuite sur quelqu’un d’autre qu’on appelle Dieu. Je ne dis pas que les voyages en solitaire ne sont pas possibles ou sont désagréables. Je dis seulement que ça ne sert à rien de les appeler voyages à deux. Je ne dis pas qu’on ne peut pas vivre confortablement, se comporter très bien et même être rayonnant sans croire en un Dieu réel. Je dis seulement qu’à ce moment-là il s’agit en réalité d’un voyage de vie en solitaire et qu’il vaut mieux s’en rendre compte. Tout cela semble bien banal. Mais je suis effrayée de constater que moi-même, je tombe souvent dans le premier piège qui consiste à oublier la première priorité: mon Dieu/compagnon de vie est un vrai compa
gnon de vie, avec une vraie personnalité et de vrais 16 \
désirs, de vraies actions et réactions, de vraies colères et de vraies manifestations d’amour, d’humour et de complicité. Des années de vie avec Dieu ne suffisent apparemment pas pour que la mule têtue que je suis se rende vraiment et totalement compte que je ne suis pas seule, que je ne vis pas en circuit fermé, même si je peux vivre comme si. Que je ne suis pas livrée à moi-même ni à l’arbitraire de la vie, même si je peux penser, sentir et me comporter comme si. Il y a un Dieu qui m’a choisie, qui a choisi de s’attacher à moi. Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que toute personne croyant en lui ne soit pas perdue mais ait la vie éternelle. Jean 3.16 …alors je peux me confier en lui sans peur. Il m’aime, il me garde, il me guide, il prend soin de moi. TTR p. 4 Cela veut dire aussi que ce Dieu me regarde, m’attend, cherche à vivre et à faire vivre une relation / 17
avec moi. Avoir un compagnon de vie implique en tout cas que je ne peux pas continuer à vivre comme si j’étais seule. Dès que je me rends compte de cela, tout devient une question de place. Quelle place je donne à Dieu, quelle place je prends moi-même? Si Dieu prend toute la place, est-ce que je ne me fais pas «bouffer»? Est-ce que je ne vais pas me noyer en lui? Cela signifierait l’abus de moi. Si moi, je prends toute la place, est-ce que lui a encore quelque chose à dire? Est-ce qu’il ne va pas devenir pour moi une simple prolongation de moimême, un objet spirituel destiné à satisfaire mes besoins? Cela signifierait l’abus de Dieu. Cette question de la place est au cœur de notre vie humaine, et derrière elle se cache une peur très ancienne: la peur de ne pas avoir notre place, de ne pas vraiment avoir le droit d’exister, de devoir lutter éternellement pour que les autres (Dieu inclus!) ne volent pas notre espace. Cette peur nous pousse à vouloir toujours tout contrôler. Notre cœur a été attaqué par une sorte de virus projetant toujours les mêmes avertissements: «Attention, danger! Ma place, ma réputation, mon 18 \
honneur, mon succès, l’amour dont j’ai besoin, ma liberté sont menacés. Mais je ne me laisserai pas faire, je me battrai. En rejetant l’autre s’il le faut, en le manipulant s’il le faut, avec violence s’il le faut… J’ai bien le droit de vivre, non?» Oui, nous avons le droit de vivre; plus encore, nous sommes appelés à vivre. Et la différence est bien là: si je fais le voyage de ma vie en solitaire, je suis aussi seule à me défendre, à prendre ma place, à lutter pour moi; si je voyage avec Dieu, tout change. Non, pas magiquement. Pas dans le sens où il va tout arranger et remplacer mon «virus» par la pensée positive – «T’inquiète pas, tout va bien se passer!» – souvent confondue avec la confiance en Dieu (voir la «discussion au bord de la route», au dernier chapitre). Par contre, il s’est offert comme guide; il s’y connaît comme personne d’autre, non seulement dans le paysage inconnu qui s’appelle ma vie, mais aussi dans le paysage encore plus mystérieux qui s’appelle «moi». Et lui est déterminé à me donner ma place. Non, je n’ai pas besoin de l’arracher, à tout prix et par n’importe quel moyen. Il veut la donner. Et pas une place quelconque. Ma place. / 19
Ce qui est triste, si nous luttons en solitaires pour notre place, c’est que cette lutte est éternelle, sans fin. Et quelque part aussi sans espoir. Il y aura toujours quelqu’un qui va la menacer, cette place, et tout notre pouvoir, notre argent, notre succès, le contrôle que nous exerçons, toutes les sécurités et barrières intérieures et extérieures ne vont rien y changer. Moi-même, je connais si bien cette lutte en solitaire. Mais oui, je suis chrétienne. Mais oui, je suis pasteure. Et alors? Dans mon enfance, j’étais pour ainsi dire préprogrammée pour lutter, pour me défendre, pour battre l’autre afin qu’il ou elle ne me batte pas. Préprogrammée pour la méfiance. Et j’ai connu Dieu et je l’ai accepté comme mon Dieu, mais… il y a du pain sur la planche. Dans mon cœur se cache une peur bleue de me faire bouffer par les autres, et Dieu fait partie des autres. Alors… Alors, il doit m’apprivoiser. Encore et encore. Me montrer qu’il est différent, lui. Qu’il est bien le seul à vouloir me donner vraiment, réellement, ma place. Mais aussi qu’il est bien le seul à pouvoir me donner ma place. Car c’est seulement quand je lui donne 20 \
sa place que je peux enfin prendre la mienne. C’est en le suivant que je trouve ma liberté. C’est en lui obéissant que je sors enfin de ma prison. Qu’est-ce que j’ai haï ce mot «obéissance»! Il me rappelait mes pires souvenirs d’emprise, d’exclusion, de manipulation, d’abus. «Tu dois être comme ci et comme ça, sinon on ne veut pas de toi.» Une vraie caricature. Qu’est-ce que ça me prend longtemps, d’apprendre que Dieu déteste les caricatures encore plus que moi! Qu’il m’a désirée, moi, qu’il m’a créée, moi. Et alors, qu’il veut que je devienne de plus en plus moi. Non pas celle que je devrais/voudrais/aurais dû
être. Moi. Moi à ma place. Moi libérée. Qu’est-ce que ça prend longtemps, d’apprendre que Dieu réclame cette place et cette liberté aussi pour lui! Dieu veut être lui-même et être accepté pour qui il est. Non pas ce que je m’imagine sur lui, ce que je voudrais faire de lui, ce que j’aimerais qu’il soit: «Toi, Dieu, tu dois être comme ci et comme ça, sinon je / 21
ne veux pas de toi. Je te crée à mon image, je te mets dans mon moule. Tu n’as qu’à correspondre…» Une vraie caricature. Qu’est-ce que j’ai dit? Dieu déteste les caricatures encore plus que nous! Il l’a rendu clair dès le début: «Je suis qui je suis» (Exode 3.14). A prendre ou à refuser! Ensuite, il prend son temps pour préciser. Toute la Bible n’est au fond qu’une précision de l’identité de Dieu qui veut entrer en relation avec l’être humain, qui veut se faire connaître pour l’aimer et être aimé de lui. Une lente découverte d’un Dieu qui veut guérir l’être humain, restaurer son identité, sa dignité et sa liberté. C’est vrai que pour cela il s’y prend à sa façon, qui ne correspond pas nécessairement à nos critères. Le prophète Esaïe en témoigne: Et le Seigneur dit: «Puisque ce peuple se rapproche de moi seulement en paroles et m’honore seulement de ses lèvres, tout en gardant son cœur loin de moi… puisque son respect pour moi ne consiste qu’en des leçons humaines… regarde, je continue à agir dans ce peuple de façon étrange, dérangeante, bouleversante: 22 \
la sagesse de ses sages s’évaporera, et l’intelligence de ses intelligents disparaîtra…» Esaïe 29.13-14 En d’autres mots, pour que chacun prenne sa place dans la relation (entre parenthèses, c’est ça que veut dire «la crainte de Dieu»: ni la peur, ni juste le respect, mais une relation où chacun est à sa juste place et reconnu par l’autre, Dieu dans sa particularité de Dieu, l’être humain dans sa particularité d’être humain), c’est tout un voyage, toute une aventure. Qui n’est pas vraiment confortable. Ni pour nous ni pour Dieu… Mais Dieu y tient. Parce que si nous trouvons notre bonne place, nous deviendrons libres. Et pour lui, la liberté est essentielle: la sienne, et la nôtre. Il est libre, alors il nous veut libres. Son action et sa manière de nous éduquer découlent toujours de son être, de son caractère, de sa personnalité. C’est pourquoi il dit d’abord qui il est :
Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai sorti de l’Egypte, de l’esclavage… Exode 20.2 Ensuite il parle des conséquences de son être: ce qu’il veut pour nous. Il va donner le cadre qui / 23
permet à cette liberté de ne pas se perdre mais de s’épanouir. Et le prologue du cadre, le voici: la réalité de Dieu exclut les caricatures, les faux dieux qui obscurcissent son vrai visage et détournent notre regard de lui: Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face. Exode 20.3 Devant sa face… comme des masques qui cachent et tordent les vrais traits de Dieu. Dans les versets qui suivent, il va un peu plus dans les détails du cadre: «Laisse tomber la tromperie, la tricherie, le mal qui te guette – apprends à m’aimer, moi ton Dieu, et à aimer ton prochain – pour ne pas retomber dans l’esclavage, pour ne pas retourner dans ta prison, la prison de ‘toi-même enfermé en toi-même’.» Je l’ai dit, toute la Bible est une précision de l’identité de Dieu, une longue découverte: qui il est et, par conséquent aussi, qui nous sommes. Un long apprentissage de la vérité qui rend libre. (Je sais que le mot vérité est mal vu; j’y reviendrai.) 24 \