Etre là. Accompagner ceux qui souffrent (OUR2040)

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DAVE FURMAN

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ÊTRE LÀ

DAVE FURMAN

Qui n’a pas, dans son entourage, une ou plusieurs personnes qui souffrent? Qui ne s’est pas trouvé un jour démuni face à la douleur des autres (sans parler de la sienne)? Dave Furman, sait de quoi il parle. Depuis plus de dix ans, une chroniques aux bras qui, parfois, peuvent devenir réellement handicapantes. Il est donc bien placé pour savoir ce qui fait du bien – ou non – à celui qui traverse l’épreuve. Il sait aussi ce que peuvent ressentir les proches aidants. Fort de son expérience et s’appuyant sur ce que dit la Bible, il leur apporte ici de précieux encouragements et des conseils pratiques utiles au quotidien. Un livre pour tous. Car la souffrance n’épargne personne!

ÊTRE LÀ

déformation au niveau des nerfs lui provoque des douleurs

J’ai l’intention de donner «Etre là» aux nombreuses personnes qui, jour après jour, sont là pour moi, qui suis tétraplégique. C’est un livre indispensable pour tout chrétien qui désire suivre Jésus et le servir auprès des autres! Joni Eareckson Tada

Dave Furman, diplômé en théologie, est pasteur de la Redeemer Church de Dubaï, aux Emirats arabes unis, depuis une dizaine d’années. Avec Gloria, son épouse, ils sont les parents de quatre enfants.

CHF 00.00 / 00.00 € ISBN 978-2-88913-040-5

Accompagner ceux qui souffrent



Dave Furman

ÊTRE LÀ ACCOMPAGNER CEUX QUI SOUFFRENT


Etre là. Accompagner ceux qui souffrent Titre original en anglais: Being There: How to Love Those Who Are Hurting © 2016 by David Tadeusz Furman Published by Crossway a publishing ministry of Good News Publishers Wheaton, Illinois 60187, U.S.A. This edition published by arrangement with Crossway. All rights reserved. © et édition (française): Ourania, 2019 Case postale 31 1032 Romanel-sur-Lausanne, Suisse Tous droits réservés. E-mail: info@ourania.ch Internet: www.ourania.ch Traduction: Mikhail Diakonov Sauf indication contraire, les textes bibliques sont tirés de la version Segond 21 © 2007 Société Biblique de Genève www.universdelabible.net Couverture: Olivier Leycuras - Visuall ISBN édition imprimée 978-2-88913-040-5 ISBN format epub 978-2-88913-618-6 ISBN format pdf 978-2-88913-872-2 Imprimé en Bulgarie, sur les presses de Smilkov Print


TABLE DES MATIÈRES

Remerciements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 1. La douleur causée par la souffrance d’autrui. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 2. La marche personnelle avec Dieu. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 3. La fidélité dans l’amitié. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 4. La véritable espérance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65 5. Le service selon Jésus. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79 6. La puissance de la prière. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97 7. Les conversations difficiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109 8. Les dix erreurs à éviter absolument . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 127 9. Le soutien apporté par l’Eglise à ceux qui souffrent. . . . . . . . . . . . . 151 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 165 Postface - Un mot de ma femme. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169 Ouvrages recommandés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179 Index des références bibliques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183



INTRODUCTION

J’

ai sur mon bureau une photo où l’on me voit porter Gloria, ma fiancée, dans mes bras musclés. Quelques mois plus tard, durant notre voyage de noces, nous descendions ensemble les rapides du Costa Rica en rafting. Mais si on fait une avance rapide d’une dizaine d’années, le tableau est très différent: le jour de notre 10e anniversaire de mariage, au parc aquatique, un gentil inconnu nous a proposé son aide en voyant Gloria faire tous ses efforts pour sortir d’une grosse bouée mon corps handicapé. Je ne peux qu’imaginer ce qui a traversé l’esprit de ce monsieur quand il m’a vu descendre avec peine la rivière à courant. Quand j’étais enfant, je faisais du tennis, et j’ai été deux fois ceinture noire de karaté. Etudiant, j’ai fait du football gaélique sur le campus. A ce moment-là, j’étais loin d’imaginer qu’un jour pas très lointain, je me retrouverais atteint d’un handicap physique. Cela fait maintenant une dizaine d’années que mon médecin a découvert un dysfonctionnement des nerfs dans mes bras: ils envoyaient des signaux permanents de douleur à mon cerveau et se tordaient en de douloureux névromes. Depuis, j’ai subi quatre opérations importantes et une dizaine d’interventions invasives, j’ai suivi des thérapies sur une centaine de séances et pris des cocktails de 13


médicaments traditionnels et homéopathiques, tout cela pour trouver un certain soulagement. Mais rien n’a vraiment fonctionné. Je n’aurais jamais imaginé que viendrait un temps où je ne pourrais même pas porter un verre d’eau à mes lèvres pour boire ou que j’aurais besoin de l’aide de ma petite fille pour boutonner ma chemise. Je peux compter sur les doigts d’une seule main le nombre de fois où j’ai été en mesure de tenir dans mes bras nos quatre enfants lorsqu’ils étaient bébés. Quand nous prenons la voiture, ma femme s’assure d’abord qu’ils sont tous bien attachés dans leur siège-auto, puis elle vient m’ouvrir la portière pour que je puisse m’installer à mon tour. Enfin, elle prend place au volant et se penche pour boucler ma ceinture. Une fois, lors d’un voyage aux Etats-Unis pour une conférence, j’étais à table avec plusieurs pasteurs. Sans dire un mot, Mack, un ancien de notre Eglise qui m’accompagnait, s’est tourné vers moi et a coupé mon steak en morceaux pour que je puisse le manger. Sentant le malaise chez les autres pasteurs qui n’étaient pas au courant de mon handicap, il a dit en plaisantant: «Est-ce que vos anciens ne vous rendent jamais ce genre de service?» Il y a huit ans, notre famille a déménagé à l’étranger, dans la péninsule arabique, pour un travail d’implantation d’Eglises. Quelques mois auparavant, j’avais subi une opération, mais je récupérais très bien. Nous avions espoir que les douleurs et mon handicap feraient bientôt partie du passé. Mais un soir, alors que je m’entraînais à conduire sur un parking pendant que Gloria faisait quelques courses, j’ai senti soudain une douleur cuisante dans mes deux bras. Le problème était revenu, mais avec plus de force encore. Nous nous étions tellement réjouis de ce qui nous paraissait être une guérison totale et des nouvelles Eglises que nous projetions de fonder, mais tous ces espoirs s’envolaient. La semaine suivante, de douloureuses petites bosses ont fait irruption sur mes deux mains, les recouvrant jusqu’au bout des doigts, et il 14

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m’était impossible de toucher quoi que ce soit. C’est alors que je me suis fait happer par la dépression. Je restais éveillé presque toutes les nuits, faisant les cent pas dans ma chambre, perdant presque la tête. Ces nuits-là, Gloria pensait que j’étais en train de devenir fou et elle se consolait en se disant que je n’étais physiquement pas en mesure de sortir de la maison et de me perdre dans le désert. Nous avions tout essayé, mais rien n’y avait fait. Il n’y avait pas de soulagement, pas de joie. C’est ainsi que nous avons commencé notre ministère au MoyenOrient. Tous les week-ends, Gloria installait notre bébé dans la voiture, bouclait ma ceinture aussi et faisait les deux heures de route qui nous séparaient de Dubaï pour que nous puissions rencontrer des gens, assister au culte dans notre Eglise partenaire et nouer des contacts en vue d’une éventuelle implantation d’Eglise au centre de la ville. Je «m’allumais» alors pour quelques heures, devenais cordial, proposais une vision pour le travail d’Eglise, puis, le restant de la semaine, je redevenais l’ombre de moi-même. Je ne faisais qu’essayer de survivre. Pire encore, j’étais devenu un homme grognon et passif-agressif. Et à mon grand regret, j’avais complètement cessé de m’occuper de ma fille. Je rejetais assez ouvertement la faute sur Gloria pour tout ce que je vivais, même pour mes douleurs. A ce moment-là, je ne savais pas que j’étais aux prises avec la dépression, en revanche, je sentais que quelque chose n’allait pas. Je voulais m’en sortir, mais rien ne changeait. Cette obscurité dans mon âme ne se dissipait tout simplement pas. J’étais handicapé, déprimé et en colère. Tout au long de cette épreuve, je me suis senti comme une victime; je pensais que j’étais le seul à souffrir. Personne ne pouvait comprendre ce que je ressentais. Le monde entier tournait autour de moi et n’existait que pour me servir et m’aider. J’ai commencé à jouer au jeu du «Et si seulement», qui consiste à se dire: Si seulement j’avais telle ou telle chose, alors Introduction

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je serais heureux. Par exemple, quand vous avez faim: Si seulement j’avais quelque chose à manger, alors je pourrais être joyeux. Quand on vous critique: Si seulement ces gens s’en allaient, alors je serais heureux. Quand votre compte en banque est vide: Si seulement j’avais plus d’argent, alors je pourrais offrir à mes enfants la vie qu’ils méritent. Si seulement cette personne de ma famille n’était pas morte… Si seulement je n’avais pas ce problème de santé… Si seulement… si seulement… Dans mon cas, ce jeu tournait autour de mes bras: Si seulement mes bras ne me faisaient pas si mal, alors je serais heureux. Je me le disais tous les jours, peut-être même toutes les heures. C’était devenu mon «évangile». Pour reprendre les célèbres paroles de Jean Calvin, «l’esprit humain invente les idoles et la main les fabrique», et «l’expérience montre, tous les jours, que l’être humain ne reste pas tranquille tant qu’il ne se trouve pas face à face avec quelque masque ou faux-semblant qui lui permette de se réjouir».1 Dans mon cas, c’était l’idole du bien-être, bien-être qui, me semblait-il, ne pourrait devenir réalité que si mes bras guérissaient et que je n’avais plus de douleurs. Je ne m’étais pas rendu compte que cette idolâtrie touchait aussi ma femme. Car je n’étais pas seul dans ma détresse, lorsque je faisais les cent pas dans notre chambre à coucher au milieu de la nuit; Gloria était réveillée, elle aussi. Elle priait pour moi et essayait tant bien que mal de s’accrocher à son espérance en Dieu. Pendant que j’arpentais la chambre, me demandant si je pourrais un jour tenir mon bébé dans les bras, elle «faisait les cent pas dans sa tête», se demandant si elle aurait un jour un mari «normal». Mon idole était le bien-être qu’on éprouve quand on a des bras qui fonctionnent normalement. Pour Gloria, c’était le sentiment agréable d’avoir un mari aux bras qui fonctionnent normalement.    Cf. Jean Calvin, Institution de la religion chrétienne, Kerygma & Excelsis, 2009, I.XI.8, p. 68.

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Maintenant que je suis sorti de cette période de dépression, je vois clairement que la douleur et la souffrance ne sont pas seulement difficiles à vivre pour la personne qui les subit mais aussi pour toutes les personnes de son entourage. Malheureusement, notre histoire n’est pas une fable ni un cas unique. J’ai eu l’occasion de parler avec bien des familles touchées par la douleur chronique, un handicap, la maladie, un chagrin profond ou la dépression. Un de mes amis pasteurs, John, souffre lui aussi d’un handicap au niveau des deux mains. Il a beaucoup de mal à taper à l’ordinateur ou à accomplir des tâches domestiques, ce qui oblige sa femme à tout assumer en attendant patiemment le moment où il se sentira suffisamment bien pour l’aider. C’est lui qui m’a encouragé à écrire ce livre pour ceux qui accompagnent des personnes en souffrance. Et je l’ai écrit en pensant au soutien extraordinaire que j’ai reçu moi-même de la part des autres dans ma maladie. Il en existe de bien meilleurs sur le thème de la souffrance, mais celui-ci n’est pas un livre de plus destiné à ceux qui souffrent. Il s’adresse à tous ceux qui connaissent des personnes en souffrance et qui aimeraient les voir poser à nouveau les pieds sur le «rocher des siècles». Je pense donc qu’on peut dire, sans trop prendre de risques, que ce livre est pour nous tous. L’objectif du chapitre 1 est d’apporter l’encouragement et la guérison à ceux qui, accompagnant quelqu’un qui souffre, souffrent eux-mêmes en silence. Avant que nous puissions parler de la manière d’aider ceux qui passent par l’épreuve, nous avons besoin d’examiner notre propre cœur. Personne, en effet, ne peut dire qu’il n’a jamais connu la peine ou la douleur à travers la souffrance d’autrui. Au chapitre 2, nous verrons d’où nous vient la force de soutenir ceux qui souffrent dans notre entourage. Et dans les chapitres restants, nous proposerons des conseils pratiques pour prendre soin de ces personnes. Le livre se termine par une postface de ma femme Gloria, à travers laquelle elle explique avec franchise ce qu’elle a vécu à mes côtés durant nos heures les plus sombres. Introduction

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Nous connaissons tous quelqu’un qui souffre: un enfant aux prises avec un trouble de l’apprentissage, un conjoint handicapé, un ami qui se bat contre le cancer, un voisin ou un frère de l’Eglise atteint de douleurs chroniques, un parent âgé qui souffre de maux divers ou des personnes qui ont perdu un être cher. Peut-être vous êtes-vous déjà posé l’une des questions suivantes: •• Comment, en tant que membre de l’Eglise, devrais-je réagir face à la souffrance d’un frère ou d’une sœur dans la foi? •• Comment, en tant que mari ou femme, puis-je aider et aimer mon conjoint qui, souffrant de douleurs chroniques, se montre froid et distant? •• Comment puis-je prendre soin de mes parents vieillissants en les honorant et en honorant Dieu? •• Que puis-je dire à un ami mourant? •• Comment dois-je me comporter avec mon cousin paralysé qui est en proie au désespoir? •• Comment puis-je prendre soin d’une femme qui a le cœur brisé par un mariage au bord de la rupture? •• Comment puis-je encourager les jeunes couples qui ont vécu plusieurs fausses couches ou qui n’arrivent pas à avoir d’enfant? Peut-être rencontrez-vous des difficultés dans l’accompagnement des personnes qui souffrent autour de vous. Peut-être avez-vous le sentiment que vous ne pouvez plus continuer, que vous ne pouvez rien leur apporter de plus. Vous avez raison, vous ne le pouvez pas par vos propres forces. Mais l’objectif de ce livre est de tourner vos regards vers Jésus, votre seul espoir, et de vous donner certaines pistes pour aimer ceux qui souffrent par la force que seul Dieu donne.

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1. LA DOULEUR

CAUSÉE PAR LA SOUFFRANCE D’AUTRUI

B

ien que ma souffrance ne soit pas des plus évidentes – je n’ai ni plâtre ni bandage – on s’en rend assez vite compte. Je ne peux pas utiliser mes bras normalement et, par conséquent, je suis limité physiquement. Au restaurant, je suis obligé de demander des couverts en plastique quand les couverts donnés sont trop lourds pour moi. Chaque nouvelle journée me rappelle que je ne suis pas en mesure de prendre mes enfants dans les bras. Je suis contraint de demander à Norah, ma fille de 6 ans, de défaire mes lacets quand je rentre à la maison. Ce que j’ai perdu par la maladie est facile à voir, mais qu’en est-il de ce qu’a perdu ma femme? On peut facilement l’oublier, pourtant, elle aussi a beaucoup perdu à travers cette épreuve. A la différence de la plupart des autres femmes, son mari ne peut pas l’aider pour ce qu’il y a à faire autour de la maison. Je ne peux pas non plus sortir les poubelles, déplacer des meubles, ramasser 19


une serviette mouillée sur le carrelage de la salle de bains ni faire le lit. Récemment, lorsque Gloria a dû gérer un loupé particulièrement déplaisant au niveau de «l’apprentissage du pot», elle a dit sur le ton de la plaisanterie qu’elle n’avait jamais connu pire. Et ce n’est pas peu dire, puisque c’est elle qui a changé presque toutes les couches de nos quatre enfants. D’ailleurs, non seulement elle ne peut pas s’attendre à ce que je l’aide, mais elle doit en plus passer du temps à m’aider. Ma femme doit aussi faire face à la souffrance émotionnelle et psychologique qui accompagne ce genre d’épreuve. Par exemple, un jour, alors que nous quittions notre hôtel à Nashville après un court séjour, elle m’a ouvert la porte de la voiture, a bouclé ma ceinture, puis a réussi à pousser le gros chariot avec toute notre pile de valises jusque vers le coffre. Ensuite, elle a chargé tous les bagages à l’intérieur et a refermé le hayon. Trois femmes assises sur un banc situé non loin de là avaient assisté à la scène. L’une d’elles l’a interpellée et lui a dit que ce n’était pas juste que son «bon-à-rien-de-mari» n’ait fait que rester assis dans la voiture pendant qu’elle faisait tout le travail. Ma femme, douce et patiente, a répondu calmement que son mari était handicapé et est remontée dans la voiture avant que les larmes ne commencent à couler. Des choses de ce genre arrivent régulièrement. Ainsi, la plupart du temps, nous ne passons pas la sécurité ensemble dans les aéroports, car nous en avons assez que les employés nous fassent des remarques parce que je n’aide pas ma femme à mettre les ordinateurs portables, les chaussures, les sacs, les siègesautos pour enfants et les poussettes sur le tapis roulant en vue de leur inspection aux rayons X. Vous avez probablement vécu vous-même des situations semblables, où vous avez pensé que si les gens avaient vraiment su ce qu’il en était, ils se seraient montrés un peu plus indulgents et vous auraient donné un coup de main. Anticiper et gérer ce genre de douleur sociale peut être très pénible lorsque vous aimez et entourez une personne souffrante. Vous 20

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souffrez vous aussi, même si ce n’est pas de la même manière, et cette douleur est souvent ignorée. Si donc vous prenez soin de quelqu’un qui souffre, la première chose que vous devez faire, c’est reconnaître honnêtement la peine que cela engendre pour vous-même. Vous aider à cela, tel est le but de notre premier chapitre.

PRENDRE CONSCIENCE DE CE QU’ON A PERDU Si vous prenez soin d’une personne qui souffre, vous avez dû pour cela accepter de renoncer à certaines choses. Vous avez vous-même perdu quelque chose au passage. Pour ma part, j’ai perdu l’usage de mes bras, mais ma femme a perdu un mari avec des bras qui fonctionnent. Ceux qui prennent soin des autres sont tentés de croire que les personnes qu’ils entourent ne peuvent les aider en rien. Ils défendent constamment leurs protégés ou craignent sans cesse que les gens pensent du mal d’eux. Et ce faisant, ils s’épuisent. Mes enfants aussi souffrent: il est difficile pour eux de voir que leur papa ne peut pas faire certaines choses, comme les porter, les empêcher de tomber quand ils font du roller ou simplement leur ouvrir un paquet de biscuits. Ils ont dû apprendre à être patients avec moi, et ils peuvent ressentir de la frustration du fait que je ne suis pas capable de faire pour eux autant que leur maman. Mes collaborateurs dans l’Eglise doivent eux aussi renoncer à certaines choses, car souvent, il leur faut laisser de côté ce qu’ils sont en train de faire pour me venir en aide ou pour aider ma famille. Chris, par exemple, est formidable: il nous soutient beaucoup sur un plan pratique. Que ce soit pour faire en sorte que notre voiture soit réparée ou pour me conduire quelque part, il est toujours disponible. Mais mon handicap a un coût pour lui. S’il est toujours heureux de rendre service, les La douleur causée par la souffrance d’autrui

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circonstances sont malgré tout différentes de ce qu’elles seraient si j’étais un pasteur suffisamment en bonne santé pour prendre soin de lui-même et s’occuper des autres. On peut se retrouver dans toutes sortes de situations compliquées. Ceux que le cancer prive d’un être cher connaissent une douleur profonde. Il en est de même de l’enseignant âgé d’une cinquantaine d’années qui doit régulièrement se rendre à l’autre bout du pays pour s’occuper de son vieux père atteint d’Alzheimer, à peine capable de le reconnaître. Ou je pense à la jeune mère qui passe ses journées seule à prendre soin de sa fille handicapée et à entretenir la maison en luttant pour trouver la joie. Je pense encore à telle croyante qui ne sait plus quoi dire après avoir mis pour la centième fois sa meilleure amie dépressive en colère. Ce que je cherche à montrer, c’est que si, par la grâce de Dieu, nous retirons tous des bénédictions extraordinaires de l’épreuve (comme le fait d’apprendre la patience, par exemple), nous devons accepter de voir en face la douleur et la perte qu’elle engendre. Peut-être avez-vous pensé qu’en tant que chrétiens, vous deviez sourire et faire semblant d’aller bien quand on vous demandait comment vous alliez. Peut-être pensez-vous qu’en exprimant votre souffrance, vous déshonorez Dieu. Eh bien, c’est faux. Charles Spurgeon, le formidable prédicateur britannique que l’on con­ naît, a souvent lutté contre la dépression et un profond sentiment de désespoir. A un moment donné, il a même dû se retirer de son ministère et quitter le pays pendant six mois. Il était tellement déprimé qu’il avait de la peine à quitter le lit. Lorsque la dépression s’emparait de lui, a-t-il dit, il avait l’impression de devoir lutter contre le brouillard: il en était entouré de toutes parts mais ne pouvait lui porter le coup fatal.1    Cf. Charles Spurgeon, Lectures to My Students, Zondervan, 1979.

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D’une certaine façon, en tant que chrétiens, nous souffrons davantage, car notre cœur de pierre a été changé en cœur de chair et, désormais, nous réagissons différemment à la souffrance des autres. Nous avons mal pour les membres de notre famille ou pour nos amis qui passent par l’épreuve. Et il est impératif de voir en face cette souffrance qui est la nôtre. Plutôt que de la garder pour nous et de redoubler d’efforts pour tenir bon, nous devons en admettre la réalité et l’accepter. Voici ce qu’écrit Jerry Sittser, auteur de Une grâce déguisée, à ce sujet:

La douleur de la perte est cependant tenace. Elle rôde en permanence et se lance à nos trousses jusqu’à ce qu’elle nous atteigne. Elle est aussi persistante que le vent dans les Prairies, aussi constante que le froid dans l’Antarctique, aussi érosive qu’une débâcle printanière. Elle n’accepte pas d’être niée et il n’existe aucun moyen de s’y soustraire. Tout compte fait, le déni, le marchandage, les dépendances et la colère ne sont que de simples tentatives de dévier de ce qui à la fin triomphe de nous tous. La douleur aura son temps parce que la perte est indéniablement et désespérément réelle. 2 A cause de la réalité de la perte, de la douleur, le cours de votre existence a changé. Désor­mais, votre façon de vivre, de travailler, de vous reposer et de mener votre vie n’est plus la même. Faire le deuil de quelqu’un ou de quelque chose représente un travail, et parfois, ce travail est tout sauf facile. Il peut même s’avérer écrasant. H. Norman Wright, auteur d’un excellent ouvrage sur le sujet, écrit: «Le deuil est semblable à un visiteur qui reste plus longtemps que ce que l’on voudrait.»3    Jerry Sittser, Une grâce déguisée, Publications Chrétiennes, 2014, p. 57.    H. Norman Wright, Experiencing Grief, B&H, 2004.

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La douleur causée par la souffrance d’autrui

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C’est un processus compliqué, et nous aimerions tant que la douleur du deuil disparaisse d’elle-même. Vous ne savez jamais quand un coucher de soleil ou le simple fait d’aller à la pharmacie va vous rappeler des souvenirs qui vont soudain vous submerger. Parfois, il suffit même d’un moment de calme pour que votre esprit vagabonde vers des émotions que vous n’arrivez pas à contrôler. Le chagrin va et vient sans qu’il y ait une quelconque façon de l’anticiper. Quand les douleurs dans mes bras sont revenues après notre déménagement dans la péninsule arabique, j’ai eu une conversation téléphonique mémorable avec mon ami John. Il m’a rappelé l’épisode où le roi David pleure la mort de son fils pendant 30 jours. Nous avons tous deux ri à l’idée que quelqu’un puisse pleurer, gémir et porter publiquement le deuil durant autant de temps. Cela paraît risible, dans la société actuelle, pourtant, il y avait probablement quelque chose de très sain dans cette attitude. Aujourd’hui, nous souffrons toujours, nous pleurons toujours lorsque nous avons perdu un être cher, pourtant, bien souvent, on nous fait comprendre que nous devrions retenir nos larmes, que nous devrions ravaler notre chagrin au lieu de le vivre ouvertement et d’une façon saine. Nous réagissons tous différemment à la souffrance et au deuil, mais il est essentiel de ne pas rester dans le déni. Nous devons faire savoir aux autres que ce n’est pas simple, que nous traversons quelque chose de difficile. Beaucoup de conseillers en relation d’aide disent que la clé, pour parvenir à la guérison, c’est d’avoir le soutien d’autres personnes. Il est donc important de faire connaître notre souffrance, de faire savoir aux autres que nous traversons quelque chose de douloureux. Ne restons pas seuls sur ce chemin. Peut-être cette notion de deuil personnel qu’il faut accepter de faire est-elle nouvelle pour vous. Peut-être vous met-elle mal à l’aise. Peutêtre ne savez-vous pas ce que cela comporte ni pourquoi vous devriez reconnaître votre souffrance, ou votre sacrifice, s’il s’agit de la souffrance 24

Etre là


d’autrui. Dans la suite de ce chapitre, nous verrons qu’il y a deux manières de procéder.

PLEURER LIBREMENT Souvent, à l’Eglise, on dit aux gens que pleurer, c’est manquer de confiance en Dieu. Les pleurs et les lamentations sont rarement bienvenus au milieu des chrétiens; il n’y a pas la liberté de crier au Seigneur. Pourtant, le livre des Psaumes est rempli de ce qu’on appelle des «psaumes de lamentation». Dans en tout cas deux d’entre eux, le psalmiste crie à Dieu sans que le moindre espoir ne vienne éclairer son désarroi.4 Voici ce que dit le Psaume 88:

Eternel, Dieu de mon salut, jour et nuit je crie devant toi. Que ma prière parvienne jusqu’à toi! Prête l’oreille à mes supplications, car mon âme est saturée de malheurs, et ma vie s’approche du séjour des morts. On me compte parmi ceux qui descendent dans la tombe, je suis comme un homme qui n’a plus de force. Je suis étendu parmi les morts, semblable à ceux qui sont tués et couchés dans la tombe, à ceux dont tu ne te souviens plus et qui sont séparés de toi. Tu m’as jeté dans un gouffre profond, dans les ténèbres, dans les abîmes. Ta fureur pèse lourdement sur moi, et tu m’accables des vagues de ta colère. Tu as éloigné mes intimes de moi, tu as fait de moi un objet d’horreur pour eux; je suis enfermé et je ne peux pas sortir. Mes yeux sont usés par la souffrance; tous les jours, je fais appel à toi, Eternel, je tends les mains vers toi. Est-ce pour les morts que tu fais des miracles? Les défunts se lèvent-ils pour te louer? Parle-t-on de ta bonté dans la tombe, de ta fidélité dans le gouffre de perdition? Tes miracles sont-ils connus dans    Le Psaume 39 et le Psaume 88 ne contiennent pas de versets porteurs d’espoir et ne comportent pas de fin «pleine d’espérance» comme d’autres Psaumes. 4

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Qui n’a pas, dans son entourage, une ou plusieurs personnes qui souffrent? Qui ne s’est pas trouvé un jour démuni face à la douleur des autres (sans parler de la sienne)? Dave Furman sait de quoi il parle. Depuis plus de dix ans, une déformation au niveau des nerfs lui provoque des douleurs handicapantes. Il est donc bien placé pour savoir ce qui fait du bien – ou non – à celui qui traverse l’épreuve. Il sait aussi ce que peuvent ressentir les proches aidants. Fort de son expérience et s’appuyant sur ce que dit la Bible, il leur apporte ici de précieux encouragements et des conseils pratiques utiles au quotidien. Un livre pour tous. Car la souffrance n’épargne personne!

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chroniques aux bras qui, parfois, peuvent devenir réellement

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