ULRICH NEUENHAUSEN
ULRICH NEUENHAUSEN
L’adesbc
CROYANCES
Autant de questions auxquelles tente de répondre cet ouvrage clair et concis, qui propose un aperçu de l’animisme, de l’hindouisme, du bouddhisme, des religions d’ExtrêmeOrient, du Nouvel Age, du judaïsme, de la foi chrétienne, de l’islam et de l’athéisme. Agrémenté de tableaux, de schémas et d’illustrations, il est non seulement agréable à lire, mais conduit aussi à réfléchir… A lire et à offrir! Ulrich Neuenhausen, né en 1962, est professeur de sciences des religions à l’Institut Biblique de Wiedenest, en Allemagne, institut dont il est aussi le directeur depuis 2002.
CHF 9.90 / 8.50 € ISBN 978-2-88913-042-9
ULRICH NEUENHAUSEN
CROYANCES
L’abc des CROYANCES
«Toutes les religions ont le même dieu», entend-on parfois dire. Mais en est-il vraiment ainsi? En quoi consistent les principales croyances à travers le monde? Et en quoi se différencient-elles?
L’adesbc
Ulrich Neuenhausen
L’abc des croyances
Titre original en allemand: Phänomen Weltreligionen, Ulrich Neuenhausen © 2005 Christliche Verlagsgesellschaft Dillenburg mbH, Dillenburg Sauf indication contraire, les textes bibliques sont tirés de la version Segond 21 © 2007 Société Biblique de Genève http://www.universdelabible.net Les liens Internet indiqués étaient valables au moment de la première édition du texte. Traduction et adaptation française: Roger Foehrlé Copyright © et édition française: Ourania, 2009, 2018 2e édition, nouvelle mise en pages, 2018 Case postale 128 CH-1032 Romanel-sur-Lausanne info@ourania.ch www.ourania.ch Tous droits réservés. Image couverture: © bht2000 – Fotolia.com ISBN édition imprimée 978-2-88913-042-9 ISBN format epub 978-2-88913-543-1 ISBN format pdf 978-2-88913-937-8 Imprimé en France par Sepec numérique
Table des matières Préface............................................................................................................... 7 1.
2.
La religion, un phénomène universel........................................ 9 L’instinct religieux............................................................................ 17
3. L’animisme.......................................................................................... 27
4. L’hindouisme.....................................................................................35
5.
Le bouddhisme................................................................................ 45
7.
Le Nouvel Age.................................................................................. 61
6. 8. 9.
Les religions d’Extrême-Orient..................................................53
Le judaïsme........................................................................................67
La foi chrétienne.............................................................................. 75
10. L’islam..................................................................................................83 11.
L’athéisme et le marxisme............................................................93
12.
Plusieurs chemins, un même but?..........................................101
14.
Délivré de l’hindouisme..............................................................121
16.
De l’islam à Jésus-Christ.............................................................141
13.
15. 17.
Un seul Evangile............................................................................ 111
Déçu par le Nouvel Age.............................................................133 De l’athéisme à la confiance en Dieu....................................149
A découvrir aussi.......................................................................................153
Préface Le fait religieux n’est pas mort. L’effervescence, manifestée
à Rome en avril 2005, lors des obsèques du pape Jean-Paul II,
les prières prononcées lors de l’investiture de Barak Obama, quarante-quatrième président des Etats-Unis, le 20 janvier 2009, la pleine croissance du bouddhisme en Occident, pour ne citer que quelques exemples, tout cela montre bien l’importance que la religion revêt encore pour l’homme du 21e siècle et l’intérêt qu’elle continue à susciter de par le monde.
Et ce phénomène ne touche pas seulement certaines classes
sociales, mais des personnes de toutes les couches de la société, de tous les niveaux de formation et de toutes les origines.
Le but de cet ouvrage, écrit à l’origine dans le cadre d’une
exposition sur les principaux courants de pensée et religions du monde, n’est pas seulement de présenter ces différentes
croyances, mais d’inviter au dialogue. Ce dialogue est nécessaire,
car l’homme ne peut découvrir la vérité au sujet de Dieu et du monde en lui-même, dans ses propres raisonnements. S’il existe
un Dieu qui veut nous parler, nous ne pouvons le trouver qu’en le cherchant et qu’en écoutant ce qu’il a à nous dire. Aussi, je vous encourage à parcourir ces pages dans une «attitude d’écoute».
Si ce livre vous permet d’avancer vers une relation avec
Dieu, j’en serai personnellement très heureux. J’espère qu’il
vous conduira aussi à découvrir les autres religions, à mieux
comprendre leurs adeptes et, ainsi, à plus aisément engager le Préface
/7
dialogue avec ceux que vous côtoyez. Enfin, j’espère qu’il vous aidera aussi à mieux expliquer aux autres ce que vous croyez vous-même. «Celui qui cherche trouve», dit la Bible.1 C’est une certitude,
j’en suis convaincu, et c’est pourquoi je désire rechercher le dialogue avec ceux qui n’ont pas la même foi que moi. J’aimerais les écouter et leur permettre de découvrir, un peu, qui est Dieu. C’est dans ce but que j’ai rédigé ces pages. C’est aussi dans ce but que j’ai participé à la réalisation d’une exposition sur les différentes religions du monde. Et c’est dans ce but que j’enseigne la science des religions à l’institut biblique de Wiedenest, en Allemagne. Ulrich Neuenhausen
1 Evangile de Matthieu, chapitre 7 verset 8.
8\
L’abc des croyances
La religion, 1.
un phénomène universel
Définition Philosophie des Lumières, rationalisme, athéisme, commu-
nisme… la liste des idéologies qui, depuis quelques siècles, ont déclaré la guerre à la «religion» est longue. Mais cette guerre
est loin d’être gagnée, car la plupart des habitants de la planète sont adeptes d’une religion ou, tout du moins, observent une
certaine pratique religieuse. Et, lorsqu’on analyse les choses en
profondeur, on découvre même chez certains des plus fervents opposants à la religion la présence de conceptions quasi-reli-
gieuses. Si, par exemple, on considère la manière dont Marx, Lénine ou Engels ont été vénérés, portés aux nues, on a presque le sentiment que ces hommes ont été divinisés, c’est-à‑dire pris
pour des dieux. En réalité, quand l’homme n’adore pas Dieu, il a tendance à se faire lui-même dieu.
Mais la religion n’implique pas forcément la vénération d’un
dieu. La pensée du bouddhisme, par exemple, est, à l’origine, athée, c’est-à‑dire qu’elle ne reconnaît pas l’existence d’un dieu
ou de plusieurs divinités. Siddhartha Gautama, son fondateur,
pensait qu’il n’existait pas vraiment de dieux. Ils étaient pour lui illusion, tout comme l’était son «moi individuel». La religion, un phénomène universel
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Quelle est la juste définition du terme «religion»? Considérons celle que donne le Guide des religions1, ouvrage collectif très documenté sur la question: Une religion est un ensemble de croyances et de dogmes qui répondent à des questions essentielles telles que: Qu’est-ce que la réalité absolue? Qu’est-ce que le monde?
Qu’est-ce que l’homme? Quel est le problème fondamental de l’homme? Qu’advient-il après la mort? Cette définition n’implique donc pas nécessairement l’existence d’une foi en Dieu, de rituels ou d’un clergé. Ainsi, les courants de pensée comme l’athéisme et le marxisme, en raison des réponses qu’ils apportent à des questions essentielles, peuvent être considérés comme des «religions», même si leur doctrine nie le surnaturel et l’existence de Dieu. Et selon l’encyclopédie en ligne Encarta2, une religion est un «système de croyances et de pratiques fondé sur la relation à un Etre suprême, à un ou plusieurs dieux, à des choses sacrées ou à l’univers». Ces définitions font ressortir trois points importants.
1. La religion est liée à une croyance Puisque l’homme, par sa raison, n’est pas en mesure d’appréhender la réalité dans sa totalité, il est, dans certains domaines, obligé de croire, qu’il le veuille ou non. Ainsi, celui qui affirme ne pas croire en un dieu, manifeste par là même une certaine 1 D. Halverson et al., Guide des religions, La Maison de la Bible, 2008, p. 10. 2 Http://fr.encarta.msn.com/encyclopedia_761565187/religion.html.
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L’abc des croyances
«foi», puisqu’il parle d’une chose qu’il ne peut ni comprendre ni
prouver. Ce domaine de l’incompréhensible ou de l’insaisissable et du non scientifiquement prouvable est aussi appelé «domaine
transcendant». Et c’est souvent lorsque l’homme fait une expérience dans ce domaine que naît en lui la croyance. L’expérience
peut donc précéder la foi. Si, par exemple, quelqu’un est l’objet d’une guérison divine ou accomplit lui-même des miracles,
d’autres croiront à son message à cause de son expérience. Toutefois, les expériences dans ce domaine peuvent être subjec-
tives: les changements, les exaucements de prière interviennent dans la vie personnelle.
2. La religion a affaire à des êtres ou des principes L’homme religieux croit en un ou plusieurs dieux ou à des
principes (par exemple la loi du karma dans le bouddhisme) aux-
quels il doit obéir ou, au contraire, contre lesquels il doit lutter, dont il peut gagner la faveur ou qu’il peut manipuler, auxquels il est complètement livré ou qu’il peut «destituer».
3. La religion est liée à des pratiques Enfin, troisième point, la religion entraîne toute une série de
comportements par lesquels celui qui la pratique tente d’influencer le ou les dieux (ou le principe) en sa faveur, tente de
les apaiser, d’obtenir leur bénédiction, etc. Ces comportements consistent en des rites, des prières, des pratiques de méditation, etc.
La religion, un phénomène universel
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Par ailleurs, selon le type de croyance, l’individu développe, au sein même du système religieux auquel il adhère, sa propre foi, sa propre vie spirituelle, bref, une foi personnelle. En résumé. La religion est la foi en des êtres ou des principes, foi qui s’exprime par des comportements spécifiques (pratique religieuse).
La religion à travers le monde La religion la plus répandue au monde est le christianisme au sens large, qui compte plus de 2 milliards d’adhérents, ce chiffre incluant les églises officielles, les différentes dénominations chrétiennes et les sectes d’origine chrétienne. Le christianisme fait partie des religions à forte croissance mondiale, à l’exception toutefois des églises d’Occident. Autres religions 2.3% Judaïsme 0,3% Sikhisme 0,4% Bouddhisme 6% Religions traditionnelles chinoises 6% Christianisme au sens large 31%
Religions tribales 6%
(dont religions africaines traditionnelles)
Hindouisme 12%
Sans religion 16%
Islam 20%
Les grandes religionsreligions du monde, de la population (2005) Les grandes du pourcentage monde, pourcentage de la mondiale population (2005)
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L’abc des croyances
Le christianisme est suivi par l’islam, lui aussi en forte progression, avec près de 1,4 milliard d’adeptes. La religion musulmane est très profondément ancrée dans les Etats arabes, région de son origine, mais est aussi, suite aux différentes vagues d’immigration qui ont eu lieu au 20e siècle, bien présente en Occident. Elle se répand particulièrement par un taux de natalité élevé. L’hindouisme, même s’il est présent dans d’autres régions du globe, est la religion prédominante en Inde et au Népal. Son activité de prosélytisme est toutefois réduite en dehors de ces pays. Avec ses 913 millions d’adeptes, il est la troisième religion du monde et doit lui aussi sa progression en grande partie au fort taux de natalité enregistré en Inde.
Les religions à travers le monde* Depuis que l’homme existe, il cherche à entrer en contact avec ce qui transcende la réalité visible et qui en est à l’origine. Dans sa recherche d’un sens à sa vie, d’une direction à suivre, d’une patrie spirituelle, il est confronté à une multitude d’offres émanant des nombreux courants de pensée et religions du monde. Religion
Adhérents
Christianisme (au sens large)
2,2 milliards
Islam
1,4 milliard
Hindouisme
913 millions
Bouddhisme
387 millions
Animisme
266 millions
Athéisme
148 millions
* Chiffres publiés dans David B. Barrett & Todd M., Johnson, International Bulletin of Missionary Research, 01.2009, «Status of Global Mission, 2009, in the Context of 20 th and 21st Centuries». Voir http://www.gcts.edu/ockenga/globalchristianity/ resources.php.
La religion, un phénomène universel
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Le bouddhisme ressemble en de nombreux points à l’hindouisme, dont il est issu, et compte près de 400 millions d’adeptes, soit approximativement 6% de la population mondiale. Toutefois, comme l’indique le Guide des religions, il est difficile d’arrêter un chiffre précis, étant donné la tendance du bouddhisme à infiltrer diverses cultures et à en influencer les croyances.1
Le terme «animisme» regroupe un grand nombre de religions et de phénomènes religieux différents qui, pour la plupart, ne disposent pas d’une tradition écrite. Ces pratiques religieuses sont locales et attachées à des groupes ethniques spécifiques. Elles s’intéressent avant tout à la survie de l’homme dans son environnement et ne font pas partie d’un système organisé qui les lierait les unes aux autres. Suite à l’influence exercée par le communisme et le darwinisme, nombreux sont ceux qui, aujourd’hui, ne croient en aucun dieu. Selon la théorie de l’évolution et l’idéologie marxiste, non seulement Dieu n’est pas utile, mais il est même considéré comme «gênant». Toutefois, depuis l’effondrement du communisme dans les pays de l’Est, de nombreuses tendances religieuses se manifestent à nouveau au sein de ces peuples qui, auparavant, se déclaraient athées. C’est notamment le cas en Russie, ainsi que le confirme Sergei Filatov, expert en questions religieuses et membre de l’Académie russe des sciences: Du point de vue religieux, la situation spirituelle d’avant et d’après la perestroïka se traduit par l’apparition de croyances communément qualifiées de «non traditionnelles» en 1 Guide des religions, p. 49.
14 \
L’abc des croyances
Occident. C’est ainsi que l’on assiste à l’expansion de l’occultisme, des religions orientales ou de certains de leurs éléments, de la croyance à toutes sortes de pratiques magiques, aux OVNI, au yéti et à la réincarnation. Avant la perestroïka, ces «religions informelles» semblaient intéresser principalement la jeunesse et les intellectuels, c’est-à‑dire les couches de la population particulièrement enclines à réfléchir aux différentes idéologies et visions du monde. Mais en réalité, le phénomène était plus répandu que cela. Ces dernières années, il ressort en effet de plusieurs sources que, durant l’ère soviétique, des représentants de la nomenklatura montraient eux aussi un réel intérêt pour ces religions «non traditionnelles» et avaient recours à des personnes dotées de pouvoirs surnaturels, tels les guérisseurs et les astrologues.1
Les religions en France En France, c’est, hormis l’Eglise catholique, la communauté musulmane qui apparaît comme l’une des plus importantes du pays, puisqu’elle est en deuxième position, avec environ 5 millions d’adeptes. Et l’islam est, d’une manière générale, bien présent en Europe occidentale, notamment en Allemagne et au Royaume-Uni. 1 Sergei Filatov, «Religion in Russland – Religiosität und Religionsgemeinschaft in Russland zwölf Jahre nach Zusammenbruch des Kommunismus», dans Prof. Dr. HansGeorg Wehling (dir.), Russland unter Putin, Landeszentrale für politische Bildung BadenWürttemberg, 2001.
La religion, un phénomène universel
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Mais le bouddhisme rencontre aussi de réelles sympathies dans nos pays occidentaux, ainsi qu’en témoigne cet extrait d’une dépêche AFP publiée le 28.04.2009: «A l’occasion du Nouvel An bouddhiste, Vesak 2009, célébré les 15, 16 et 17 mai, des reliques du Bouddha historique Sakyamouni vont être transférées de Thaïlande en France pour être installées définitivement à la Grande Pagode de Vincennes, annonce mardi l’Union boud dhiste de France (UBF).»1 Et, selon le Guide des religions, «de
plus en plus de Suisses en quête de nouvelles expériences spirituelles se tournent vers ces religions orientales. Celles-ci sont donc très à la mode»2. En Allemagne, des millions de personnes considèrent le bouddhisme comme la religion la plus crédible et le dalaï-lama (bouddhisme tibétain) comme le plus convaincant des leaders religieux.
1 Voir http://www.la-croix.com/afp.static/pages/090428154556.2v3hiyku.htm. 2 Guide des religions, p. 15.
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L’abc des croyances
L’instinct religieux 2. La perspective évolutionniste Comment les différentes religions du monde sont-elles nées?
Cette question n’a pas qu’une seule réponse, mais on a souvent distingué par le passé entre ce que l’on appelle les «religions
instituées et révélées» et les «religions naturelles». Les traditions animistes et l’hindouisme, par exemple, appartiennent à cette
deuxième catégorie. Les religions dites «naturelles» se sont dé-
veloppées au fil du temps, et c’est pourquoi il est difficile de déterminer la date précise de leur apparition.
Certains anthropologues de la fin du 19e siècle ont vu dans le
rêve le fondement d’une théorie de l’origine des religions. Selon cette théorie, les hommes, en constatant qu’ils pouvaient se voir
eux-mêmes en rêve, auraient eu l’impression qu’ils possédaient
un second «moi». Et de cette pensée serait née l’idée d’un monde parallèle, fait d’êtres spirituels personnels mais aussi de forces spirituelles impersonnelles capables de se transposer dans des
animaux, des objets, etc. C’est la conception animiste du monde, d’après laquelle chaque objet, chaque être a, en quelque sorte,
sa représentation dans ce monde parallèle. Selon cette pensée, les êtres spirituels qui s’avèrent les plus puissants ont droit à des
honneurs particuliers, car ils peuvent exercer une influence positive sur la vie et le destin des hommes. L’instinct religieux
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Toujours d’après cette théorie de la fin du 19e siècle, c’est ainsi que serait née la foi en des divinités. Alors, d’une multitude désordonnée de dieux (polythéisme) auraient émergé, suite à des démonstrations de puissance ou des combats entre divinités, la croyance en un petit nombre de dieux (oligothéisme) et, finalement, la foi en un Dieu unique (monothéisme). C’est ainsi que, marqués par la pensée évolutionniste, de nombreux érudits en ont déduit que, dans la plupart des cas, l’évolution de la religion devait suivre ce schéma et que cette constante réduction du nombre de divinités aboutirait, en fin de compte, à l’athéisme.
Une autre perspective Cependant, lorsqu’on étudie le développement des civilisations, on ne tarde pas à constater que les hommes ne sont pas automatiquement enclins au monothéisme ou à l’athéisme. Car même dans les sociétés caractérisées par un niveau de formation particulièrement élevé, comme les pays d’Occident, on observe le phénomène inverse: de nombreuses personnes d’origine monothéiste (de confession chrétienne) retournent à la croyance aux horoscopes, aux esprits, à des forces mystiques et à d’autres croyances semblables. Cette observation a conduit d’éminents chercheurs en anthropologie1 à des considérations tout à fait différentes de celles exposées précédemment: il se pourrait en effet très bien que l’évolution des religions ait eu lieu dans l’autre sens. 1 Notamment l’ethnologue et anthropologue austro-helvétique d’origine allemande Wilhelm Schmidt (1868-1954).
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L’abc des croyances
Le monothéisme, qui ne pouvait se protéger du culte des idoles que par le respect de lois très strictes1, a très vite perdu du terrain à partir du moment où les dirigeants des peuples qui s’y rattachaient n’ont plus été prêts à faire appliquer ces lois. C’est ce que l’on voit à travers l’histoire du peuple d’Israël, telle qu’elle nous est relatée dans la Bible: La dix-septième année du règne de Pékach, fils de Remalia, Achaz, fils de Jotham, le roi de Juda, devint roi. Achaz avait 20 ans lorsqu’il devint roi et il régna 16 ans à Jérusalem. Il ne fit pas ce qui est droit aux yeux de l’Eternel, son Dieu, contrairement à son ancêtre David. Il marcha sur la voie des rois d’Israël; il fit même passer son fils par le feu, conformément aux pratiques abominables des nations que l’Eternel avait dépossédées devant les Israélites. Il offrait des sacrifices et des parfums sur les hauts lieux, sur les collines et sous tout arbre vert. 2 Rois 16.1-4 En réalité, il est plutôt difficile à l’homme de croire en un seul Dieu, puisque cela implique un absolu, quelque chose que l’on ne peut relativiser. En revanche, lorsqu’on a plusieurs dieux à disposition, cela permet de changer «d’interlocuteur» quand l’un d’eux refuse d’accorder ce qu’on a demandé ou exige ce qu’on n’a nulle envie de faire. 1 Dieu dit au peuple d’Israël, dans l’Ancien Testament: «Je suis l’Eternel, ton Dieu, qui t’ai fait sortir d’Egypte, de la maison d’esclavage. Tu n’auras pas d’autres dieux devant moi. Tu ne te feras pas de sculpture sacrée ni de représentation de ce qui est en haut dans le ciel, en bas sur la terre et dans l’eau plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras pas devant elles et tu ne les serviras pas, car moi, l’Eternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux» (Exode 20.2-5).
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refuse d’accorder ce qu’on a demandé ou exige ce qu’on n’a nulle envie de faire.
20 \
L’abc des croyances
La Bible, comme nous le voyons dans cet extrait de l’épître
aux Romains, montre que la tendance à passer du monothéisme au polythéisme, et même à l’animisme, est caractéristique de l’être humain:
Tout en connaissant Dieu, ils ne lui ont pas donné la gloire
qu’il méritait en tant que Dieu et ne lui ont pas montré de reconnaissance; au contraire, ils se sont égarés dans leurs
raisonnements et leur cœur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres. Ils se vantent d’être sages, mais ils sont
devenus fous, et ils ont remplacé la gloire du Dieu incorruptible par des images qui représentent l’homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes et des reptiles.
Romains 1.21-23
Religion et notion de temps Dans le livre de l’Ecclésiaste (Ancien Testament), nous lisons:
«Il [Dieu] fait toute chose belle au moment voulu. Il a même mis dans leur cœur la pensée de l’éternité» (3.11).
Cette parole du roi Salomon, connu pour sa grande sagesse,
laisse entendre ce qui pourrait bien être à la base de toute reli-
gion: la conscience que l’homme a du temps qui passe. Aucun autre être vivant sur la terre n’est capable de comprendre les
notions de début et de fin, ainsi que celle du temps qui s’écoule
entre ces deux points. Seul l’homme possède cette perception. Et cela représente pour lui une souffrance, car en étant conscient
de cette réalité, il est indubitablement amené à envisager sa propre fin.
L’instinct religieux
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L’instinct religieux
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Chronologie des principaux courants de pensée et religions du monde
2500
2000
1500
1000
500
1
500
1000 1500
2000
Animisme – env. 2500 av. J.-C.
Hindouisme – env. 1500 av. J.-C.
Bouddhisme – env. 563 av. J.-C.
Confucianisme, taoïsme, shintoïsme – env. 550-660 av. J.-C. Nouvel Age – 20e s.
Judaïsme – env. 1800 av. J.-C.
Christianisme env. 30 apr. J.-C.
Islam env. 622 apr. J.-C. Athéisme – à partir de 1400 apr. J.-C. Marxisme – env. 1850 apr. J.-C.
désigne, dans la langue hébraïque utilisée au MoyenOrient antique, le centre de la volonté, de la prise de décision de l’homme. Ainsi, l’être humain estdes naturelle22 \ L’abc croyances ment enclin à vouloir repousser les limites de la mort. Il a, au fond de lui, le sentiment que la vie n’a pas de
Tout ce qui a trait au «futur» est extrêmement important, et
même essentiel, pour les sociétés industrialisées d’aujourd’hui. Le futur est synonyme de développement, de progrès, de per-
fectionnement, d’accroissement de la richesse, de nouvelles chances, de nouvelles opportunités… Le téléphone portable ou
l’ordinateur du futur me permettront de mieux organiser ma vie, la voiture du futur me coûtera moins cher, sera plus confortable et plus sûre, l’appartement du futur sera plus beau, plus clair, plus agréable et meilleur pour mon bien-être, etc.
En même temps, le futur, ou l’avenir, c’est aussi le moment
où mes forces diminueront, où ma santé se dégradera et où, un jour, la mort surviendra. Dans l’Evangile, Jésus raconte une his-
toire (une parabole) qui décrit particulièrement bien ce caractère
éphémère de la vie humaine. Un homme riche, dont les terres ont beaucoup rapporté se dit:
Voici ce que je vais faire: j’abattrai mes greniers, j’en construirai de plus grands, j’y amasserai toute ma récolte
et tous mes biens, et je dirai à mon âme: Mon âme, tu as beaucoup de biens en réserve pour de nombreuses années; repose-toi, mange, bois et réjouis-toi.
Luc 12.18-19
Puis, subitement, de manière tout à fait inattendue, cet
homme meurt sans avoir pu jouir de ses richesses.
Ainsi, la notion de futur comporte une ambivalence, elle est à
double tranchant. L’avenir est à la fois espoir et menace, bonheur et décadence.
L’homme étant en mesure de percevoir le temps, il a aussi
en lui, c’est-à‑dire dans son cœur, comme l’écrit Salomon, la L’instinct religieux
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conscience de l’éternité. Le mot «cœur» désigne, dans la langue
hébraïque utilisée au Moyen-Orient antique, le centre de la vo-
lonté, de la prise de décision de l’homme. Ainsi, l’être humain est naturellement enclin à vouloir repousser les limites de la mort. Il a, au fond de lui, le sentiment que la vie n’a pas de sens si tout
s’arrête simplement à la mort physique. Il comprend qu’il doit y avoir autre chose que soixante à quatre-vingts années d’exis-
tence sur la terre, surtout lorsque celles-ci ne lui apportent pas ce qu’il en attendait. L’être humain a soif d’éternité, c’est une as-
piration profondément ancrée en lui. Et cela s’exprime à travers
la religion. C’est le désir ardent d’échapper à la mort, le désir d’une vie dans laquelle il n’y aurait plus à craindre la douleur de la séparation. L’être humain a une profonde soif de sens!
La religion en bref Qu’est-ce qu’une religion? Une religion est un ensemble de croyances et de dogmes qui répondent à des questions essentielles telles que: * Qu’est-ce que la Réalité Ultime? * Qu’est-ce que le monde? * Qu’est-ce que l’homme? * Quel est le problème fondamental de l’humanité? * Qu’advient-il après la mort?
Le besoin de religion L’homme éprouve le besoin de connaître ce que l’on appelle la «Réalité Ultime». Il a aussi besoin de trouver une espérance qui dépasse le cadre de son quotidien et lui serve de fondement pour sa vie. Chaque être humain aspire à: * connaître le but et le sens de sa vie * trouver l’épanouissement émotionnel * vivre des relations personnelles satisfaisantes 24 \
L’abc des croyances
* trouver la force de changer * trouver une espérance et s’appuyer sur des certitudes * se sentir en sécurité * appartenir à un groupe, une entité sociale
La nature de la religion La religion… * dépasse les limites de cette vie et lui donne un but * aborde les questions essentielles du sens de l’existence humaine * agit sur la conscience de l’homme * s’exprime par des pratiques religieuses * est liée à des médiateurs * est liée à une communauté * apporte des conseils et des directions pour la vie * est en en relation constante avec son temps et la société
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L’abc des
CROYANCES
Autant de questions auxquelles tente de répondre cet ouvrage clair et concis, qui propose un aperçu de l’animisme, de l’hindouisme, du bouddhisme, des religions d’ExtrêmeOrient, du Nouvel Age, du judaïsme, de la foi chrétienne, de l’islam et de l’athéisme. Agrémenté de tableaux et schémas, il est non seulement agréable à lire, mais conduit aussi à réfléchir… A lire et à offrir! Ulrich Neuenhausen, né en 1962, est professeur de sciences des religions à l’Institut Biblique de Wiedenest, en Allemagne, institut dont il est aussi le directeur depuis 2002.
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«Toutes les religions ont le même dieu», entend-on parfois dire. Mais en est-il vraiment ainsi? En quoi consistent les principales croyances à travers le monde? Et en quoi se différencient-elles?
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