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1. Quelques définitions
Définition de la santé selon l’OMS
Si nous voulons approfondir le thème de la santé, nous devons commencer par définir cette notion. Or, bien que tout le monde en parle et que cela semble un sujet important, la plupart des personnes que j’ai interrogées ont de la peine à la définir, y compris parmi « les professionnels de la santé ». C’est d’autant plus surprenant quand on connaît l’énergie et les ressources consacrées à poursuivre cette cible. Nous consentons ainsi à investir énormément pour atteindre un objectif mal défini, d’où les risques de frustrations, déceptions et dépenses économiques excessives.
De fait, il existe plusieurs définitions de la santé. Celle de l’OMS, sur laquelle se fonde officiellement notre système occidental, s’énonce ainsi : « La santé est un état de complet bienêtre physique, mental et social, ne consistant pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité1. »
1 http://www.who.int/suggestions/faq/en/
Cette notion de « bien-être » évoque une certaine paix, harmonie et plénitude, du moins vis-à-vis de soi-même, aspects que nous allons retrouver dans d’autres conceptions de la santé.
Il convient aussi de souligner que la définition de l’OMS, centrée sur l’être humain, donne une vision statique de la santé, la considérant comme un état. Même si, de prime abord, on a l’impression de saisir le concept, un certain nombre de questions et de problèmes se posent. En effet, cette définition ne précise pas ce qu’il en est de l’être humain lorsqu’il n’est ni malade ou infirme ni dans un état de « complet bien-être », situation pourtant la plus courante pour lui. Comment définir et que faire de cet état situé entre « le complet bien-être » (la santé) et la maladie ?
De plus, elle ne précise pas ce qui est compris par « état de complet bien-être » et qui définit un tel état. Est-ce la personne elle-même ? Auquel cas, il existerait autant de définitions que de personnes, dont probablement peu d’entre elles se diraient en (bonne) santé, ou alors de façon très transitoire. Et qu’en sera-t-il d’une personne sous l’emprise de drogues ? Sera-t-elle à considérer comme en bonne santé, du moment qu’elle se sent (transitoirement) en état de complet bien-être ?
Ou revient-il plutôt aux proches, aux professionnels de la santé, voire aux politiciens de définir si quelqu’un se trouve en état de complet bien-être ou non ? Et comment ces derniers pourraient-ils savoir quand et comment il se trouve réellement en état de complet bien-être? Sur quelles bases le détermineraient-ils ?
Que dire enfin des processus de deuil, de remise en question, de maturation et autres réactions a priori saines de l’homme face à des circonstances pénibles ou à des facteurs de stress ? Le fait
que l’être humain ne soit pas dans un état de complet bien-être dans ces situations signifie-t-il, pour autant, qu’il soit malade ou qu’il n’ait pas la santé ? Ne sont-ce pas justement des réactions saines de sa part, face aux tourments et crises de la vie ?
La définition de l’OMS se révèle ainsi limitée, incomplète et suffisamment vague pour que chacun puisse l’interpréter à sa manière, selon son propre système de croyances. Qu’en est-il d’autres conceptions de la santé ?
Que ce soit pour les raisons susmentionnées ou parce qu’elles ont d’autres croyances, de nombreuses personnes adhèrent à des conceptions thérapeutiques et médicales différentes, regroupées sous l’expression « médecines alternatives et complémentaires ». Chacune de ces thérapies apporte sa propre définition de la santé, avec ses contours spécifiques. Elle y est, par exemple, définie comme :
* le maintien d’un équilibre entre tous les éléments de l’univers et les éléments constitutifs de l’humain, cet équilibre permettant à l’énergie vitale de circuler librement dans l’être humain (médecine taoïste chinoise) ; * l’équilibre permanent du corps, de l’esprit, des sens et de l’âme dans un état de plénitude et de bonheur, autrement dit la foi et l’expérimentation du divin en soi et hors de soi (médecine ayurvédique) ;
* l’équilibre dynamique entre deux excès (repos et mouvement, joie et souffrance), les excès étant d’origine luciférienne (qui dévalorise le corps) ou satanique/ahrimanienne1 (qui nie la réalité de l’esprit) et cet équilibre permettant la spiritualisation progressive du corps afin d’accéder au vrai moi, qui est divin (médecine anthroposophique) ; * un état de bien-être, le corps étant libéré de la souffrance ; un état dynamique de sérénité et de calme, l’émotion étant libérée de la passion ; un état de prise de conscience de la réalité des choses, le mental étant libéré de son égocentrisme (médecine bouddhique) ; * un état d’union avec les forces de l’univers, en harmonie avec la nature (médecine animiste).
Bien que ces définitions soient toutes différentes, j’y discerne des points communs. En les exprimant autrement, on pourrait en effet les résumer ainsi : la santé est le rétablissement d’un état d’harmonie, dans lequel l’homme retrouve son état initial et la source de sa vie.
Il est clair que des divergences persistent quant à ce que chacun considère comme étant l’« état initial » ou la « source de sa vie » et, donc, quant à la définition de la santé, mais on retrouve de façon relativement constante les notions d’une situation initiale harmonieuse, source de vie et d’identité pour l’être humain, entretemps perdue, à laquelle il aspire à revenir (davantage de détails sur ces diverses conceptions de la santé se trouvent à l’annexe 1).
La recherche d’une plénitude perdue semble donc être une constante, quelle que soit la conception médicale sous-jacente ;
1 Ahriman est l’esprit démoniaque opposé au dieu Ahura Mazda dans le zoroatrisme. (N.d.E.)
nous y reviendrons. Dans l’immédiat, faut-il conclure sur la base des points communs entre les diverses conceptions de la santé que toutes permettent de recouvrer la santé ? Toutes sont-elles justes et cohérentes avec notre réalité humaine ?
En tant que médecin, je suis appelé à accueillir et à soigner chaque individu, indépendamment de sa conception de la vie et de ses croyances. Mais il est aussi de ma responsabilité de veiller à ce que la conception de la santé à laquelle j’adhère et les traitements que je prescris permettent effectivement à la personne de recouvrer sa santé. De plus, j’attends personnellement de cette conception qu’elle soit cohérente avec notre expérience humaine, nous aide à y faire face, se vérifie exacte et efficace en pratique.
Sur la base de mon expérience et de l’état actuel des connaissances scientifiques, je reconnais à toutes les conceptions évoquées ci-dessus, y compris celle de l’OMS, des limites. Elles ne réussissent pas, de plus, à donner un éclairage correct et complet sur les processus de maladie et de guérison observés au quotidien.
Par exemple, selon la conception de la médecine taoïste, on obtient la guérison en rétablissant la circulation d’énergie vitale passant par le corps, notamment à travers l’acupuncture. On devrait ainsi pouvoir guérir d’un infarctus du myocarde ou d’une attaque cérébrale par ce moyen, ce qui n’est malheureusement pas le cas.
Pareillement, dans la médecine ayurvédique, les mesures prescrites pour rétablir l’équilibre – que celles-ci se rapportent à l’hygiène de vie, à l’alimentation, à des pratiques religieuses ou autres – ne suffisent pas toujours pour retrouver la santé.
Dans la médecine animiste, même si l’on peut imaginer que l’absence de guérison est due au fait que les puissances célestes n’ont pu être apaisées, il semble moins évident de comprendre la guérison d’une pneumonie, par exemple, à travers le recours à des antibiotiques, en imaginant qu’un tel traitement ait pu apaiser ces mêmes puissances.
Dans la conception bouddhique, la personne essaie normalement de se détacher de ce qui la fait souffrir plutôt que de chercher un traitement à ses maux ; cela n’empêche cependant pas des adeptes du bouddhisme de consulter un médecin ou un thérapeute pour être soignés.
Bref, sans nier le bénéfice que peuvent apporter toutes ces conceptions, il convient aussi de soulever leurs limites lorsqu’il s’agit de retrouver la santé, ainsi que leurs potentiels effets indésirables, notamment d’ordre spirituel, du fait que nombre d’entre elles intègrent cette dimension dans leur conception de la santé1 .
En tant que chrétien, j’ai alors cherché à comprendre ce qu’en disait la Bible. En effet, si Dieu existe et s’il est Créateur de toute vie comme de toute chose, c’est bien à lui de nous donner une juste perception de la santé. Or, dans cette recherche, j’ai été surpris et défié dans ma foi, au-delà de tout ce que j’avais pu lire ou entendre sur le sujet, y compris dans les milieux chrétiens.
1 Pour plus de détails, se référer au livre Quelles thérapies pour quelle santé ?, en cours de réédition ; https://cass-cdg.ch/.