VIVRE UNE VIE DE JEUNE FILLE HANDICAPEE (SCR2006)

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Stéphanie Mukoyi

Vivre une vie de jeune fille handicapée

Stéphanie Mukoyi

Née en 1984 à Lausanne (Suisse), Stéphanie Mukoyi livre ici un témoignage plein de sincérité, de fraîcheur et de foi. Un témoignage qui nous montre qu’il est possible de croquer la vie à pleines dents, quelles que soient les difficultés. Comme ellemême le dit par ailleurs:

Je souhaite toujours aller de l’avant et ne veux surtout pas que le handicap ou la maladie soient des freins pour ma vie. C’est le Seigneur qui est ma force.

e d e i v e n Viv re u Vivre une vie de jeune fille handicapée

U

ne femme enceinte. Une voiture qui arrive. L’accident qui ne peut être évité. Une fillette qui naît avec un lourd handicap physique et qui est, de plus, atteinte de drépanocytose. Devenue adolescente, puis jeune femme, comment parvientelle à gérer son handicap? Le regard des autres? La dépendance constante, même pour les besoins les plus intimes? Les amitiés? Les rêves d’avenir, de carrière professionnelle?

Stéphanie S téphanie M Mukoyi ukoyi

j e u n e f i ll e e é p a c i d ha n

13.00 CHF / 10.50  ISBN 978-2-8260-2006-6

Témoignage T émoignage aautobiographique utobiographique


Stéphanie Mukoyi

Vivre une vie de jeune fille handicapée

Témoignage autobiographique


Vivre une vie de jeune fille handicapée © et édition: Scripsi, 2013 Chemin de Praz-Roussy 4bis 1032 Romanel-sur-Lausanne, Suisse Tous droits réservés. Distribution: La Maison de la Bible Case postale 151 1032 Romanel-sur-Lausanne, Suisse E-mail: info@bible.ch Internet: http://www.maisonbible.net Sauf indication contraire, les textes bibliques sont tirés de la version Segond 21 www.universdelabible.net Photo de couverture (fond): © txakel - Fotolia.com ISBN édition imprimée 978-2-8260-2006-6 ISBN format epub 978-2-8260-0337-3 ISBN format pdf 978-2-8260-9671-9


Table des matières

Préface................................................................................7 1. Témoignage...............................................................13 2. Présentation...............................................................17 3. L’aide des autres.......................................................21 4. Les regards des autres sur moi..........................25 5. La vie avec la famille et les amis........................29 6. Mes séjours à l’hôpital...........................................33 7. Ma vie chrétienne....................................................39 8. Ma vie professionnelle..........................................47 9. L’indépendance.........................................................51 10. La vie intime d’une personne handicapée...55 11. La pitié des gens...................................................59 12. Ma vie en institution............................................61 13. Les moments difficiles.........................................65 14. Pas facile d’être handicapé................................69 15. Remerciements......................................................73 Entretien..........................................................................77 Compositions.................................................................95


2. Présentation Voici un bout de ma vie, qui n’est pas facile. Je m’appelle Stéphanie, j’ai 19 ans et je suis infirme motrice cérébrale. Je vis avec mes parents mais j’ai une activité professionnelle dans un atelier protégé. Je suis allée dans une école spécialisée, j’ai commencé cette école à l’âge de 4 ans et l’internat (trois jour par semaine) à 8 ans. Je n’aimais pas être à l’internat, j’y étais pour soulager mes parents. J’aimais bien l’école mais j’avais beaucoup de retard à cause de mon handicap. Comme je n’arrive pas bien à utiliser mes mains, on doit me donner à manger, m’habiller et faire plein d’autres choses pour moi. J’écris avec une licorne ou bien avec un head mouse. La licorne est un casque avec une tige qu’on met sur la tête. Le head mouse est un point infrarouge qu’on colle sur le front; ça ne va pas très vite. 17


J’ai arrêté ma scolarité en 9e en français et en 6e en maths1. J’aurais bien voulu aller au gymnase2 pour ensuite entrer à l’université afin de devenir médecin, avocate ou psychologue. Les gens me disent que j’ai les capacités intellectuelles mais que je suis trop lente. Moi, je fais de mon mieux; on verra où cela va m’amener. Désormais, j’aimerais bien devenir évangéliste ou secrétaire. Je n’ai pas envie d’être dans une institution toute ma vie, alors je me bats! Je sais que ça ne sera pas facile. De toute façon, rien n’est facile! Il y a une question qui me trotte dans la tête: pourquoi la plupart de mes amis sont-ils plus âgés que moi? On me répond souvent: «Tu es plus mûre que les autres jeunes de ton âge.» Mais moi, je crois que je m’entends mieux avec des plus âgés parce que je me dis qu’ils vont moins se moquer de moi. Peut-être me fais-je des idées, mais c’est ce que je ressens. J’ai plus de difficultés à aller vers les jeunes de mon âge que vers ceux qui sont plus vieux. Vous ne trouvez pas cela bizarre? Moi oui, j’aimerais bien avoir plus d’amis 1  D’après un système de comptage commençant dès la première année primaire. 2  Equivalent du lycée.

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de mon âge. J’aime beaucoup mes amis, j’aime être avec eux. Qu’ils soient plus âgés ou non, cela ne compte pas, au fond! L’important, c’est l’amitié que nous partageons. Je ne suis pas seulement handicapée mais j’ai aussi une maladie qui s’appelle la drépanocytose. La drépanocytose est une sorte d’anémie qui me cause souvent des crises très douloureuses et, la plupart du temps, je dois aller à l’hôpital pour les calmer. Mes nombreuses hospitalisations m’ont fait manquer plusieurs cours, alors j’ai pris beaucoup de retard dans mon programme scolaire. Des fois, je prenais des travaux quand j’étais hospitalisée, pour avancer un peu, mais je crois que ça n’allait pas plus vite! Mon petit problème, c’est que dans ma tête, ça va très vite, mais quand je veux écrire, ça prend beaucoup de temps! J’aimerais bien aller au Canada ou aux EtatsUnis pendant une année pour apprendre l’anglais, mais je ne sais pas si cela serait possible. J’aime beaucoup voyager, mais j’ai tout le temps besoin de quelqu’un, alors je ne peux pas me déplacer comme je le voudrais.

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3. L’aide des autres Comme je vous l’ai dit, j’ai souvent besoin d’aide pour manger, boire, me doucher, m’habiller, aller aux toilettes, etc. J’arrive à faire quelques petites choses toute seule, mais pas suffisamment pour être indépendante. Parfois, j’en ai assez d’avoir tout le temps à demander de l’aide! Imaginez-vous devoir demander de l’aide juste pour boire. Pour vous c’est un geste banal. Cependant si, par exemple, vous vous cassiez les deux bras – je ne vous le souhaite pas –, vous seriez obligé de demander de l’aide, mais ce ne serait que passager, alors que pour moi c’est tous les jours ainsi. De temps en temps, je reste seule; je dois toujours m’organiser à l’avance, et cela m’embête. J’aime bien me maquiller. Parfois, je demande aux personnes qui s’occupent de moi, le matin, de me maquiller d’une certaine façon, mais elles n’y arrivent pas toujours. Ça m’énerve, même si je sais qu’elles ne le font pas exprès. 21


Quelquefois, je n’ose pas demander, de peur de déranger. Je sais que les gens veulent volontiers m’aider, mais j’ai l’impression de déranger. Quand vous avez une envie pressante, vous allez aux toilettes immédiatement; moi, lorsque je dois y aller, il me faut d’abord trouver quelqu’un qui m’aide, et parfois cette personne n’est pas disponible, par conséquent soit je trouve quelqu’un d’autre pour m’aider, soit j’attends. Mais quand c’est une envie pressante, ce n’est pas facile d’attendre! Quand je vais en ville, je prends le métro. Avant, les boutons du métro étaient trop durs; quand j’appuyais dessus, je me blessais tout le temps. Après, je me suis décidée à demander de l’aide pour ne plus me blesser. Maintenant, dans chaque métro, ils ont mis des boutons beaucoup moins durs et je peux me débrouiller. J’aime bien aller acheter des habits. Le problème, c’est que quand je veux en acheter, je ne sais pas s’ils sont à ma taille, puisque je ne peux pas les essayer. Alors, je les prends et, s’ils sont trop petits, je les donne à mes cousines. Quand je vais faire des courses, je dois souvent demander de l’aide pour attraper des objets parce que, 22


quand je veux les prendre, mes spasmes me jouent des petits tours et je lâche tout. Est-ce qu’il vous est déjà arrivé d’avoir un petit creux pendant la nuit? Moi, oui! Je suppose que vous vous levez pour grignoter. Moi, je pourrais bien appeler quelqu’un pour qu’il me donne quelque chose à manger, mais je me dis qu’il va me répondre: «Tu dois manger au souper.» Alors je me rendors. Le manque d’intimité me pèse lorsque je dois me doucher, m’habiller et aller aux W.-C.! Ça me gêne, surtout quand c’est un homme. C’est drôle: quand les gens m’aident, je peux sentir s’ils sont doux ou brusques dans leurs gestes. Quand ils m’aident à faire mes transferts, certains me font mal, mais ils ne s’en rendent pas compte. Ce manque d’intimité est aussi lourd quand je dois ouvrir mon courrier, aller à la banque, payer mes achats. Les personnes qui m’aident à ouvrir mes lettres se mettent en général à les lire comme si elles leur étaient adressées. Alors je suis obligée de leur dire: «C’est pour moi, je sais très bien lire, je n’ai pas besoin que tu le fasses à ma place, juste que tu m’aides à ouvrir l’enveloppe.» Pareil pour retirer de l’argent: il faut 23


que je réfléchisse bien à qui je vais demander de l’aide, car la personne qui va le faire aura mon mot de passe et saura combien j’ai sur mon compte. Imaginez-vous ce que l’on peut ressentir dans ce genre de situation. Je suis une jeune femme et je n’ai pas envie que tout le monde sache tout de ma vie privée. Heureusement, la technologie existe et grâce à cela, je peux me débrouiller de plus en plus seule et avoir un semblant d’intimité!

Souvent, j’ai envie de lire au lit. J’ai besoin d’aide, alors je ne le fais pas.

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4. Les regards des autres sur moi

Lorsque je me promène en ville ou ailleurs, il y a toujours des gens qui se retournent pour me regarder. Qu’est-ce que ça peut m’énerver! De plus en plus, je m’en fiche un peu. Quand j’étais petite, je pleurais souvent parce que je n’arrivais pas à marcher et parce que je n’étais pas comme les autres. Je trouve que j’étais un peu stupide de penser cela, maintenant je me dis que je suis comme tout le monde mais que j’ai quelques difficultés en plus! Je trouve super que les enfants n’aient pas honte de poser des questions. Parfois, ils viennent vers moi et me demandent ce que j’ai; ça ne me dérange pas de leur répondre: si tout le monde me posait des questions au lieu de me dévisager, cela irait bien mieux! C’est humain de regarder quelqu’un de différent de soi. Il arrive que des gens viennent me donner de l’argent. Je pense qu’ils ont pitié de moi et ne savent 25


pas quoi me dire. Je les comprends un peu! J’ai 21 ans, et des fois, je me dis qu’il serait agréable d’avoir un copain, mais quand tu es en chaise, c’est dur de trouver un garçon qui s’intéresse à toi! Peut-être que c’est bien ainsi, car le jour où j’aurai un copain, je saurai qu’il ne regarde pas que le physique mais qu’il voit plus loin. Et je trouve cela bien. Ce n’est pas facile d’être en chaise: il y a tout le temps des regards sur moi. Parfois, je n’ose pas aller vers les autres jeunes de mon âge, parce que j’ai peur qu’ils ne m’acceptent pas comme je suis et se moquent de moi. Cela me ferait très mal, mais je me dis qu’il faut que j’aie moins peur et que j’aille plus vers les autres. Je suis allée une fois vers une fille de mon quartier et je lui ai demandé si elle voulait venir en ville avec moi; elle a été d’accord, j’étais très contente. Cela vaut la peine de se jeter à l’eau, même s’il arrive parfois que cela se passe mal. Ma mère me pousse beaucoup à sortir, à me débrouiller, à ne pas toujours rester enfermée chez moi. Avant, je ne voulais pas sortir, j’avais peur des regards des autres, mais ma mère m’envoyait souvent faire 26


les courses seule ou avec ma sœur. Un jour, je suis allée avec elle au kiosque et la dame qui travaillait dedans ne voulait pas que j’entre, si bien que j’ai dû attendre dehors. Après cela, ma mère a parlé avec cette dame et, depuis ce jour-là, j’ai eu le droit d’entrer dans le kiosque et elle me donnait même des bonbons gratuits. Maintenant elle est partie à la retraite.

Le regard des autres, il ne faut pas trop y faire attention!

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5. La vie avec la famille et les amis

Ce n’est pas toujours facile pour ma mère de s’occuper de moi, c’est pour cela que je suis à l’internat! Je crois que ma famille et mes amis ne font pas attention à mon handicap: ils me traitent comme une personne normale. Mais je suis une personne normale! Mes amis n’ont pas honte de sortir avec moi: nous allons en ville, au restaurant, au ciné et nous nous éclatons bien! Quand j’étais dans une école «normale», mes camarades ne faisaient pas la différence. Je ne pouvais pas toujours descendre à la cour de récréation, alors, parfois, ils restaient avec moi. Je fais partie d’une chorale et je suis la seule en fauteuil roulant. Nous donnons parfois des spectacles ou des concerts. Une fois, nous devions chanter lors d’un concert, mais il y avait des escaliers pour aller dans les loges, alors une amie m’a portée sur son dos et deux autres m’ont tenue 29


pour que je ne tombe pas. Ensuite mes amies m’ont aussi aidée à me préparer: m’habiller, me maquiller et me coiffer. Ce qui était dur, c’était que nous devions nous changer deux fois. C’était génial, ce concert! Mes amis m’invitent parfois chez eux et il y a souvent des escaliers, alors on me porte. Je trouve que c’est très gentil de leur part, car ils ne sont pas obligés de le faire! Je crois qu’ils le font car ils m’aiment bien et s’en fichent que j’aie un handicap ou non. Moi, cela me dérange; quelquefois, je suis gênée de sortir avec eux car on doit m’aider pour plein de choses et je pense que ce n’est pas à eux de me donner à manger ou de m’aider à aller aux W.-C. Ils me disent que cela leur fait plaisir d’être avec moi et que ça ne les dérange pas de m’aider. Je vais souvent en vacances à Paris voir de la famille et, quand je vais là-bas, je sors souvent avec mes cousines qui ont le même âge que moi. Nous allons «faire les magasins». Une fois, nous étions en train de faire un tour en ville et tout d’un coup un homme s’est mis en face de moi et m’a donné de l’argent, puis il est parti. Un autre jour, j’étais avec tous mes cousins au MacDonald 30


et une dame qui était à la table à côté de la nôtre m’a donné des sous. Cela m’énerve un peu qu’on me donne de l’argent, je ne veux pas qu’on ait pitié de moi. Mais, après, nous en profitons avec mes cousines! Et, dans la vie, on a toujours besoin d’un peu d’argent. Je trouve que mes voisins sont très gentils et serviables. Quand je rentre chez moi, je dois souvent crier pour appeler ma mère car j’ai besoin d’aide pour monter. Parfois elle ne m’entend pas, alors je crie plus fort et, quelquefois, des voisins m’entendent et viennent m’aider. Je pense qu’ils ne font plus trop attention à ma chaise et me considèrent comme une personne normale. Moi, je me sens tout à fait normale! J’ai un handicap qui m’empêche de faire bien des choses, mais je vis ma vie. Je trouve que j’ai de la chance d’avoir ma famille et mes amis qui me prennent comme je suis et qui m’aiment. Il y a aussi des gens qui me connaissent et me parlent comme si j’avais de 2 ans ou ont un comportement enfantin avec moi. C’est quelque chose que je n’aime pas du tout! Peut-être que c’est moi qui me fais des idées; si c’est le cas, je m’en excuse, mais c’est le sentiment que j’ai! 31


Stéphanie Mukoyi

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Stéphanie Mukoyi

Née en 1984 à Lausanne (Suisse), Stéphanie Mukoyi livre ici un témoignage plein de sincérité, de fraîcheur et de foi. Un témoignage qui nous montre qu’il est possible de croquer la vie à pleines dents, quelles que soient les difficultés. Comme ellemême le dit par ailleurs:

Je souhaite toujours aller de l’avant et ne veux surtout pas que le handicap ou la maladie soient des freins pour ma vie. C’est le Seigneur qui est ma force.

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ne femme enceinte. Une voiture qui arrive. L’accident qui ne peut être évité. Une fillette qui naît avec un lourd handicap physique et qui est, de plus, atteinte de drépanocytose. Devenue adolescente, puis jeune femme, comment parvientelle à gérer son handicap? Le regard des autres? La dépendance constante, même pour les besoins les plus intimes? Les amitiés? Les rêves d’avenir, de carrière professionnelle?

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