A la recherche de Sheida cahp 5

Page 1

«La jeune femme se sentait investie d’une mission pour aller sauver cette femme iranienne condamnée à mort par lapidation quelques jours plus tôt… Pourquoi faisait-elle cela? Elle n’en savait rien. C’était plus fort qu’elle. Dire que tout cela avait commencé par un simple courriel!» Lorsqu’elle apprend quel sort terrible attend Shéïda, une jeune femme qui lui est totalement étrangère, Eléna ne peut rester indifférente. Au mépris de tous les risques, elle quitte son Canada natal et se rend à l’autre bout du monde pour tenter de la sauver. Y parviendra-t-elle? Qu’apprendra-t-elle au cours de cette aventure? A vous de le découvrir dans ce thriller actuel. Française d’origine, au bénéfice d’une formation en interprétation à Paris et à Montréal, Anne Cattaruzza s’est fait connaître du public québécois en particulier comme comédienne (rôle de Brigitte Chibois dans Virginie) et auteur dramatique (Salima, Coppélia). A la recherche de Shéïda est son premier roman.

0.00 CHF / 0.00 € ISBN 978-2-8260-2012-7

Anne Cattaruzza

A la recherche de Shéïda

A la recherche de Shéïda

Anne Cattaruzza

Anne Cattaruzza

A la recherche de Shéïda

le Thril

r


Anne Cattaruzza

A la recherche de ShĂŠĂŻda


A la recherche de Shéïda © et édition: Scripsi, 2014 Chemin de Praz-Roussy 4bis 1032 Romanel-sur-Lausanne, Suisse Tous droits réservés. Les citations bibliques sont tirées de la version Segond 21. Distribution: La Maison de la Bible Case postale 151 1032 Romanel-sur-Lausanne, Suisse E-mail: info@bible.ch Internet: http://www.maisonbible.net ISBN édition imprimée 978-2-8260-2012-7 ISBN format epub 978-2-8260-0341-0 ISBN format pdf 978-2-8260-9665-8


Chapitre

5

Lorsque Julien Tremblay, le fondateur du Courrier de l’Est, en se levant quelques heures de décalage plus tard, prit le message tout en buvant une gorgée de son café, il faillit s’étouffer. Par chance, Eléna bénéficiait d’une confiance absolue de la part de Julien, qui était devenu un ami et un mentor au fil du temps. Aussi ne pensa-t-il pas un seul instant qu’elle l’avait manipulé pour se faire payer des vacances gratuites. Non, il la connaissait trop pour cela. Quelque chose lui était arrivé! Il en était sûr. Malgré l’heure matinale et après avoir recherché dans ses papiers les numéros importants concernant ses employés, il composa donc le numéro de la mère d’Eléna. Samuel, également matinal, promenait son bouvier bernois dans la campagne environnante. Le chant des oiseaux était assourdissant à cette heure où le soleil peinait à se lever. C’était à qui chantait le plus bruyamment, clamant haut et fort avoir été le premier à proclamer ce début de journée. Le chien allait et venait dans un ballet incessant et Samuel humait l’air frais et encore humide. Il savourait ces moments de pure communion avec la nature, un vrai bonheur! Jusqu’à cet appel fatidique… Il regarda l’heure machinalement tout en écoutant attentivement Suzanne Tremblay, paniquée, vider son sac. Il était à peine 7h15 du matin et il apprenait que quelque chose était arrivé à Eléna. 55


Quoi, exactement? Nul n’en savait rien! Sauf qu’elle avait disparu de la circulation! Que personne ne savait où elle était! Qu’elle n’avait jamais rencontré sa collègue française comme convenu. Et aux pays des mollahs, c’était tout simplement inquiétant! Enfin elle se tut et il se fit rassurant, la remerciant de son appel et lui assurant qu’après avoir prié, il la rappellerait. Il raccrocha. Il avait besoin d’être avec son Dieu. Il marcha plus longtemps que d’habitude, priant et cherchant la direction du Saint-Esprit. Que devait-il faire? Qu’en penses-tu, Seigneur? Oh, donne-moi ta paix afin que je puisse entendre ta voix! Samuel sentit la douce paix de Dieu descendre sur lui et il ne pensa plus à rien, savourant ce moment de plénitude. Il attendit tranquillement la direction que le Saint-Esprit lui demanderait de prendre, tout en regardant son chien, haletant, humer l’herbe tous les trois pas. Comme il est insouciant! pensa Samuel. Il vit le moment présent, tout simplement heureux d’être en vie. Le brouillard matinal s’élevait sous l’effet de la chaleur, donnant au paysage une allure surréaliste. La nature était magnifique… Enfin, il eut sa réponse. Rappelle la mère d’Eléna. Rappeler la mère d’Eléna, mais pour lui dire quoi? Rappelle la mère d’Eléna… Elle a la clé. Elle a la clé? Qu’est-ce que ça veut dire? Mais Samuel avait pris l’habitude de ne plus questionner Dieu, lorsqu’il recevait des directives qu’il ne comprenait pas ou trouvait étranges, sachant que Dieu ne se trompait jamais et que bien souvent il ne révélait que très peu à la fois. Bon, 56


je vais l’appeler et je vais bien voir! Allez, Jack, viens! Le bouvier bernois, à la voix de son maître, releva la tête et tout joyeux revint à toute vitesse vers lui alors qu’il tournait les talons tout en recomposant le numéro de Suzanne Tremblay. Elle répondit immédiatement. Samuel bafouilla quelques banalités car il ne savait absolument pas quoi lui dire. Il se sentait comme un parfait idiot quand Suzanne l’interrompit. –  Mais pourquoi ne viendriez-vous pas à la maison? A deux, nous prendrions de meilleures décisions… Sa voix sembla se briser et elle ne termina pas sa phrase. Samuel accepta. Oui, il pouvait venir ce matin… Non, il n’avait pas de rendez-vous particulier… Oui, son travail pouvait attendre. –  J’ai peur pour ma fille! murmura Suzanne en fondant en larmes. C’en était trop, elle ne pouvait plus contenir ses émotions. Elle aurait bien voulu ne pas s’effondrer ainsi, se montrer plus forte face à Samuel, mais en même temps, elle avait tellement besoin de s’appuyer sur quelqu’un… Juste quelques instants, le temps de reprendre son souffle… Elle allait se relever comme toujours et sans aide, elle s’était toujours relevée jusqu’ici. Samuel, de sa voix chaude, l’encouragea à ne pas baisser les bras. Ils allaient la retrouver, c’était sûrement un malentendu. Et de toute façon, Eléna était extrêmement débrouillarde! Sans compter que Dieu avait sa main sur elle et que lui, Samuel, priait depuis son 57


départ pour sa protection. Il avait lâché la dernière phrase spontanément, lui d’habitude si réservé lorsqu’il s’agissait de parler de sa foi, mais ses paroles eurent le mérite de faire cesser les larmes de son interlocutrice. Il n’avait aucune idée des convictions personnelles de la maman d’Eléna, n’ayant pas eu l’occasion d’aborder le sujet auparavant. Toujours est-il qu’elle semblait apaisée lorsqu’elle raccrocha. Samuel se prépara en vitesse: rasage à sec d’une main tandis que de l’autre il se choisissait un pull et un tee-shirt noir assorti d’un pantalon beige puis, satisfait, il sauta dans la douche. Il enfourna ses deux œufs tournés1 en deux bouchées, se fit un thermos de café pour la route, s’assura que son chien avait assez d’eau pour la journée, prit ses clés et sortit tout en commandant à son bouvier bernois d’être sage et de ne pas monter sur le canapé. Ce que fit le chien dès qu’il entendit l’auto de son maître démarrer et s’éloigner. Samuel remarqua que Suzanne Tremblay avait les yeux rougis lorsqu’elle lui ouvrit. Il était venu à quelques reprises avec Eléna chez elle, si bien que, même s’ils ne se connaissaient pas beaucoup, ils n’étaient plus des étrangers l’un pour l’autre. Bien qu’il fasse encore un peu frais, ils s’installèrent sur le patio du jardin et Suzanne apporta du café chaud. La pergola procurait une intimité invitant à la confidence et les jardinières fleuries suspendues tout

1  Typiques du Québec, ce sont des œufs au plat retournés.

58


autour amenaient une beauté indescriptible, disposant le cœur le plus endurci à la douceur. –  C’était le coin préféré d’Eléna, commenta Suzanne à l’adresse de Samuel. –  Pourquoi parlez-vous au passé? –  Je ne sais pas… Vous avez raison. Suzanne s’assit, hésita puis ajouta, presque timidement: –  C’est juste que… j’ai peur de la perdre. Il la regarda droit dans les yeux et elle détourna le regard. Ses yeux sont si perçants. Comme s’il voyait à travers elle. –  Moi aussi, j’ai peur de la perdre… Mais nous n’allons pas la perdre! Devant cette femme si frêle et vulnérable, Samuel sentit que non seulement il devait la protéger, mais encore qu’il allait devoir prendre les rênes quant aux décisions. C’était étrange: même s’il n’était qu’un simple ami, pas même le petit ami d’Eléna, et n’avait donc a priori aucun droit de s’immiscer dans la vie privée des Tremblay, il se sentait fort tout d’un coup et comme investi d’un rôle de chef et de protecteur au sein de cette famille sans homme. Ainsi fortifié, il demanda à Suzanne: –  Bon, alors, dites-moi tout. Il ajouta, voyant son malaise: –  Tout ce qui peut nous aider à la retracer… sa dernière destination, son numéro de vol, le nom de la personne qu’elle devait rencontrer là-bas, etc. 59


Suzanne Tremblay se détendit: elle n’avait pas besoin de dévoiler ses secrets les plus lointains; de toute façon, ça n’avait aucun rapport avec Eléna, enfin, pas de rapport direct. Et ça n’a rien à voir avec la situation qui nous occupe! Samuel écouta avec attention les informations divulguées par son interlocutrice, prenant même des notes à l’occasion; le numéro de Vivianne, non, elle ne l’avait pas, mais Julien Tremblay, son patron, le lui donnerait… Quand elle se tut, Samuel eut la nette sensation qu’elle ne disait pas tout. Ne lui faisait-elle pas confiance? Le temps pressait. Si Eléna était en danger, il devait avoir tous les éléments en main afin d’agir de manière adéquate. Il prit donc sur lui de lui révéler les filatures, les intimidations diverses, les pneus crevés. Le visage de Suzanne Tremblay devint livide. Il se pencha vers elle, inquiet. –  Je ne voulais pas vous faire peur. Est-ce que ça va? Je suis désolé. Elle fit un petit signe de tête. Les révélations du jeune homme lui avaient fait l’effet d’un coup de massue. Elle ne se serait jamais douté que ça fille traversait de telles épreuves! Elle n’en avait rien laissé paraître la dernière fois qu’elle était venue chez elle… La dernière fois également qu’elle l’avait vue. Et elles s’étaient disputées! Suzanne but le verre d’eau fraîche que Samuel lui tendait. Après un temps qu’il jugea raisonnable, il lui posa la question qui lui brûlait les lèvres. –  Vous êtes sûre que vous me dites tout? 60


Il y eut un temps qui lui sembla interminable, mais il attendit patiemment. –  Non, pas vraiment, avoua-t-elle enfin, piteuse. Elle avait l’air soudain beaucoup plus âgée. –  J’ai engagé un détective privé, Robert Maillard, très réputé. Samuel ouvrit la bouche de surprise et la referma. Ça, c’est la meilleure! Mais pourquoi? Comme si elle avait entendu, elle ajouta: –  Ça n’a rien à voir avec Eléna, c’est pour mon compte, quelque chose de personnel… Elle jeta un coup d’œil rapide à son interlocuteur qui visiblement attendait la suite. –  Je recherche une personne de ma famille en Iran, voilà! –  En Iran? –  Oui, en Iran. –  C’est une drôle de coïncidence, quand même. Vous engagez un détective privé qui enquête en Iran, j’imagine? Suzanne fit un signe d’assentiment et Samuel continua: –  Au moment précis où votre fille s’envole pour l’Iran! Bizarre. Et vous me dites que ça n’a aucun rapport avec Eléna? –  Je vous assure que c’est une coïncidence, Samuel! Vous devez me croire. Elle hésita puis lâcha dans un souffle: 61


–  Tout ce que je peux vous dire, c’est que le père d’Eléna est d’origine iranienne.» –  Mais je croyais qu’il était français d’origine arabe? –  J’ai toujours dit arabe à ma fille mais, en fait, il est perse, naturalisé français. Nous nous sommes rencontrés à HEC à Paris, la faculté pour les hautes études commerciales. J’ai lâché au bout de six mois! Les études, pas l’homme… pour ma perte! Samuel perçut l’amertume dans les derniers mots prononcés mais il ne dit rien. Cela faisait une information nouvelle de taille. Se pouvait-il que le père ait enlevé sa propre fille? Mais pourquoi je pense à un enlèvement, moi? Comme si elle avait deviné ses pensées, Suzanne Tremblay ajouta: –  Vous savez, avec cet homme, tout est possible! –  Pourtant je croyais qu’Eléna et son père ne se connaissaient pas? –  Effectivement, mais avec Internet et les médias sociaux, tout se sait maintenant. Il a peut-être vu une photo d’Eléna quelque part? Peut-être communiquaient-ils ensemble sur Facebook, qui sait? –  Je ne pense pas. Elle m’en aurait parlé, si elle avait retrouvé son père. –  En êtes-vous si sûr? Eléna peut être très secrète et votre relation est somme toute très nouvelle, non? –  Je ne connais peut-être pas votre fille depuis longtemps mais je peux vous dire qu’elle me fait confiance. 62


J’ai l’intime conviction qu’elle m’en aurait parlé. Le temps presse mais j’ai besoin de savoir une chose: pourquoi ­cherchez-vous à retrouver un homme qui semble vous avoir fait tant de mal? Il était perspicace. Mais elle ne pouvait pas lui dire la vérité, d’autant qu’elle n’était pas sûre… Elle n’avait pas de preuve, enfin pas encore. Elle lui répondit avec gentillesse mais fermeté que cela ne le regardait pas. Il en convint tout en insistant qu’il avait besoin de toute la vérité pour prendre les bonnes décisions. Elle n’en démordit pas mais accepta de la mettre en contact avec le patron d’Eléna. Ils firent un appel conférence et l’éditorialiste se montra très coopératif, lui lisant le message de Vivianne Lessard reçu plus tôt dans la matinée. Il lui donna son téléphone portable et courriel et suggéra à la mère d’Eléna de contacter l’ambassade canadienne en Iran ainsi que l’ambassade iranienne au plus vite. Il avait en effet contacté Vivianne qui restait toujours sans nouvelles d’Eléna. Elle ne s’était jamais présentée à la conférence pour laquelle elle s’était déplacée. Et vu le climat hostile qui régnait là-bas et particulièrement dans la capitale, les journalistes ne s’éternisaient pas sur place. Les pays rappelaient leurs envoyés spéciaux à la hâte et Vivianne repartait elle-même le lendemain par le premier avion. Il avait également eu le temps de vérifier son trajet et avait ainsi appris que son employée avait été forcée de passer par l’aéroport de Bagdad avant d’atterrir 63


à Téhéran avec plus d’une journée de retard. Elle était à Téhéran, mais où exactement? –  J’ai un ami à Téhéran, je vais le contacter, l’informa Suzanne Tremblay, omettant de spécifier au patron d’Eléna qu’elle payait l’ami en question. Elle promit de le tenir informé de ses démarches et raccrocha. Samuel insista pour aider Suzanne dans ses démarches avec les ambassades mais elle refusa catégoriquement, préférant qu’il se concentre sur son travail. Elle le tiendrait au courant. Quand Samuel prit congé de Suzanne, plus de deux heures s’étaient écoulées et, comme il était encore tôt, il reprit le chemin de Saint-Jean-sur Richelieu. A Téhéran il était 19 heures. Eléna avait disparu depuis déjà sept heures.

64


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.