La boussole d’Alexy – vol. 3
CORAY
Crois-moi!
Elle se retrouve à nouveau confrontée à des choix très importants, alors qu’elle aurait tant besoin de prendre du recul. La peur est parfois bien mauvaise conseillère…
ROMAN
Crois-moi!
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Née en Suisse romande, installée depuis son adolescence au Tessin (Suisse italienne), Franca Henriette Coray a déjà publié plusieurs romans, sous les labels Ourania et Scripsi.
vol. 3
Crois-moi!
C O R AY
Sa boussole l’incite à la prudence, mais les événements continuent à la bousculer.
Franca Henriette
A 21 ans, Alexy est toute dévouée à son fils adoptif, et toujours seule en raison des liens qui l’attachent au président du Mazambo.
Franca Henriette
Franca Henriette
CORAY
CHF 24.90 / 19.90 € ISBN 978-2-8260-2028-8
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La boussole d’Alexy – vol. 3
Franca Henriette Coray
La boussole d’Alexy vol. 3
Crois-moi!
Crois-moi! La boussole d’Alexy – vol. 3 © et édition: Scripsi, 2019 Chemin de Praz-Roussy 4bis 1032 Romanel-sur-Lausanne, Suisse Tous droits réservés. Distribution: La Maison de la Bible Case postale 151 1032 Romanel-sur-Lausanne, Suisse E-mail: info@bible.ch Internet: http://www.maisonbible.net Sauf indication contraire, les textes bibliques sont tirés de la version Segond 21 © 2007 Société Biblique de Genève http://www.universdelabible.net Image de couverture: Adobe Stock, Tanja Esser ISBN édition imprimée 978-2-8260-2028-8 ISBN format epub 978-2-8260-0370-0 ISBN format pdf 978-2-8260-9639-9
Table des matières
Résumé des volumes précédents........................................................7 Chapitre 1..............................................................................................9 Chapitre 2............................................................................................41 Chapitre 3............................................................................................63 Chapitre 4............................................................................................85 Chapitre 5..........................................................................................121 Chapitre 6..........................................................................................149 Chapitre 7..........................................................................................173 Chapitre 8..........................................................................................195 Chapitre 9..........................................................................................217 Chapitre 10........................................................................................251 Chapitre 11........................................................................................279 Chapitre 12........................................................................................303 Epilogue.............................................................................................325 Du même auteur...............................................................................333
Résumé des précédents volumes Alexy était au départ une orpheline sans points de repère, avide d’attention. Un accident de voiture la portera à s’attacher à Axa-Ani N’jémen, un médecin mazambé (pays africain imaginaire) appelé à devenir chef d’Etat. Si l’adoration d’Alexy le flatte, il ne veut cependant pas se lier. Il croit qu’il n’a pas le droit d’avoir une famille, ayant lui-même trop souffert des choix de son père. Celui-ci, en effet, avait sacrifié sa famille à son rôle de chef d’Etat idéaliste. Invitée à accompagner le reporter Loïc de Larzin pour en faire un portrait réaliste, sur mandat d’AxaAni N’jémen, Alexy va découvrir le Mazambo et en reviendra mûrie et munie d’un bébé survivant d’un massacre, trouvé sous un buisson. De la photo de ce moment émouvant partira la révolution pacifique qui mettra Axa-Ani au pouvoir. Alexy et Axa finiront par céder à leur attirance, suite à une fondue trop arrosée, faux pas vite regretté par Axa, causant une affreuse déception à Alexy. Il promet de garder le contact mais n’y parviendra pas, quand même il l’aurait voulu. Trop d’événements se succéderont dont l’assassinat d’une de ses collaboratrices par un killer1 envoyé par le fils de l’ancien dictateur, renversé par l’effet médiatique de la photo d’Alexy trouvant un bébé sous un buisson. AxaAni N’jémen cependant nie sa relation avec Alexy et refuse qu’elle soit protégée. Entre-temps, par le biais du 1 Anglais: un tueur
Résumé des précédents volumes
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reporter Loïc de Larzin, Alexy fera la connaissance de Karym, qui veut réunir le Djallamal (pays voisin, également imaginaire) sous son autorité et faire la paix avec le Mazambo. Il est aussi curieux de rencontrer Alexy à cause de sa ressemblance avec sa propre mère. Pendant ce temps, Aziz M’jurumba trame une vengeance: il veut revenir au pouvoir, renverser Axa-Ani et éliminer Alexy et son fils. Ce sera Karym qui les protégera. Un attentat doit avoir lieu pendant l’inauguration d’une école pour femmes. Alexy est alors chez Karym, elle va se précipiter pour tenter de sauver Axa-Ani qu’elle considère comme l’homme de sa vie bien qu’il continue à refuser de son côté. Axa comprendra enfin qu’il a une famille quand Alexy viendra se placer auprès de lui sous la menace des fusils. L’attentat échouera. Grâce à Alexy, le Djallamal et le Mazambo sont en paix. Maintenant Axa la voudrait près de lui, mais Karym la revendique aussi pour lui-même. Alexy est attirée par Karym et n’a plus que de l’amitié pour Axa mais n’ayant que 21 ans et un fils à élever, elle demande alors à prendre du recul pour réfléchir à son avenir en se laissant guider par sa boussole: la petite Bible de poche truffée de conseils que sa grand-mère lui a offerte juste avant de mourir dans un accident.
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Chapitre 1 12 janvier 1998: soumis à un blocus rigoureux depuis la fin de la guerre du Golfe, en 1991, l’Irak connaît une situation économique et sanitaire réellement dramatique; la résolution «pétrole contre nourriture» fait figure d’aumône humiliante; enfin, la présence de l’Unscom1 est perçue comme une ingérence quotidienne des EtatsUnis. L’affaire semblerait réglée, comme en 1997, grâce à l’intervention du secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, et des promesses de part et d’autre: l’ONU en ménageant la souveraineté des Irakiens, ces derniers en acceptant d’ouvrir à l’Unscom les sites dits «présidentiels». Mais cela suffira-t‑il à empêcher une guerre? En suivant la météo autant en Irak qu’aux USA, je vois de gros nuages noirs s’accumuler à l’horizon. Loïc de Larzin, de Bagdad et Washington A son retour du Djallamal, la jeune femme fut accueillie avec un grand sourire par le notaire, qui lui ouvrit les bras. Elle se laissa embrasser sur les deux joues, tandis qu’elle arrivait à son étude pour le délivrer des comptes de l’année précédente. – Hello, Alexy, ça fait plaisir de te revoir enfin. Je t’attendais impatiemment. Et quel magnifique bronzage! Tu arrives de Mariposa? – J’arrive tout droit d’un séjour en plein désert d’Afrique, court mais extrêmement intense. 1 Commission spéciale des Nations Unies
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En la voyant rougir, il la poussa gentiment vers son bureau: – Viens, allons examiner ces comptes. Au bout d’un moment, Mauro Guglielminoni leva les yeux du classeur des comptes pour sourire à Alexy: – Tous mes compliments, fillette. Ton idée était gagnante! Les comptes tournent pour 1997. Les investissements à Carpino en valaient la peine. J’ai d’excellents échos, et tu as pas mal de réservations pour l’année prochaine. En plus, en louant Mariposa, tu as une rentrée qui t’a permis de couvrir tes propres frais. Bravo! – Et je reviens d’Afrique avec quelques photos de beaux paysages à vendre à des revues, annonça-t‑elle fièrement. – Ce qui veut dire que ta situation financière est en train de se redresser. Tu n’auras plus besoin d’entamer le capital. Déjà que ton ami président vient d’augmenter considérablement la pension pour votre fiston, ça vient d’arriver, ajouta-t‑il en répondant au regard surpris d’Alexy. Le notaire lui tendit ensuite quelques documents à signer pour l’affranchir de la responsabilité de la gestion des comptes pour l’année 1997, puis ils examinèrent ensemble le budget 1998 pour Carpino. La secrétaire vint frapper à la porte du bureau un peu avant midi: – Je vais terminer de préparer le repas, Mauro, est-ce que mademoiselle Noyer veut rester avec nous? J’ai des lasagnes qui cuisent toutes seules dans le four… Le notaire se levait déjà, tout sourire: – Mais oui, Elisabetta, excellente idée. Tu restes avec nous, Alexy? 10
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Et sous les yeux stupéfaits d’Alexy, Mauro alla enlacer la secrétaire avant d’expliquer: – Elisabetta et moi venons de découvrir que nous aimerions vivre ensemble, qu’en dis-tu fillette? – Je dis que je suis très heureuse. Mais que s’est-il passé? Je dois avoir loupé un épisode ou deux… – Allons en faire un résumé autour de mes lasagnes, proposa la secrétaire. Au cours d’un bon repas pris dans l’appartement du notaire, au-dessus de l’étude, Alexy découvrit que l’épouse de Mauro avait demandé le divorce. Au cours des mois de collaboration, Mauro et sa nouvelle secrétaire s’étaient découvert des points communs. Maintenant, ils envisageaient de vivre ensemble et peut-être de se marier dans quelque temps. – Nous y allons prudemment. Rien ne presse. – Et bien, toutes mes félicitations. Mauro mérite d’avoir une vie tranquille à son âge. – Oh, mais il n’est pas vieux du tout! Il vient d’être élu président de l’Ordre et c’est pour cela qu’il veut organiser un séminaire de niveau national à Carpino. – Ah voilà… Super alors! – Je connaissais votre grand-mère, Alexy, nous fréquentions la même église. Vous en souvenez-vous? déclara Elisabetta quand les deux femmes se retrouvèrent seules à la cuisine pour faire la vaisselle. – Il me semblait bien vous avoir déjà rencontrée quelque part ailleurs, mais je fréquentais peu l’église les derniers temps. – C’était une femme formidable. Elle vous aimait beaucoup. Chapitre 1
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– Oui, nous nous entendions bien. J’ai perdu tous mes points de repère quand elle est morte si subitement. – Je comprends. Mauro m’a confié que vous êtes éprise d’un homme de couleur plus âgé que vous, un médecin chef d’Etat. C’est normal. Alexy l’interrogea du regard, surprise. – Expliquez-vous! Vous êtes bien la première à trouver cela normal. – Mais oui, vous recherchiez un appui, une personne importante qui vous rassure sur votre valeur. C’est d’ailleurs presque étonnant que vous ne vous soyez pas aussi éprise de Mauro auparavant. Alexy rougit légèrement sous le regard empreint de sagesse de la secrétaire. – Oui? Alors c’est arrivé? – A peine, mais c’est vrai qu’il me fascinait il y a quelque temps, parce que c’était bien le seul qui était gentil avec moi, mais sa femme me détestait. – Elle était jalouse de vous. – Pourquoi a-t‑elle demandé le divorce? Elle qui était si fière d’être la femme d’un notaire! – Oh, elle ne se sentait pas à sa place ici. Elle aspirait à une vie plus mondaine, à voyager, s’amuser, profiter de la vie. Quant à lui, il aime la vie tranquille, en dehors de son travail, c’est un pantouflard. Moi aussi, ajouta-t‑elle en rougissant à son tour. – Alors tout ira bien pour vous deux. – Vous aussi, vous finirez bien par trouver l’homme que Dieu a préparé pour vous. – Vous croyez? – Mais oui, regardez-moi. J’ai 45 ans et Mauro en a 48. Tout vient à temps pour qui sait attendre. 12
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– J’aurais bien besoin de sagesse. J’ai suffisamment fait de bêtises pour une vie entière. – Moi aussi, figurez-vous, j’ai mon lot de bêtises dans mes bagages. On apprend au fil du temps, en accumulant de l’expérience. J’ai appris à me connaître, à savoir ce que je veux. Que rechercheriez-vous dans un mari? – Je ne me sens pas prête à me lier. Mais si jamais, je crois que je chercherais en premier lieu quelqu’un en qui je pourrais avoir totalement confiance, qui ne me tournerait pas le dos à la première difficulté. Quelqu’un que je pourrais aussi admirer, fit-elle avec un regard songeur. – Quel animal correspondrait le plus aux caractéristiques de l’homme idéal pour vous? Alexy réfléchit un moment, les yeux fixés sur un verre qu’elle essuyait, alors que lui apparaissait le beau visage du Lion Djalla au moment où ils s’étaient quittés à l’aéroport de Malpensa, quelques heures plus tôt. – On se reverra très bientôt, lui avait-il dit, les yeux brillants de passion, puis il l’avait embrassée farouchement. – Un lion, un animal puissant qui défendra sa femelle et ses petits au péril de sa vie, fit-elle en revenant à l’instant présent. – Que diriez-vous plutôt d’un poisson scalaire? – Hein? Alexy faillit lâcher le verre qu’elle essuyait. – Le poisson scalaire défend sa famille en oubliant de manger, et pour la protéger, il attaque tout intrus, même beaucoup plus gros que lui, sans craindre pour sa propre vie. Il a aussi une patience infinie envers les Chapitre 1
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alevins qui nagent dans tous les sens. Il les protège dans sa bouche et il se place auprès de sa femelle quand elle est affaiblie, il reste près d’elle jusqu’à la mort pour qu’elle ne soit pas importunée. – Un poisson fait cela? – Eh oui, c’est un simple poisson, pas bien grand ni même dangereux, mais robuste et peu exigeant. J’ai vu de mes propres yeux la façon admirable qu’il a de prendre soin de sa famille. – Extraordinaire! Qui aurait dit qu’un animal si humble soit capable de ça! – Eh oui, Alexy! Il faut savoir regarder plus loin que les apparences. Les perles les plus belles sont cachées dans de vilains coquillages et les plus grandes valeurs ne sont pas emballées dans du papier cadeau scintillant. Plus tard, alors que la nuit tombait, Alexy alla à l’emplacement de l’auberge de sa grand-mère. Il y avait là maintenant un grand immeuble d’appartements à vendre. Assise derrière le volant de la voiture prise en location à l’aéroport, elle regarda ce nouveau bâtiment qui avait remplacé l’auberge et ses dépendances. Pendant toute son adolescence, elle avait rêvé de loger un cheval dans l’abri de jardin, à l’orée de la forêt. Sa grand-mère n’avait pas approuvé son idée, jugée avec raison irréaliste. Elle n’en avait rien fait mais elle en rêvait encore de temps en temps… Et maintenant Chicorée galopait en liberté avec Khamsin, l’étalon de Karym, dans le vallon désertique. Karym l’avait achetée pour elle. Avec un oui, elle aurait pu réaliser son rêve d’adolescente. Mais maintenant elle avait mûri, un cheval, même de cette valeur, n’était plus un motif suffisant pour s’engager sans 14
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réfléchir. Elle avait besoin de prendre du recul. Trop d’événements s’étaient succédé à un rythme rapide. Trop d’éléments lui échappaient encore: que faisait exactement Karym? Même une ingénue comme elle comprenait qu’il n’était pas simplement viticulteur, ni même seulement intéressé à construire la paix au Djallamal pour des raisons économiques et sentimentales. Il y avait bien plus. Il se disait agnostique mais guidait la prière de ses ouvriers musulmans et connaissait bien la Bible. C’était un homme à la personnalité complexe. Le fréquenter équivalait à se lancer en eaux profondes, comme l’avait avertie sa Bible boussole, et, même si c’était flatteur pour son ego, elle se savait pas assez bonne nageuse… Et il y avait aussi Axa-Ani N’jémen, son premier amour. Il lui avait enfin confessé qu’il l’aimait lui aussi, et elle, de même, l’aimait encore. Axa la voulait près de lui, il avait enfin compris l’utilité d’avoir une compagne, avait-il dit peu après avoir prononcé son discours aux femmes de son pays en lui tenant la main, sous la menace des fusils. Elle lui avait dit: «Non, mais restons amis», ce n’était donc pas un adieu. Elle avait besoin de prendre du recul. Tout d’abord, elle devait reprendre en main ses affaires, avec l’aide de Mauro, son ancien tuteur qui était maintenant son associé et son homme de loi. D’après leur récent colloque, sa situation financière était bonne, bien que précaire. Carpino était un bon investissement, à condition de s’en occuper sérieusement et personnellement. Le couple de paysans qui gérait l’alpage ne pouvait pas faire plus. C’était à elle de gérer l’agrotourisme, à partir de Pâques, elle devait donc y retourner avec son fils. Chapitre 1
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Entre-temps elle devait rentrer à Mariposa pour rejoindre son fils et organiser la location de la maison aux touristes, pour s’assurer une entrée d’appoint, alors que les Frescobaldi géraient le domaine viticole. Axani avait besoin d’elle. Tout cela représentait beaucoup de responsabilité et elle était très jeune, à peine 21 ans, n’avait aucune formation ni aucune famille sur laquelle se reposer. N’aurait-elle pas mieux fait d’accepter que Karym prenne sa vie en main? Il était riche et puissant et lui offrait tout. Pourquoi ne pas céder à la tentation? Et Axa qui disait avoir besoin d’elle auprès de lui. Quel dilemme! Il lui fallait de toute urgence un bon conseil. Elle fouilla dans son sac, à la recherche de la Bible de poche que lui avait donnée sa grand-mère. Quand elle eut le petit volume entre les mains, assise au volant de la voiture garée devant l’immeuble qui avait remplacé l’auberge qu’elle avait gérée avec sa grand-mère, elle envoya une brève prière au Ciel pour être dirigée. Puis elle ouvrit la Bible sur les paroles de Jésus-Christ dans l’Evangile de Matthieu, chapitre 11, versets 28 à 30: Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et courbés sous un fardeau, et je vous donnerai du repos. Acceptez mes exigences et laissez-vous instruire par moi, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. En effet, mes exigences sont bonnes et mon fardeau léger. Sa grand-mère avait ajouté un mot dans la marge, elle aiguisa sa vue pour lire les minuscules caractères: «Quand tu seras tentée de confier ton sort à un homme pour qu’il résolve tes problèmes, rappelle-toi 16
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ces mots du Seigneur. Il est l’unique sur lequel tu pourras te reposer sans crainte. Ses instructions ont ton bien pour unique but. Aucun homme ne sera autant désintéressé! Ce qui ne veut pas dire que tu ne dois pas prendre mari. Sagesse!» Emue, Alexy baissa la tête sur ses mains jointes: – Seigneur Jésus, je te confie mon sort et celui de mon fils, garde-nous de tout mal et donne-moi ta sagesse, le repos de mon âme et instruis-moi. Aussitôt elle se sentit envahie par une étrange euphorie alors qu’une certitude l’emplissait, celle de ne plus être seule avec ses problèmes. Ragaillardie, avec un but en tête, Alexy, le pied gauche sur l’embrayage, tourna la clef pour allumer le moteur de la voiture, enclencha la première vitesse, puis accéléra… Peu après, elle filait sur l’autoroute en direction de l’Italie. ***
Aziz M’jurumba tournait en rond dans la luxueuse cabine du paquebot en ruminant sur l’échec de son commando, ceci malgré des mois et des mois de préparation. Ses hommes étaient arrivés sur le lieu de l’inauguration avec au moins une bonne demi-heure de retard. La zone était déjà bouclée par un imposant cordon de sécurité de l’armée. Et un idiot avait ouvert le feu, attirant l’attention des soldats qui avaient riposté aussitôt. Une débandade s’en était suivie. Peu de ses Faucons avaient probablement survécu. Mais qu’ils se débrouillent, ils avaient échoué. Alors Aziz les avait abandonnés à leur sort pour s’enfuir. Impensable de Chapitre 1
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revenir au cargo qui allait être investi par la police… Il avait abandonné son arme et s’était glissé dans une ruelle. Un passage au premier distributeur bancaire l’avait totalement rassuré: son père avait maintenu sa dernière promesse, un premier versement était arrivé sur son compte. Aziz s’était heureusement prémuni, pas si bête, et avec de l’argent tout était possible. Un peu plus tard, il embarquait comme prévu à bord d’un bateau de croisière italien qui faisait escale dans le port, se fondant dans la foule des passagers qui revenaient d’une journée de visite à Mazambo-Ville. Il avait regagné la cabine qui lui était réservée sous un faux nom, mine de rien, et de là avait observé sans être vu l’investissement du Zanzibar par les forces de police. Le paquebot avait quitté le quai comme prévu, avec tous ses passagers enregistrés depuis le début de la croisière. Prochaine escale: les îles Canaries. De là, il pourrait disparaître sans difficulté. Restait à savoir comment se débarrasser définitivement d’Axa-Ani N’jémen. – Pas question de laisser cet idiot gouverner le Mazambo! Il ne perd rien pour attendre… Et ce chien de Faucon djalla non plus. Ils vont payer, oh oui, ils vont payer! fit Aziz en écumant de rage. ***
Au palais du gouvernement, à Mazambo-Ville, quand Axa-Ani N’jémen lui donna la permission d’entrer, Zab, comme toujours en treillis de combat, pénétra 18
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dans le bureau présidentiel, lui tendit son rapport puis resta au garde-à‑vous pendant qu’il le lisait. Dans son rapport, citant des informations reçues par des informateurs non précisés, Axa-Ani Njémen lut qu’Aziz se trouvait à Mazambo-Ville, le 10 janvier en début de soirée, soit peu après la tentative d’attentat. Le cargo Zanzibar qui avait amené le commando avait été fouillé de fond en comble. On avait retrouvé des armes, des explosifs, mais aucune trace d’Aziz qui n’était pas parmi les morts ni parmi les terroristes arrêtés. – Il va aller se terrer quelque part pour vivre la grande vie avec nos sous qu’il a hérités de son père. Le commentaire d’Axa amena Zab à froncer les sourcils: – Ce n’est pas dit. Ce fou est capable de mijoter un autre sale coup. – Qui échouera. Laissons ça de côté. Maintenant que le FMI nous a accordé un prêt et que nous sommes en paix avec nos voisins, nous allons pouvoir donner un bon coup d’accélérateur à la situation du pays. – C’est bien, effectivement. Je te laisse à tes projets et moi je vais m’occuper de sécurité. La tienne et celle du pays. Son rapport livré, Zab pivotait sur ses talons, prêt à partir. Axa tendit la main vers lui pour l’arrêter, avec une grimace contrite: – Attends, tu as été rétabli officiellement dans tes fonctions mais je ne me suis pas encore excusé personnellement devant toi pour mon manque de confiance. Tu aurais raison de m’en vouloir. Malgré tous mes discours égalitaristes, j’étais prêt à te condamner uniquement parce que tu es musulman. Tu me pardonnes? Chapitre 1
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– Ainsi, tu me fais à nouveau confiance? Toujours figé au garde-à‑vous, Zab lui lança un regard énigmatique. – Oui, je te fais entièrement confiance. – Eh bien tu as tort. J’ai effectivement appelé Karym le 19 décembre, et quand il m’a demandé de ne pas t’avertir immédiatement que l’aigle voulait te parler, je lui ai obéi en lui accordant trois heures d’avance sur toi. – Pourquoi? – J’avais mes raisons, comme je t’ai dit. Et maintenant, es-tu encore convaincu de ma loyauté? Les deux hommes se faisaient front, regards fiers, têtes hautes. Axa baissa les yeux le premier, il se rassit à son fauteuil présidentiel en secouant la tête. Accablé, il fit signe à son chef de la police de partir: – Va faire ton boulot, Zab, et essaie de me tenir informé en temps utile sur ce que j’ai besoin de savoir, dorénavant. – A tes ordres, président N’jémen! Seul. Le président du Mazambo était seul, sans personne à qui faire entièrement confiance. Il souleva ses lunettes pour se pincer le nez, yeux fermés et alors que son estomac se crispait, sa main se tendit instinctivement pour rechercher le contact de la petite main d’Alexy, celle qui n’avait pas hésité à venir affronter les fusils avec lui, par amour. Et dire qu’il y a peu, il la considérait encore comme une gamine narcissique. Elle s’était révélée courageuse, altruiste et sage. Maintenant qu’il l’avait compris, devait-il la perdre? Devait-il à nouveau commettre l’erreur de la tenir éloignée de lui? S’il avait au moins compris quelque chose de la crise qu’il 20
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venait de traverser, c’était qu’Alexy et Axani étaient sa famille, la seule qu’il aurait jamais, avec ou sans mariage officiel avec Alexy. Sans hésiter plus longtemps, il composa son numéro d’appel sur son portable privé. Un coup d’œil à son agenda l’informa qu’il avait juste le temps avant l’arrivée de ses ministres, sinon tant pis, qu’ils attendent… – Allô? – C’est Axa. Tu vas bien? Tu es encore chez Karym? fit-il d’une voix enjouée. – Salut, Axa. Non. Je suis sur l’autoroute, en Italie. Je rentre rejoindre Axani à Mariposa. – J’espère que tu ne conduis pas en tenant ton portable d’une main, c’est défendu en plus d’être très dangereux! – Tranquille, docteur, j’ai tout ce qu’il faut comme équipement mains libres. Dis-moi plutôt comment ça va au Mazambo, une semaine après ces événements? Rien que d’entendre sa voix, ses maux d’estomac disparaissaient. – La vie reprend son cours normal. Nous avons reçu un prêt important qui nous permettra d’apporter quelques petites améliorations dans la vie de nos concitoyens. C’est un tel bordel ici qu’il y a l’embarras du choix. – J’imagine… Et comment tu vas, toi? – Je vais bien. Mais je me sens bien seul. Personne avec qui parler de mes doutes. – Je t’écoute. Qu’est-ce qui te tracasse? La préoccupation modifia aussitôt la voix de sa jeune amie et il se sentit honteux d’avoir voulu déverser sur elle ses soucis: Chapitre 1
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– Merci! Ça ira, rien de grave. Ça doit être le contrecoup de l’autre jour, minimisa-t‑il aussitôt. – Probable. Moi aussi j’ai eu du mal. En tout cas, tu es bien courageux d’être là où tu es. – Je ne t’ai pas encore remerciée pour t’être précipitée auprès de moi, sur l’estrade. C’était totalement fou! – N’est-ce pas? Il faut croire que j’avais très envie d’être sous les projecteurs de l’actualité moi aussi. – Dis plutôt sous la menace des fusils. Personne d’autre que toi ne s’y serait risqué. Tu m’aimes encore, avoue-le. – Je t’aimerai toujours Axa. Ils étaient très émus. – Moi aussi, Alex. J’aimerais bien t’avoir auprès de moi. – Tu sais combien j’ai rêvé de t’entendre dire ça? – Alors reviens… – Non, Axa, je ne reviendrai pas. Pas maintenant. Je vais aller rejoindre Axani et ensuite, si Dieu le veut, on pourra se voir. Mais tu peux m’appeler quand tu veux. – Tu vas te mettre avec Karym? fit-il en se crispant comme dans l’attente d’un coup. – Je n’en sais encore rien. C’est trop tôt pour le dire. – Et c’est trop tard pour moi, n’est-ce pas? fit-il avec une grimace, tandis que son estomac se nouait à nouveau. – C’est différent. Nous sommes ta famille, Axani et moi, alors tu auras toujours ta place. – Vous êtes même la seule famille que j’aie encore, et je vous tournais le dos. Pourras-tu me pardonner un jour? 22
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– C’est déjà fait, Axa. Pense seulement à l’avenir maintenant et oublions le passé. D’ac? La porte de son bureau s’ouvrait sur Damien Dili, son ministre de l’agriculture. Il lui sourit en lui faisant signe de prendre place en attendant: – D’ac! Je dois te quitter, Didi vient d’arriver. Je t’embrasse Alex. – Moi aussi. Très fort! Salue Damien de la part de Chicorée. Pendant qu’il terminait sa conversation avec Alexy, Damien Dili avait pris place à la grande table des réunions du conseil des ministres et consultait ses notes. Axa posa son portable et alla s’asseoir en bout de table alors que les autres ministres entraient à leur tour avec leurs dossiers à examiner: – Chicorée te transmet ses amitiés. – Merci! Moi aussi. Dis-le lui à l’occasion, c’est une chic fille. – Je ne manquerai pas, fit-il en échangeant un clin d’œil avec son ami. Et puis, il n’y eut plus que la longue liste des problèmes à les tenir occupés. Mais, pour la première fois depuis longtemps, Axa-Ani N’jémen se sentait prêt à les affronter. Et beaucoup moins seul. ***
Rentrée à Bodenseedorf avec Alexy, avant son départ pour le Djallamal, Luisa Mercantini se remettait gentiment de son intervention à un œil, mais elle se sentait bien seule et désorientée. Surtout depuis la visite de sa famille qui voyait venu le moment pour elle Chapitre 1
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d’accepter la réalité: elle n’était plus assez bien pour vivre seule, à 80 ans. Bien que consciente de ses limitations, et pas franchement heureuse de vivre seule, la vieille dame ne se sentait pas prête à quitter son domicile… D’autant qu’elle avait envie de revoir son village natal, Marina di Campo d’Elba, avant de tirer sa révérence au monde. Mais pouvait-elle à nouveau faire appel au bon cœur d’Alexy? Quand elle s’était réveillée dans la clinique, après son opération à l’œil, certaine de retrouver son amie près d’elle, elle n’avait trouvé qu’un message. Alexy devait s’absenter un ou deux jours. Quand elle était revenue, le lendemain, Luisa avait appris qu’elle revenait d’une visite éclair au chalet de Lenzerheide, pour livrer un message important à Axa-Ani N’jémen. La jeune femme n’était pas entrée dans les détails, mais la vieille dame avait compris que cette visite ne s’était pas déroulée au mieux. Alexy avait ramené Luisa chez elle, au bord du lac de Constance, puis était repartie en direction de la Toscane. Elle avait aussi un voyage prévu en Afrique, en janvier. Pour visiter le pays voisin du Djallamal. Maintenant, à mi-janvier, Alexy devait être de retour chez elle mais beaucoup de choses devaient l’attendre, à commencer par son fils. Luisa Mercantini n’osait pas lui demander, en plus, de l’aider à résoudre ses propres problèmes. A 21 ans, Alexy Noyer avait déjà bien plus de responsabilités que la majorité de ses contemporains et personne sur qui les décharger. Interpellée par cette révélation, Luisa décida qu’elle ne devait attendre l’aide de personne si elle voulait sauvegarder 24
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son indépendance. N’était-elle pas encore indépendante? Alors elle devait le prouver en ne laissant pas sa famille décider pour elle, de toute façon elle ne pouvait pas compter sur sa fille, seule Alexy répondait toujours présent en cas de pépin. Elle enfourcha ses lunettes de lecture pour chercher un numéro de téléphone: – Non mais, ils vont voir si je suis prête à me laisser faire! Moi, aller en maison de retraite pour y être abandonnée? De quoi je me mêle? marmonna-t‑elle en composant le numéro de téléphone du cabinet médical. ***
– Il te faut choisir, Casanova! Hilare, Zab tapait du doigt sur la pile de courrier qu’il venait de poser sur le bureau présidentiel. Perplexe, Axa ouvrit la première lettre. Avec une photographie d’une très jeune Africaine, une mère lui vantait les qualités de sa fille en termes pompeux truffés d’erreurs d’orthographe, comme si elle voulait lui vendre une pouliche. Il reposa la lettre avec une moue amusée pour en prendre une autre parmi la pile. Zab arrêta son geste: – Inutile de perdre ton temps avec ça, Axa, elles sont toutes pareilles. Tu es devenu la cible de toutes les marieuses d’Afrique et d’ailleurs. – Et pourquoi? – Grâce à cette émission de radio pour annoncer que tu étais célibataire. Toutes ces femmes ont une jolie, gentille et vertueuse compagne africaine à te proposer. – Zut alors! Chapitre 1
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– Comme tu dis! – C’est ta faute, Zab. C’est toi qui as insisté afin qu’il soit dit que j’étais seul et que cela me rendait une proie facile pour les aventurières, et que j’ai besoin d’une épouse vertueuse pour me protéger de ces tentations. – Et c’est bien vrai que tu as besoin d’avoir à tes côtés une épouse digne de ce nom, qui n’a pas besoin d’être africaine! Cependant, j’étais loin de m’imaginer que cela allait faire de toi la cible de toutes les marieuses d’Afrique. Axa fit glisser le paquet de lettres vers le bord de son écritoire, d’où elles tombèrent dans sa corbeille à papier: – Laisse tomber, vois-tu. J’ai ma valise à boucler, je dois être à la réunion des chefs d’Etat africains ce soir. Et avant cela, j’ai encore plein de choses à régler. – Tu y vas en hélicoptère? – Oui, ça ira plus vite qu’en voiture. – O. K., je vais voir si tout est prêt. Zab sorti, oubliant ces lettres, Axa se replongea instantanément dans les dossiers urgents qui réclamaient son attention et sa signature avant son départ pour le congrès qui devait avoir lieu dans un pays voisin. ***
Réveillé par le bruit des rotors d’un hélicoptère qui survolait le vallon, et puis épouvanté par le crépitement d’une mitraillette et par les hennissements de terreur des chevaux provenant de la vallée, Omar sauta hors de son lit et se précipita sur son arme, regrettant que Balani ne soit pas là pour lui prêter main-forte. Ses 26
Crois-moi!
deux jeunes palefreniers l’attendaient dans la cour, tremblant de terreur. – Qu’est-ce qui se passe, chef? – Quelqu’un tire depuis un hélicoptère dans le vallon sur nos chevaux. Dans l’obscurité, nous ne pouvons pas faire grand-chose. J’espère seulement qu’aucune bête n’a été blessée. – Surtout Khamsin, s’il lui arrivait quelque chose, Karym serait furieux. – Plus que ça, il est tellement attaché à son étalon! Je plains celui qui lui ferait du mal. Allons voir, prudence… – Dommage que Balani soit parti avec Karym, il aurait su quoi faire, lui! – Je l’appellerai quand on aura vu ce qu’il en est. Je me demande aussi comment des intrus ont pu pénétrer dans le vallon. Peu de gens savent qu’il existe. En s’éclairant de leurs torches, les trois hommes s’engagèrent prudemment dans le tunnel creusé dans la roche qui débouchait dans le vallon, plongé dans la nuit, alors que les hennissements continuaient. – Là! Un cheval blessé. C’est Naima. Un des palefreniers pointa un doigt tremblant vers une forme claire qui tressautait dans le sable en hennissant. – Là aussi! On dirait Khallab. Une autre forme claire, immobile et silencieuse celle-là, se profilait sous un palmier. – Allez voir si nous pouvons les aider, espérons qu’elles soient encore récupérables. – Et si l’assassin était encore là et nous attendait? – L’hélicoptère est reparti. Je vais monter jusqu’à la maison pour voir s’il y a des dégâts, il n’y a personne, Chapitre 1
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et de là-haut je pourrai voir si j’aperçois Khamsin et les autres, après j’appellerai Karym, dit Omar en s’engageant courageusement dans l’escalier creusé dans le rocher. ***
Songeur, Karym parcourait les pièces de la villa où les M’jurumba avaient vécu un exil doré, grâce aux fonds détournés des caisses de l’Etat mazambé. Ce luxe excessif lui déplaisait. Il fit une grimace dégoûtée à la vue d’une patte d’éléphant qui servait de pied à une table alors qu’une tête de rhinocéros blanc ornait un mur. Aziz était un braconnier à ses heures, par plaisir, et il ne s’en cachait pas apparemment. – Le genre de chasseur qui tire sur tout ce qui bouge et fait le tri seulement après. Il prit note sur son calepin de faire enlever ces trophées puis continua sa visite solitaire. Il profitait de la vue sur l’océan depuis l’énorme chambre à coucher principale, vitrée sur trois côtés, quand Balani le rejoignit, le visage grave. – Mauvaises nouvelles, Karym. Très mauvaises. Je te passe Omar, le prévint-il en lui tendant son portable. Sourcils froncés, Karym approcha aussitôt l’appareil de son oreille. Balani n’était pas du genre à faire une tempête dans un verre d’eau. – Allô? Ma laka Omar? Omar sanglotait et lui non plus n’était pas homme à faire des histoires pour rien. Karym sentit son sang se geler dans ses veines. 28
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– Il s’est passé une chose horrible, Karym, tes chevaux ont été attaqués par un homme qui tirait depuis un hélicoptère. – Khamsin? Chicorée? Mes autres filles? Karym s’efforçait de se préparer à un coup terrible. – Naima a été gravement blessée. Khallab est morte. Quant à Khamsin, Chicorée et les autres, ils ont disparu. Nous les recherchons activement dans le désert. Ils doivent être trop épouvantés pour retrouver le chemin de la maison. – Ou bien ils sont morts ou blessés quelque part… Cherchez-les! Celui qui a fait cela va le regretter! – Qui peut avoir fait ça? C’est un acte gratuit qui ne lui rapportera rien. – Quelqu’un qui sait que je tiens à mes chevaux comme à la prunelle de mes yeux. La maison n’a rien? – Elle a été mitraillée, elle aussi. Des fenêtres sont brisées, les pièces de devant sont saccagées. Heureusement, il n’y avait personne. – Je rentre immédiatement. En attendant, cherche Khamsin, Chicorée et les autres. – Nam, Karym! Je suis terriblement désolé de ne pas avoir mieux protégé tes chevaux. J’ai été pris par surprise pendant mon sommeil… sanglotait Omar. – Laisse ça et montre-moi plutôt ton dévouement en retrouvant mes chevaux rescapés vivants, fit Karym en interrompant la conversation. Son regard angoissé croisa celui de Balani, son fidèle ami: – Avertis le pilote, nous partons immédiatement. Un peu plus tard, le jet se dirigeait vers l’Afrique. Chapitre 1
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– Qui peut vouloir s’en prendre à tes animaux, Karym? Karym revit les trophées de braconnage qui ornaient la chambre d’Aziz: – Aziz, laissa-t‑il tomber, le visage sombre, mais il ne l’emportera pas au Paradis. – Et pourquoi? Il ne sait rien de ce qui te liait à son père ou bien quelqu’un a parlé. Qui savait? – Personne n’a parlé. Il a peut-être compris qu’Abdoullah m’informait, et en tout cas n’a pas apprécié que je me sois affiché avec Axa-Ani, à l’inauguration. Avec une grimace amère, Karym se dit que la location de l’hélicoptère et du pilote véreux avait probablement été payée avec l’argent que lui-même lui versait chaque mois régulièrement, sans qu’Aziz sache le nom de l’exécuteur testamentaire de son père. Impossible de remonter à lui par l’adresse bancaire du compte, un fonds d’investissement anonyme dans les îles Marshall, qui dépendait d’un compte chiffré dans une banque des îles Caïmans qui lui-même était géré par une agence des îles Bikini qui ne connaissait que le titulaire de la BK Limited de Singapour, Bruno Khamsin, son pseudo. Non, Aziz ne pouvait pas se douter que les cordons de la bourse étaient tenus par celui qu’il voulait atteindre de la plus lâche des façons: en s’en prenant à des animaux auxquels il était affectionné. Il serra les lèvres en imaginant les tourments que pareil crime méritait. ***
Le soleil s’était levé dans le désert, réchauffant rapidement l’air. Khamsin se redressa avec difficulté 30
Crois-moi!
sur ses pattes avant engourdies, puis se releva en se secouant pour se libérer du sable. Son cœur battait encore la chamade à cause de la course effrénée qui l’avait conduit, instinctivement, vers l’oasis où Karym le conduisait quand il venait le retrouver pendant la nuit. Il avait eu la peur de sa vie quand l’énorme insecte illuminé avait surgi bruyamment du néant. Sa harde de femelles et de poulains s’était dispersée dans toutes les directions, les plus clairs avaient attiré l’attention de l’insecte qui s’était mis à émettre un bruit affreux. Le premier réflexe de l’étalon avait été de se précipiter à leur secours, de se placer entre les plus menacés et le danger, mais un coup d’œil à Chicorée l’en avait dissuadé. Sa jeune compagne allait à coup sûr le suivre, impossible de lui faire courir pareil danger. Alors, avec un déchirement, allant contre tous ses instincts de chef de harde, il s’était échappé vers le désert au triple galop, entraînant Chicorée et les autres à sa suite. Le gros insecte les ayant pris en chasse, une des pouliches était tombée avant que Khamsin arrive à l’oasis et trouve refuge sous les palmiers. L’insecte avait tournoyé encore un moment, illuminant le feuillage tout en crachant des projectiles. Une autre pouliche s’était effondrée, tout près de lui, et il avait eu besoin de toute son autorité pour empêcher les autres de s’emballer et courir pour échapper au danger. Finalement, chaque pouliche s’était couchée, la tête baissée, comme lui. Chicorée avait été blessée, il l’avait entendue hennir de douleur tout près de lui. Il avait posé sa tête sur son dos pour l’apaiser. L’insecte s’éloignait enfin, abandonnant la chasse alors que le soleil se levait à l’horizon. Chapitre 1
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La boussole d’Alexy – vol. 3
CORAY
Crois-moi!
Elle se retrouve à nouveau confrontée à des choix très importants, alors qu’elle aurait tant besoin de prendre du recul. La peur est parfois bien mauvaise conseillère…
ROMAN
Crois-moi!
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Née en Suisse romande, installée depuis son adolescence au Tessin (Suisse italienne), Franca Henriette Coray a déjà publié plusieurs romans, sous les labels Ourania et Scripsi.
vol. 3
Crois-moi!
C O R AY
Sa boussole l’incite à la prudence, mais les événements continuent à la bousculer.
Franca Henriette
A 21 ans, Alexy est toute dévouée à son fils adoptif, et toujours seule en raison des liens qui l’attachent au président du Mazambo.
Franca Henriette
Franca Henriette
CORAY
CHF 24.90 / 19.90 € ISBN 978-2-8260-2028-8
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La boussole d’Alexy – vol. 3