MALÉDICTION À LA BÉNÉDICTION
Guylaine Marimoutou
DE LA
Guylaine Marimoutou
Le métissage de son origine, avec un père indien et une mère noire. Une vie dévastée par les traditions et les coutumes. Le sentiment d’être misérable et inutile, sur une terre hostile et aride. L’incompréhension et la peur. L’absence de but. Un mal-être omniprésent depuis l’enfance. Voilà ce qui caractérisait Guylaine Marimoutou, née en Martinique, débarquée en métropole en 2013. Heureusement, son histoire ne s’est pas arrêtée là. Sa rencontre avec l’Amour – l’Amour avec un grand A – lui a permis de jeter un nouveau regard sur la vie. Sur son existence passée et future. Elle peut désormais parler de bénédiction, et non de malédiction.
DE LA MALÉDICTION À LA BÉNÉDICTION
Guylaine Marimoutou
DE LA
À LA
MALÉDICTION BÉNÉDICTION
CHF 11.90 / 9.90 € ISBN 978-2-8260-2038-7 Label
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Guylaine Marimoutou
DE LA MALÉDICTION À LA BÉNÉDICTION
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De la malédiction à la bénédiction © et édition: Scripsi, 2018 Chemin de Praz-Roussy 4bis 1032 Romanel-sur-Lausanne, Suisse Tous droits réservés. E-mail: info@bible.ch Internet: www.maisonbible.net Sauf indication contraire, les textes bibliques sont tirés de la version Segond 21 © 2007 Société Biblique de Genève www.universdelabible.net Images couverture: © mweber67 et Maceo – Fotolia.com ISBN édition imprimée 978-2-8260-2038-7 ISBN format epub 978-2-8260-0386-1 ISBN format pdf 978-2-8260-9624-5
Table des matières
Préface.........................................................................................7 Une histoire parmi tant d’autres
«de l’enfance à l’adolescence»...........................................13 Une lumière incroyablement persistante...................... 75 Ma conclusion..................................................................... 131 Un regard sur ma foi......................................................... 137 Note de l’auteure............................................................... 139
Une histoire parmi tant d’autres «de l’enfance à l’adolescence»
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Généalogie… Pour comprendre le témoignage qui suit, il est
utile de retracer l’histoire et le contexte. Comme chaque individu sur la terre, je suis issue de plusieurs
souches familiales mais, pour mieux me situer, je ne
vais remonter qu’à la troisième généalogie, en par-
tant seulement de mes aïeuls paternels et maternels.
Je suis née d’un père de type indien (ou hindou) et
d’une mère de type africain.
Mes deux grands-pères étaient des polygames,
des hommes à femmes.
Mon grand-père paternel, de type indien, la peau
mate, les cheveux noirs et plats, a connu trois femmes, et, de chacune d’elles, il a eu trois enfants, soit neuf au total, mais n’a épousé que la dernière, pour prétendre à son héritage familial. Ma grand-mère paternelle était l’une des deux premières femmes.
Selon la tradition hindouiste, l’héritage ne devait
être consommé que dans la même famille ou même
souche. C’est pour cela qu’il n’était pas rare de ren-
contrer deux personnes unies maritalement sous le même patronyme.
Du côté maternel, le grand-père, la peau très claire,
de type «caucasien», dont les origines françaises Une histoire parmi tant d’autres
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remontent à 1810, avec de beaux cheveux bruns on-
dulés très fins, a connu deux femmes de type africain, la deuxième a été celle qui l’a aimé le plus et qui lui
a enfanté ma mère. De ces femmes, il a aussi eu neuf enfants. Ma mère était la cadette de ce couple.
A l’époque, ma grand-mère paternelle, lorrinoise
(Le Lorrain), se retrouvant seule avec trois fils à éle-
ver, a recherché activement leur père sur les terres pé-
léennes (Le Morne-Rouge) et lui a remis un fils. C’était
l’aîné, mon père, âgé d’environ cinq ans. Comme il lui ressemblait particulièrement, disait-elle, c’était sa res-
ponsabilité de père et son devoir de s’en occuper! Le laissant là, elle est repartie, sans se retourner, vers sa
commune natale, a refait sa vie, s’est mariée et a eu d’autres enfants que mon père n’a pas connus.
Au cœur de la commune du Morne-Rouge, son
propre père l’a élevé avec son épouse et ses petites sœurs. Il l’a initié dans la tradition ancestrale hin-
douiste, où l’inceste est pratiqué, et le battait en tout
temps. Ainsi, il devenait l’aîné de ses nouvelles sœurs, mais aussi le quatrième enfant de ses unions.
Mon père était l’aîné et connaissait les règles de
l’héritage: tous les biens lui revenaient de plein droit,
à la seule condition de ne s’unir qu’avec son propre clan, avec les membres de sa propre famille, et ainsi perpétuer la tradition. 16
De la malédiction à la bénédiction
Mais, pour cette nouvelle lignée naissante, la tradi-
tion n’était pas inscrite dans le Grand Livre des Cieux
car notre Dieu avait un tout autre plan merveilleux, même pour lui. Je crois qu’à ce moment-là, Dieu a fait une chose nouvelle dans sa vie, qu’inconsciemment,
mon père s’est détourné de cette part de gâteau em-
poisonnée et a rencontré ma mère. Toutefois, par ce geste, il a été déchu de ses droits, rejeté, banni de sa maison et, de plus, sa part d’héritage a été partagée entre ses sœurs.
Donc, il a enfreint la tradition en s’alliant à une
Noire, ma mère qui lui a donné cinq beaux enfants.
Malheureusement pour moi, en tant qu’aînée, les
sacrifices traditionnels devaient aussi se passer par
moi. Ces traditions ont eu des impacts négatifs au
sein de la famille: son plus jeune fils, né hors union,
est décédé accidentellement en inhalant du dioxyde
de carbone dans sa propre maison à peine achevée, étant, lui-même, jeune mari et père. Heureusement
pour moi, Dieu, dans sa miséricorde, m’a retirée de ces pratiques coutumières et m’a gardé la vie sauve.
Aujourd’hui, je suis devenue la propriété du Sei
gneur, inébranlable, en recevant Jésus-Christ comme Sauveur et Seigneur.
Néanmoins, suite à la transgression de la règle
traditionnelle, coutumière et raciale, je suis née de Une histoire parmi tant d’autres
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cette mère antillaise. Quelle grâce pour moi d’être
née d’une mère semblable à la mienne, dans une fa-
mille telle que la mienne, et quelle bénédiction pour ma famille! Béni soit le jour de ma naissance! Gloire à
Dieu qui a fait la différence entre la tradition et la pu-
reté! Au milieu d’une cheminée dont les restes étaient
presque éteints, il y a sorti un tison qui éclairera le chemin de ceux qui se sont égarés en route. Gloire et louange à Dieu!!!
Ma naissance… En 1972, une jeune femme, de dix-huit ans, est de-
venue mère pour la première fois et a accouché à
l’ancienne maternité de Saint-Pierre, d’une minuscule et mignonne petite fille très velue, signe typique chez les Indiens.
Enfin libre, j’ai poussé mon premier cri, un cri de
victoire face aux horreurs du rejet ressenti dans les
entrailles maternelles. Ma mère habitait encore dans la maison familiale au Morne- Rouge. Pour accou-
cher, il lui fallait se rendre en voiture à la maternité la
plus proche, à plus de quinze kilomètres de chez elle, car l’affluence des transports était très rare à cette époque de l’année. 18
De la malédiction à la bénédiction
Elle s’est rappelé l’année précédente, quand, toute
joyeuse, elle a annoncé la nouvelle à mon père.
Presque immédiatement, il l’a repoussée violemment,
il n’en voulait pas de ce fruit-là. Pour montrer son dé-
saccord, il a passé toute cette période de grossesse
à essayer de la faire avorter «naturellement». Ainsi, à chaque visite, il usait autant de violence qu’il le pouvait sur ma pauvre mère, des coups de poing et de pied
assénés violemment sur son ventre déjà endolori et marqué de vergetures.
Pour cacher sa douleur et préserver sa progéni-
ture, elle se cachait souvent chez ses parents, fuyant la violence de mon père. Elle se rappelait son parcours scolaire chez les «bonnes sœurs» et des bribes des
enseignements bibliques lui revenaient, sans cesse, en tête. En son for intérieur, elle savait que le fruit des
entrailles est une récompense pour toute femme, du
Psaume 127.3 (NEG). D’autant plus que son propre père, seul parent qui lui restait, suite au décès brutal de sa mère, n’appréciait pas trop ce beau-fils, différent de ses congénères, de race indienne1. Il l’avait déjà
prévenue. Pourtant, ma mère était tellement éprise de Les immigrants indiens, maltraités par leurs employeurs et par l’administration coloniale, se sont réfugiés dans des pratiques occultes liées à l’hindouisme. La crainte qu’ont certains Antillais vis-à‑vis des Indiens vient à la fois de ces pratiques occultes et de la simple peur de l’étranger.
1
Une histoire parmi tant d’autres
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ce jeune homme, beau et élancé, elle n’avait d’yeux que pour lui.
Cependant, ses journées lui semblaient tellement
longues et interminables, entre le travail à l’usine, où
elle avait débuté très jeune, et sa grossesse. Combien
de temps encore durerait cette situation avec son compagnon? Elle qui l’aimait tellement et qui, pour-
tant, souffrait cruellement de son manque d’amour.
Comme ils travaillaient ensemble, ils ne pouvaient s’éviter. Quand ils se croisaient, il la suppliait de re-
venir avec lui dans sa maison, seul bien consenti par
mon aïeul, mais l’aveuglement de son amour pour lui l’emportait toujours. Cela se calmait un peu, mais
le calme ne durait guère. Malheureusement, sous l’emprise de l’alcool, combien de fois l’avait-il battue, insultée, jusqu’à ce que les voisins interviennent et avertissent la police.
Malgré les séparations répétées durant les sept
années suivantes, rien n’a changé: l’amour et la soumission l’ont emporté dans cette vie maritale.
Outre chez ses parents, ma mère a aussi trouvé
refuge chez d’autres bienfaiteurs de la ville, mais il la recherchait activement dans toute la commune et la
ramenait, par force ou par flatterie, chez eux tout en lui
promettant monts et merveilles. Ainsi, ma naissance et
celles qui ont suivi ont été les seuls moments de joie 20
De la malédiction à la bénédiction
dont elle a pu vraiment profiter. Les accouchements
se déroulaient ainsi: quand la femme se sentait prête, elle en informait l’employeur, puis se rendait seule à la maternité et, le soir, rentrait chez elle, le nouveau-né sur les bras, et reprenait le travail aussitôt après. A
l’époque, les congés post et prénataux n’étaient pas encore entrés en vigueur. Naturellement, la question
de la garde ne se posait pas, c’étaient les grands- parents paternels qui s’en chargeaient d’office.
Le sacrifice… Malgré la distance qui a séparé la population in-
dienne de leur mère patrie, l’Inde, les pratiques coutumières sont restées au cœur de la culture. La tradition
ancestrale a traversé les océans et les mers pour colo-
niser les Antilles et les îles côtières, amenant avec elle toutes divinités, déesses et dieux, aux milles couleurs,
multiformes, à moitié animales, à moitié humaines. C’est alors que celles-ci ont élu leurs quartiers géné-
raux au cœur des îles et se sont attaquées aux plus faibles depuis plus de cent cinquante ans.
Malheureusement, ces pratiques ont trouvé encore
des adeptes, organisation de prêtres, pour exécuter les sacrifices d’animaux, et même, autrefois, dans Une histoire parmi tant d’autres
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des cas exceptionnels, les sacrifices d’humains, plus exactement ceux de nouveau-nés. Une chose était
certaine, tout sacrifice exigeait la vie d’une personne, une mort prématurée ou un décès dit «accidentel».
Ma famille n’était pas exempte de tout cela: il fal-
lait une victime, les dieux réclamaient la vie innocente
d’un enfant, le premier de la fratrie. C’était, en géné-
ral, les fils qui étaient désignés pour ces œuvres-là, mais, mon père n’étant pas l’aîné, il leur fallait faire rapidement un choix. Le sort est tombé sur moi.
Le culte des multiples divinités indiennes implique
une adoration de tous leurs dieux et déesses. La tradition hindouiste ancestrale exige que tout pre-
mier-né leur soit présenté dès son sevrage. Les filles
étaient consacrées aux déesses dites «séductrices» et ainsi devenaient elles-mêmes celles qu’elles pré-
tendaient être. De même, les garçons reprenaient le
flambeau des pères en endossant, à leur tour, la robe
de sorcier ou de chaman. En contrepartie, l’esprit- hôte avait tous les droits sur cet enfant durant toute sa vie jusqu’à sa mort.
Ainsi, à tout moment, les esprits pouvaient ré-
clamer l’âme de leur victime, cet être, ainsi lié, de-
venait comme une marionnette entre leurs mains. Les enfants avaient, dès lors, des «anges gardiens» 22
De la malédiction à la bénédiction
qui veillaient sur eux nuit et jour. Ils pouvaient même
communiquer avec eux quand ils leur apparaissaient. La cérémonie se poursuivait par des danses pour
honorer les esprits. Ensuite, à la fin, la viande de l’animal «sacrifié» aux idoles était consommée sur place.
Etant l’aînée, j’ai été offerte aux divinités à l’aube
de ma vie.
Pour mes aïeux et ma famille paternelle, cela était
vu comme une obligation traditionnelle légitime.
Comme cela, les divinités me protégeaient et veil-
laient sur l’innocente petite créature sans défense que j’étais!
Ma mère, informée de cette décision, a tenté vai-
nement de supplier mon père: «Guyto, pa fè sa! Pa fè sa!»
«Guyto, ne fais pas cela, je t’en supplie!» Malgré les protestations de ma mère, mon père
n’a pas annulé la cérémonie, prétextant avoir fait le meilleur choix pour mon avenir.
C’était un dimanche après- midi, vers quinze
heures, près de la rivière qui sillonnait nos terres, la cérémonie a débuté sous le soleil. Tous les invités sont
arrivés vêtus de leurs plus beaux atours, un comité composé seulement des parents et grands-parents,
uniquement les membres de la famille paternelle: ces Une histoire parmi tant d’autres
23
femmes avaient leurs robes spéciales de fête, leurs
bras ornés de bracelets retentissants, des chaînes aux chevilles, les pieds nus et un point noir dessiné au milieu des sourcils.
Et, pour cette occasion, mon grand-père, prêtre
hindou, officiait la cérémonie. Il arborait une tunique et un pantalon blancs, ainsi qu’un turban blanc sur la
tête. Un autel de pierre avait été érigé où se tenait une statuette. D’autres choses avaient été apprêtées quelques heures plus tôt: le corps d’un agneau pré-
alablement vidé de son sang, selon les rituels, gisait là; ce sang a été soigneusement versé dans une calebasse propre, à côté il y avait un grand coutelas (couteau), un linge blanc, le tout posé sur une petite table en bois.
Après une courte prière du vieux «prêtre» et un
signe de tête de sa part, mon père lui a tendu le bébé, vêtu de son plus simple appareil, qu’il a élevé vers les hauteurs aux dieux. Il a terminé son office
avec quelques gouttes de sang sur mon corps. Puis, il a poursuivi dans un autre dialecte, dans sa langue maternelle, après cela les rituels ont suivi. Pour conti-
nuer, il a fallu également une part de mon être, une chose précieuse, qui m’appartenait. Justement, le cordon ombilical s’était détaché et avait été soigneu-
sement conservé dans un linge propre, il a donc été 24
De la malédiction à la bénédiction
remis au prêtre. Ensuite, comme un accord tacite
avec les divinités, ce bout de chair ainsi qu’un papier en forme de petit rouleau ont été enterrés sous un jeune figuier en fleurs, non loin du cours d’eau. L’autel
a servi pour cuire l’animal sacrifié qui a été partagé entre les convives.
Malgré le fait de ces discrètes pratiques, même
si l’entourage en avait connaissance, personne n’en parlait, à cause de la peur que véhiculaient les Indiens
des Antilles, ces êtres si différents d’eux, qu’ils consi-
déraient comme des êtres diaboliques. Cette peur paralysait alors toutes les populations îliennes au point que nul n’osait les confronter, pour quelque affaire que ce soit.
Veillez, toutefois, à ce que votre liberté ne devienne
pas un obstacle pour les faibles. En effet, si quelqu’un
te voit, toi qui as de la connaissance, assis à table dans un temple d’idoles, lui qui est faible, ne sera-t‑il pas
encouragé dans sa conscience à manger des viandes sacrifiées aux idoles? (1 Corinthiens 8.9-10)
Mon baptême universel… Une idée a jailli du cœur de ma mère, celle de me
faire «baptiser» selon la religion catholique à laquelle Une histoire parmi tant d’autres
25
elle adhérait. Pensant annuler les effets de cette funeste mise en scène, elle a pensé bien faire en programmant un autre baptême. Elle a passé une bonne
partie de sa jeunesse au sein du couvent du Morne- Rouge, et les enseignements du catéchisme lui re-
venaient en pensée. Elle a fini par persuader mon
père de me faire baptiser à la belle cathédrale de la commune, afin de rendre «caduc» ce qui avait été fait précédemment. Peu de temps après qu’elle s’est ren-
seignée sur les offices religieux, celui-ci a été célébré
un dimanche matin, à la messe, devant «témoins», parrain et marraine entre autres. Ainsi, cette cérémonie devait masquer, voire «effacer», en quelque sorte, la précédente.
Le jour J, mes parents m’ont vêtue d’une petite
robe blanche, eux-mêmes parés de leurs plus beaux habits, un costume bleu pour mon père et une pe-
tite robe blanche pour ma mère. Ainsi drapés, ils se
sont présentés, ensemble, devant le «prêtre». Après quelques prières et des chants du programme, le
prêtre m’a présentée à l’église. Il a terminé en aspergeant quelques gouttes d’eau sur mon front ainsi
qu’en faisant le signe de la croix, signe d’appartenance à la communauté. Pour ce baptême, parrain
et marraine ont signé les registres afin d’officialiser 26
De la malédiction à la bénédiction
cette célébration. Puis, tous les conviés ont mangé et bu jusqu’au soir.
Malheureusement, en l’espace d’une année, à
l’aube de mon existence, j’ai reçu deux «baptêmes». L’un et l’autre avaient des objectifs contraires mais combien l’ignorance nous tire et nous entraîne inlassablement sur les chemins abrupts du mensonge.
Un tison au cœur pur… Cela me rappelle l’histoire de Moïse dans le livre
de l’Exode au chapitre second. Alors que l’Ennemi
s’acharnait pour le détruire dans les funestes ma-
nipulations du roi d’Egypte, d’une tuerie barbare et
vengeresse, sa vie a été ingénieusement gardée à
l’ombre divin d’un panier d’osier, à l’abri des regards,
où il a rencontré son destin, sous les ailes de l’Eternel. Malgré toutes les tentatives de l’ennemi pour m’arracher aux desseins de Dieu, ma vie portait déjà l’empreinte du sceau de celui qui me cherchait et m’attendait sur le sol antillais, au milieu des ténèbres et au milieu des heures de la nuit. Cela a été le début d’un long processus de restauration familiale, débouchant sur une bénédiction pour ma postérité. Mais, à l’époque, Une histoire parmi tant d’autres
27
j’étais beaucoup trop jeune pour comprendre ce que Dieu avait prédestiné pour ma vie.
Une profonde blessure… Mes premières années se sont passées dans la
maison de mon grand- père maternel à qui mes
parents nous confiaient le temps du travail. Entre- temps, deux autres sœurs grandissaient aussi avec
moi. Comme elles étaient plus petites, je m’amusais encore toute seule, bien curieuse de tout.
C’est durant cette période que j’ai reçu ma première
claque, à peine âgée de plus de trois ans. Attirée par de petits bruits venant d’une chambre, j’ai été témoin
d’une curieuse situation. Ignorante que j’étais, j’ai surpris mon père sur le lit conjugal avec celle qui prétendait nous garder, en l’absence des parents, durant la journée. Ma naïveté juvénile ne devinait pas qu’il
s’agissait là d’une relation incestueuse qui aurait des répercussions dans le futur. Ce geste m’a envoyée bru-
talement dans le coin de la maison familiale. Le regard furieux lancé par mon père ce jour-là a précipité mes petits pieds vers une cachette «sûre».
Petite comme je l’étais, ce n’était pas difficile, pour
moi, de me cacher, mais, quand il m’a brutalement 28
De la malédiction à la bénédiction
attrapée, sa main s’est abattue rageusement sur ma joue, m’imposant malgré moi le silence.
Ce geste m’a laissé des séquelles à l’oreille droite,
c’est ainsi qu’a débuté une otite purulente qui a fragilisé au fil des temps tout mon équilibre. Rester debout m’est devenu pénible.
Chaque matin, mes parents partaient ensemble
travailler dès l’aube, mais lui, mon père, revenait discrètement pour satisfaire ses passions avec sa maî-
tresse. Combien d’années entières où j’ai dû payer, de ma propre personne, ce pesant silence!
Un nouveau cadre de vie… L’année de mes six ans s’est terminée par le pro-
jet de déménagement de mes parents. Malgré le fait
qu’ils travaillaient ensemble à l’usine de la commune et avaient le confort d’une maison sur le terrain fa-
milial, ils ont décidé de partir en laissant tout. C’était
plus précisément mon père qui a décidé d’emmener toute sa famille ailleurs. Toutes ces années à nous ra-
mener de force auprès de lui, toutes ces années à nous rechercher dans toute la commune, l’ont rempli d’une responsabilité et d’une maturité surhumaine. De plus, il y avait trop de rumeurs dans le quartier de Une histoire parmi tant d’autres
29
Savane-Petit, trop de personnes s’occupaient de leur histoire, surtout du scandale qui entachait la famille depuis quatre ans, cet enfant illégitime.
Malgré toutes les plaintes déposées, à l’hôtel de
police, à l’encontre de mon père, et les nombreuses personnes ayant témoigné contre lui, ma mère l’a
suivi amoureusement dans son aventure locative. Ils en ont profité pour fuir rapidement le berceau familial et ses commérages, pour vivre loin de tous regards empreints de reproches.
C’est aussi durant cette période que mon grand-
père est mort mystérieusement. C’était un vieil homme avec un regard noir profond, qui me faisait
très peur. Il était mince, petit de taille, les cheveux plats très noirs couleur «jais» et j’avais beaucoup
d’appréhension en sa présence. A l’inverse, j’aimais bien la compagnie du père de ma mère, bien que je ne l’aie que très peu connu. Je me souviens de lui
comme d’un homme toujours en pleine forme, rigou-
reux, travailleur, se levant aux aurores pour préparer le café dont les effluves se répandaient à travers
toutes les pièces de la maison et nous réveillaient chaque matin. «Café chô!» chantonnait-il souvent. Je me souviens également qu’il passait tout son temps au jardin, non loin de sa maison. 30
De la malédiction à la bénédiction
MALÉDICTION À LA BÉNÉDICTION
Guylaine Marimoutou
DE LA
Guylaine Marimoutou
Le métissage de son origine, avec un père indien et une mère noire. Une vie dévastée par les traditions et les coutumes. Le sentiment d’être misérable et inutile, sur une terre hostile et aride. L’incompréhension et la peur. L’absence de but. Un mal-être omniprésent depuis l’enfance. Voilà ce qui caractérisait Guylaine Marimoutou, née en Martinique, débarquée en métropole en 2013. Heureusement, son histoire ne s’est pas arrêtée là. Sa rencontre avec l’Amour – l’Amour avec un grand A – lui a permis de jeter un nouveau regard sur la vie. Sur son existence passée et future. Elle peut désormais parler de bénédiction, et non de malédiction.
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