Dossier pédagogique concours 2018

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Concours de textes 2018

HISTOIRES ÉLÉMENTAIRES

Dossier pédagogique 2 PROPOSITIONS D’ATELIERS POUR LIBÉRER VOTRE CRÉATIVITÉ

Écrivez un texte sur le thème « Histoires élémentaires » Et envoyez-le pour le 16 avril 2018. Participation gratuite – 5.000 euros de prix Les meilleurs textes seront publiés. Infos, règlement et dossier pédagogique complet : www.maisondelafrancite.be


INTRODUCTION

PRÉSENTATION DU THÈME

HISTOIRES ÉLÉMENTAIRES Au tout début, il s’agissait d’une hypothèse de certains philosophes grecs, selon laquelle tous les matériaux constituant le monde seraient composés de quatre éléments : l’eau, le feu, la terre et l’air. C’était au Ve siècle av. J.-C. Par la suite, dans de nombreuses philosophies et civilisations, on retrouve la représentation des quatre éléments. Avec ce thème, la Maison de la Francité vous invite à observer, à ressentir et à écrire, sur un des quatre éléments ou plusieurs : en les combinant ou en les opposant, en explorant les relations qui se tissent entre eux ou de vous à eux, dans notre monde ou dans celui que créera votre imagination. Les quatre éléments sont à la source de tout ce qui vit, évolue et se recrée. Ils nous entourent de toute part, à chaque instant et en tout lieu de notre existence. Dans notre plus lointain souvenir d’enfant découvrant l’océan comme dans notre dernière brulure d’amour, dans l’éblouissement devant le cortège des nuages ou dans la douleur de mettre en terre un être cher, nous avons tous été en contact avec les éléments. À propos de l’eau, Norge le poète a un jour écrit : « Tout bu, toute l’eau des mers sonores. Et le cœur dit : ô j’ai soif encore. » À vous de prendre la plume ! Journal, nouvelle, récit fantastique, chronique… Libre à vous de choisir la forme littéraire que le thème vous inspire.

Envoyez votre texte de 6.000 à 14.000 caractères (espaces compris) - soit 2 à 4 pages sur le thème "HISTOIRES ÉLÉMENTAIRES" pour le 16 avril 2018 au plus tard. Le texte doit être envoyé avec la fiche d’identité téléchargeable sur www.maisondelafrancite.be - soit par courrier électronique : concours@maisondelafrancite.be - soit via notre formulaire en ligne sur : www.maisondelafrancite.be L'envoi postal n'est possible que sur demande.

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DEUX ATELIERS PRÊTS À L’EMPLOI Chaque année, le concours de textes organisé par la Maison de la Francité rencontre un vif succès auprès des jeunes et nous nous en réjouissons. En effet, il est un excellent moyen de développer leur créativité, et de les faire participer à un projet enthousiasmant puisqu’il a une réelle finalité : les textes seront lus par un jury, avec une chance d’être édités dans un recueil. En tant qu’enseignantes ou enseignants, vous contribuez grandement au succès de cette initiative et afin de vous soutenir dans votre démarche, nous vous proposons ce dossier pédagogique pour vous aider à mettre en place des ateliers d’écriture au sein de vos classes. Nous sommes conscients que les programmes sont lourds et les préparations de cours, chronophages, et qu’il n’est pas toujours évident d’intégrer des outils et des pratiques que l’on ne connait pas dans la classe. Nous avons donc voulu être au plus près de vos besoins en proposant des ateliers d’écriture « clés en main ». Toutefois, si ce dossier est une aide que nous espérons utile et efficace, il ne remplace évidemment pas une formation à l’animation d’ateliers d’écriture. Vous trouverez, dans ce livret, deux ateliers prêts à l’emploi. L’objectif de chacun est annoncé en ouverture. Dans le paragraphe « Pourquoi cette séance ? », nous avons expliqué nos choix concernant les méthodologies et les types de textes produits, ainsi que les notions discursives, grammaticales ou lexicales que l’atelier permet de travailler. Le déroulement est ensuite explicité minute par minute, afin de faciliter au maximum la prise en main de ces ateliers. À la fin du dossier, vous trouverez également des fiches « élève » reprenant les extraits de textes et les outils nécessaires au bon déroulement de la séance. Il est bien évident que nous vous invitons à faire de ce dossier ce que bon vous semble : que vous l’utilisiez en le suivant à la lettre, ou que vous décidiez de mélanger les ateliers, de supprimer des consignes ou des textes en fonction de votre sensibilité, du niveau de votre classe, de la maturité de vos élèves, toutes les façons de faire sont possibles et se justifient. Les consignes d’écriture proposées sont adaptables à différentes classes et à des âges divers, et elles sont bien sûr modifiables à l’envi. Nous avons imaginé que la mise en place de ces ateliers d’écriture dans vos classes pourrait déboucher sur des participations au concours, tout simplement en rendant, auprès de nombreux jeunes, cette idée possible : un premier jet a déjà été écrit à l’école ; pourquoi ne pas en profiter pour aller plus loin ? Nous vous souhaitons une belle expérience et un bon amusement et espérons que ce dossier trouvera écho auprès de vous et de vos élèves. Ce dossier pédagogique a été conçu et réalisé pour la Maison de la Francité par Anne Vandendorpe, chargée de projets pour la Maison de la Francité, et Amélie Charcosset, enseignante de français langue étrangère et animatrice d’ateliers d’écriture à Bruxelles et ailleurs. Amélie fait écrire, en vrac, des migrants sur des œuvres d’art, des ouvriers sur des souvenirs d’usine, des citadins sur leur rapport aux arbres, des adolescents sur leurs colères. Elle écrit elle-même, et a publié notamment Nouvelles du monde, un texte de fiction destiné à des apprenants de français. www.ameliecharcosset.com

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L’ATELIER D’ÉCRITURE EN CLASSE L’atelier d’écriture est souvent animé par quelqu’un dont c’est le métier, et qui est formé pour cela. Animer un atelier d’écriture alors que l’on est enseignante ou enseignant n’est pas nécessairement évident, et la question de la posture se pose à plusieurs reprises : il n’est pas facile de mettre de côté son rôle de professeure ou de professeur, ni de faire comprendre aux élèves ce qu’il en est. Un moment doit être pris avant l’atelier pour expliquer de quoi il s’agit. Nous vous conseillons de répéter les éléments importants au début de chaque atelier d’écriture – car oui, nous espérons qu’une fois le pas franchi, vous aurez envie de réitérer l’expérience ! Voici les principes qu’il nous semble nécessaire d’aborder. L’atelier d’écriture n’est pas un cours de français. Pas de dissertation, de commentaire composé ou de lecture analytique. L’atelier d’écriture propose une autre dynamique en mélangeant trois espaces : * un atelier – comme il existe des ateliers d’artistes ou d’artisans : un lieu de travail, de construction, de mise en forme ; * un laboratoire – un endroit où l’on teste des choses, où l’on expérimente ; * un terrain de jeux – un lieu où l’on décortique la langue et on voit où elle peut nous emmener, le tout avec une approche ludique, ce qui n’empêche pas de travailler les compétences que les élèves doivent acquérir au cours de leur scolarité. Il a donc pour but de développer la créativité, et de permettre aux élèves de s’exprimer librement. Il n’est pas question d’apprendre ici le métier d’écrivain, mais de faire une expérience de l’écriture différente de celle à laquelle on est habitué en classe. Parce que l’atelier d’écriture n’est pas un cours de français, il peut être intéressant qu’il se passe dans un autre lieu que la salle de classe habituelle : la bibliothèque de l’établissement, une salle de réunion réaménagée… Si cela est impossible, on peut modifier la disposition des tables dans la classe. L’atelier d’écriture supporte mal les rangées ; on leur préfèrera des ilots de trois ou quatre tables (six à huit élèves environ), avec des espaces pour déambuler, se faire face, se voir, s’entendre et s’écouter lire. L’atelier se déroule en plusieurs temps : * un temps de sensibilisation et de consigne, qui permet d’amener le sujet, d’en faire saisir les enjeux aux participant.e.s ; * un temps d’écriture, que celle-ci soit individuelle ou collective ; * un temps de lecture et de retour : le moment de lecture est primordial dans l’atelier d’écriture, car l’atelier est d’abord un espace de partage. Faire l’expérience de l’atelier, c’est découvrir ce que les autres ont écrit à partir de la même consigne, des mêmes mots de départ par exemple. On n’est pas ici dans une notion de résultat mais plutôt de processus. Il est important d’insister sur cette idée au moment de la lecture qui peut en intimider plus d’un.e : tout le monde est conscient qu’un texte écrit en vingt minutes n’est pas un texte parfait, mais l’image d’un travail à un instant T. L’atelier se fait plus riche dès lors que les participant.e.s jouent le jeu de la lecture. On encouragera la lecture mais on ne la forcera pas. On pourra aussi proposer aux élèves qui hésitent de faire lire leurs textes par d’autres.

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Dans les ateliers proposés dans ce dossier pédagogique, les élèves sont amenés à suivre différentes consignes et ont plusieurs moments d’écriture au sein de la même séance. Ces premiers temps d’écriture sont destinés à mettre l’imagination en branle, à entrer dans l’écriture, à collecter des mots nécessaires pour la suite. Le dernier temps d’écriture de la séance, plus long, permet de produire un texte, grâce aux étapes suivies jusque-là. L’atelier d’écriture n’est pas évalué. Il est essentiel de distinguer atelier d’écriture et notation ou évaluation. Il nous semble que ce serait prendre les élèves en traitre que de les faire écrire de manière libre et créative, tout en les évaluant par la suite sur leurs textes. Dès lors, la question (que l’on entend souvent) : « Il faut écrire combien de lignes ? » devient obsolète. Il ne faut pas, mais il est difficile de faire comprendre aux élèves qu’ils et elles doivent écrire ce qu’ils et elles ont à écrire, et qu’on peut s’arrêter quand on a le sentiment d’avoir terminé. On peut ici parler du haïku, cette forme japonaise extrêmement courte – puisqu’elle est constituée de trois vers de 5, 7 et 5 syllabes – qui a souvent une force incroyable. L’orthographe est secondaire. Il ne s’agit pas de dire que l’orthographe n’est pas importante en soi, mais on part du principe que les élèves peuvent éprouver des difficultés si on leur demande de multiplier les points sur lesquels ils ou elles doivent se concentrer : ce qu’ils ou elles veulent dire, comment le formuler, comment l’écrire, etc. Dès lors, on préfère dans un premier temps se concentrer sur ce qu’ils ou elles veulent et ont à dire, pour ensuite, dans un temps de réécriture (hors atelier), corriger le texte et l’améliorer. Bien sûr, il arrive que les élèves soient en demande – l’orthographe de ce mot est-elle correcte ? Peut-on épeler tel autre terme ? On leur répondra, mais on ne corrigera pas immédiatement une conjugaison au passé simple, même si celle-ci nous a fait nous raidir ! La bienveillance, elle, est primordiale. Hubert Haddad l’explique de manière très claire dans Le nouveau magasin d’écriture1 : « Indispensable est le crédit entier, la fraternité qu’on accorde aux participants quels qu’ils soient (plus on rencontre de situations difficiles, plus le rapport d’empathie s’impose). L’encouragement, le soutien, l’approbation doivent appuyer en permanence le travail des plus jeunes, dans le mouvement simple de la découverte. Ne jamais émettre de jugement de valeur, de critique négative, d’impatience moralisante avec les plus jeunes. » Dans ce dossier pédagogique, un premier atelier a été pensé pour être réalisé sur deux périodes (2 x 50 minutes), et un second, sur trois périodes. Le premier atelier propose d’approcher le thème de manière poétique. Le second invite à se plonger dans la matière accumulée et permet d’arriver à un premier jet de texte autour du thème du concours « Histoires élémentaires ».

ATELIER 1 / ÉLÉMENTAIRE, MON CHER WATSON ! DURÉE : 100 MINUTES 1 HADDAD, Hubert, Le nouveau magasin d’écriture, « Six principes majeurs en prélude, principe V », éd. Zulma, 2006.

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OBJECTIF DE LA SÉANCE Cet atelier propose aux élèves d'explorer la thématique des 4 éléments, avec une approche poétique. Ils et elles découvriront et manipuleront des textes d'auteur.e.s pour se les approprier.

POURQUOI CETTE SEANCE ? Les différentes propositions veulent pousser les élèves à sortir de considérations parfois très terre-àterre et à "se frotter" aux textes. Avec l'exercice initial, on veut montrer que l'intérêt pour la littérature nait d'abord de l'émotion qu'elle provoque en soi, et qu'on a le droit, évidemment, d'être insensible à certains textes ; qu'il en existe tant qu'il doit pourtant y en avoir au moins un pour nous parler. Les blitz-bristol permettent un travail ludique autour de la langue, et mettront aussi en avant l'importance de l'intonation et de la façon de lire. Enfin, le centon aura pour but de montrer que lecture et écriture sont indissociables, et que l'inspiration se nourrit (notamment des textes des autres). On pourra en profiter pour évoquer la différence entre inspiration et plagiat. Cette séance a été pensée comme une introduction au deuxième atelier. Elle peut néanmoins se suffire à elle-même. Déroulement de la séance H (début de la séance) : Les élèves s'installent en groupes de cinq à sept personnes. Expliquer la démarche de l'atelier d'écriture et ses règles2. Donner le thème de la séance : les 4 éléments. Les faire retrouver aux élèves (l'air, l'eau, le feu, la terre), leur demander ce que ça leur évoque. H + 10' : L'entrée en poésie Lire les vers suivants, extraits de poèmes qui évoquent un des quatre éléments. On propose aux élèves une écoute active, et sensible : il s'agit d'entrer en poésie et de découvrir ce qui fait résonner des choses en soi. En fonction du nombre d'élèves et de l'espace disponible, deux possibilités pour chaque extrait : - demander aux élèves de bouger dans la classe en fonction de deux pôles : un "j'adore" et un "je déteste", ils et elles se positionnent alors où ils et elles le souhaitent (avec toutes les nuances possibles entre). - demander aux élèves de se lever pour les extraits qu'ils et qu’elles apprécient. Cette version demande des réponses plus binaires, mais peut être utilisée plus facilement en grand groupe ou dans un lieu avec peu d'espace.

2 Cf. « L’atelier d’écriture en classe » pp. 3 et 4.

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[Air] Dehors, l'air qui s'ennuie devient le vent. Guillevic

[Terre] La terre labourée où murissent les graines Ondulera, joyeuse et douce, à petits flots, Heureuse de sentir dans sa chair souterraine Le destin de la vigne et du froment enclos. Anna de Noailles

[Feu] Vois les lignes de ta main, De tes doigts vois les empreintes. Rien n'est pareil. L'être humain À chaque fois est unique. L'air est le même pour tous et l'eau des puits est la même et la terre où nous marchons. Mais le feu qui brule au fond de toi, tant qu'il te fait vivre, il est à toi, rien qu'à toi. Liliane Wouters

[Eau] L’océan sonore Palpite sous l’œil De la lune en deuil Et palpite encore Paul Verlaine

[Air] La poussière une voyageuse comme moi une immigrante comme moi qui, malgré tout, ne s'enracine nulle part Sans patrie elle vient de tous les horizons portée sous les aisselles du vent Le vent la ramasse avec son balai avec sa chevelure épaisse ou avec ses mains Il la sème là où personne ne la soupçonne Il la sème même dans le tiroir secret du cœur Maram Al-Masri

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[Terre] La terre tourne c'est arrivé c’est arrivé comme ça c’est arrivé c’est tout à coup qu’j’ai senti la terre qu’j'ai senti la terre qu’j’l’ai sentie tourner et que j’tournais que j’tournais oh oui j’tournais avec elle Laurence Vielle [Feu] Chez ses parents, Mehdi a la responsabilité de la cheminée. Le soir, il jette une couverture de cendres sur les braises. C’est pas pour les rallumer plus vite le matin, ni pour économiser une allumette. C’est pour que le feu ait chaud, la nuit, sous une bonne épaisseur de gentillesse. David Dumortier [Eau] La Seine a de la chance Elle n'a pas de souci Elle se la coule douce Le jour comme la nuit Et elle sort de sa source Tout doucement, sans bruit, Et sans se faire de mousse Sans sortir de son lit Jacques Prévert H + 20' : Le blitz-bristol Le bristol est un jeu poétique inventé par l'Oulipien Frédéric Forte. Il s'agit de poésie combinatoire, à la manière des Cent mille milliards de poèmes, de Raymond Queneau. Le bristol consiste à inscrire sur des cartes (bristol, donc), différents types de mots ou expressions, tous tournant autour du même thème, puis de les lire dans l'ordre des cartes. Le jeu peut ensuite être rebattu : les cartes remélangées créent alors un nouveau texte. Le blitz-bristol est une variante du bristol. Il nécessite deux jeux de cartes, explorant deux champs sémantiques opposés : guerre/paix, enfant/adulte... Dans notre cas, il va s'agir de confronter deux éléments : l'air et la terre, l'eau et le feu... Les élèves travaillent par deux. Cette activité nécessite des feuilles A4 découpées en huit (8 morceaux par binôme, prévoir un peu plus pour les erreurs), ou, encore mieux, des bristols. Lire un bristol (modèle en annexe), puis rebattre les cartes pour en faire une nouvelle lecture. Faire une lecture croisée des deux textes (guerre et paix). Ces exemples peuvent être théâtralisés : Frédéric Forte, par exemple, lance les cartes une fois qu'il les a lues. Reprendre les cartes une par une et demander aux élèves d'identifier les types de mots ou expressions utilisés : un verbe à l'infinitif, un complément circonstanciel, une comparaison (comme...), un adverbe, un adjectif ou un participe passé, un gérondif et son complément.

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H + 35' : Chaque binôme tire au sort un élément (voir papiers en annexe), et le garde secret. Chaque paire imagine ensuite 8 bristols autour de son élément. Attention, pour faciliter la lecture, les bristols doivent tous être positionnés en format paysage (sur leur longueur), et complétés le plus lisiblement possible ! De plus, le nom de l'élément ou des mots de la même famille ne doivent pas apparaitre sur les bristols. H + 45' : Proposer à deux élèves de deux binômes différents (s'assurer discrètement que leurs éléments sont différents) de partager une lecture de leurs bristols. Chacun.e lit d'abord de manière individuelle sa série ; les autres doivent alors en deviner le thème. Puis, l'élève rebat le jeu et le relit, cette fois en alternance avec l'autre personne. En même temps, proposer aux autres élèves de relever un enchainement de deux bristols qui fonctionnerait particulièrement bien. Renouveler cette expérience avec deux autres élèves et deux autres éléments, autant de fois que vous le souhaitez. H + 60' : Le centon Le centon est un texte littéraire constitué d'éléments piochés dans d'autres textes, et réarrangés selon le bon vouloir de l'auteur.e pour créer un nouveau texte. Distribuer le texte suivant aux élèves. Il était un petit homme : Mon ami pierrot qui courait dans l'herbe - Colchiques dans les prés, fleurissent, fleurissent Il est passé par ici Il repassera par là Il partit pour un long voyage Ne sait quand reviendra. Des messieurs lui disent : Dormez-vous ? Dormez-vous ? Savez-vous planter les choux ? Le leur faire lire. La classe en reconnait-elle des passages ? Lesquels ? De quoi ces phrases sontelles extraites ? Le texte est un collage de passages de chansons populaires : Pirouette cacahuète, Au clair de la lune, Une souris verte, Colchiques dans les prés, Le furet, Un petit navire, Malbrough s'en va-t-en guerre, Frère Jacques, et Savez-vous planter les choux ? H + 70' : Les élèves travaillent seul.e.s. Ils et elles vont devoir faire la même chose à partir des quatorze textes évoquant les 4 éléments. (Les quatorze textes sont en annexe.) Mettre des copies des textes au milieu de chaque table (les textes sont découpés, et peuvent être présents en deux ou trois exemplaires pour faciliter la manipulation). On ne vise pas ici la lecture et la compréhension approfondies des textes. On cherche plutôt à mettre en avant le fait de survoler des lignes pour voir ce qui nous "accroche" : quels mots nous interpellent, quelles expressions nous séduisent, que voudrait-on garder ? H + 90' : Proposer aux élèves volontaires de lire leur texte.

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H + 100' : Fin de la séance.

ATELIER 2 / SE SOUVENIR, RESSENTIR, ÉCRIRE. DURÉE : 150 MINUTES

OBJECTIF DE LA SÉANCE 10 HISTOIRES ÉLÉMENTAIRES Concours de textes 2018 Dossier pédagogique


Dans cet atelier, les élèves seront amené.e.s à écrire un court récit à partir d’un souvenir. Dans leur texte, ils et elles donneront vie à un objet inanimé pour qu’il devienne un personnage.

POURQUOI CETTE SÉANCE Avec les étapes de travail proposées, nous souhaitons inviter les élèves à explorer leurs émotions. Observer le jaillissement d’une émotion permet de se libérer de son emprise, mais aussi de mieux se connaitre. L’écrire permet de ne pas laisser disparaitre ce qui nous a animé.e.s intimement ; c’est aussi transposer le mouvement de la vie par lequel nous sommes traversé.e.s et renforcer notre lien avec le monde. Pour débuter l’atelier, la découverte d’un poème pousse les élèves à s’interroger sur la manière dont les éléments résonnent en elles et eux. DÉROULEMENT DE LA SÉANCE H (début de la séance) : Les élèves s’installent en groupes de cinq à huit personnes. Expliquer l’objectif de la séance et présenter le thème du concours. H + 5’ : Distribuer ce poème aux élèves et demander qu’un.e élève le lise à voix haute. L'eau m'a mouillé, Giflé, désaltéré. Elle m'a porté, bercé, Enveloppé. Elle a fait encore Bien d'autres choses, Comme de couler sur moi, D'être une épaisseur. Je crois sentir qu'il y a une chose Que l'on peut faire à travers elle, Et je ne sais pas laquelle. Guillevic, dans « Encoches » Demander aux élèves comment ils et elles interprètent la fin du poème. Par groupe, sur le mode de l’écriture automatique (donc sans réfléchir à ce qui surgit), ils et elles dressent une liste de mots (émotions, sensations ou autre) que ce poème leur inspire : des impressions agréables, désagréables, les sens qui sont sollicités… Ici, c’est la spontanéité qui importe.

H + 20’ : Lecture collective : chaque groupe choisit de lire à haute voix deux ou trois mots de sa liste. On écoute les résonances et les divergences, d’un groupe à l’autre, en ayant en tête les phrases d’Hubert Haddad : « Un impératif liminaire à toute investigation du langage pour lui-même dans l’espace poétique, est l’oubli du sens : les mots n’ont plus de signification fixe. Il s’agit de les

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associer au gré de phrases où seuls importent musicalité, rythme et métaphore. Derrière le hasard et l’arbitraire, l’inconscient veille. Le non-sens ouvre à de nouvelles cohérences. » H + 25’ : Les élèves relèvent les deux prépositions que contient le poème (sur et à travers). Au tableau, avec l’aide des élèves, lister un maximum de prépositions : - celles qui situent dans l’espace : sur, en-dessous, derrière, à côté, contre, vers… - celles qui situent dans le temps : avant, depuis, jusqu’à, à partir de, dès… - celles qui précisent la manière, la cause… : fait de, en, avec, pour, par, malgré… H + 35 : Au préalable : avoir photocopié et découpé la liste des actions : Noircir Ensevelir Consumer

Parfumer Énerver Glacer

Enfoncer

Vider

Recouvrir

Éventer

Enfumer

Envoler

Refléter

Envelopper

Ébouillanter Caresser

Nourrir

Éclairer Bercer

Glisser

Dissimuler Bousculer

Pétiller Peser

Réchauffer

Évaporer

Révéler

Avaler

Troubler

Protéger

Chanter

Chaque élève pioche un de ces verbes dans un chapeau et identifie l’élément lié, selon elle ou lui, à cette action. Attention : choisir l’eau, c’est s’obliger à trouver d’autres mots que ceux de Guillevic ! Il.elle complète le poème à trous, à la manière de Guillevic, au sujet de l’élément qu’il.elle a choisi et en intégrant l’action piochée ainsi qu'au moins 2 prépositions. H + 50’ : Proposer une lecture collective. On lit soit son mot et l’élément choisi, soit son poème. H + 55’ : Distribuer l’extrait de Giono aux élèves, le lire lentement à voix haute après leur avoir demandé de tenter de se représenter la scène. Sur la feuille, sous le poème, lui inventer une légende, ou un titre (en un mot ou plusieurs, ou en une phrase entière, voire deux) : « C’était une nuit extraordinaire. Il y avait eu du vent, il avait cessé, et les étoiles avaient éclaté comme de l’herbe. Elles étaient en touffes avec des racines d’or, épanouies, enfoncées dans les ténèbres et qui soulevaient des mottes luisantes de nuit. Jourdan ne pouvait pas dormir. Il se tournait, il se retournait. « Il fait un clair de toute beauté », se disait-il. Il n’avait jamais vu ça. Le ciel tremblait comme un ciel de métal. On ne savait pas de quoi puisque tout était immobile, même le plus petit pompon d’osier. Ça n’était pas le vent. C’était tout simplement le ciel qui descendait jusqu’à toucher la terre, racler les plaines, frapper les montagnes et faire sonner les corridors des forêts. Après, il remontait au fond des hauteurs. » Jean Giono, Que ma joie demeure. H + 65’ : Sur la même feuille, les élèves décrivent en maximum 5 lignes la scène d’un souvenir : un lieu et une émotion/sensation intense provoquée par un des quatre éléments, ressentie dans ce lieu.

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H + 75’ : Passer la description à son voisin ou à sa voisine de droite, qui lui attribue un titre ou une légende, même longue. On peut y glisser les mots, verbes… entendus lors des exercices précédents. H + 85’ : Distribuer Le Pont de Kafka et lire le texte à voix haute. En haut de la feuille avec le texte, les élèves réécrivent la légende ou le titre qu’ils et qu’elles viennent d’inventer. J’étais solide et froid, j’étais un pont, un pont jeté sur un ravin. Les orteils d’un côté, les mains de l’autre, j’étais fermement agrippé dans l’argile gluante. Les basques de ma veste me cinglaient les flancs. Glacé, au fond du gouffre, grondait le flot poissonneux. Nul promeneur ne s’aventurait à ces hauteurs inabordables ; le pont n’avait jamais été mentionné sur aucune carte. J’étais là et j’attendais ; je ne pouvais qu’attendre. À moins de s’écrouler, aucun pont, une fois établi, ne saurait cesser d’être un pont. Un certain jour, à l’approche du soir – était-ce le premier, était-ce le millième ? Je ne saurais le dire : mes pensées indistinctes tourbillonnaient continument dans un cercle. – C’était sur le soir, en été. Le gargouillis du torrent paraissait très assourdi, quand un bruit de pas se fit entendre. De plus en plus proche, de plus en plus proche ! Pont, raidis-toi, apprête-toi, passerelle, à porter le voyageur que l’on t’abandonne. Si sa démarche est incertaine, garantit secrètement son aplomb ; mais s’il chavire, manifeste tes compétences et, comme le ferait une divinité des sommets, repousse-le sur la terre ferme, du côté où il souhaite se rendre. Il vint ; il me sonda de la pointe ferrée de sa canne ; puis, au moyen de celle-ci, il souleva les basques de ma veste et les rabattit sur mon dos. Il promena longtemps la pointe de sa canne dans ma chevelure en broussaille, m’oubliant sans doute, tandis que son visage farouche pivotait autour de lui. Mais soudain – alors qu’en pensée je l’escortais par-delà les monts et les plaines – il bondit à pieds joints sur mes reins. Je vibrai d'une méchante douleur, sans comprendre ce qui m’arrivait. Qui était-il ? Un enfant ? Un rêve ? Un bandit ? Un désespéré ? Un corrupteur ? Un exterminateur ? Et je me retournai pour me rendre compte. Un pont, se retourner ! À peine mon mouvement accompli que déjà je tombai, je m’écroulai, et qu’en un instant je me vis disloqué et transpercé par les roches acérées qui toujours m’avaient si impassiblement contemplé, d’en bas, à travers la ruée des eaux. Franz Kafka, « Le Pont » H + 90’ : Sur la même feuille, sous le texte, les élèves s’inspirent de leur titre/légende pour réécrire la première phrase du récit de Kafka, de manière à la faire correspondre au titre ou à la légende : qu’estce qui, dans la scène de leur voisin.e, pourrait être le narrateur, quel objet ou élément pourrait prendre une forme « humaine » ? « J’étais ________________ et _____________________, j’étais un.e _____________________, un.e (qui) ___________________________________________________________________.

H + 100’ : Distribuer la feuille sur la personnification et expliquer. Par groupe, les élèves répondent aux questions qui portent sur le texte de Kafka : - qui est le personnage principal ? Décrivez-le. - qui est l’intrus ? Décrivez-le. - relevez les expressions et effets de style par lesquels l’auteur ralentit l’action pour créer du suspens. - relevez tous les mots qui font du pont un être humain. H + 120’ : Deux solutions s’offrent aux élèves :

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- soit les élèves travaillent seuls. Ils et elles s’inspirent du titre ou de la légende obtenu.e précédemment, ainsi que de leur nouvelle première phrase du Pont, pour écrire un récit sur le modèle de celui de Kafka. Si cela les aide, la nouvelle première phrase peut être le début de leur propre récit. - soit les élèves travaillent par groupes de 6. Ils et elles mettent en commun leurs nouvelles premières phrases et titres/légendes inventés, en les lisant à voix haute. De cette manière, à l’intérieur du groupe, les élèves peuvent s’échanger leurs phrases et titres/légendes, s’ils et elles le souhaitent. Ensuite, individuellement, les élèves écrivent un récit qui doit contenir la description d’un lieu, un élément ou un objet personnifié, raconter une intrusion d’un second personnage (ou de plusieurs) dans ce lieu, et un évènement qui provoque une crise. H + 140’ : lecture collective. Pour susciter une écoute active, on propose aux autres élèves de deviner de quel objet ou élément il est question dans le texte entendu. H + 150’ : fin de l’atelier.

ATELIER 1 / ÉLÉMENTAIRE, MON CHER WATSON ! ANNEXE 1 - BLITZ-BRISTOL : CARTES À DÉCOUPER. 1/ Les cartes « guerre ».

14 HISTOIRES ÉLÉMENTAIRES Concours de textes 2018 Dossier pédagogique


se battre

tous les matins du monde

comme si c'était un but

férocement

agiles

en hurlant

lutter

avec le regard fou

comme des soldats

interminablement

armés

en cherchant à être grand

15 HISTOIRES ÉLÉMENTAIRES Concours de textes 2018 Dossier pédagogique


2/ Les cartes « paix ».

renoncer

avec sagesse

comme le silence après l'orage

calmement

léger

en regardant l'horizon

pardonner

sans regrets

comme au bout du chemin

joyeusement

confiantes

en chantant des sons d'ailleurs

16 HISTOIRES ÉLÉMENTAIRES Concours de textes 2018 Dossier pédagogique


17 HISTOIRES ÉLÉMENTAIRES Concours de textes 2018 Dossier pédagogique


ATELIER 1 / ÉLÉMENTAIRE, MON CHER WATSON ! ANNEXE 2 - CARTES À DÉCOUPER. QUATRE EXEMPLAIRES DE CHAQUE ÉLÉMENT.

LA TERRE

LA TERRE

LA TERRE

LA TERRE

L'EAU

L'EAU

L'EAU

L'EAU

L'AIR

L'AIR

L'AIR

L'AIR

LE FEU

LE FEU

LE FEU

LE FEU

18 HISTOIRES ÉLÉMENTAIRES Concours de textes 2018 Dossier pédagogique


ATELIER 1 / ÉLÉMENTAIRE, MON CHER WATSON ! ANNEXE 3 – CENTON. TEXTE À PHOTOCOPIER POUR LE DISTRIBUER AUX ÉLÈVES.

Il était un petit homme : Mon ami pierrot qui courait dans l'herbe - Colchiques dans les prés, fleurissent, fleurissent Il est passé par ici Il repassera par là Il partit pour un long voyage Ne sait quand reviendra. Des messieurs lui disent : Dormez-vous ? Dormez-vous ? Savez-vous planter les choux ?

19 HISTOIRES ÉLÉMENTAIRES Concours de textes 2018 Dossier pédagogique


ATELIER 1 / ÉLÉMENTAIRE, MON CHER WATSON ! ANNEXE 4 – 14 TEXTES SUR LES 4 ÉLÉMENTS Textes à photocopier en plusieurs exemplaires. Ils peuvent être présents en deux ou trois exemplaires dans chaque ilot.

TEXTE 1 : Les mains libres, Jeanne Benameur La nuit précédente, il a fait un rêve. C'est pour cela qu'il lui a apporté la pierre. À cause du rêve. Un jardin qu'il n'avait jamais vu nulle part. Eux trois, avec le vieux et Cestia, ne connaissent pas les espaces où poussent des plantes, des fleurs que les mêmes mains soignent, que les mêmes yeux attentifs surveillent et contemplent, au fil des jours. Eux, ils ne connaissent que l'herbe, les fleurs, les plantes, les arbres qui poussent à l'air et l'eau du ciel. Eh bien, il a rêvé de cela qu'il ne connait pas : un jardin. Et le jardin était clos de murs. Aucune porte. Aucun accès. Comment pénétrer. Pourtant, les fleurs étaient soigneusement assemblées, les couleurs harmonieusement choisies. Ce n'était pas un jardin de hasard. Des massifs, des allées étroites. C'était un lieu où on aurait voulu rester, longtemps, à regarder croitre et décroitre la lumière. La paix vivante. Vargas l'avait sentie dans chaque fibre de son corps. La paix vivante était encore là alors qu'il était éveillé depuis longtemps. Elle ne le quittait plus.

TEXTE 2 : La trouille, Julia Billet J'ai beau avoir confiance en cette doctoresse, j'ai quand même eu un gros doute jusqu'à ce qu'on se retrouve au pied de cette montagne. Le moteur s'est arrêté, on est descendus après quelques minutes d'immobilité et de silence. Quand j'ai levé la tête, j'ai été étourdi : à quelques encablures il y avait la neige et au-dessus, tout en haut, un sommet, des sommets, des pics blancs dans le ciel trop bleu pour les yeux. Un ciel sans limite. Sans nuage. Un ciel grand comme l'univers. Un ciel qui cognait dans la tête par trop de clarté. Tout cet espace devant moi, au-dessus de moi, ça s'est engouffré dans ma poitrine d'un coup, ça m'a coupé le souffle. J'ai fermé les yeux tellement la lumière y entrait trop vite, trop fort. Fulgurance presque douloureuse. J'ai eu la nausée. Personne n'a rien dit. Les vieux et les autres étaient comme moi. Bouche bée. Immobilisés. Trop remplis de tant d'air, de tant de surface, de tant de silence. De tout cet espace dessus, dessous, devant. De nous si petits. Je n'avais jamais vu la montagne d'aussi près. Une montagne de pierre et de neige, devant moi, obstruant l'horizon à la verticale. Une montagne d'histoires, des millénaires à portée de jambes.

20 HISTOIRES ÉLÉMENTAIRES Concours de textes 2018 Dossier pédagogique


TEXTE 3 : La vraie couleur de la vanille, Sophie Chérer - De l’autre côté, loin là-bas vers le nord, c’est l’Europe, Edmond, c’est la France. Je t’y emmènerai un jour. Un botaniste doit connaitre le printemps en Europe. C’est la plus belle saison du monde pour nous. Imagine. Tu vois ces forêts qui nous entourent ? De toute part, les coteaux ruisselaient d’orangers, de manguiers, de goyaviers, de frangipaniers, de palmistes, de tamarins, d’arbustes toujours verts, et jaunes, roses et violets, multicolores. Plus loin, sur les hauteurs, les vacoas, les filaos et les fanjans s’ébrouaient dans la brise. - Imagine-les sans rien ! Plus une seule feuille aux branches, pas une fleur, pas un fruit, plus un seul chant d’oiseau. Du silence. Une couleur uniforme, partout. Un gris marron couleur de boue. Des troncs et des branches rabougris. Du bois nu, du bois noir, du bois comme mort. Il fait froid. C’est-àdire que… l’air… l’air devient comme l’eau des cascades d’ici, quand tu te baignes dedans. Comme quand tu appuies ton visage contre une fenêtre, tôt le matin. Ta peau frissonne, picote. Le ciel est bouché. Certains jours il en tombe comme des fleurs minuscules, transparentes, glacées, qui disparaissent quand on essaie de les attraper mais s’accumulent et deviennent blanches quand elles touchent le sol. Alors elles ressemblent à une croute de sucre, et crissent et craquent quand on marche dessus, c’est la neige. - La neige, répéta Edmond, qui trouvait que ce mot était comme une fleur. - Mais ça, ce n’est pas le printemps. C’est ce qui vient avant et qui n’existe pas ici. L’hiver. Oui, le printemps commence toujours par l’hiver, par le manque, par l’attente, le désir du printemps. D’abord on ne voit rien. On ne note aucun changement. Le premier signe, c’est l’odeur. Comme quand une femme s’apprête à entrer dans la pièce et que les mouvements de ses jupes envoient des bouffées de son parfum au-devant d’elle. Ça sent la vie. Ensuite, on aperçoit, au ras du sol, et puis à hauteur d’yeux, au bout des rameaux, des pousses fraiches, des bourgeons. Les Grecs appelaient ce mois, le huitième mois de leur année, le mois d’Anthestérion, ce qui veut dire la fabrique des fleurs. Tout devient peu à peu vert tendre et orangé, couleur de miel, et rose, et blanc. Les jours rallongent, le soleil se lève de plus en plus tôt, se couche de plus en plus tard. Un matin, avant l’aube, c’est une fanfare. Une explosion. Un concert de milliers d’oiseaux. Ils sont revenus. Les plantes elles-mêmes deviennent animales. Les fleurs des noisetiers s’appellent des chatons, d’ailleurs. Les peupliers se mettent à mousser, comme des toisons d’agneaux nouveau-nés. On a envie de les flatter. Les fleurs surgissent, comme des cadeaux. Celles des iris ! l’air d’être emballées dans du papier de soie. Celle des coquelicots ! pliées comme des gants de peau souple dans des coquilles de noix. On a envie de les garder. Mais le printemps ne peut pas s’enfermer. Il passe…

21 HISTOIRES ÉLÉMENTAIRES Concours de textes 2018 Dossier pédagogique


TEXTE 4 : La ferme africaine, Karen Blixen Les Masaïs qui étaient mes voisins de l'autre côté du fleuve allumaient à cette époque de grands feux dans la plaine, pour que leur bétail puisse avoir de la jeune herbe fraiche à la première pluie. L'air de la plaine vibrait au-dessus de l'immense incendie, et les nuages de fumée grise, irisée des couleurs d'un prisme, arrivaient sur nos terres comme l'haleine d'un four. D'immenses nuages couleur de roses et de violettes s'assemblaient dans le ciel et se déversaient au loin en averses légères. Une même et unique pensée, pendant des jours, obsédait le monde entier. Et puis un soir, juste avant le coucher du soleil, on voyait l'horizon se resserrer brusquement, comme si les montagnes se rapprochaient de la maison, une vie soudaine animait leurs verts et leurs bleus profonds. En sortant quelques heures plus tard, je constatais que les étoiles avaient disparu, mais que l'air nocturne était chargé de promesses. Des souffles précipités passaient bientôt au-dessus de ma tête, c'était le vent dans les grands arbres de la forêt, ce n'était pas encore la pluie. Un souffle balayait ensuite la terre, c'était le vent dans les herbes, et dans les buissons, ce n'était pas davantage la pluie. Vous entendiez encore un bruissement et un murmure au ras du sol, on eût dit le bruit joyeux de la pluie, - combien de fois ne m'y suis-je pas laissée prendre ? - tout frémissant que l'on est de voir paraitre l'acteur attendu : ce n'était pourtant pas la pluie. Mais lorsque la terre répondait comme une table d'harmonie avec un rugissement sourd qui montait, lorsque le monde entier chantait autour de moi, par-dessus, par-dessous, par côté, partout, alors c'était la pluie. C'était comme le retour à la mer dont on aurait été longtemps sevré, comme l'étreinte du bienaimé.

TEXTE 5 : Le marin à l'ancre, Bernard Giraudeau Jour de tempête à Larnaka. J’ai dormi dans une caravane sur le plateau. Elle flotte, me croiras-tu ? Noé est tout seul au milieu du déluge. Il ne pleut que dix fois par an et jamais à cette saison. C’est un endroit des premiers matins, nu, paisible, que l’histoire du monde laisse indifférent. C’est un endroit sans rumeur, sans cri, où rien ne se passe, jamais, sauf aujourd’hui. Je veille depuis l’aube. Mon arche résiste. Des trombes d’eau s’abattent sur mon décor carton. Apparemment, tout tient. Un gros crabe rouge brave la marée d’eau douce et tente d’approcher mon habitat amphibie. On vient me tirer de là sans doute. Le bulldozeur hésite dans le fleuve de boue. Il étire sa pince pour souder le chemin. Il titube. Retour à Larnaka sous les eaux. Il y a des sacs de plastique qui flottent comme de grosses méduses. Qu’ont-ils fait, les pauvres, pour que les dieux leur balancent de la flotte ? Il faudrait interroger la Pythie mais ici, tout le monde s’en fout. Les pieds dans l’eau, la tête au soleil, on s’y retrouvera toujours.

TEXTE 6 : La part des nuages, Thomas Vinau Au-dessus de sa tête, à perte de vue, l'immense bleu immense. Parsemé ici et là de ces beaux petits nuages dodus d'après l'orage. Tous replets et joufflus. Bien gonflés d'eau et de lumière. Son regard, qui ne regardait rien précisément, s'attardait sur leurs formes, leurs densités, les nuances de leurs couleurs. Quelque chose le dérangeait, le réveillait soudain sans qu'il puisse le formuler. Il se redressa sur sa chaise, plantant ses yeux dans les formes blanches avec virulence et énergie, mais le résultat fut le même. Rien. [...] Il redoubla d'efforts, plantant ses yeux dans les cumulus et les nimbus, énumérant toutes sortes de mots qui pourraient relancer la bête, la machine, l'imagination, passant d'un nuage à l'autre, presque frénétiquement. Il fronça les sourcils. S'inquiéta. Peut-être même qu'une légère peur commença à l'envahir. Rien n'y fit. Il ne parvenait plus à distinguer la moindre forme, le plus petit visage, dans les nuages.

22 HISTOIRES ÉLÉMENTAIRES Concours de textes 2018 Dossier pédagogique


TEXTE 7 : Océan mer, Alessandro Baricco Le vieil homme marche sur le sable, et il a encore plus de mal, mais ça n'a pas d'importance, il ne veut pas s'arrêter et, puisqu'il ne s'arrête pas, il finit par arriver devant la mer. La mer. Les gens cessent de chanter, ils s'arrêtent à quelques pas du rivage. Maintenant, il a presque l'air encore plus seul, le vieil homme, et il met un pied devant l'autre lentement, comme ça, et il entre dans la mer, tout seul, il va dans la mer. Quelques pas, jusqu'à ce que l'eau lui arrive aux genoux. Son vêtement, trempé, s'est collé autour de ces jambes toutes maigres, rien que la peau et les os. La vague avance puis repart en arrière, et il est si mince, lui que tu croirais qu'elle va l'emporter. Mais non, il reste là, comme planté dans l'eau, les yeux fixés devant lui. Les yeux droit dans ceux de la mer. Silence. Plus rien ne bouge, aux alentours. Les gens retiennent leur souffle. Un sortilège. Alors le vieil homme baisse les yeux, plonge une main dans l'eau et lentement dessine le signe d'une croix. Lentement. Il bénit la mer. Et c'est quelque chose de gigantesque, il faut que vous essayiez d'imaginer ça, un vieil homme faible, un geste de rien, et tout à coup la mer immense parcourue d'une secousse, la mer tout entière, jusqu'à son horizon ultime, elle tremble, elle bouge elle fond, et dans ses veines se diffuse le miel d'une bénédiction qui ensorcèle chacune de ses vagues, et tous les bateaux du monde entier, les tempêtes, les abysses les plus profonds, les eaux les plus sombres, les hommes et les animaux, ceux qui sont en train d'y mourir, ceux qui ont peur, ceux qui à ce moment-là la regardent, envoutés , terrorisés, bouleversés, heureux, marqués, quand tout à coup elle penche sa tête, l'espace d'un instant, la mer immense, et n'est plus énigme, n'est plus ennemie, n'est plus silence mais fraternelle, refuge paisible, spectacle pour des hommes sauvés. La main d'un vieil homme. Un signe, sur l'eau. Tu regardes la mer, et elle ne te fait plus peur. C'est fini. TEXTE 8 : Notes de chevet, Sei Shônagon Le vent. La tempête. L'ouragan qui dessèche les arbres, en automne et en hiver. Au troisième mois, la brise qui souffle doucement le soir au crépuscule, annonçant la pluie, me charme le cœur. Le vent mêlé de pluie qui souffle au huitième et au neuvième mois m'émeut aussi beaucoup. L'averse raie le ciel de traits obliques ; il est amusant de voir les gens mettre par-dessus leur vêtement non doublé, de soie raide, l'habit ouaté qu'ils ont porté tout l'été, auquel la sueur, en séchant, a laissé son odeur. [...] À l'aube, quand les fenêtres de treillis et les portes à deux battants sont ouvertes, toutes grandes, la rafale entre soudainement, et vous point le visage. C'est ravissant. Vers la fin du neuvième mois et le début du dixième, le ciel est couvert de nuages, le vent souffle très fort ; les feuilles jaunies des arbres se répandent et font en tombant le même bruit que la pluie : "horohoro". C'est d'une mélancolie délicieuse. [...] En automne, le lendemain d'un jour où la tempête a fait rage, on ressent une étrange impression de tristesse. Les clôtures à clairevoie, faites de bambous, les paravents extérieurs sont renversés les uns à côté des autres, et l'aspect du jardin est pitoyable. On est déjà peiné en voyant un grand arbre abattu, dont le vent a rompu les branches.

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TEXTE 9 : 101 exercices de philosophie quotidienne, Roger-Pol Droit Allumer un feu dans la cheminée [...] Allumez quelques feuilles et placez cette petite torche juste au centre. Les minutes qui suivent sont les plus intéressantes. Tout d'abord, une réponse immédiate, des crépitements, des flammèches vives, quelques bons claquements. Puis, les premiers sifflements de bois qui suintent. Et, le papier une fois consumé, le temps du doute et de l'inquiétude : les flammes disparaissent, les braises sont presque inexistantes, une lourde fumée signale seule un possible espoir. La fumée continue, elle est dense, assez grosse. Le papier brulé rougeoie encore un peu sur les bords, par franges, et puis s'éteint tout à fait. La pensée vous vient que ce feu ne prendra jamais, qu'une erreur s'est glissée quelque part (bois humide, papier mal plié, trop tassé ou trop lâche). Tout semble comme d'habitude, et cependant vous doutez. Vous craignez, d'une manière absurde, injustifiée, non fondée, que l'opération ne rate. Vous ne savez pas vraiment si le rouge vous vient aux joues à cause de la chaleur ou bien de l'inquiétude. Vous soufflez sur quelques braises, trop maigres, sans succès. La fumée s'épaissit, le chuintement s'intensifie, mais le feu ne prend toujours pas. Vous pensez qu'il va falloir ajouter du papier, recommencer l'opération. Vous doutez. De petites flammes vides, intenses, jaillissent soudain de la fumée, qu'elles dissipent en un instant. Comme si le feu avait soudain explosé. Vous allez suivre à présent sa manière de mordre, sa façon de s'emparer du dessous des buches, de leur lécher l'écorce, de les gaufrer de rouge. Tout va bien. TEXTE 10 : Le parfum, Patrick Süskind Car les Hommes pouvaient fermer les yeux devant la grandeur, devant l'horreur, devant la beauté, et ils pouvaient ne pas prêter l'oreille à des mélodies ou à des paroles enjôleuses. Mais ils ne pouvaient se soustraire à l'odeur. Car l'odeur était sœur de la respiration. Elle pénétrait dans les Hommes en même temps que celle-ci ; ils ne pouvaient se défendre d'elle, s'ils voulaient vivre. Et l'odeur pénétrait directement en eux jusqu'à leur cœur, et elle y décidait catégoriquement de l'inclinaison et du mépris, du dégout et du désir, de l'amour et de la haine. Qui maitrisait les odeurs maitrisait le cœur des Hommes. TEXTE 11 : D’autres vies que la mienne, Emmanuel Carrère Des corneilles se disputaient en coassant les miettes du petit déjeuner. Tout était calme, la journée allait être belle, Philippe a pensé qu’il irait peut-être pêcher avec Jérôme, l’après-midi. À un moment, il a pris conscience que les corneilles avaient disparu, qu’on n’entendait plus de chants d’oiseaux. C’est alors que la vague est arrivée. Un instant plus tôt la mer était étale, un instant plus tard c’était un mur aussi haut qu’un gratte-ciel et qui tombait sur lui. Il a pensé, l’espace d’un éclair, qu’il allait mourir et qu’il n’aurait pas le temps de souffrir. Il a été submergé, emporté et roulé pendant un temps qui lui a paru interminable dans le ventre immense de la vague, puis il a rejailli sur son dos. Il est passé comme un surfeur au-dessus des maisons, au-dessus des arbres, au-dessus de la route. Ensuite la vague est repartie en sens inverse, l’aspirant vers le large.

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TEXTE 12 : Amkoullel l’enfant peul, Amadou Hampaté Ba Mon enfance a été comme une terre glaise dans laquelle on a mis des trous comme dans le couscoussier. Ces trous sont restés et c'est par là que passent les vapeurs pour monter en mon cœur puisque je n'ai rien oublié de mon enfance.

TEXTE 13 : Le plat pays, Jacques Brel Avec la mer du Nord pour dernier terrain vague Et des vagues de dunes pour arrêter les vagues Et de vagues rochers que les marées dépassent Et qui ont à jamais le cœur à marée basse Avec infiniment de brumes à venir Avec le vent de l'est écoutez-le tenir Le plat pays qui est le mien Avec des cathédrales pour uniques montagnes Et de noirs clochers comme mâts de cocagne Où des diables en pierre décrochent les nuages Avec le fil des jours pour unique voyage Et des chemins de pluie pour unique bonsoir Avec le vent d'ouest écoutez-le vouloir Le plat pays qui est le mien Avec un ciel si bas qu'un canal s'est perdu Avec un ciel si bas qu'il fait l'humilité Avec un ciel si gris qu'un canal s'est pendu Avec un ciel si gris qu'il faut lui pardonner Avec le vent du nord qui vient s'écarteler Avec le vent du nord écoutez-le craquer Le plat pays qui est le mien Avec de l'Italie qui descendrait l'Escaut Avec Frida la Blonde quand elle devient Margot Quand les fils de novembre nous reviennent en mai Quand la plaine est fumante et tremble sous juillet Quand le vent est au rire quand le vent est au blé Quand le vent est au sud écoutez-le chanter Le plat pays qui est le mien.

TEXTE 14 : Bérézina, Sylvain Tesson Gras me toucha le bras :« Ici, c'est un haut lieu, vois-tu. - Qu'est-ce qu'un haut lieu ? lui dis-je. - Un haut lieu, dit-il, c'est un arpent de géographie fécondé par les larmes de l'Histoire, un morceau de territoire sacralisé par un geste, maudit par une tragédie, un terrain qui, par-delà les siècles, continue d'irradier l'écho des souffrances tues ou des gloires passées. C'est un paysage béni par les larmes et le sang. Tu te tiens devant, et soudain, tu éprouves une présence, un surgissement, la manifestation d'un je-ne-sais-quoi. C'est l'écho de l'Histoire, le rayonnement fossile d'un évènement qui sourd du sol, comme une onde. Ici, il y a une telle intensité de tragédie en un si court épisode de temps que la géographie ne s'en est pas remise. Les arbres ont repoussé, mais la Terre, elle, continue à souffrir. Quand elle boit trop de sang, elle devient un haut lieu. Alors, il faut la regarder en silence car les fantômes la hantent. »

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ATELIER 2 / SE SOUVENIR, RESSENTIR, ÉCRIRE.

ANNEXE 1 - POÈME ENTIER PUIS À TROUS. À PHOTOCOPIER POUR LES DISTRIBUER AUX ÉLÈVES. 1/ Le poème en entier

Encoches, de Guillevic. L’eau m'a mouillé, Giflé, désaltéré. Elle m'a porté, bercé, Enveloppé. Elle a fait encore Bien d'autres choses, Comme de couler sur moi, D'être une épaisseur. Je crois sentir qu'il y a une chose Que l'on peut faire à travers elle, Et je ne sais pas laquelle.

2/ Le même poème, à trous

La terre/le feu/l’air m'a _______________, ____________________, ____________. Elle/Il m'a __________, ___________, ______________. Elle/Il a fait encore Bien d'autres choses, Comme de _________________, D'être ________________.

Je crois sentir qu'il y a une chose Que l'on peut faire __________________ elle/lui, Et je ne sais pas laquelle. 26 HISTOIRES ÉLÉMENTAIRES Concours de textes 2018 Dossier pédagogique


ATELIER 2 / SE SOUVENIR, RESSENTIR, ÉCRIRE.

ANNEXE 2 - TRENTE-ET-UNE ACTIONS POUR QUATRE ÉLÉMENTS.

Mots à découper. Les élèves puisent chacun.e un de ces mots dans un chapeau.

Noircir

Pétiller

Parfumer

Avaler

Enfumer

Envoler

Glacer

Troubler

Révéler

Vider

Recouvrir

Ensevelir

Énerver

Éventer

Peser

Réchauffer

Ébouillanter

Refléter

Envelopper

Enfoncer

Caresser

Protéger

Nourrir

Bercer

Glisser

Éclairer

Bousculer

Consumer

Évaporer

Dissimuler

Chanter

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ATELIER 2 / SE SOUVENIR, RESSENTIR, ÉCRIRE.

ANNEXE 3 - JEAN GIONO, QUE MA JOIE DEMEURE. C’était une nuit extraordinaire. Il y avait eu du vent, il avait cessé, et les étoiles avaient éclaté comme de l’herbe. Elles étaient en touffes avec des racines d’or, épanouies, enfoncées dans les ténèbres et qui soulevaient des mottes luisantes de nuit. Jourdan ne pouvait pas dormir. Il se tournait, il se retournait. « Il fait un clair de toute beauté », se disait-il. Il n’avait jamais vu ça. Le ciel tremblait comme un ciel de métal. On ne savait pas de quoi puisque tout était immobile, même le plus petit pompon d’osier. Ça n’était pas le vent. C’était tout simplement le ciel qui descendait jusqu’à toucher la terre, racler les plaines, frapper les montagnes et faire sonner les corridors des forêts. Après, il remontait au fond des hauteurs. Légende/titre de la scène décrite ci-dessus : _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________________ ____________________________________________________________

J’écris une scène : je me souviens d’un lieu et d’une émotion/sensation intense provoquée par un élément, ressentie dans ce lieu. Description du lieu et du ressenti : _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________________ _____________________________________________________________________ (Après que les feuilles aient tourné).Titre ou légende, même longue, de la scène décrite ci-dessus par mon voisin ou ma voisine de gauche. _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________________ ______________________________________________________________________

28 HISTOIRES ÉLÉMENTAIRES Concours de textes 2018 Dossier pédagogique


ATELIER 2 / SE SOUVENIR, RESSENTIR, ÉCRIRE.

ANNEXE 4 - LE PONT, FRANZ KAFKA. FEUILLE À DISTRIBUER AUX ÉLÈVES. Réécrire le titre ou la légende imaginé.e pour la scène reçue par mon voisin ou ma voisine de gauche : _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________________ ____________________________________________________________ Le Pont, Franz Kafka. Texte entier. J’étais solide et froid, j’étais un pont, un pont jeté sur un ravin. Les orteils d’un côté, les mains de l’autre, j’étais fermement agrippé dans l’argile gluante. Les basques de ma veste me cinglaient les flancs. Glacé, au fond du gouffre, grondait le flot poissonneux. Nul promeneur ne s’aventurait à ces hauteurs inabordables ; le pont n’avait jamais été mentionné sur aucune carte. J’étais là et j’attendais ; je ne pouvais qu’attendre. À moins de s’écrouler, aucun pont, une fois établi, ne saurait cesser d’être un pont. Un certain jour, à l’approche du soir – était-ce le premier, était-ce le millième ? Je ne saurais le dire : mes pensées indistinctes tourbillonnaient continument dans un cercle. – C’était sur le soir, en été. Le gargouillis du torrent paraissait très assourdi, quand un bruit de pas se fit entendre. De plus en plus proche, de plus en plus proche ! Pont, raidis-toi, apprête-toi, passerelle, à porter le voyageur que l’on t’abandonne. Si sa démarche est incertaine, garantit secrètement son aplomb ; mais s’il chavire, manifeste tes compétences et, comme le ferait une divinité des sommets, repousse-le sur la terre ferme, du côté où il souhaite se rendre. Il vint ; il me sonda de la pointe ferrée de sa canne ; puis, au moyen de celle-ci, il souleva les basques de ma veste et les rabattit sur mon dos. Il promena longtemps la pointe de sa canne dans ma chevelure en broussaille, m’oubliant sans doute, tandis que son visage farouche pivotait autour de lui. Mais soudain – alors qu’en pensée je l’escortais par-delà les monts et les plaines – il bondit à pieds joints sur mes reins. Je vibrai d'une méchante douleur, sans comprendre ce qui m’arrivait. Qui était-il ? Un enfant ? Un rêve ? Un bandit ? Un désespéré ? Un corrupteur ? Un exterminateur ? Et je me retournai pour me rendre compte. Un pont, se retourner ! À peine mon mouvement accompli que déjà je tombai, je m’écroulai, et qu’en un instant je me vis disloqué et transpercé par les roches acérées qui toujours m’avaient si impassiblement contemplé, d’en bas, à travers la ruée des eaux.

La première phrase du Pont, adaptée au titre, à la légende, que j’ai écrit/e ci-dessus : J’étais solide et froid, j’étais un pont, un pont jeté sur un ravin. Devient : J’étais _______________________________ et ____________________________________, j’étais un.e _____________________________________________, un.e _________________________________________________________________________.

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ATELIER 2 / SE SOUVENIR, RESSENTIR, ÉCRIRE.

ANNEXE 5 - DÉFINITION DE LA PERSONNIFICATION. FEUILLE À PHOTOCOPIER RECTO-VERSO.

La personnification est une figure de style qui consiste à attribuer des traits, des sentiments ou des comportements humains à une chose inanimée (objet, réalité géographique, etc.) ou à une abstraction (idée, sentiment, phénomène, etc.). Cette figure implique nécessairement un comparé inanimé et un comparant animé, exprimé par un nom, un adjectif, un verbe, etc. Il arrive parfois que l'objet personnifié (le comparé) soit marqué par une majuscule initiale, surtout lorsqu'il s’agit d’une abstraction. En rendant « humains » des objets et des réalités abstraites, la personnification les rapproche des lecteurs. Elle évoque également des images inhabituelles, irrationnelles, fantastiques. (Définition tirée du site de l’Office québécois de la langue française, http://www.oqlf.gouv.qc.ca/ressources/bdl.html)

Analyse du texte Le Pont de Kafka - Qui est le personnage principal ? Décrivez-le. _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________

- Qui est l’intrus ? Décrivez-le. _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________

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- Relevez les expressions et effets de style par lesquels l’auteur ralentit l’action pour créer du suspens. _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________________ _____________________________________________

- Relevez tous les mots qui font du pont un être humain. _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________________

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MERCI À TOUS CEUX QUI NOUS SOUTIENNENT… La Maison de la Francité a pour mission d’assurer la promotion de la langue française et de la francophonie internationale, dans un esprit d’ouverture et de modernité. La Maison de la Francité bénéficie du soutien structurel de la Commission communautaire française / Services du Gouvernement francophone bruxellois, de son Parlement et de sa Ministre-Présidente en charge notamment de la Culture. Nous bénéficions aussi d’aides ponctuelles de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de ses divers services, de son Parlement, de son gouvernement et notamment de son Ministre en charge de la Promotion de Bruxelles et de sa Ministre en charge de la Culture. Nous les remercions tous chaleureusement.

NOUS SOMMES À VOTRE ÉCOUTE Maison de la Francité ASBL Rue Joseph II, 18 – 1000 Bruxelles Belgique Métro : station Arts-Loi Téléphone : +32 (0)2 219 49 33 (Anne Vandendorpe, chargée de projets). Adresse courriel : MDLF@maisondelafrancite.be

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Concours de textes 2018

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