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POST AUX AVANT-POSTES

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La liste

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« Il n’y aura qu’un seul réseau : la 5G »

45 - 55 SIGNES

Respectivement directeurs de Post Technologies et de Post Telecom, Gaston Bohnenberger et Cliff Konsbruck prédisent une convergence des réseaux du futur dans un réseau du futur. Et regardent avec appétit comment l’opérateur historique pourrait se positionner face aux développements venus du ciel, aux réseaux privés d’entreprise, à l’internet des objets ou aux voitures connectées.

Qu’est-ce que vous entendez par « réseau du futur » ? CLIFF KONSBRUCK (C. K.) Si on parle « des » réseaux, on a tendance à parler d’un réseau fixe d’un côté et d’un réseau mobile de l’autre. Dans le futur, nous voyons beaucoup plus « un » réseau du futur. Si vous avez un accès internet à la maison, vous consommez des données, de la voix, vous avez la télévision, vous avez du streaming, vous ne saurez plus nécessairement si derrière il y a un réseau fibre ou 5G. Le volet agnostique de la technologie deviendra une réalité.

GASTON BOHNENBERGER (G. B.) Si on téléphone dans sa maison, on est sur le wifi connecté au réseau fixe. En sortant, on passe sur le réseau mobile sans qu’il y ait une interruption. Le client ne sait plus ce qu’il y a derrière. C. K. À terme, la 5G va remplacer toutes les technologies mobiles. Nous voyons même la 5G remplacer le wifi. Il n’y aura qu’un seul réseau, mobile, celui de la 5G, capable d’un point de vue fonctionnel et de capacité de répondre aux différents besoins, assurés aujourd’hui par diverses technologies et fonctionnalités.

GASTON BOHNENBERGER Directeur de Post Technologies

« Chaque année, la consommation de data augmente de 30 à 40 %, et ça ne va pas s’arrêter ! »

Qu’est-ce que cela implique pour arriver à cela ? G. B. Nous investissons massivement. Le réseau 5G ne peut pas fonctionner sans un réseau de fibre optique performant, puisque toutes les antennes relais du réseau mobile se basent dessus. L’évolution de notre réseau mobile implique, en plus de cette partie d’accès radio, des investissements dans le cœur du réseau. Sur le fixe, ce réseau de fibre optique permet aujourd’hui des débits jusqu’à 10 gigabytes, que nous proposons à nos clients professionnels et, dans un futur proche, également à d’autres clients. Parallèlement, nous poursuivons nos efforts pour, d’ici 2025, basculer vers le « All IP » (un protocole unique pour les communications via smartphone, ligne fixe, pour la télévision ou internet, ndlr), même sur le fixe.

Vous avez un horizon, un moment où vous pourrez dire « ça y est, nous sommes prêts à 100 % » ? G. B. Nous suivons la stratégie gouvernementale sur la fibre optique, soit 90 % des ménages raccordés en 2025, et nous voulons donner un « coup de boost » au cuivre pour atteindre 100 % de ménages raccordés par 100 Mb/s d’ici 2025. Là où il n’y a pas encore la fibre optique, nous devons donc travailler sur l’amélioration du réseau cuivre. On vise, pour 2030, 100 % de fibre optique. Pour certaines zones blanches rurales, le fixed wireless access via la 5G pourrait aussi fournir des services à large bande.

On parle de 5G, mais les discussions sont déjà bien entamées autour de la 6G. Qu’est-ce que cela change ? G. B. Nous participons déjà à des réunions de standardisation de la 6G. Le but premier est toujours d’augmenter la capacité. Avec la 5G, on parle d’un réseau à 1 Gb/s partagé avec beaucoup de clients. Avec la 6G, on parle de 10 Gb/s. Techniquement, il y aura sûrement une amélioration dans la stabilité. Cela nous permettra de personnaliser nos offres, soit sur une qualité de bande passante garantie, soit sur une latence garantie.

Quand vous regardez la courbe de consommation de bande passante des particuliers ou des industriels, est-ce que vous êtes inquiets ? C. K. La consommation a une croissance exponentielle. Notre réseau mobile actuel arrivera aux limites de sa capacité autour de 2023. Si nous ne disposons pas des capacités supplémentaires liées aux fréquences de la 5G à cette date, nous serons en saturation. L’accès aux services, la vitesse moyenne et la qualité risqueraient alors de se dégrader ; dans le pire des cas, la stabilité du réseau pourrait être affectée. La 5G puis la 6G, dans un second temps, sont très importantes pour couvrir ces besoins exponentiels en data. La croissance va continuer !

Post

CLIFF KONSBRUCK Directeur de Post Telecom

« Amazon ou Apple ne vendront plus seulement leur équipement mobile, mais aussi la souscription qui va avec. »

Lorsque l’on donne des capacités au consommateur, elles sont utilisées. Cela prendra quelques mois ou quelques années, peut-être. Dès que 20 % des consommateurs utiliseront la 5G, des applications spécifiques vont se développer et exploiter ces nouvelles capacités qui arrivent, tout comme la latence. Sur le marché particulier, on pense surtout à des applications de réalité augmentée et virtuelle, qui sont consommatrices de bande passante. Une fois que ces équipements vont se démocratiser, on verra un impact sur la consommation. G. B. Chaque année, la consommation de data augmente de 30 à 40 %, et ça ne va pas s’arrêter. C’est chaque année le même scénario.

Est-ce que vous pouvez répondre ad vitam æternam à ce besoin croissant ? G. B. Nous faisons en permanence des simulations pour nous assurer que nous réagissons au bon moment. C’est pour cela que nous savons qu’il faut que la 5G fonctionne au niveau national en 2023. Au moins dans les endroits où nous savons que nous en aurons besoin, comme la capitale, le centre du Luxembourg ou le sud du pays. Il nous faut un à deux ans pour apporter la bonne réponse à une évolution, ça ne se fait pas du jour au lendemain. C. K. Nous devons être conscients qu’il y a des technologies concurrentes. D’abord il y a le coaxial, les réseaux de télédiffusion classiques sur la technologie DOCSIS (Data Over Cable Service Interface Specifications). Nous verrons une concurrence accrue des satellites dans un futur assez proche, notamment via Starlink, qui bénéficie d’investissements colossaux pour se déployer dans des zones qui ne sont pas encore couvertes. Mais il est illusoire d’imaginer qu’ils n’utilisent pas aussi leurs capacités quand ils survolent l’Europe ! Nous nous préparons aussi à la concurrence d’opérateurs qui proposent directement des services aux clients professionnels et résidentiels à partir de satellites. Des start-up comme Link, aux États-Unis, proposent déjà de remplacer les antennes terrestres par des satellites. Ce sont des technologies très récentes, pas toujours proposées commercialement, mais cela va venir ! C. K. Il y aura aussi des business models complètement différents de ceux que nous connaissons. Les licences d’opérateurs et les fréquences sont attribuées de façon nationale, mais imaginons que la téléphonie mobile soit diffusée via satellite. Des sociétés comme Amazon ou Apple ne vendront plus seulement leur équipement mobile, mais aussi la souscription qui va avec et au niveau mondial. Ça donne de l’appétit ! Il s’agit d’être préparés !

Mais les opérateurs de satellites ont besoin des opérateurs télécoms… G. B. Oui, les satellites ne fonctionnent pas sans technologie terrestre ! Ils doivent avoir un réseau auquel ils peuvent se connecter.

Votre participation au projet autour de la voiture connectée est un autre secteur dans lequel on sait que les besoins en connectivité vont exploser. Y aura-t-il aussi besoin d’infrastructures routières ou autoroutières ? G. B. Cela fait partie du projet européen 5GCroCo, où il faut assurer une connectivité permanente des véhicules. On n’a pas besoin de structure de réseau séparée, mais les routes et autoroutes devront avoir une couverture 5G qui supportera les systèmes embarqués dans les voitures, qui se basent aussi sur les satellites et sur des capteurs, la reconnaissance des panneaux de signalisation, etc. Différents systèmes vont communiquer entre eux, et il ne faut pas oublier la communication directe entre les voitures. C. K. Il y a aussi le volet « entertainment », que les constructeurs séparent très nettement de tout ce qui concerne le contrôle de la voiture, la conduite autonome ou semi-automatique. Le loisir est plutôt dans le domaine des services « comme à la maison ». Peut-être que le flux d’images Netflix dans la voiture ne sera pas optimal à un moment donné, mais ce n’est pas dramatique. Si le système de conduite autonome perd sa connectivité pendant une fraction de seconde, ça peut être une catastrophe. Les configurations de réseaux sont donc très différentes.

Les constructeurs automobiles pourraient-ils aussi devenir des opérateurs de connectivité ? C. K. C’est déjà le cas. Certains ont carrément racheté non pas des opérateurs, mais des MVNO (mobile virtual network operators), des opérateurs qui n’ont pas d’infrastructures propres, mais qui utilisent les infrastructures d’un opérateur de téléphonie mobile. Il y a notamment le cas d’Audi, qui a racheté un MVNO.

Quid des opérateurs virtuels qui utilisent votre infrastructure ? G. B. C’est déjà le cas aujourd’hui avec Eltrona. Elle utilise notre réseau avec ses

Plus de machines que de smartphones

Si vous appuyez sur un ‘«  taxi butler’ en Australie, un appareil pour appeler un taxi, c’est nous qui fournissons la connectivité. » Le directeur de Post Telecom, Cliff Konsbruck, s’amuse de l’anecdote. L’opérateur historique fournit les cartes SIM d’un million et demi d’objets connectés, contre « seulement » 500.000 pour les smartphones, sur la base d’accords de roaming avec 511 opérateurs mobiles dans 206 pays. Du camion au conteneur en passant par les capteurs de fuite d’eau ou les chaussures connectées, l’internet des objets explose. « En Allemagne, par exemple, si une voiture est seulement connectée avec l’opérateur Deutsche Telekom (DT), elle ne dispose que de la couverture de DT parce que le roaming national est ‘fermé’. Si cette voiture a un accident dans une zone non couverte par DT ou si DT a un souci momentané et ne peut pas offrir de la connectivité, cette voiture ne peut pas émettre d’appel d’urgence. Avec une carte SIM de Post Luxembourg, si le réseau de DT n’est pas disponible mais celui de Vodafone l’est, alors on utilisera le réseau de Vodafone ou celui de Telefónica… »

propres numéros mobiles, ainsi que notre réseau radio. C. K. On pourrait voir arriver de nouveaux acteurs. Je le mets en lien avec ce que j’appelle le private 5G. Des acteurs naissent sur de grands sites industriels qui déploient leurs propres réseaux 5G privés. Il y a des bandes de fréquences spécifiques réservées à l’industrie en Allemagne et qui sont mises à disposition pour cet usage. Typiquement pour des besoins internes. G. B. Nous avons l’expérience de la 5G. Pourquoi ne pas la vendre à une clientèle professionnelle ? Leurs systèmes robotiques peuvent travailler n’importe où. C. K. Aujourd’hui, nous construisons, déployons et opérons déjà ces réseaux, basés sur la technologie fixe, dans des entreprises, dans les bâtiments, et le private 5G sera une extension de ces réseaux fixes, qui auront un volet mobile au-delà du wifi, qui convient bien dans certains cas d’usage, comme les salles de réunion, mais ne convient plus dans des espaces plus vastes, comme les salles de production ou en extérieur. Ou bien c’est un opérateur qui dispose d’une bande de fréquences et qui offre une partie de son réseau comme service. Potentiellement, le régulateur pourrait aussi mettre à disposition des bandes de fréquences spécifiques, avec d’autres caractéristiques, comme la géographie, et qui ne seraient pas nécessairement nationales. C’est un volet qui n’a pas été couvert au Luxembourg.

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