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HENRI KOX
Vous avez lancé une série d’études pour mieux cerner l’état des lieux du logement et du foncier, notamment avec Raum+ qui permet de préciser où se situent les terrains constructibles. Quelles principales leçons en tirez-vous ? Nous avons en effet présenté récemment la Note 29 de l’Observatoire de l’habitat, ce qui veut dire qu’il y en a déjà eu avant. Or, notre stratégie se base sur des études dans la continuité de l’action entreprise par Sam Tanson qui m’avait précédé. Nous basons donc nos actions sur des constats factuels. Quel est le constat que je retiens avant tout de ces recherches ? Jusqu’à 20.000 personnes doivent dépenser 50 % de leurs revenus pour se loger, il y a un taux de risque de pauvreté qui est d’environ 18 %, beaucoup de ménages ont une charge financière importante pour le logement. Et surtout, les locataires du marché privé sont très exposés. Sur base de ces constats, le besoin est évident : accélérer l’offre de logements abordables en main publique. Avec un taux de 2 % de ce type de logements, nous sommes en déficit par rapport à nos voisins.
Un déficit qui sonne comme un échec pour les gouvernements successifs ? C’est un constat. Je veux changer cela en destinant la politique du logement à ceux qui ont le plus besoin de soutien financier et d’un accès à un logement digne.
À quelle échelle voulez-vous développer le logement abordable en main publique ? Je garde comme mesure le risque de pauvreté, d’autant plus que nous venons d’inscrire le droit au logement dans le projet de la nouvelle Constitution. Je veux que nous disposions, à terme, d’un parc locatif public correspondant au taux du risque de pauvreté. Nous devons bâtir un socle de logements qui puisse garantir ce droit au logement, qui prime sur le droit à la propriété. Notre stratégie est d’investir massivement dans le logement abordable public. Cette volonté apparaît dans les cinq grands projets pour la création de logements abordables – un projet de loi de financement a été voté ou est en instance de l’être (voir encadré) –, le tout pour une enveloppe de 1,1 milliard d’euros. Si on considère que l’État mène une politique de mobilité ambitieuse et abordable, nous devons BIO EXPRESS
Henri Kox est né le 7 mai 1961 à Luxembourg.
De la Moselle à la Héichhaus Cet ingénieur de formation issu d’une famille nombreuse et connue dans les milieux socio-politicoéconomiques a des liens ténus avec la région viticole de la Moselle.
Un engagement évident Ancien professeur, il a rejoint les écologistes dans le sillage de l’engagement de sa mère contre la construction envisagée, dans les années 70, d’une centrale nucléaire à Remerschen.
Des portefeuilles sensibles Conseiller communal, échevin puis bourgmestre (2009-2017) de Remich, Henri Kox a été député de 2004 à 2019 avant d’arriver au gouvernement en tant que ministre du Logement en remplacement de Sam Tanson, partie à la Justice. Il est aussi ministre de la Sécurité intérieure depuis août 2020.
conduire la même politique en matière de logement. C’est pour cela que nous avons créé le fonds spécial qui englobe l’ensemble du budget dédié à la construction de logements abordables subventionnés par l’État, y compris les projets de la SNHBM et du Fonds du logement. Avec comme ambition que tous ceux – communes et promoteurs sans but lucratif – qui s’investissent dans la construction de logements abordables publics pourront bénéficier d’une subvention jusqu’à 75 %. Ce fonds spécial – qui fait l’objet d’un rapport annuel dédié – et les lois de financement qui le mettent en pratique sont symboliques, à mes yeux, de la dynamique que le gouvernement a mise en place. Nous avons enfin compris que nous devons investir, y compris dans les terrains.
Combien de logements devriez-vous produire et à quelle échéance ? Le plus vite possible ! Nous devons créer un parc public de logements d’une grandeur de 15 à 20 %. Concernant le timing, toutes les lois et tous les instruments dans la compétence du ministère du Logement ont été revus ou sont en train de l’être, pour aller le plus vite possible. L’État fait tout ce qu’il peut pour faire bouger les choses, mais il revient à l’ensemble des acteurs publics de prendre leurs responsabilités. Je pense bien entendu aux communes que nous avons voulu davantage
impliquer et accompagner avec le Pacte logement 2.0. Avec cette nouvelle version du pacte, nous mettons l’accent sur les communes qui s’investiront dans la création de logements abordables, alors que la version précédente du pacte a plutôt servi à répondre à la croissance de la population dans les communes.
Mais avez-vous un calendrier des livraisons, notamment pour les cinq grands ensembles que vous mentionniez ? Pour les cinq projets, nous comptabilisons 2.000 logements abordables, la majorité en location, le reste en vente mais en emphytéose pour les garder dans la main publique. L’échéance des chantiers va jusqu’en 2035, vous arrivez donc à 150 logements par an uniquement via ces grands projets qui ne sont qu’une minorité face à tous les projets qui se créent dans les communes. Et nous espérons que l’article 29 bis du Pacte logement agira comme accélérateur pour la construction de logements abordables de la part des communes, mais aussi des promoteurs privés. Cet article prévoit qu’un certain pourcentage, en fonction du nombre de logements prévus, soit réservé au logement abordable. Les terrains sur lesquels sont réalisés ces logements abordables sont cédés à la commune ou à l’État par le promoteur privé. En contrepartie, ce dernier pourra bénéficier d’une augmentation de la constructibilité de 10 %. La construction des logements abordables est, en revanche, aux frais du constructeur ou promoteur, selon un cahier des charges, mais les travaux sont subventionnés jusqu’à 75 % avec une vue avant le début des travaux sur cette subvention.
Comment activer les terrains qui sont constructibles, mais qui ne sont pas encore utilisés ? Nous abordons cette question progressivement en commençant par l’État et les communes avec l’article 29 bis. Ensuite, la mobilisation passera par la fiscalité : l’impôt foncier et la taxation des terrains non construits. Nous pensons aussi à nouveau au Pacte logement ainsi qu’au Baulandvertrag, qui est en train d’être avisé par le Conseil d’État, et de manière encore plus importante, au remembrement ministériel (cette interview a été réalisée avant l’avis du Conseil d’État rendu le 22 février, ndlr).
Les communes disposent d’une certaine responsabilité envers les enjeux du logement, notamment sur la question de la densité des unités de logement. Comment régler ce point ? Nous devons en effet mener cette discussion en partant du postulat que l’espace public doit revenir aux gens. Si nous prenons l’exemple d’Elmen, on voit que l’espace public représente presque 50 % du projet, un espace public qui n’est plus là pour les voitures, qui sont
Romain Gamba (archives) Photo regroupées dans des espaces dédiés. C’est en reconsidérant l’espace public que l’on peut aborder le point de la densité, condition sine qua non d’un vivre-ensemble au sein de communautés d’habitations et d’habitants qu’il faut repenser. Nous devons revenir à une qualité de vie qui augmente avec la densité et qui augmente également grâce à des commerces de proximité, et où la mobilité ne se limite pas simplement à la voiture.
Revenons sur l’article 29 bis du Pacte logement. Ne craignez-vous pas que le promoteur veuille jouer sur le prix de vente des logements sur le marché pour rattraper le coût de la cession du terrain et de la construction des logements abordables ? Nous avons justement proposé cette augmentation de 10 % en tenant compte des réalités du marché, pour éviter ce phénomène de rattrapage. C’est avant tout l’offre et la demande qui font le prix. Si nous arrivons à augmenter l’offre – et surtout l’offre abordable –, nous parviendrons à une maîtrise relative des prix. Or, le pays dispose d’une réserve foncière constructible pour l’habitat importante, comme le montre la Note 29 du Liser et l’étude Raum+.
L’élargissement des PAG n’est donc pas une priorité… Pas du tout. Nous avons déjà une réserve que nous devons enfin mobiliser. La réserve foncière disponible pour l’habitat s’élève à 3.750 ha. Il est estimé que 142.000 unités de logement pourraient y être construites pour plus de 300.000 habitants supplémentaires. Le remembrement ministériel est l’une des clés pour y parvenir, comme ce fut le cas par le passé avec le remembrement viticole à la Moselle. Avec la future loi (projet de loi portant modification de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ndlr) incluant le remembrement ministériel forcé, nous pourrons éviter qu’un propriétaire bloque éventuellement un processus de construction au sein d’un PAP. En contrepartie, le propriétaire sera déplacé sur un terrain extérieur. Nous nous donnons donc le maximum d’outils pour mobiliser les terrains au sein des PAG, en facilitant également le travail des communes qui donnent également leur aval aux PAP. Une autre mesure présente dans cette future loi dénommée Baulandvertrag permettra d’accélérer la viabilisation des terrains à bâtir ainsi que la construction concrète de logements avec l’obligation de respecter des dates butoirs pour la réalisation des travaux de viabilisation et de construction. Si ce n’est pas le cas, le droit de construire sera perdu et les logements redeviendront sociaux. Le Conseil d’État vient de rendre son avis sur le projet de loi, j’espère que ces instruments seront en place en 2023. Qu’en est-il de la réforme de l’impôt foncier qui avait été évoquée par le Premier ministre lors de son discours sur l’état de la Nation le 12 octobre 2021 ? Xavier Bettel (DP) avait promis une solution dans les 12 mois… Nous avons mis en place un groupe de travail interministériel pour analyser la formule de calcul de l’impôt foncier, sur laquelle se basera une taxe à la mobilisation des terrains non construits. Avant la prochaine déclaration sur l’état de la Nation, nous déposerons un projet de loi sur base d’une nouvelle formule – dont l’effet montera progressivement en puissance dans le temps –, basée sur la constructibilité des terrains. Sachant que nous ne voulons pas faire peser une pression fiscale trop lourde sur les terrains déjà occupés, mais concentrer cette pression fiscale sur les terrains inoccupés situés en zones à bâtir.
Les ménages qui occupent leur maison ou qui disposent de quelques appartements n’ont donc pas de souci à se faire ? Nous ne voulons pas exercer de choc sur les ménages qui habitent leur habitation ou les propriétaires d’appartement qui louent. Mais, une fois de plus, notre visée porte sur les terrains non construits qu’il faut mobiliser. Et, à côté de l’impôt foncier et de l’impôt à la mobilisation de terrains, nous voulons introduire une taxe nationale sur les logements non occupés.
Sur quoi voulez-vous baser le futur impôt qui sera perçu sur les terrains inoccupés ? La valeur de l’impôt sera calculée en fonction du nombre de logements qui pourraient y être construits, avec une formule que nous devons encore affiner d’ici au dépôt du projet de loi.
Le terme « spéculation » revient souvent autour de cette question… Elle sera intégrée.
Qui spécule sur les terrains au Luxembourg ? Tout le monde spécule. Nous sommes un pays comptant 70 % de propriétaires, tout le monde profite un peu de cette augmentation des prix. De nouveau, il faut un moyen de compensation qui ne peut venir que de la mobilisation des terrains – notamment via le remembrement ministériel – et de la construction de logements abordables en main publique. Selon moi, l’impôt ne sera d’ailleurs pas le facteur de mobilisation le plus important.
Les terrains seront donc mobilisés plus rapidement ou plus facilement, encore faut-il que les autorisations multiples ne freinent pas le processus. Allez-vous aussi réfléchir à dénouer ces nœuds et à simplifier cet aspect administratif ? UNE DÉMARCHE ORIENTÉE VERS DES SOLUTIONS CONCRÈTES FACE À LA CRISE
Dans la perspective des élections (législatives et communales) de 2023, le Paperjam + Delano Club organisait, le 13 octobre dernier, une table ronde à Luxexpo The Box sur le thème « Crise du logement : qui freine ? ». Six experts et professionnels du secteur immobilier étaient sur scène devant 250 personnes : Sara Noel Costa de Araujo (architecte-gérante du studio SNCDA), Max Leners (avocat et membre du LSAP), Olivier Bastin (CEO d’Immobel Luxembourg), Jacques Brauch (directeur général de Soludec), Marc Giorgetti (gérant de Félix Giorgetti) et Antoine Paccoud (research scientist au Liser). Les échanges de la soirée ont permis d’aboutir à 25 propositions concrètes. Une panoplie de solutions pour agir sur la crise du logement qui ont été soumises au ministre du Logement, Henri Kox (déi Gréng), et aux différents partis politiques représentés à la Chambre des députés. Les visions et réponses des élus sont présentées en résumé dans cette édition du magazine et en version in extenso sur paperjam.lu.
Je ne suis pas en charge de ces ressorts, mais ce que je veux dire, c’est qu’il n’y a pas de contradiction entre la crise climatique et la politique du logement. J’y vois plutôt un objectif d’intégration des différents enjeux auxquels nous sommes confrontés. Nous devons intégrer, dès le début d’un projet de logement, les éléments environnementaux.
Le CSV propose que les terrains constructibles ne doivent pas faire l’objet d’une étude environnementale a posteriori (voir en annexe). Partagez-vous ce point de vue ? Je suis pour ces études, nous pouvons parler de leur durée, mais nous devons tout de même réaliser que nous faisons face à des crises climatiques et de biodiversité qui sont énormes. Des animaux trouvent refuge sur certains terrains en attente de construction ou des friches en raison des modes d’agriculture qui sont actuellement pratiqués. La pression sur la nature est tellement grande que les animaux cherchent de nouveaux refuges. Nous devons donc trouver un ensemble de mesures, comme le regroupement des voitures dans des parkings collectifs pour redonner une qualité de vie – et une plus grande place à la nature – dans de nouveaux quartiers ou des quartiers à redessiner (voir interview du ministre de l’Aménagement du territoire Claude Turmes dans l’édition de février 2022 de Paperjam, ndlr).
Les études environnementales ne représentent donc pas, selon vous, un frein dans le processus de construction ? Pas du tout. Le blocage de certains propriétaires est d’une tout autre ampleur lorsqu’on parle de frein. Pourquoi avons-nous encore plus de 3.700 hectares non construits au sein de nos PAG ? J’en ai marre d’entendre toujours ces mêmes critiques à l’égard des procédures environnementales.
Outre les aspects environnementaux, le constat de la durée – trop longue – des procédures est partagé par tous les acteurs privés. La constitution d’un guichet unique ou une digitalisation des procédures ne permettraient-elles pas de faciliter les processus ? Nous nous concertons déjà très étroitement entre ministères lors des nouveaux projets qui nous sont soumis. Encore faut-il que les porteurs de projets consultent le ministère du Logement respectivement le ministère de l’Intérieur suffisamment tôt, dès le début, pour éviter tout retour en arrière a posteriori.
L’idée de regrouper les compétences liées au logement au sein d’un ministère est aussi évoquée comme l’une des pistes pour résoudre la crise du logement. Partagez-vous cette idée ? Nous sommes un gouvernement, une équipe, et nous nous concertons en permanence. Nous devons travailler en équipe. Je ne crois pas qu’un regroupement soit efficient in fine. Le plus important est de travailler de façon ciblée, avec des objectifs concrets, et ce, entre ministères concernés. Nous devons regrouper les moyens pour arriver à accélérer nos actions. J’ajoute que nous avons besoin, au ministère, du soutien de tout le gouvernement, sans quoi nous ne pourrions pas disposer des postes budgétaires indispensables pour conduire nos actions.
Vous ne plaideriez pas pour un regroupement de ces compétences ministérielles liées au logement après les élections de 2023 ? Je ne confirme ni n’infirme cette idée. Mais elle n’est pas à l’ordre du jour.
Vous ne rêveriez pas d’avoir davantage de coudées franches en tant que ministre du Logement ? Ma première ambition était de mettre à jour et de sortir toutes les lois dépendantes de mon ministère et dont nous avions besoin pour faire bouger les choses. Sans oublier les études. Je l’ai fait.
Faut-il, sur base de vos constats, initier un dialogue plus ténu avec le secteur privé ? Nous sommes occupés à le faire. Nous leur avons présenté le Pacte logement au travers des chambres professionnelles, dont l’article 29 bis, qui leur convient. In fine, c’est le secteur privé qui va construire, il doit donc s’approprier ces mesures et ce nouveau cadre.
Outre ces nouvelles mesures, ne faut-il pas donner un nouvel élan à cette collaboration avec le secteur privé, par exemple autour d’une table ronde ou d’assises du logement ? Nous sommes constamment en dialogue. Le problème n’est pas là. Ils veulent tous une part du marché privé que nous voulons mieux encadrer. C’est le deuxième point crucial de notre stratégie. Nous voulons donc davan-
tage réglementer le bail à loyer et les loyers privés afin d’aider les locataires qui sont les parents pauvres des aides au logement. Je veux aboutir à une transparence sur le marché privé. Le logement n’est pas un marché libéral, il doit être utile à la société via l’abordabilité de l’offre publique, d’une part, et des critères plus stricts pour le marché privé, d’autre part.
L’objectif n’est pas de faire baisser les prix, mais d’assurer un toit à tous… Nous devons permettre à chacun d’avoir un toit dans des conditions décentes. Les prix des loyers seront encadrés à l’avenir lorsque la réforme de la loi du 21 septembre 2006 sur le bail à usage d’habitation sera réformée en énonçant dans les contrats à loyer la valeur de l’investissement du propriétaire pour limiter le loyer à 5 % du capital investi dans le logement. Quant au contrôle des prix de vente, je ne vois pas de pays qui sont arrivés à régler cette question.
Une autre mesure annoncée par le gouvernement est de taxer les logements vides et donc de les recenser. Est-ce que cela vous semble réaliste ? Absolument. Nous avons besoin de le faire. Chaque commune va y contribuer, d’autant plus que les registres du logement et de la population sont déjà existants sans que des liens soient faits entre les deux.
Le rôle des communes pour la mise en place de cette mesure renvoie à leur autonomie et donc à leur responsabilité dans la gestion du logement. Faut-il revoir leur nombre pour gagner en cohérence et en efficacité, notamment sur cette question ? Non. Je suis pour un regroupement à titre personnel, mais cela doit venir du terrain et ne doit pas être imposé. Le véritable enjeu est de ne pas laisser les communes seules. D’où le nouveau Pacte logement qui met à disposition des communes un conseiller logement (320 heures), met en place l’organisation de séminaires pour les accompagner et échange un maximum d’informations. Car elles ont une très grande responsabilité.
Mais n’avez-vous pas l’impression de vous heurter à leur autonomie dans la conduite de votre politique nationale ? 100 communes sur les 102 que compte le pays ont signé le nouveau Pacte logement. Étant donné le caractère contraignant de l’article 29 bis, toutes les communes créeront des logements abordables.
Faut-il toutefois reconsidérer l’autonomie communale concernant le logement ? Ce point sera à traiter par le prochain gouvernement. À titre personnel, je suis pour une
obligation des communes afin qu’elles soient plus actives en matière de logement, à condition d’être aidées de façon substantielle – tant sur le plan financier que technique et logistique – par l’État.
Le secteur privé, c’est votre ennemi ? Pas du tout. Ce sont eux qui construisent. Ils sont nos meilleurs alliés.
Mais comment en faire de meilleurs alliés pour construire plus vite sur la main publique ? Je sais que l’on reproche régulièrement au Fonds du logement de ne pas construire assez vite, mais leur compétence est de gérer d’ores et déjà plus de 2.000 logements en location. Les deux promoteurs publics sont complémentaires. Le Fonds du logement travaille en particulier sur des friches industrielles où personne ne veut aller, et certainement pas le privé qui détenait pourtant ces friches. Je pense par exemple à la cité Syrdall.
Le contre-exemple est Rout Lëns, à Esch, qui est mené par un promoteur privé, IKO, sur un site autrefois exploité par ArcelorMittal… Absolument. Toutefois, à propos de l’ensemble de ces nouvelles constructions sur des friches, on peut se poser la question des relatives oppositions exprimées par les citoyens quant à la densité ou la hauteur des nouveaux logements. Si nous ne faisons pas un effort collectif en faveur du logement, nous ne parviendrons pas à changer la donne. Nous devons enfin discuter de la mixité sociale et du caractère villageois que nous voulons redonner à nos villages et à nos villes. Chaque année, nous allons prévoir deux journées d’échange sur le logement avec le secteur privé et les communes sur l’évolution de la place du logement dans notre société.
Devons-nous aussi réfléchir à la place du logement et aux nouvelles formes d’habitat dans la société ? Nous l’avons intégrée dans le projet de bail à loyer, comme la colocation. Le logement intégré fait aussi partie de la nouvelle loi en cours sur les aides individuelles au logement. Il est prévu de donner une subvention pour accélérer la meilleure utilisation des logements principaux, en ajoutant, par exemple, une entrée séparée pour dédier une partie du logement à de la location. Nous réfléchissons aussi à un soutien aux coopératives.
Des logements dans des conteneurs ? Il y a certainement une place pour ces projets, mais ils doivent être viables. L’État ne pourra pas tout supporter.
LES GRANDS ENSEMBLES DE LOGEMENTS ABORDABLES
Zoom sur les trois principaux ensembles de logements abordables en cours ou planifiés par l’État et ses bras armés dans le logement.
NEISCHMELZ
LOCALISATION Dudelange NOMBRE DE LOGEMENTS 1.575 unités d’habitation, dont 866 en location abordable, 551 en vente abordable subventionnée, et 158 en vente non subventionnée et à coût modéré destinées à la location et à la vente SURFACE 36 hectares (4 PAP) DÉVELOPPEUR Fonds du logement LIVRAISON 2042, avec une première phase en 2028 PARTICIPATION FINANCIÈRE DE L’ÉTAT 507,5 millions d’euros
WUNNE MAT DER WOOLTZ
LOCALISATION Wiltz NOMBRE DE LOGEMENTS 1.085 logements SURFACE 34 hectares (7 PAP) DÉVELOPPEUR Fonds du logement LIVRAISON 2035, avec le campus scolaire en 2023 et les premiers logements en 2024 PARTICIPATION FINANCIÈRE DE L’ÉTAT 286 millions d’euros
ELMEN
LOCALISATION Olm NOMBRE DE LOGEMENTS 800 logements SURFACE 27 hectares (3 PAP) DÉVELOPPEUR SNHBM, en collaboration avec la commune de Kehlen LIVRAISON Phase 1 en 2027, avec des premiers logements en 2022 et la Maison pour tous en 2023 PARTICIPATION FINANCIÈRE DE L’ÉTAT 76 millions d’euros pour le PAP 1. Le chiffrage budgétaire pour les autres parties du projet (PAP2 et PAP3) n’a pas encore été fixé. Le budget total est estimé à 268 millions. le 29 janvier dernier sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg, vouloir limiter les commissions d’agences immobilières fixées à un taux maximal de 3 % du prix de vente et payées par le vendeur. Ces commissions ne sont pas systématiquement appliquées à leur taux maximal. Que pensez-vous de cette annonce ? Ce n’est pas ma compétence, mais je suis bien entendu en accord avec cette annonce. Ce n’est pas LA solution, mais elle fait partie d’un ensemble de solutions à mettre en place.
On pourrait aussi poser la question des frais de notaire qui pourraient être revus à la baisse… Ce n’est pas ma compétence non plus. Je regarde mon champ d’action, mais je veux aussi animer le débat sur base d’études, par exemple. Je viens de présenter la Note 30 du Liser qui expose les disparités entre les personnes qui bénéficient des aides au logement, qui doivent certainement être rééquilibrées.
Quid du crédit d’impôt pour les candidats acquéreurs ? Ce point est aussi en discussion. Il est vrai que nous avons trop misé sur la propriété durant ces dernières années. La loi de 1979 était très bonne dans son objectif de créer du logement abordable public. Mais, entretemps, ces logements ont été vendus et sont donc sortis de la main publique. Aujourd’hui, le paradigme a changé. C’est le logement public qui doit être la priorité. L’augmentation des taux d’intérêt et les prochaines crises justifient d’autant plus ce changement d’approche.
Si vous aviez un message à formuler aux bourgmestres… Travaillons ensemble, c’est pour votre communauté !
Si vous aviez un message à formuler au secteur privé… Travaillons ensemble, c’est pour votre portemonnaie ! Vous avez la compétence pour construire, nous avons la compétence pour orienter la politique publique en fonction des besoins exprimés dans la société.
D’ici 2030, le logement au Luxembourg sera… Avec un parc locatif public substantiel en place, avec des instruments législatifs bien utilisés et avec un secteur privé plus encadré pour éviter certaines dérives, avec des investissements équivalents à ceux investis dans le transport public.
D’ici 2030, le Luxembourg ne sera plus présenté comme le « Monaco du Nord » ? Il y aura toujours une partie de l’offre qui s’adressera à une clientèle aisée, mais je ne veux pas que les autres restent à l’écart.
Fonds du logement – Christian Bauer et Associés Architectes, Fonds du logement – HS A, SNHBM Source