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INTERVIEW DE YURIKO BACKES
Dans un contexte macroéconomique marqué par la guerre en Ukraine et des pressions inflationnistes, quels sont les grands défis pour la place financière du Luxembourg ? La ministre des Finances, Yuriko Backes, revient en interview sur les défis de l’industrie des fonds, la guerre des talents et l’importance de l’innovation dans le secteur de la finance, moteur incontestable de l’économie du pays.
Guy Wolff Photo
Pour Yuriko Backes, des finances publiques saines sont la pierre angulaire de la stabilité du pays.
Vous avez commencé votre mandat de ministre des Finances en janvier, dans un contexte de crise inflationniste et de guerre. Ce poste a-t-il correspondu à vos attentes ? Qu’est-ce qui vous a le plus surprise ? Je considère que c’est un grand honneur de servir mon pays à ce poste. Lorsque j’ai prêté serment, le 5 janvier, je savais que je me lançais dans le grand bain. Je me suis rapidement habituée au rythme effréné, accéléré par les événements géopolitiques et la guerre en Ukraine en particulier, qui ont provoqué une hausse spectaculaire des prix de l’énergie et de l’inflation. Nous sortions tout juste de la pandémie et l’économie nationale ainsi que l’économie européenne étaient de nouveau sur une trajectoire de croissance solide. Depuis, les événements ont inversé cette tendance positive et nous assistons actuellement à un ralentissement économique important.
Le gouvernement a agi rapidement face à la nouvelle réalité géopolitique et économique. Nous avons préparé d’importantes mesures d’allègement, dont le montant s’élève à ce jour à plus de 1,4 milliard d’euros, soit 1,8 % du PIB, dans le cadre de l’Energiedësch et à la suite des négociations tripartites avec les partenaires sociaux par le biais d’un Solidaritéitspak. Le gouvernement est pleinement engagé pour soutenir les entreprises et les citoyens, en particulier les plus vulnérables, en ces temps difficiles, et en tant que ministre des Finances, je suis prête à continuer à le faire dans les mois à venir.
Le Luxembourg est le deuxième centre financier pour les fonds d’investissement dans le monde, et le premier en Europe. Quels sont les plus grands défis pour ce centre ? Le Luxembourg est en effet le deuxième centre de fonds d’investissement au monde, ce qui implique une grande responsabilité et la nécessité de s’adapter en permanence. L’un des défis pour l’industrie financière au Luxembourg est de poursuivre son chemin de croissance dans un environnement marqué par une numérisation rapide, l’intégration de l’ESG ainsi qu’un paysage réglementaire international et européen en constante évolution.
Notre compétitivité va de pair avec l’internationalisation et la mondialisation des marchés financiers. Nous sommes un centre d’excellence clé pour les fonds d’investissement transfrontaliers, et ceux-ci comptent sur l’ouverture des marchés internationaux. Nous constatons une tendance inquiétante au protectionnisme et à la démondialisation. Dès lors, en ce qui concerne le cadre réglementaire de l’UE en matière de services financiers, nous devons éviter de créer une Europe forteresse.
Un défi qui s’est certainement accru suite à la pandémie dans le monde, aux difficultés liées à l’accès aux talents et à la concurrence internationale élevée dans ce contexte. Au niveau national, nous continuerons à intensifier nos efforts pour attirer, retenir et développer les talents nécessaires. Le marché du travail au Luxembourg et ailleurs est devenu très compétitif : les entreprises luxembourgeoises ont depuis longtemps commencé à regarder au-delà de la Grande Région pour recruter et sont aujourd’hui en concurrence avec les capitales de toute l’Europe et d’autres parties du monde.
Nous continuerons également à soutenir l’innovation, notamment lorsqu’il s’agit de la transformation numérique du secteur financier. Il y a 5 ans, nous avons créé la Luxembourg House of Financial Technology (Lhoft), une plateforme fintech dédiée où la finance et la technologie interagissent pour favoriser l’innovation et développer des solutions. Nous avons également fait quelque chose de similaire avec la Luxembourg Sustainable Finance Initiative, pour mettre en œuvre une stratégie en matière de finance durable. Il s’agit d’un autre domaine dans lequel nous devons continuer à développer notre expertise et à tirer parti du savoir-faire existant dans le secteur. Par exemple, l’accès aux données sur la durabilité et leur gestion constituent un défi majeur pour l’industrie financière et plus particulièrement pour l’industrie des fonds.
Pour relever ces différents défis, le Luxembourg peut s’appuyer sur sa forte tradition de création de partenariats public-privé et sur son ouverture à l’innovation. Je suis convaincue que notre secteur des fonds d’investissement saura relever ces défis : le Luxembourg est aujourd’hui un centre d’excellence pour un large éventail de services de fonds qui n’existent tout simplement pas dans de nombreux endroits du monde à cette échelle ou de manière aussi poussée.
En ce qui concerne les réformes en cours à Bruxelles, quelles sont celles que vous souhaiteriez voir adoptées ? Quels sont les impacts sur le marché et quels sont ceux que vous aimeriez éviter ? Au cours des dernières années, une vague continue de tendances réglementaires a eu un impact sur le secteur financier, comme les récentes réglementations sur la finance durable qui sont entrées en vigueur. Pour continuer à prospérer en tant que centre financier international, le Luxembourg doit être en totale conformité avec toutes les règles et normes internationales et européennes. Le cadre réglementaire commun de l’UE rassure les investisseurs, qui trouvent au Luxembourg une juridiction européenne bien réglementée et des autorités de surveillance respectées qui ont une longue expérience des services et produits financiers internationaux.
Les fonds d’investissement alternatifs sont le secteur qui connaît la plus forte croissance au Luxembourg. Quels projets de loi sont prévus pour soutenir davantage le secteur ? Le secteur des fonds d’investissement alternatifs a certainement connu les plus hauts niveaux de croissance ces dernières années, grâce à un environnement macroéconomique favorable et au cadre réglementaire soutenant les fonds et leur permettant de combler les lacunes du marché.
Les règlements de l’UE, tels que l’AIFMD, ou les initiatives réglementaires au Luxembourg, comme l’introduction du régime des sociétés en commandite, ont établi de nouvelles normes de marché et ont contribué à la croissance de ce dernier au cours des dernières années. Les fonds sont lancés plus rapidement, avec un haut degré d’acceptation internationale, et sont supervisés soit au niveau du fonds, soit au niveau du gestionnaire : les fonds alternatifs sont devenus une pratique courante sur les marchés.
Je prévois de présenter cet automne un projet de loi modernisant de manière ciblée certaines caractéristiques de la législation nationale sur les fonds. Le principal changement réglementaire à venir concerne AIFMD II, qui modifiera la réglementation existante, vieille de 10 ans. J’espère que cette mise à jour apportera davantage de clarté et de confiance au marché. BIO EXPRESS
Études Yuriko Backes est Luxembourgeoise, née au Japon en 1970. Elle obtient un bachelor en relations internationales à la London School of Economics and Political Science en 1992 et deux masters successifs en 1993 et 1994.
Diplomatie Elle a occupé divers postes à la représentation permanente du Luxembourg auprès de l’Onu (New York) et de l’UEO (Bruxelles), ainsi qu’à l’ambassade du Luxembourg au Japon.
Politique Conseillère diplomatique et sherpa des Premiers ministres luxembourgeois Jean-Claude Juncker (CSV) et Xavier Bettel (DP) jusqu’en 2016, elle a été représentante de la Commission européenne au Luxembourg jusqu’en 2020. Elle était maréchale de la Cour avant de devenir ministre des Finances pour remplacer Pierre Gramegna en janvier 2022 tout en s’encartant au DP.
Quels sont vos échanges avec les acteurs locaux, tels que l’ALFI ? Mon équipe et moi-même avons des échanges réguliers avec l’industrie, et plus particulièrement avec l’ALFI en tant qu’organe représentatif du secteur luxembourgeois des fonds. Je pense qu’il est important d’être en contact régulier avec l’industrie pour comprendre l’évolution des besoins du marché, les défis auxquels il est confronté, et pour identifier de nouvelles opportunités pour la place financière luxembourgeoise.
Comment voulez-vous soutenir davantage le secteur financier en tant que moteur de la transition énergétique dans un avenir immédiat ? Le secteur financier a un rôle important à jouer dans la transition vers une économie mondiale plus durable et dans la réalisation de notre ambition zéro émission nette. La finance est un instrument-clé pour l’allocation des ressources dans l’économie, par exemple dans les entreprises durables et en dehors des activités qui nuisent à la planète, mais aussi pour soutenir la transition des industries qui ne sont pas 100 % vertes aujourd’hui, et dont les efforts auront le plus d’impact.
Le gouvernement s’est engagé à créer un environnement propice à l’investissement durable et à soutenir la place financière pour qu’elle devienne un leader mondial en matière de durabilité dans les différents secteurs industriels dans lesquels elle fait office de centre de compétences aujourd’hui. Au cours des deux dernières années, la part des fonds ESG au Luxembourg est passée de 12 à 16 %. C’est déjà bien, mais ce n’est qu’un début.
Le Luxembourg soutient l’ambitieux programme de l’UE en matière de finance durable. Avec les nouvelles réglementations européennes en place et en cours d’élaboration, le marché reçoit les outils dont il a besoin. Dans le même temps, nous devons veiller à ce qu’il y ait une cohérence entre les différentes réglementations et avec les autres juridictions. Le secteur financier, par exemple, se rend aujourd’hui compte des risques de durabilité de ses portefeuilles et de ses activités. Toutefois, il existe encore d’importantes lacunes et des obstacles liés à l’accès à des données fiables et cohérentes sur la durabilité, ce qui constitue un véritable défi pour le secteur financier. Et ce défi ne pourra être relevé que si les entreprises de ce que l’on appelle l’économie réelle rendent davantage compte de leur impact environnemental et social.
Le Luxembourg a déjà une longue expérience en tant que pionnier de la durabilité, avec un partenariat exem-
«Je garde espoir et reste optimiste sur le long terme : l’Europe occupe une place très précieuse dans le contexte international, entre la Chine et les États-Unis. »
plaire entre les parties prenantes publiques et privées. Au fil des ans, plusieurs initiatives ont été mises en place au Luxembourg pour accroître la transparence et l’accès aux données sur l’investissement durable. Par exemple, nous sommes un leader en matière de labellisation financière grâce à LuxFlag, que nous avons initié il y a plus de 15 ans. Notre Bourse, elle aussi, s’est positionnée en 2016 en créant le Luxembourg Green Exchange (LGX), qui est aujourd’hui la première bourse d’obligations durables au monde.
Plus récemment, nous avons lancé d’autres initiatives pour guider le secteur financier dans ses efforts pour devenir plus durable. Nous avons lancé la Luxembourg Sustainable Finance Initiative, qui propose notamment des ateliers sur la finance et des outils d’auto-évaluation pour les institutions financières. Il y a aussi l’International Climate Finance Accelerator, qui a soutenu jusqu’à présent 28 gestionnaires de fonds émergents dans le domaine de la finance climatique.
Le Luxembourg est, en outre, devenu un innovateur en matière de financement mixte (blended finance). Un exemple-clé est la plateforme de financement climatique que nous avons mise en place en collaboration avec la Banque européenne d’investissement (BEI). Cette plateforme investit dans des fonds climatiques pour aider à « dérisquer » les investissements et ainsi mobiliser des capitaux privés supplémentaires.
Tout récemment, j’ai annoncé une nouvelle stratégie d’investissement à impact que nous lançons avec Schroders et BlueOrchard pour aider à diriger les investissements privés vers la transition vers des économies neutres en carbone et résilientes dans les marchés émergents. Ce véhicule de financement innovant tirera parti de l’expertise unique de l’industrie des fonds au Luxembourg, et se concentrera sur les investissements pour l’atténuation du changement climatique, l’adaptation au changement climatique et la protection de l’eau et de la biodiversité.
Depuis le début de l’année, la nouvelle taxonomie européenne est en vigueur. Quels sont les impacts pour le marché, et plus particulièrement pour le secteur de la gestion d’actifs ? Avec sa taxonomie, ainsi que le règlement sur la divulgation des informations relatives à la finance durable, l’UE est devenue un pionnier mondial lorsqu’il s’agit de fixer des normes en matière de finance durable. L’impact sur le secteur des fonds est important, car il accroît le besoin de données sur la durabilité et introduit des obligations supplémentaires de déclaration pour les gestionnaires de fonds.
Je comprends parfaitement que la mise en œuvre d’un nouveau cadre aussi complet et l’adaptation à celui-ci représentent un défi. En même temps, il place le secteur européen des fonds à l’avant-garde de la finance durable, tandis que les investisseurs seront mieux informés des impacts de leur argent. Comme pour les OPCVM et l’AIFMD auparavant, ce nouveau règlement européen sur la finance durable offre également au secteur européen des fonds une occasion unique d’être la référence mondiale en la matière.
Une réforme fiscale a été reportée à la prochaine législature. Quelles sont, selon vous, les trois priorités auxquelles le gouvernement devrait s’attaquer ? La priorité numéro un sera la lutte contre l’inflation et, par extension, nous devrons trouver des moyens de freiner la flambée des prix de l’énergie. C’est de la plus haute importance,
car la crise énergétique a un impact sur chacun d’entre nous : les citoyens, mais aussi les entreprises de notre pays. Au printemps, nous avons déjà lancé deux programmes de soutien d’un montant de 1,4 milliard d’euros pour aider les ménages les plus durement touchés, mais aussi les entreprises, à faire face à l’augmentation rapide des prix de l’énergie. Au cours des prochaines semaines et des prochains mois, nous devrons trouver de nouvelles solutions et mesures pour continuer à soutenir notre économie et nos citoyens en ces temps difficiles.
Je crois qu’il est crucial de soutenir les plus vulnérables de notre société. C’est une question de justice sociale, surtout en temps de crise. La situation particulière des foyers monoparentaux doit également être abordée, et je pense qu’il existe ici un consensus entre les partis sur la nécessité d’une aide.
En attendant, nous devons nous concentrer sur le renforcement du centre financier. Il a fait preuve d’une grande résilience pendant la pandémie et nous ne devons pas oublier qu’il est aujourd’hui le moteur de notre économie. L’une des priorités sera de faire avancer la finance durable, mais aussi de poursuivre la transformation numérique de notre centre financier. J’examinerai également les mesures visant à aider les entreprises et, bien sûr, les acteurs financiers à accéder aux talents dont ils ont besoin pour poursuivre leur croissance.
Enfin, nous ne devons pas oublier qu’avec la pandémie et maintenant la crise énergétique, les paramètres financiers ont radicalement changé. Bien que j’aurais aimé présenter une réforme fiscale majeure, la marge de manœuvre financière pour un tel exercice n’est tout simplement pas disponible à ce stade. L’une de mes priorités sera de veiller à ce que nos finances publiques restent saines et durables pour les années à venir.
Le Luxembourg manque cruellement de talents. La réforme fiscale peut-elle y remédier ? Je le crois et nous y travaillons. Des mesures fiscales ciblées peuvent certainement contribuer à rendre notre marché du travail plus attractif et à attirer davantage de talents, que ce soit dans les secteurs de la place financière, de l’industrie ou du commerce. Nous devons veiller à ce que notre économie reste compétitive au niveau international. Toutefois, les impôts ne peuvent pas tout régler. La compétitivité des talents va de l’offre des meilleures écoles au logement abordable en passant par les questions liées à l’immigration, à la diversité culturelle et à la qualité de vie. Le Luxembourg a de solides arguments en sa faveur. Au fil des ans, j’ai constaté qu’une fois que les gens s’installent au Luxembourg, ils finissent souvent par y rester beaucoup plus longtemps que prévu, car ils font l’expérience des multiples avantages de la vie au Grand-Duché. Le gouvernement a également approuvé récemment une feuille de route pour les talents et a mis en place un comité interministériel pour aborder ces questions de manière globale. Le marché du travail luxembourgeois reste globalement très attractif. Mais nous sommes bien conscients que nous sommes en concurrence non seulement avec la Grande Région, mais aussi avec d’autres capitales européennes, et le défi sera de continuer à préserver et développer notre attractivité à l’avenir.
Quel sera l’impact de l’inflation sur l’économie ? De nombreux experts ont d’abord pensé que les pressions inflationnistes ne seraient que transitoires, mais je pense qu’elles sont là pour rester un certain temps. La guerre en Ukraine a provoqué un choc macroéconomique important et les incertitudes restent très élevées. Avant même l’invasion, les perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales dues à la pandémie avaient déjà un impact sur les prix. Les tarifs des produits de base, et en particulier ceux de l’énergie, ont maintenant grimpé en flèche, entraînant une hausse de l’inflation et un ralentissement économique mondial. Les citoyens font face à des prix plus élevés pour de nombreux biens et services qu’ils consomment dans leur vie quotidienne et les entreprises souffrent de coûts plus élevés.
Si la Banque centrale européenne s’est engagée sur la voie de la normalisation de sa politique monétaire, les banques centrales ne peuvent à elles seules maîtriser l’inflation dans l’environnement actuel. Je suis parfaitement conscient de la nécessité de soutenir les citoyens vulnérables et les entreprises touchées. D’importantes mesures d’allègement ont déjà été mises en œuvre par le gouvernement, comme le crédit d’impôt énergie pour les particuliers, mais aussi la subvention des coûts énergétiques pour les entreprises. D’autres aides sont à venir, de manière ciblée et dans un délai déterminé. Nous devons viser à amortir l’inflation, sans pour autant surcharger indûment le budget. Et nous devons collaborer avec nos partenaires européens pour remédier aux lacunes de l’organisation actuelle du marché de l’énergie et à la dépendance de nos économies vis-à-vis des combustibles fossiles.
Les aides aux ménages et aux entreprises dues à la pandémie ont coûté très cher à l’État. La dette publique s’élève à 25,2 % du PIB, peut-elle rester en dessous de 30 % du PIB ? Le gouvernement s’est engagé, dans l’accord de coalition en 2018, à maintenir la dette publique en dessous de 30 % du PIB, et c’est ma tâche de m’y tenir. Malgré le soutien sans précédent pendant la pandémie de Covid, notre niveau actuel de dette reste fermement en dessous de ces 30 % et j’ai l’intention de maintenir une trajectoire régulière à moyen terme en dessous de ce seuil. Des finances publiques saines sont la pierre angulaire de la stabilité de notre pays, un atout essentiel pour l’attractivité de notre économie et la base pour maintenir notre notation AAA auprès de toutes les agences de crédit.
La solution la plus facile serait évidemment de dépenser plus aujourd’hui et d’augmenter les impôts ou de creuser la dette pour les générations futures. Mais cela irait à l’encontre de mon approche d’un budget responsable et tourné vers l’avenir. C’est pourquoi j’ai plaidé en faveur d’une politique de dépenses prudente depuis mon entrée en fonction, et je continuerai à le faire dans le cadre du prochain budget et des négociations tripartites.
En termes de géopolitique, quelle est votre vision à long terme concernant la position de l’Europe vis-à-vis des États-Unis et de la Chine ? Il ne fait aucun doute que la pandémie et la guerre en Ukraine ont provoqué un déplacement majeur des lignes de fracture géopolitiques. Elles nous ont également rappelé à la fois les avantages et les limites d’une économie mondialisée, notamment sous la forme de chaînes d’approvisionnement perturbées.
Je garde espoir et reste optimiste sur le long terme : l’Europe occupe une place très précieuse dans le contexte
international, entre la Chine et les États-Unis. L’UE dispose de bases extrêmement solides, ayant mis en place un modèle social, politique et économique fort depuis de nombreuses décennies, qu’elle doit continuer à promouvoir et à défendre.
J’espère que les tendances à davantage de protectionnisme et de nationalisme s’estomperont, car nous devons coopérer au niveau international pour relever les défis à venir. La pandémie de Covid et la crise climatique sont des exemples parfaits de la raison pour laquelle nous devons travailler ensemble de manière multilatérale. Bien que justifié, le regain d’intérêt actuel pour les délocalisations et l’autonomie stratégique ne doit pas nous faire oublier la réalité à long terme : sans coopération internationale et sans un échange ouvert de commerce, de connaissances et de solutions, notre avenir est sombre. Nous ne devons pas nous aventurer sur cette voie.
La Chine est déjà la plus grande économie du monde. Le Luxembourg s’est positionné comme un centre international du renminbi avec neuf banques chinoises qui y ont leur siège. La polarisation géopolitique ne va-t-elle pas compliquer la position jusqu’ici accommodante du Luxembourg vis-à-vis de la Chine ? Le Luxembourg est un centre financier international qui accueille des institutions financières du monde entier. Il fait office de centre de compétences dans des domaines allant des services de fonds aux services bancaires aux entreprises et aux assurances. De nombreuses entreprises, dont des banques chinoises, tirent parti de leur présence au Luxembourg pour accéder au marché de l’UE. Quel que soit leur pays d’origine, toutes les entreprises doivent se conformer pleinement aux normes, règles et réglementations nationales et européennes.
De manière plus générale, il convient de rappeler que la Chine est la deuxième plus grande économie du monde et l’un des marchés à la croissance la plus rapide, y compris dans le domaine des services financiers. En tant que telle, elle ne peut être ignorée, ni politiquement ni économiquement, comme le souligne la présence accrue des banques et des gestionnaires d’actifs américains en Chine.
Enfin, comme je l’ai déjà mentionné, les défis mondiaux tels que le changement climatique doivent être abordés au niveau mondial. Le dialogue et la coopération entre la Chine et l’Occident restent essentiels, malgré les tensions géopolitiques actuelles.
La place financière est-elle prête pour la visite du Gafi en novembre ? Quelles sont vos plus grandes craintes ? Le Luxembourg, y compris la place financière et ses acteurs, a beaucoup fait ces dernières années pour améliorer son cadre juridique et institutionnel et se préparer au mieux. Ces efforts sont coordonnés par le ministère de la Justice qui est le chef de file dans ce dossier. Le Luxembourg satisfait aux exigences européennes et internationales, et je m’attends à ce que le Gafi le reconnaisse comme il se doit, et qu’il constate également les efforts entrepris ces dernières années pour assurer la conformité. En fin de compte, il s’agit aussi d’évaluer l’efficacité de notre système, et cela va au-delà de la visite du Gafi en novembre.
à Bruxelles. Comment définissez-vous la relation avec cet allié important depuis le Brexit ? Nous regrettons profondément la décision du RoyaumeUni de quitter l’Union européenne, mais c’était leur décision démocratique. Cependant, malgré le Brexit, nos relations avec le Royaume-Uni restent excellentes.
Il est vrai que nous avons perdu un allié important lorsqu’il s’agit de plaider pour une approche pragmatique de la réglementation du secteur financier et de promouvoir les services financiers transfrontaliers au sein de l’Union.
Le Luxembourg et le Royaume-Uni ont construit des ponts solides dans le domaine des services financiers depuis de nombreuses décennies. Aujourd’hui, les promoteurs de fonds britanniques, par exemple, représentent environ 17 % du total des actifs des fonds luxembourgeois. Comptant parmi les centres financiers les plus internationaux au monde, le Royaume-Uni et le Luxembourg partagent des intérêts communs, indépendamment du Brexit. Il est donc important que nous continuions à entretenir un dialogue régulier.
Lors de ma visite à Londres en juin dernier, mes interlocuteurs, notamment les représentants du secteur privé que j’ai rencontrés, m’ont confirmé ce lien unique et continu entre le Luxembourg et le Royaume-Uni. Je suis heureuse d’avoir pu être présente à Londres pour le lancement du nouveau Business Club Luxembourg – United Kingdom, qui contribuera certainement à l’approfondissement des relations économiques entre nos pays.
Luxembourg et Londres ont souvent eu des vues convergentes sur la réglementation financière, et avec le Brexit, Luxembourg a perdu un allié de poids
Alternative Investment Funds
The fundamental trend of “retailisation” in the fund industry
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The opening up of access to less liquid asset classes and investment strategies isn’t new but it is accelerating, establishing a fundamental trend with its own challenges and opportunities.
Fiona de Watazzi Counsel (on the left) and Florence Stainier Partner (on the right), Arendt
The success of UCITS funds, which have helped to make Luxembourg one of the world’s most important fund centres, is well known. These funds, which have existed for over 30 years, are intended for the general public. They benefit from broad passporting capacities but are highly regulated and do not provide access to all asset classes and investment strategies.
In the meantime, the EU passport was also introduced for alternative investment funds in 2013 but is limited to professional investors.
There were consequently two distinct frameworks
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for retail and professional investors. “Some years ago, we had already seen UCITS being used by hedge fund managers to replicate their strategies under a UCITS format,” explains Florence Stainier, Partner at Arendt. “More recently, with the lower level of interest rates combined with the uncertainty of expected returns of traditional asset classes as compared to the yields of alternative ones, we have witnessed an acceleration of two converging trends: the will of traditional asset managers to leverage their investor network to offer exposure to new asset classes and the appetite of alternative asset managers to expand their scope of targeted investors.”
A regulatory helping hand In an industry as controlled as asset management, political willingness and regulatory developments have also played a clear role in accelerating this trend.
The creation of ELTIF represents a further step towards retailisation. “ELTIF is a European vehicle that gives certain retail investors the benefit of passporting. That said, it should be noted that certain conditions have to be met in order to access it,” says Fiona de Watazzi, Counsel at Arendt.
In addition to this, renewed interest was given to the Part II fund, which provides access to alternative asset classes. Part II has been part of the Luxembourg toolbox for many
Fiona de Watazzi Counsel at Arendt
years, but had lost traction. “Given the environment as described above, this vehicle, which has been somewhat dormant for years, is now on everyone’s lips,” continues Fiona de Watazzi. “It’s open to all types of retail investors with no restrictions. It can also be used to invest in all kinds of assets: it’s even possible to create an ELTIF sub-fund within a Part II fund to achieve an effective combination. However, except in the case of an ELTIF sub-fund, it does not have the passport to be sold easily to non-professional investors. There is a clear dichotomy here.”
Distribution challenges and opportunities “Although Part II funds are available to retail investors, professional investors only benefit from the alternative investment fund passport. Hence, if you want to sell a Part II fund abroad to non- professional investors, you need to check, on a case-by-case basis, whether this is possible in the relevant jurisdiction. Things are very different with the ELTIF Fund, which has the advantage, under its passport, of automatic recognition between countries. This saves us the difficulty of a case-by-case analysis. However, ELTIF has the disadvantage of being more restrictive in terms of asset classes and hence possible investment strategies,” explains Florence Stainier.
The other point of attention with alternative assets being offered to retail investors is their illiquid nature, which may not be suitable for all types of retail investors. “Many investors don’t want to tie up their funds for ten years,” says Fiona de Watazzi. “It is therefore necessary to manage liquidity in this type of vehicle, including by implementing liquidity pockets or liquidity management tools, which allow redemption requests to be authorised under limited conditions.”
In this context, the high level of expertise in the Luxembourg market is proving very useful, whether for developing ELTIF or Part II funds that meet managers’ and investors’ needs. “The Luxembourg ecosystem and expertise which helped to make UCITS funds a success is just as useful for these types of funds,” says Florence Stainier.
While it is difficult to prejudge the long-term success of the vehicles mentioned here, there is no denying that they are symptomatic of a clear trend towards the retailisation of alternative asset classes. Other factors — such as the tokenisation of funds — also indicate that the march towards democratising access to alternative assets is unlikely to slow down soon.
“We expect this trend to be reinforced by the anticipated review into the definition of a professional investor. It might lead to less stringent classifications of what constitutes a professional investor and could open passport access to extended categories of investors, notably those with a high net worth,” concludes Florence Stainier.
Read more about our investment funds expertise in the Legal section arendt.com EUROPEAN ALTERNATIVE INVESTMENT FUNDS
Part II Fund
An investment fund set up under Part II can invest in all types of assets subject to limited investment restrictions. It qualifies as an alternative investment fund (AIF) and can, in principle, be sold to all types of investors. Part II funds can market their shares and units via an alternative investment fund passport to professional investors across the EU. – Strenghts Strenghts: Part II funds are available to retail investors. – Weaknesses Weaknesses: Only professional investors benefit from the alternative investment fund passport. Hence if you want to sell a Part II fund abroad to non-professional investors, you need to check, on a case-by-case basis, whether this is possible in the relevant jurisdiction on a private placement basis.
ELTIF Fund
The European long-term investment fund (ELTIF) is a pan-European regime for Alternative Investment Funds (AIF) that channel the capital they raise towards European long-term investments in the real economy. – Strenghts Strenghts: The ELTIF
Fund has the advantage, under its passport, of an automatic recognition between EU jurisdictions for sale to some types of retail investors.
This saves making a case-by-case analysis. – Weaknesses Weaknesses: ELTIF funds have the disadvantage of being more restrictive in terms of asset classes and possible investment strategies, although some evolution is expected very soon.