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E-CONVERSATION AVEC GERRY WAGNER

« 49 % de voitures électriques ou plug-in hybrides en 2030, c’est plutôt irréaliste ! »

Dans le contexte de l’Autofestival, Gerry Wagner, le porte-parole de la House of Automobile, revient, dans une e-conversation, sur les grands défis de l’électromobilité au Grand-Duché. Si peu de doutes pèsent sur la poursuite du succès des voitures électriques, le vrai challenge réside dans l’alimentation des bornes de recharge.

Guy Wol Photo

La HOA espère fortement que le gouvernement va renouveler les primes sur les voitures électriques.

De : <NATHALIE REUTER> à : <GERRY WAGNER> (11.01, 10 h 38) Quelles sont vos attentes par rapport à l’édition de l’Autofestival 2022 ? Le bilan de l’année dernière était plutôt mitigé.

De : <GERRY WAGNER> à : <NATHALIE REUTER> (11.01, 14 h 02) Les ventes de l’année 2020 étaient même encore légèrement en dessous de celles de l’année 2019. On peut cependant affirmer qu’une grande partie du retard des immatriculations est à imputer aux problèmes d’approvisionnement. En e et, la pénurie des microprocesseurs, liée aux problèmes logistiques généralisés, fait que les délais de livraison ont été partiellement doublés. Ceci fait qu’un grand nombre de véhicules commandés n’ont pas encore été livrés. On constate cependant que la demande du consommateur est toujours existante et même de nouveau en croissance. Les concessions ont pris les devants a n de raccourcir les délais de commande lors du festival. On peut ainsi s’attendre à ce que celui-ci se déroule dans un élan positif et qu’il dépasse les résultats de l’année passée. Nous avons aussi constaté un grand intérêt pour les voitures électriques, qui ont atteint 10 % des immatriculations de l’année 2020. Les plug-in hybrides ont elles aussi presque atteint le seuil des 10 % des immatriculations pour propulser la part des voitures chargeables à 20 %. Ce succès est en très grande partie dû aux primes à l’achat qui sont encore en vigueur jusqu’au 31 mars de cette année (date de commande). Nous nous attendons à une continuation du succès des électriques pendant le festival.

De : <NATHALIE REUTER> à : <GERRY WAGNER> (12.01, 14 h 14) Le régime d’aides Clever Fueren pour la promotion de l’électromobilité a été prolongé jusqu’au 31 mars 2022. Est-ce que cela su it pour encourager les gens à investir dans l’électromobilité ? Comptez-vous sur une nouvelle prolongation ?

De : <GERRY WAGNER> à : <NATHALIE REUTER> (12.01, 16 h 34) Les immatriculations de véhicules électriques ont atteint les 10 % du total et les plug-in hybrides sont presque au même niveau. La part de marché des deux types de motorisation est montée à 4 % n décembre. Cette évolution est encourageante, mais malheureusement pas encore su sante pour atteindre les objectifs très ambitieux du gouvernement, ciblant 49 % du parc en 2030.

Cette croissance a été uniquement possible grâce aux primes à l’achat. Nous espérons fortement que notre gouvernement va renouveler les primes sur les voitures électriques au 1er avril prochain. A n d’avancer plus rapidement, il devra aussi revoir à la hausse les primes pour les électriques ayant une consommation supérieure à 18 kW / 100 km. Nous soutenons aussi très activement le renouvellement des primes pour les plug-in hybrides, même si nos responsables politiques sont très réticents sur ce sujet.

De : <NATHALIE REUTER> à : <GERRY WAGNER> (12.01, 17 h 19) L’objectif du gouvernement d’arriver, d’ici 2030, à un parc automobile avec une part de 49 % de voitures électriques ou de véhicules de type plug-in hybride vous paraît-il juste ambitieux ou quasiment irréaliste ? Premièrement et mathématiquement, ce n’est quasiment plus possible considérant le taux de remplacement des voitures au Luxembourg. Même si, dès demain, chaque nouvelle voiture était une voiture électrique ou plug-in hybride, cet objectif ne serait probablement pas atteint. Deuxièmement, il y a pas mal de problèmes de capacité de charge des voitures (charges privées, au bureau et publiques) qui vont surgir de façon bien plus prononcée dans les prochaines années, quand le nombre de voitures électriques en parc sera plus signi catif. Il faut savoir que les 49 % correspondent à quelque 220.000 voitures sur route.

De : <NATHALIE REUTER> à : <GERRY WAGNER> (13.01, 10 h 45) Actuellement, l’infrastructure de recharge publique Chargy compte 700 bornes sur l’ensemble du territoire. Qu’est-ce qui vous pose le plus de soucis : le manque de bornes de charge dans l’espace public, dans le privé ou dans les entreprises ?

De : <GERRY WAGNER> à : <NATHALIE REUTER> (13.01, 14 h 57) Toutes les études montrent que seulement +/- 15 % des charges de voitures électriques (ou plug-in hybrides) sont e ectués sur un réseau public. Les 85 % restants se font soit au domicile, soit sur le lieu de travail. Sous cet angle, les presque 800 doubles bornes sont su santes pour le parc actuel de quelque 8.600 voitures chargeables (électriques et plug-in hybrides). La Commission européenne préconise un réseau public calculé sur base de 1 kW par voiture électrique. Sachant qu’un point de charge dispose de 11 kW en moyenne, les 1.600 points de charge bientôt en place seront su sants pour quelque 17.600 voitures chargeables. Ce seuil sera certainement atteint dans 1 à 2 ans et il faudrait déjà commencer à étendre le réseau public. Par contre, le plus grand problème est le manque de puissance pour alimenter des bornes sur les sites professionnels et privés. Une mise à jour de l’infrastructure électrique, absolument nécessaire avant de pouvoir installer des bornes de charge, est extrêmement complexe et onéreuse. Dans beaucoup de cas, notamment pour les résidences, cette transformation peut même s’avérer impossible.

De : <NATHALIE REUTER> à : <GERRY WAGNER> (14.01, 10 h 43) Concernant toujours les points de charge dans le privé et en entreprise, qu’est-ce qui est le plus préoccupant selon vous, le fait de ne pas pouvoir en installer assez ou la capacité du réseau ?

De : <GERRY WAGNER> à : <NATHALIE REUTER> (14.01, 14 h 16) Le problème principal est la capacité du réseau. Sur la plupart des sites professionnels, la capacité disponible est largement insuffisante. Certaines entreprises qui poussaient leurs employés à prendre des voitures électriques deviennent déjà plus prudentes sachant qu’elles ne peuvent pas installer un minimum de bornes par manque de capacité électrique disponible. Pour les privés, le même problème se pose dans les résidences. Hormis les barrières à l’installation de bornes (autorisations de la copropriété, coûts d’installation de systèmes partagés…), c’est de nouveau le manque de capacité électrique dans les résidences qui est un souci. Ce problème est, pour l’instant encore, moindre pour les maisons privées. HOA & MORE

Gerry Wagner est membre fondateur et administrateur de la House of Automobile (HOA), qui regroupe depuis 2016 les distributeurs (Fedamo), les professionnels du leasing (Mobiz) et les constructeurs et importateurs (Febiac). Porte-parole de la HOA depuis 2020, il est également vice-président de la Mobiz (Rental and Mobility Business Association) et administrateur de la CLC (Confédération luxembourgeoise du commerce).

De : <NATHALIE REUTER> à : <GERRY WAGNER> (14.01, 16 h 28) Actuellement, c’est nettement moins cher de rouler en électrique. Sur le long terme, pensez-vous que cela restera ainsi ?

De : <GERRY WAGNER> à : <NATHALIE REUTER> (14.01, 16 h 59) En règle générale, le prix de l’électricité est inférieur au prix du carburant pour une voiture équivalente en termes de taille, de puissance et de gabarit. Ceci compte surtout si l’on charge la voiture électrique à la maison ou au bureau. Il faut cependant noter que le coût d’une charge sur une borne publique est 66 % plus cher que celui d’une charge privée, si l’on se base sur le réseau Chargy. Cependant, le coût pour parcourir 100 km en voiture diesel est 20 % plus cher qu’en voiture électrique chargée sur le réseau public et correspond presque au double comparé à une voiture chargée en privé. L’avantage pour l’électrique est aussi à imputer à la ambée des prix des carburants fossiles (+ 50 % pour l’essence et + 54 % en ce qui concerne le diesel depuis le début de l’année). Nous espérons que le prix de l’électricité pour les voitures ne suive pas cette tendance.

De : <NATHALIE REUTER> à : <GERRY WAGNER> (14.01, 17 h 30) Dans le cadre de son projet Fit for 55, la Commission européenne propose qu’à partir de 2035, toutes les voitures neuves immatriculées soient des véhicules à émissions nulles et que la vente de véhicules thermiques (essence, diesel ou gaz) ne soit plus possible. Actuellement, les moteurs thermiques représentent encore la majorité des ventes. À partir de quand verrons-nous les e ets significatifs de cette décision ?

De : <GERRY WAGNER> à : <NATHALIE REUTER> (14.01, 19 h 06) Il s’agit actuellement uniquement d’une proposition de la Commission qui doit encore être rati ée par les di érents pays. J’ai quelques doutes quant à la réalisation pratique de cette initiative. On pourrait s’imaginer que pour certains pays d’Europe de l’Ouest, on puisse y arriver, mais la situation est totalement di érente dans les pays de l’Est.

Le grand problème est de nouveau le manque d’infrastructures de charge. Il faut une certaine densité qu’il ne sera pas possible d’atteindre dans beaucoup de pays, sans parler de l’énergie nécessaire. Lors de la dernière COP26, l’engagement de sortir des véhicules thermiques (neufs) à partir de 2040 n’a pas été signé, la faute à certains pays dont, entre autres, l’Allemagne et la France. L’une des raisons était justement le manque d’infrastructures pour alimenter ce nombre gigantesque de voitures électriques, 240 millions au total.

Le choix de miser sur les véhicules électriques est certainement le bon, mais il est utopique de vouloir convertir la totalité des véhicules en 100 % électrique. Il y aura toujours une partie des véhicules thermiques qui ne pourra pas être remplacée par des modèles électriques. Ainsi, il faudrait soutenir aussi le développement d’autres technologies, comme les fuels synthétiques et l’hydrogène.

De : <NATHALIE REUTER> à : <GERRY WAGNER> (17.01, 8 h 50) Depuis janvier 2020, les constructeurs doivent respecter une moyenne de rejets de CO2 stricte sous peine de lourdes sanctions financières. En conséquence, beaucoup de constructeurs ont adapté leurs modèles. Quel a été l’impact de cette décision sur le marché ? BIO EXPRESS

De : <GERRY WAGNER> à : <NATHALIE REUTER> (17.01, 12 h 06) Les constructeurs ont subi une énorme pression suite aux sanctions imposées. Pour certains, l’atteinte de la moyenne de 95 g/km de CO2 sur l’ensemble des ventes est moins di cile que pour d’autres. Certains constructeurs ont ainsi revu leur gamme de motorisation en enlevant les moteurs les plus polluants, ou même sorti les voitures automatiques de certaines gammes. L’un des moyens de s’approcher le plus de cette moyenne est la vente de véhicules électriques. Ainsi, on a vu une multiplication de l’o re de ces modèles, qui ont été développés très rapidement. Toute l’énergie des constructeurs s’est concentrée sur les véhicules électriques, ce qui a comme point négatif que les développements pour réduire encore plus les émissions des véhicules thermiques ont été délaissés. Ce qui est dommage, puisque les véhicules thermiques vont encore exister pendant de nombreuses années. Tous les pays ne disposent pas de l’infrastructure et des moyens nanciers nécessaires pour passer à l’électrique.

De : <NATHALIE REUTER> à : <GERRY WAGNER> (17.01, 14 h 08) Après tout le diesel bashing de ces dernières années, quel est le retour des concessionnaires quant aux demandes de ce type de motorisation ?

De : <GERRY WAGNER> à : <NATHALIE REUTER> (17.01, 15 h 10) On a constaté une forte baisse des demandes de voitures diesel suite à l’épisode du Dieselgate et tous les messages négatifs concernant l’environnement. D’un point de vue objectif, il faut cependant nuancer ces impressions sur le diesel. Il est vrai que les émissions de particules nes sont plus élevées que pour l’essence, mais la di érence est assez réduite depuis l’Euronorme 6 et sera au même niveau avec la nouvelle version de l’Euronorme, la 7. D’un autre côté, les émissions de CO2 sont bien inférieures avec un moteur diesel qu’avec un véhicule essence. C’est la raison pour laquelle les voix des politiciens contre le diesel se sont maintenant transformées en voix contre toute motorisation thermique.

De : <NATHALIE REUTER> à : <GERRY WAGNER> (17.01, 18 h 15) Vu la situation actuelle des problèmes de délais de livraison, dont vous avez parlé au début de notre e-conversation, quand pensez-vous que la situation s’améliorera ? Si quelqu’un achète une voiture à l’Autofestival 2022, quand la recevra-t-il ?

De : <GERRY WAGNER> à : <NATHALIE REUTER> (17.01, 18 h 38) Les problèmes de livraison vont nous accompagner encore toute l’année 2022, et ceci pas seulement pour le secteur automobile, mais pour tous les secteurs. Nous espérons une normalisation dans le courant de l’année prochaine, pour autant que la pandémie ne nous réserve pas une nouvelle surprise. On ne peut pas donner une réponse générale sur les délais des voitures, cela dépend non seulement des constructeurs, mais aussi des modèles. L’expérience des derniers mois montre que les véhicules électriques sont, de façon générale, un peu moins impactés. En prévision de l’Autofestival, les concessionnaires ont pris les devants et ont déjà précommandé un grand nombre de voitures a n de pouvoir servir les clients le plus rapidement possible. Il vaut la peine de se renseigner.

Diplômé en informatique et détenteur d’un MBA, Gerry Wagner a débuté sa carrière dans le monde des services financiers. Il a été directeur marketing et communication de Foyer Assurances, directeur commercial de Bâloise Assurances Luxembourg et directeur d’Atelia. De 2005 à 2021, il a été en charge de la direction générale d’Arval Luxembourg. En 2021, il devient directeur des relations institutionnelles d’Arval BNP Paribas Group.

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