8 minute read
LEASING
Le défi de la mobilité électrique en entreprise
Désireux de voir progressivement disparaître de la circulation les voitures les plus polluantes, le gouvernement luxembourgeois oblige indirectement les entreprises à revoir en profondeur leur politique de mobilité.
Selon les derniers chi res publiés par le ministère de la Mobilité et des Travaux publics, en 2021, une nouvelle immatriculation sur cinq concernait une voiture 100 % électrique ou plug-in hybride. Et ce n’est visiblement qu’un début. L’objectif du gouvernement est clair : il veut atteindre 49 % de véhicules 100 % électriques dans le parc automobile en 2030 et compte bien s’en donner les moyens. Aussi les entreprises luxembourgeoises, qui détiennent plus de 20 % de l’ensemble des véhicules immatriculés dans le pays, sont-elles inévitablement invitées à participer à cette transition vers le zéro carbone.
Une mobilité professionnelle à réinventer Cette évolution, qui se devra d’être rapide, n’a rien d’une longue route tranquille pour les responsables de otte et les employeurs. « Nous constatons, aujourd’hui déjà, que le système de taxation de l’avantage en nature (ATN) et les primes avantageuses à l’achat poussent naturellement les personnes qui disposent d’une voiture de fonction à s’orienter vers des voitures 100% électriques ou plug-in hybrides, analyse Gilles Feith, directeur général de Luxair. La réforme du système, présentée début janvier 2022 par François Bausch, ne fait que renforcer cet incitant scal pour les années à venir. Mais, au-delà de cet aspect, le plus important pour les entreprises luxembourgeoises est de repenser en profondeur la mobilité de leurs collaborateurs, de ré échir aux solutions de transport intermodal à disposition et veiller à réduire le nombre de voitures sur les routes. »
Cette vision est partagée par Dominique Laurent, managing director chez PwC Luxembourg. Depuis deux ans maintenant, il assure le suivi de la otte de l’entreprise et s’intéresse à toutes les questions qui touchent à la mobilité au sens large. « Aujourd’hui déjà, une commande sur deux concerne un véhicule électrique ou hybride, explique-t-il. Mais pour nous, le premier enjeu est de viser la diminution des déplacements en voiture individuelle. Pour y parvenir, nous avons déjà mené plusieurs initiatives, comme l’octroi de parkings à ceux qui pratiquent l’autopartage ainsi que d’un service de carsharing, l’ouverture de bureaux aux frontières ou encore la promotion du télétravail ou l’utilisation des transports en commun. »
Objectif de décarbonation de la flotte PwC a pour ambition d’atteindre le « zéro émission nette » dès 2030. « Aussi notre volonté est-elle de décarboner la otte autant que possible. Nous revoyons actuellement nos car policies. À partir du 1er juillet 2022, toute nouvelle voiture commandée pour un partner, directeur ou manager – ce que l’on appelle nos ‘company cars’ – sera obligatoirement électrique ou hybride », ajoute Dominique Laurent. Environ 800 personnes sont concernées par cette mesure. Dans sa otte, PwC compte également 900 autres
Shutterstock, Romain Gamba (archives) et Nader Ghavami (archives) Photos
Andrés Lejona (archives) Photo «Le plus important pour les entreprises luxembourgeoises prises luxembourgeoises est de repenser en profondeur est de repenser en profondeur la mobilité de leurs collaborateurs, de réfléchir aux solutions teurs, de réfléchir aux solutions de transport intermodal à disposition. »
GILLES FEITH CEO Luxair des entreprises investissant dans des infrastructures de charge pour véhicules électriques. Les petites et moyennes entreprises pourront recevoir une subvention allant jusqu’à 50 % des coûts liés aux bornes et jusqu’à 60 % des coûts liés au raccordement électrique. Pour les plus grosses structures, le régime d’aides prévoit des appels d’o res pour des projets d’infrastructures de charge accessibles au public ou au privé, dont la capacité de charge est au moins égale à 175 kilowatts. Les projets qui seront retenus pourront béné cier d’une subvention allant jusqu’à 50 % des investissements liés au déploiement des bornes. « Aujourd’hui, notre cahier des charges est prêt, mais nous attendions de voir quelle serait la position du gouvernement à ce sujet… », ajoute Dominique Laurent.
voitures en mode salary sacri ce. « Ce système permet aux employés non éligibles à un véhicule de fonction de transformer une partie de leur salaire pour pro ter d’une voiture en leasing, reprend Dominique Laurent. Ces véhicules sont le plus souvent des modèles plus standards, pour lesquels nous conserverons un mix entre des moteurs thermiques, avec les niveaux d’émission CO2 les plus bas, électriques et plug-in hybrides. Il faut bien reconnaître que ce système vise une population plus jeune, qui vit plus souvent en appartement sans borne de recharge et non dans une maison qui o rirait cette possibilité. Elle fait aussi souvent plus de kilomètres pour se rendre au travail… »
D’ici 2025, au Luxembourg, seul le choix d’une voiture 100 % électrique restera scalement avantageux pour les personnes disposant d’une voiture de fonction au Luxembourg. « Personnellement, je ne crois pas entièrement au concept de la voiture hybride à partir du moment où elle présente souvent, pour les modèles
QUEL AVENIR POUR LES PLUS GRANDS ENGINS ?
Chez Luxair, si les voitures de fonction sont limitées en nombre, l’entreprise dispose par contre d’un très large parc de véhicules divers, utilisés à l’aéroport ou au Cargocenter. « Aujourd’hui, la moitié de cette flotte fonctionne à l’électrique. Quand nous le pouvons et que l’investissement se justifie, nous investissons, mais le principal frein reste le coût de certains engins, constate Gilles Feith. Par exemple, pour un nouveau remorqueur d’avion, le surcoût est de l’ordre de 100% si l’on opte pour un modèle électrique. Un soutien serait le bienvenu pour ce genre d’engin, qui a iche une durée de vie de 30 ans… Le choix que nous faisons aujourd’hui n’est donc pas anodin. De la même manière, en raison de l’infrastructure à disposition, la charge de bus ou de camions électriques dans un temps acceptable reste une gageure. À l’avenir, l’hydrogène est sans doute une solution à tenir à l’œil pour les engins lourds, mais en attendant, nous devons trouver d’autres solutions. » de milieu et d’entrée de gamme, une autonomie très faible et qu’il faut donc la recharger plus souvent », con e Gilles Feith, lui-même utilisateur d’un véhicule 100 % électrique. Chez PwC, un autre élément plaide en défaveur du plug-in hybride. « Certains ne voient que l’avantage scal et n’utilisent pas le véhicule à bon escient, en ne le rechargeant pas régulièrement, estime Dominique Laurent. Il en résulte une consommation accrue de carburant. À l’avenir, nous envisageons donc de limiter le budget essence octroyé à ce type de véhicules. »
Simplifier l’accès à la recharge Quoi qu’il en soit, vu la croissance du marché, la recharge des véhicules électriques ne pourra pas uniquement s’organiser au sein des entreprises. « L’extension du réseau de charge public reste déterminante pour le futur, constate le managing director de PwC. On ne peut que remarquer un manque flagrant de bornes aujourd’hui. Pour l’heure, impossible de trouver une borne de recharge rapide, si ce n’est sur des sites privés, notamment dans l’une ou l’autre concession automobile. À cela s’ajoute la complexité actuelle des systèmes de charge, qui varient d’un opérateur à l’autre. » Pour Gilles Le casse-tête de la recharge en entreprise Feith, un autre frein à l’utilisation de la voiSi la mobilité électrique en entreprise est en ture électrique peut résider dans le coût de plein essor, cela n’est pas sans poser quelques la recharge. « À ce titre, on peut déplorer le fait questions d’organisation pour les employeurs, que les bornes de recharge Chargy font souvent qui doivent proposer des solutions de recharge. défaut dans les zones industrielles par exemple, « C’est très simple, chez Luxair, nous disposons ainsi que la forte augmentation du coût de aujourd’hui de six bornes devant notre siège à charge sur le réseau Chargy enregistrée ces derMunsbach et de quatre autres au niveau du niers mois. » L’installation d’une borne à domiCargocenter. C’est évidemment beaucoup trop cile constitue une autre solution pour étendre peu pour répondre à une demande en pleine l’utilisation des voitures tout électriques. croissance, constate le directeur général de la « Aujourd’hui, l’installation d’une borne à domisociété d’aviation. Aujourd’hui, nous o rons cile peut être intégrée dans le contrat de leasing. gratuitement la recharge, mais nous limitons Étant donné que l’entreprise est légalement le l’occupation des bornes à 4 heures pour per- locataire de la borne, nous prenons toutefois mettre au plus grand nombre d’en pro ter. » quelques précautions a n que la sécurité soit
Au siège de PwC, l’entreprise dispose de garantie et que l’installation soit agréée », con e 400 places de parking pour 3.000 collabora- Dominique Laurent. teurs. « Nous disposons actuellement de 20 bornes On le voit, le succès de la mobilité élecde recharge et notre volonté est d’ajouter 100 bornes trique ne dépend pas que du bon vouloir des doubles en 2022. De cette manière, nous pour- chefs d’entreprise. Il demande un investisserons gérer la charge de 400 véhicules par jour, ment conséquent de toutes les parties pre200 le matin et 200 l’après-midi. Aussi, la charge nantes, de l’utilisateur aux services publics. va devenir payante, détaille Dominique Laurent. « Nous mettons beaucoup d’espoir dans le tram. Nous avons évidemment la chance que notre Lorsqu’il rejoindra l’aéroport, la zone sera très bâtiment ait été dimensionné avec une puissance facile d’accès depuis Luxembourg-ville. Grâce électrique su sante. » Au Luxembourg, la très à cela, notre sta comme nos clients pourront grande majorité des bâtiments existants n’ont pro ter d’une nouvelle o re multimodale, conclut pas été conçus pour répondre à ce besoin de Gilles Feith. Si la voiture ne va pas disparaître, puissance électrique, ce qui constitue un frein il est important de repenser son usage à plus à l’installation de bornes en entreprise. long terme. »
L’État luxembourgeois vient toutefois de présenter un nouveau régime d’aides en faveur Auteur M. P.