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« Le momentum arrive pour l’immobilier de bureaux »
from Paperjam mai 2023
Banquière, Gosia Kramer étouffait. Entrepreneure, elle respire. En sept ans, The Office a imposé ses espaces de coworking, saupoudrés de services en tous genres. « Un modèle unique », assure-t-elle, au moment où le Covid a fait exploser les modes de travail traditionnels.
« Les gens ont découvert des manières plus flexibles de travailler », se réjouit Gosia Kramer.
Conversation Gosia Kramer
Le Covid a dû être le pire cauchemar que vous puissiez imaginer… Absolument ! J’avais des sociétés qui travaillaient chez moi qui n’ont pas survécu à cette période, et celles qui travaillaient dans le numérique ont vécu leurs meilleurs moments. Pour The Office, c’était un challenge, et je suis contente que nous ayons survécu. La pandémie et l’énorme transformation digitale, tout cela relève d’un momentum dont j’étais certaine qu’il arriverait. Je savais, il y a sept ans, que la manière dont nous travaillions allait changer, mais cela a accéléré le changement. Les gens ont découvert des manières plus flexibles de travailler. Ils ont aimé ça ! Les entreprises prennent le sujet très au sérieux maintenant. Pour moi, le plus intéressant est ce qui se passe sur le marché aujourd’hui.
À quoi faites-vous allusion ?
Le Luxembourg est dans une impasse totale. Je suis très intéressée de voir comment cela va se dénouer, qui va agir en premier et comment. Nous avons des bâtiments qui sont livrés, dans certains quartiers comme Gasperich ou le centre-
The Office en cinq images
ville, mais il n’y pas tant d’entreprises que cela qui sont intéressées d’en prendre possession. Les entreprises sont très prudentes avant de signer un bail 3-6-9 ans. Et quand on parle de nouveaux bâtiments, on parle au minimum de neuf ans. Les banques sont devenues aussi très prudentes, pas forcément parce qu’il se passe quelque chose, mais en raison des nouveaux modes de travail. Elles découvrent qu’elles peuvent réduire leurs surfaces, les optimiser, utiliser la technologie… Il n’y a pas vraiment de candidats à la location de grandes surfaces. Tout le monde attend. Les loueurs ne veulent pas négocier ni aller vers des contrats plus courts.
Pourraient-ils seulement le faire ?
Ils ont aussi investi beaucoup en espérant des retours sur investissement… Ils ne peuvent pas. Peut-être faut-il diviser le sujet en deux catégories. Pour les nouveaux bâtiments, ce n’est absolument pas possible. Cela a un impact sur la valorisation du bâtiment, et ces bâtiments sont mis sur le marché pour être vendus. Ils ne peuvent être vendus que s’ils sont complètement loués. À moitié loués, pas d’acheteur. Dans l’ancien, peut-être que les propriétaires pourraient être plus flexibles et être d’accord pour un bail 3-6 ans, mais aller en deçà de trois ans n’est même pas négociable. Plus rien ne se passe actuellement à Luxembourg. Du coup, les grandes entreprises se tournent vers des opérateurs de coworking pour trouver des solutions. Quelque chose doit se passer sur le marché pour accélérer ces tendances.
En sept ans, malgré le Covid, The Office a trouvé son rythme de croisière sur 6.000 mètres carrés.
Pourrait-on vous retrouver aux frontières, une tendance qui occupe le terrain ?
J’ai été approchée à un moment. La localisation aux frontières, c’est une bonne idée… mais il y a les problèmes de gestion ou d’accès aux bâtiments. Les prix ne sont pas aussi bas que les gens l’imaginent. Le risque est quand même substantiel : si la réglementation ne suit pas, vous pourriez être en train d’investir dans quelque chose que vous ne pourrez pas utiliser. Les entreprises qui recrutent des frontaliers ont déjà leur quartier général, investir dans de nouveaux bureaux est une chose qu’elles n’avaient pas prévue
Charlotte, le garage sexy
L’aventure commence au 29, boulevard GrandeDuchesse Charlotte, en 2015. Un garage reconverti à une époque où les banques ont du mal à imaginer l’intérêt d’un tel projet. Aujourd’hui Lokaal, son café tendance est très prisé, surtout le dimanche.
City, la bibliothèque revisitée
C’est aussi un 29, aussi un boulevard, aussi en lien avec la famille grand-ducale, mais la comparaison s’arrête là. City abritait les archives de la bibliothèque de Luxembourg. Il est devenu le centre névralgique du groupe, à deux pas du centre Hamilius.
Suits, le « next level »
Au-dessus de City, Suits termine ses rénovations, et les clients y accèdent les uns après les autres. Un chantier qui a encore plus convaincu Gosia Kramer de l’intérêt de recycler les déchets de construction.
Le brunch, « the place to be » Elle met la main à la pâte pendant 10 heures, tous les dimanches. Gosia Kramer en a fait un moment de détente et de partage de ses convictions. Végan, bien sûr.
The Gym, l’arme anti-stress dans leur budget, en tout cas pas au niveau de ce que cela va réellement leur coûter. Imaginer avoir une solution flexible prête à l’emploi pour rien parce que c’est à la frontière est totalement irréaliste. Les propriétaires, même à la frontière, attendent des contrats de location à long terme.
Une tête bien faite dans un corps bien fait. Le sport comme moyen de décompresser ou de s’entretenir, une évidence adoptée par les clients de The Office.
Il faut pouvoir bien accompagner ses équipes…
C’est le point le plus sensible. Ici, il y a toujours un manager impliqué directement. Pour de grandes équipes, on nous a demandé des services supplémentaires, des badges, des caméras, etc. C’est très encadré.
En parfaite conformité avec la CNPD au sujet du RGPD, j’imagine ?
Oui, bien sûr ! Les employés restent des humains. S’ils ont une opportunité d’en faire moins, ils n’auront jamais la productivité qu’ils atteignent quand ils sont supervisés. Cela retient beaucoup de sociétés de mettre en place des solutions comme celles-là. Vous louez un bâtiment à la frontière et vous devez vous occuper de tous les aspects. Une solution comme The Office le fait à votre place. Pour ce qui est de la conformité au RGPD, oui, vous pouvez le faire – si c’est une zone désignée d’une entreprise et si les employés ont marqué leur accord. Pas question de le faire dans le dos des employés. Même pour les badges, les employés doivent être d’accord.
La question des bureaux satellites n’est qu’anecdotique, en réalité, non ? Au Luxembourg, il y a beaucoup de bureaux et de parkings. Leur utilisation n’est pas optimale parce que les entreprises ne remplissent pas leurs surfaces avec leurs employés. Il n’y a pas assez de surfaces partagées. Dans chaque bâtiment, vous avez des espaces d’accueil, des couloirs, des toilettes et des cuisines. Ces espaces doivent être présents dans le bâtiment, mais ils ne sont pas utilisés dans le contexte du business. Partager davantage de bureaux, financièrement, écologiquement, rationnellement, c’est la seule solution qui fait du sens. 60 % des places de parking ne sont pas occupées !
Il y a toujours quelqu’un qui est malade, quelqu’un qui a décidé de travailler depuis la maison… C’est juste des pertes d’espace, de temps et de capacités. Vous paieriez peut-être la même chose chez moi sans avoir à vous soucier de quoi que ce soit, et pourriez mettre ce temps et cette énergie dans votre core business.
Il y a aussi le prestige. Des entreprises ou des entrepreneurs qui montrent leur réussite en ayant de somptueux bureaux… Ça change massivement. J’ai souvent croisé cet état d’esprit dans le passé. Quand le bureau du directeur devait faire 100 mètres carrés… même quand le directeur n’était à Luxembourg que deux ou trois jours par mois, parce qu’il était en voyage tout le reste du temps. Même les avocats, qui ont besoin et envie d’impressionner leurs clients, sont entrés dans une autre dynamique. Je ne sais pas si c’est le résultat de la crise et que les gens sont devenus un petit peu plus modestes. Aujourd’hui, les dirigeants qui viennent nous voir sont surtout intéressés par le bien-être de leurs équipes. Ils veulent des solutions pour des réunions d’équipe, des zones réservées au repos, au sport, à la pause déjeuner. Ils sont plus dans un mode où ils se demandent comment réunir tout le monde, la plupart des équipes étant dans un mode hybride.
LE sujet de discussion à propos de ces endroits est le design si particulier… Oui. Le style est un élément très important. C’est même la première raison pour laquelle les entreprises nous choisissent. Elles parviennent directement à s’imaginer travailler ici. Je suis assez fière du travail que nous avons fait. Nous nous sommes occupés de chaque millimètre carré de nos espaces. Chacun a été développé spécifiquement. Nous offrons la possibilité de travailler à l’endroit que vous préférez, et cette liberté de choisir répond aux besoins de nos clients.
Il y a les équipes, même petites, mais aussi la solitude qu’on peut y ressentir ?
C’est un environnement qui a changé. Parmi les premiers membres de The Office, un entrepreneur me disait
GOSIA KRAMER
EN TROIS FACETTES
Gosia la « banquière »
En décembre 2007, Gosia Kramer entre chez Clearstream en tant que corporate action officer. Devenue sales and relationship manager, elle quittera l’entreprise sept ans et quatre mois plus tard.
Gosia l’« entrepreneure » « J’ai lu tout ce qui existait sur le coworking », expliquet-elle. Avant de lancer un proof of concept et d’entamer la rénovation de son « garage », comme elle appelle le bâtiment Charlotte, qui a étonné les banquiers. En 2015, le coworking n’en était qu’à ses débuts au Luxembourg.
Gosia l’« engagée » justement que venir ici lui a permis de comprendre qu’il n’était pas seul à devoir affronter certaines difficultés et que cela avait eu un effet positif sur son travail. Dans ma communauté, je vois aussi que l’avantage d’avoir des entrepreneurs à différentes étapes de la vie de leurs sociétés, c’est qu’ils peuvent interagir et profiter des expériences des uns et des autres. Que ce soit pour des sujets de taxes, administratifs, de recrutement, pour trouver des avocats. C’est une communauté très interactive. Nous avons beaucoup d’événements autour de cela. 90 % des utilisateurs disent trouver un espace de coworking plus inclusif et se sentir moins seuls.
Végane par conviction, considérant que c’est bon pour elle et pour la planète, Gosia Kramer a dû convaincre ses équipes et ses clients. Le recyclage des bâtiments et des meubles est l’autre dynamique qu’elle revendique avec fierté.
Jusqu’à quel point la communauté est-elle importante ?
Dès le premier jour de The Office, je me suis attachée au développement de la communauté. C’était un très gros effort, quand vous travaillez déjà jour et nuit pour rassurer sur votre proof of concept. Le terme même de communauté n’était pas très connu sur le marché. J’étais la première à l’utiliser au Luxembourg. Cette communauté a grandi au rythme des développements de l’entreprise. Plus nous nous développons, plus je pense que ce qui compte, c’est l’ambiance. Peut-être que cela a l’air ridicule. C’est important que les gens se sentent bien.
J’imagine que le bien-être passe aussi à un moment donné par l’estomac… Bien sûr ! C’est pour cela que j’ai créé le restaurant, qui est devenu végan au sein de The Office. Il n’y a pas de corps en bonne santé sans nourriture saine.
Vous avez toujours inclus la nourriture dans vos services ?
Avant de lancer The Office, j’ai passé quelques mois à préparer le projet. J’ai analysé tous les espaces de coworking du monde ! J’en ai tiré quelques conclusions. L’une d’entre elles est qu’avoir un espace de restauration… ne vous amène aucun bénéfice – les marges sont trop basses ! Au début, c’était des salades et des sandwiches. Étape par étape, nous sommes passés des sandwiches à un four, et du four aux pizzas, et du four aux appareils de cuisson pour cuisiner des pâtes. Les pâtes ont été un game changer, le plat le plus rentable. Un an plus tard, nous avions des frigos professionnels… Je suis une personne très prudente avec la nourriture, alors je lis beaucoup, j’étudie beaucoup, j’essaie en permanence de me développer. Pour moi et pour les autres.
Qu’est-ce que vous aimeriez ajouter comme services ?
Probablement plus de méditation de pleine conscience. Ce besoin de focus des gens et de faire le vide a traversé mon propre développement, face à tous les challenges qu’un entrepreneur doit affronter lui-même. Et c’est ce qui me fait dire que cela pourrait être très utile.
Vous décririez-vous comme une personnalité engagée sur ces domaines ?
Oui ! Je ressens cette responsabilité. J’ai changé le concept au fil du temps pour être totalement végane pour des raisons écologiques. Nous étions dans un restaurant vide. Mon équipe était en panique. Devions-nous continuer comme cela et risquer de fermer dans un mois ? Nous avons convaincu les gens de revenir. Nous devions rendre la nourriture végane tellement délicieuse que la question ne se poserait
Maurice L Vy
Une publicité discrète Gosia Kramer ne dira pas son nom. « Mon investisseur », quand il s’agit de se rappeler qui lui témoigne, à la sortie du Covid, son admiration pour sa résilience, c’est le publicitaire français Maurice Lévy. Début juillet 2018, alors que la holding de The Office, The Office Suits, s’appelle encore Let’s Rock, le président du conseil de surveillance de Publicis Groupe souscrit à la totalité des 600 parts de l’augmentation de capital pour 600.000 euros, via une de ses structures luxembourgeoises, Mora & F, qu’il dirige avec son fils Michael. Trois ans plus tard, celui qui a été considéré comme le patron le plus influent du CAC 40 en 2013 remet 650.000 euros dans l’aventure, contre 383 des 473 nouvelles actions. Une belle publicité… discrète.
Des revenus en hausse constante
Malgré le Covid et au rythme des ouvertures de bâtiments, The Office a vu ses revenus augmenter régulièrement. Données en millions d’euros. *: le chiffre pour 2023 est une estimation
EMBRACING THE FINEST WINES AND SPIRITS