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Quelles actions concrètes dès demain ?

Auteur CÉLINE COUBRAY Le Politmonitor réalisé en novembre 2022 a confirmé ce qu’on subodorait : la crise du logement est devenue un sujet majeur de préoccupation de la population. C’est même, pour 75 % des sondés, le premier sujet d’inquiétude ! Voilà pourquoi le Paperjam + Delano Business Club a réuni le ministre du Logement Henri Kox (déi Gréng), Nathalie Oberweis (déi Lénk), Chloé Timmermann (Piratepartei), Elisabeth Margue (CSV), Max Leners (LSAP), Max Hahn (DP) et Roy Reding (ADR) pour une table ronde avec cette question centrale : « Crise du logement: quelles actions concrètes dès demain? » La cherté en cours sur le marché a longtemps été la douleur principale. Mais maintenant, c’est une des conséquences des prix prohibitifs qui rendent fébrile : la trop faible quantité de nouveaux logements mis sur le marché, que ce soit pour la vente ou la location. La crise de la demande est aussi une crise de l’offre, sachant bien évidemment que les deux sont liées.

Une accumulation de retards Une caractéristique du Luxembourg est sa dynamique de croissance. Aujourd’hui, le pays compte 645.000 habitants – ils étaient 436.000 en 2000. Le reflet d’une attractivité économique fleurissante et non d’un effet baby-boom. On compte toujours plus de personnes venant de l’étranger car elles ont trouvé un travail ici. Des personnes qui, depuis des années, ont du mal à se loger de manière abordable.

La politique du logement déployée ces 20 dernières années, et même avant, ne parvient pas à résoudre ce problème complexe. Depuis 2018, le ministère du Logement produit des réformes et des projets de loi, propose des leviers d’action, le tout regroupé dans la Stratégie nationale du logement abordable. Mais, dans un contexte changeant et de plus en plus délicat, cette politique tarde à porter ses fruits. Un grand nombre de personnes sont maintenant exclues du marché immobilier du fait de la rareté des biens et des prix exorbitants. Le rêve de l’accession à la propriété s’érode de plus en plus rapidement pour la classe moyenne. Plus inquiétant encore : l’enjeu de l’accès à la propriété d’un logement est devenu celui de l’accès au logement.

Danger pour la compétitivité

Cela représente un danger évident pour la compétitivité et la croissance du pays. Sans même évoquer le péril pour l’équité et la cohésion sociale. Depuis plus de 15 ans, les prix du marché de l’immobilier résidentiel au Luxembourg sont en très forte progression. Pour ne reprendre que les chiffres

1- Évolution des prix de l’acquisitions en neuf et existant à Luxembourg

Vente d’appartements construits Vente en état futur d’achèvement de ces dernières années, la hausse annuelle moyenne des prix du logement (appartements et maisons confondus) était de 10,1 % en 2019, 14,5 % en 2020 et 13,9 % en 2021. Par contre, selon le Statec et l’Observatoire de l’habitat, l’évolution des prix en 2022 a été moins forte que les années précédentes puisqu’elle plafonne à 9,6 %, ce qui reste toutefois une hausse importante, tout en étant une décélération.

Pour prendre l’exemple de Luxembourg­ville 1 , le mètre carré est passé de 4.015 € / m2 en 2007 pour un appartement existant à 11.590 € / m2 en 2022 ! Et de 4.583 € / m 2 en 2007 pour un appartement en Vefa à 14.157 € / m2 en 2022. Cela s’explique en premier lieu par une demande qui est plus forte que l’offre, ce qui est lié, comme évoqué précédemment, au dynamisme économique du pays et à la difficulté de construire suffisamment et rapidement de nouveaux logements pour suivre cette croissance. Les prix sont élevés parce que les terrains sont rares, et donc chers. Par ailleurs, la densité de construction est souvent faible, ne permettant pas de construire de nombreux logements. Sans oublier le fait de devoir, ensuite, lever toutes les complexités et les lenteurs administratives pour développer ces nouveaux logements.

Une fois les autorisations accordées, les constructeurs doivent trouver la maind’œuvre disponible pour intervenir sur les chantiers. À ces difficultés se sont ajoutées la crise du Covid et ses conséquences, la difficulté d’approvisionnement en matières premières, la hausse des prix et l’inflation. Les prix de la construction sont donc fortement à la hausse 3 . La guerre en Ukraine a renforcé ce phénomène. Enfin, il faut tenir compte de la hausse des taux d’intérêt pour les prêts hypothécaires qui remontent drastiquement depuis le der nier semestre 2021 5 .

62 %

Certains chiffres valent parfois tous les discours. L’Ordre des architectes et ingénieurs-conseils a ainsi récemment interrogé ses membres afin de connaître la dynamique de leur activité. Pour 62 %, les carnets de commandes sont aux trois quarts vides pour les trois prochaines années. Ce qui illustre de manière éloquente à quel point le marché se trouve actuellement au point mort.

2- Évolution du nombre d’acquisition en neuf et existant à Luxembourg

Vente d’appartements construits Vente en état futur d’achévement En milliers d’euros

Un taux d’effort croissant Pour les ménages, la difficulté à obtenir un crédit est donc de plus en plus grande, avec des parts d’apport en fonds propres demandées par les banques de plus en plus importantes : 11,4 % en valeur médiane en 2018, alors qu’aujourd’hui, il est généralement demandé de 25 % à 30 % d’apport en fonds propres. La part du budget des foyers consacrée au logement est logiquement croissante. Le taux d’effort des ménages pour la part consacrée au logement (c’est-à-dire le rapport entre le coût du logement et le revenu disponible d’un ménage) est toujours plus important 6

On observe par ailleurs un taux d’effort plus important pour les locataires, et plus particulièrement pour les moins aisés et ceux arrivés il y a moins de 5 ans au Luxembourg. En 2019, le taux d’effort des locataires s’élevait à 37,3 %, contre 29,5 % pour les propriétaires avec un emprunt encore en cours. Quant au taux

4- Évolution du nombre d’autorisations à batir

5- Taux d’intérêt sur les crédits immobiliers

Fixation initiale du taux d’une durée supérieure à 10 ans Taux variable et / ou fixation du taux d’une durée inférieure ou égale à 1 an d’effort des locataires du 1er quintile de niveau de vie (20 % des ménages les moins aisés), il était de 50 % en 2019.

Cela se comprend bien aussi quand on observe l’évolution des prix des loyers, qui ont également progressé vers le haut – cependant moins rapidement que les prix de vente. Toutefois, ces derniers mois, les loyers ont fortement augmenté 7 . Depuis le début de l’année 2023, tous les indicateurs sont au rouge vif. Le marché immobilier est purement et simplement en panne. Les ventes de logements sont en chute – que ce soit en biens existants ou, encore plus, en Vefa 2 .

6- Évolution du taux d’effort selon la composition familiale des ménages

1 adulte 2 adultes 1 adulte avec enfant(s) à charge

2 adultes avec enfant(s) à charge

7- Indice

Des Loyers Annonc S

Loyers annoncés des appartements Loyers annoncés des maisons

Sur une base au départ de 100 au 1er trimestre 2010

Selon le dernier rapport de l’Observatoire de l’habitat, on constate une baisse de 48,3 % des ventes en Vefa à l’échelle nationale par rapport au quatrième trimestre 2021. Pour l’année 2023, on évoque 1.500 logements neufs en moins sur le marché, alors qu’on en produit en moyenne 3.500, contre un besoin estimé par la Fondation Idea à 7.340 logements supplémentaires par an pour soutenir les perspectives de croissance du pays entre 2022 et 2026.

La conséquence de cette conjoncture qui n’inspire pas confiance est une baisse importante déjà constatée sur le nombre d’autorisations à bâtir délivrées :

- 28 % entre 2021 et 2022 4 .

Récemment, la Chambre des métiers tirait encore la sonnette d’alarme sur des perspectives peu encourageantes et appelait à des mesures de soutien temporaires et ciblées. Même son de cloche auprès de l’Ordre des architectes et ingénieursconseils. Or, la construction de logements a une double conséquence : l’attractivité du pays pour loger la maind’œuvre nécessaire à son économie, mais aussi le maintien dynamique et économique d’un secteur – celui de la construction – qui représente près de 15 % des emplois du pays.

Les enjeux sont donc énormes. Un levier d’action important est indéniablement le pouvoir politique.

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