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NETTY THINES

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La liste

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Pour Netty Thines, le rôle des agences de communication est de « conseiller et sensibiliser [les] clients à leur responsabilité sociale au travers de l’événement qu’ils organisent ».

« L’exubérance sera de plus en plus mal vue »

Depuis 30 ans, Mediation suit l’évolution de l’économie du pays au travers des actions de communication de ses clients. Pour sa propriétaire et administratrice déléguée, Netty Thines, la maximisation de l’impact et la simplicité seront déterminantes pour les prochaines décennies.

Interview THIERRY RAIZER Photo GUY WOLFF

Alors que le contexte sanitaire permet à nouveau d’organiser des événements physiques, quel est le baromètre de votre agence ? Il est au beau fixe ! Nous avons recruté trois nouveaux collaborateurs, nous développons fortement nos activités de vidéo et de content management. Nous constatons que les gens ont à nouveau besoin de se rencontrer. Même si la période des confinements et des restrictions sanitaires a accéléré l’usage des outils digitaux pour différents types d’événements, l’être humain a besoin de relations sociales interpersonnelles « en direct ».

Quelles tendances en matière d’organisation d’événements observez-vous ? C’est très varié. Certains clients restent prudents et misent sur la simplicité. D’autres veulent se faire plaisir pour remercier leurs salariés et leurs clients. Cela dit, le tempérament local et le contexte économique général feront que l’exubérance sera de plus en plus mal vue. Je vois mal les clients jeter l’argent par les fenêtres dans les années à venir.

Est-il cependant possible de disposer d’une forme de prévisibilité dans ce contexte mouvant, entre accalmie pandémique et guerre en Ukraine, synonyme de complications économiques ? Notre agenda est bien rempli jusqu’au mois d’octobre et les premiers projets pour 2023 commencent à nous parvenir.

Quid des effets de l’inflation ? En tant que chef d’entreprise, je m’inquiète de l’indexation des salaires dans la mesure où nous devons la répercuter d’une manière ou d’une autre sur nos clients. Nous constatons également une hausse des prix de tous nos fournisseurs. L’inflation joue aussi sur la prise de décision de nos clients, tous ne sont pas à même de supporter les hausses de coûts.

Comment avez-vous vécu la période des confinements et, plus largement, de la crise du Covid-19 ? Nous avons fait appel au régime de chômage partiel uniquement pour les quatre premiers mois de la pandémie. Ensuite, nous sommes très reconnaissants d’avoir pu bénéficier des aides Covid mises en place par le gouvernement. Cette période nous a aussi permis de prendre du recul, d’imaginer de nouveaux produits et services, de nous former, d’accentuer notre digitalisation. C’est d’ailleurs durant cette même période que nous avons produit l’application Luxilux à destination des tou-

BIO EXPRESS

Formation Netty Thines est née le 20 juillet 1964 à Clervaux. Ella a obtenu une licence de journalisme et communication à l’Université libre de Bruxelles.

Création d’entreprise En 1991, elle fonde Mediation, après avoir travaillé pour des entreprises et institutions à Bruxelles et Luxembourg, dont Luxair.

Associations Netty Thines est membre du conseil d’administration de 27Names, de la MarkCom (l’association des agencesconseils en marketing et communication) et de la LEA (Luxembourg Event Association). Elle est secrétaire et membre du conseil d’administration de l’association Femmes pionnières du Luxembourg. ristes – locaux et étrangers – qui veulent découvrir le pays d’une façon ludique.

30 ans après sa création, quel est le fil rouge du développement de Mediation ? Notre idée originelle n’était pas d’être une agence centrée uniquement sur l’événementiel, ce que nous ne sommes toujours pas par ailleurs. Les événements représentent un support de communication phare pour nos clients et sont notre cœur de métier, mais nous avons une approche à 360 degrés, au départ de la volonté qui a toujours été la nôtre de proposer des supports de communication personnalisés et interactifs. Ce qui était relativement rare en 1991. C’est un savoir-faire pour construire des relations fortes et toucher les cinq sens des publics cibles des événements, de l’invitation à l’expérience vécue sur le site et la communication après l’événement.

Beaucoup d’employeurs éprouvent des difficultés à recruter, en particulier des profils qualifiés et expérimentés. Vivez-vous cela également ? Nous devons en effet composer avec cette problématique, surtout pour recruter des personnes qui parlent luxembourgeois. À défaut de trouver de nouvelles recrues, nous devons miser sur la formation qui peut représenter un levier important pour la mise à jour des compétences des personnels expérimentés et un acquis de base pour les juniors. Je pense notamment aux sessions proposées sous l’égide de la MarkCom par la Luxembourg Advertising & Media Academy afin de donner les clés de base pour la compréhension du paysage local.

De quelles compétences est dotée votre agence qui emploie une dizaine de collaborateurs ?

Notre fil rouge est toujours de penser public cible et retour sur investissement pour nos clients, qu’il s’agisse évidemment de communication externe ou de communication interne. Ces projets requièrent à la fois une bonne connaissance des audiences et du marché, un excellent réseau, des compétences en marketing, en design, en copywriting et en organisation d’événements, bien entendu.

L’impact est inscrit en lettres capitales dans votre ADN. Que recouvre, dans votre cas, cette notion d’impact ? Pour créer de l’impact, il est primordial de comprendre les besoins du client, de se mettre à sa place, de procéder à une analyse rigoureuse afin de formuler les propositions le plus adéquates. Les départements Communication et Événements des entreprises se sont développés et professionnalisés en 30 ans, mais le rôle d’une agence demeure précieux dans la mesure où nous pouvons intervenir avec un certain recul par rapport à nos interlocuteurs qui sont souvent aux prises avec un agenda chargé et enfermés dans le giron de leur métier.

Car l’importance de l’événement dans la vie d’une entreprise a aussi évolué depuis 30 ans… Chaque projet est différent, entre un lancement de produit et la célébration d’un anniversaire d’entreprise. Les dirigeants ont compris qu’il ne suffisait plus de proposer un buffet copieux et une animation pour avoir de l’impact. L’expérience sortant de l’ordinaire et le contenu doivent primer. Il reste toutefois une certaine culture de la discrétion sur le retour sur investissement tangible d’un événement bien que, paradoxalement, celui-ci représente un certain budget. On retrouve là toute la discrétion luxembourgeoise…

Le conseil en communication est-il reconnu à sa juste valeur ? Il l’est de plus en plus et je crois que, même si certaines entreprises disposent d’un département Communication et/ou Événements fourni, le besoin d’un consultant externe demeure d’actualité. Nous sommes un « sparring-partner » qui peut leur permettre d’aller plus loin, avec agilité et efficience.

Des événements dans le metaverse, vous vous y préparez ? Nous nous y intéressons, mais j’ai du mal, à ce stade, à m’imaginer qu’une vie parallèle suffisamment tangible, et qui aurait le même impact qu’un événement physique, puisse être créée.

Peut-on réellement aboutir à des green events ? Cet enjeu essentiel et incontournable nous tient à cœur. Il faut malheureusement procéder par étape. Mais il ne faut pas tarder non plus. Il 30 ANS D’ÉVÉNEMENTS

Retour en images sur quelques événements qui ont marqué la vie de l’agence de communication Mediation.

SIEMENS

Les 100 ans de la filiale luxembourgeoise de Siemens, célébrés le 22 septembre 2010 à la Halle des Soufflantes à Esch-Belval, en présence notamment du Grand-Duc héritier et du Premier ministre de l’époque, Jean-Claude Juncker (CSV).

IFSB

Le 5 décembre 2007, inauguration des installations de l’Institut de formation sectoriel du bâtiment (IFSB) à Bettembourg.

GOODYEAR

Goodyear célébrait ses 50 ans en 1999, en présence du Grand-Duc Jean. Parvenez-vous d’ores et déjà à concevoir des événements en effectuant des choix locaux ou régionaux ? Nous arrivons à trouver un nombre important de fournisseurs sur place et dans un rayon de deux à trois heures de route. Encore faut-il que les fournisseurs en question aient eux-mêmes recours à des produits fabriqués localement ou en Europe. La pandémie nous a montré que nombre de produits provenaient de Chine. Notre rôle, dans ce contexte, est de conseiller et de sensibiliser nos clients à leur responsabilité sociale au travers de leur événement.

La sobriété induite par le changement climatique est donc bien à l’agenda du secteur… Si l’être humain a besoin de s’ancrer, de retrouver des formes de contact interpersonnelles après la pandémie, nous devons aussi valoriser davantage la simplicité dans toutes les facettes d’un événement.

Depuis 30 ans, vous bénéficiez d’une belle fenêtre d’observation sur l’évolution d’un pays qui a su faire perdurer sa bonne santé économique. Comment percevezvous cette success-story ? Nous vivons encore sur une île, en quelque sorte, et je me demande parfois pour combien de temps. Nous allons probablement encore réussir à nous réinventer pour faire perdurer cette success-story remarquable, même si nous voyons poindre des phénomènes ou des signaux inquiétants comme les « working poor » qui n’arrivent pas à financer leur logement. Comment continuer à attirer des salariés au Luxembourg ? Qui peut encore se permettre d’y vivre ? Quel sera l’impact du télétravail sur l’attractivité du pays ? Dans ce contexte, le secteur événementiel a de nombreux défis devant lui.

COCA-COLA

Le lancement de Coca-Cola en version light, en 1992.

reste beaucoup de choses à apprendre et de réflexes à mettre en place, comme la consommation locale ou régionale pour le catering, modifier le choix de certaines boissons, proposer moins de viande, réutiliser l’existant, recourir aux transports en commun pour se rendre sur le site de l’événement, choisir des prestataires locaux… avec comme objectif de réduire le CO2 sur toute la chaîne de valeur d’un événement. La mesure du bilan carbone – que nous effectuons à la demande – doit aussi permettre à des entreprises de faire des choix en toute conscience. L’évolution de la réglementation va de toute façon dans ce sens. Avec le recul, auriez-vous pu mener une carrière sans être entrepreneuse ? Pourquoi pas ? J’aime l’aventure, la variété, apprendre de nouvelles choses. La prise de direction de l’entreprise et sa reprise ensuite en tant qu’unique actionnaire se sont effectuées par hasard. Mais je ne le regrette absolument pas !

Et si c’était à refaire aujourd’hui ? Quand on est passionné(e), lorsqu’on poursuit une ambition, on finit toujours par trouver sa place. Cela nécessite un certain effort, d’investir de l’énergie et du temps, de s’entourer des bonnes personnes, de constituer un réseau… mais on met toutes les chances de son côté pour y arriver ! Et cela fait 30 ans que ça dure…

Mediation Photos

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