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Man Yaya
Texte : Olivier Gripacus Illustration : LifeisDzign Man Yaya
"Chak moun on moun !"
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Dès que cette phrase était prononcée par le chanteur, il n'y avait quasiment plus de place sous ma grande robe de bois. Les jeunes hommes se dépêchaient afin de trouver une petite mam'zelle pour la faire tournoyer et oublier les péripéties de la semaine. Épaule contre épaule, dos à dos, mon ossature de bois servait de support à certains pour ne pas "chalviré" dans un "chaltouné". Si tu veux pas, tant pis ! Si tu veux pas, tant pis pour toi ! Oui nous étions samedi soir ! Les escarpins des dames, les "pikois" et les bottines des hommes cognant sur mes planches de bois donnaient le tempo à suivre. Ces vibrations me mettaient vraiment dans l'ambiance. Rien de grave ne pouvait m’arriver. Même s’ il y avait eu un tremblement de terre, je ne l'aurais pas ressenti. Je faisais partie de celles qui n'avaient besoin de quiconque pour s'amuser. Tant que le guitariste, le pianiste, le saxophoniste continuaient de faire glisser leurs doigts sur leur instrument, la chaleur montait au zénith.
Les pieds sur mes planches de bois, la tête je ne sais où, "tout moun té ka swé kon kannari chatengn" et chantaient en cœur avec mon propriétaire "yo vwè'w ! yo vwè'w !" Ma robe de bois était humide car depuis de bonnes heures déjà, tout le monde se trémoussait. Front dégoulinant de sueur, chemises et robes mouillées ; pourtant personne ne s'arrêtait. « Un vrai sport ! » diront certains. "Ah wè mi chalè mi !" «On vré touffé yen-yen !» Les seuls qui n'avaient pas bougé de leur place étaient "Ti kok" et sa bande, debout devant leurs « grena ». Mais la musique était si entraînante que leur tête faisait ce mouvement de haut en bas pour accompagner le rythme. D'autres sifflotaient ou claquaient des doigts. Comment ne pas apprécier ? "Balancé yaya, mwen diw balancé oh ! " A ce moment précis, le seul souci était de s'amuser, chanter, un gros "blo" dans un esprit bon enfant « é san dézòd ». Car oui, cela faisait oublier les problèmes de la vie.
Là, sous mon chapeau de tôles, je les regardais. Je peux vous dire qu'il n’y avait pas plus heureuse que moi !... Way ! Le soleil va bientôt se lever. Je suis Man Yaya de kazkamo.