SAGA DU METISSAGE

from Magazine Maisons Créoles N°122 Réunion

RECETTE

Remerciements à l’Iconothèque Historique de l’Océan Indien

Lithographies Antoine Roussin Texte : corinetellier.re

Les premières ascensions de La Fournaise

Ses éruptions sont un spectacle dont ses visiteurs ne veulent pas perdre une miette. Le Volcan fascine les habitants de l'île depuis longtemps mais ce n'est que vers la seconde moitié du XVIIIème siècle que s'écrit la légende des premières ascensions de La Fournaise.

Qui a le premier foulé le sommet de la Fournaise depuis le peuplement de l'île ? La question reste en suspens et même si l'hypothèse d'une incursion de Marrons ou de chasseurs de cabris paraît séduisante, aucune preuve objective ne permet pour le moment de l'appuyer. Ce qui est certain, en revanche, c'est la date du récit de l'ascension du Volcan, 1751, par un homme qui se présente comme « un habitant de Bourbon ». Il s'appelle André Fréry et publie son aventure dans un texte édité en 1755 dans les Mémoires de la Société Royale des Sciences et Belles Lettres de Nancy. De nombreuses expéditions suivront. Attardons-nous sur deux d'entre elles, qui font intervenir des noms qui résonnent encore dans notre imaginaire collectif, Commerson et Bory de Saint-Vincent. En 1771, le botaniste Philibert Commerson, de passage à Bourbon, explore le volcan en compagnie de deux guides de choix, Jean-Baptiste Lislet Geoffroy et Joseph Hubert (membre correspondant de l'Académie des Sciences). Ce dernier le fait longer le bord supérieur de l'enclos et l'emmène jusqu'au piton de Bert, sur le site actuel de Bois-Vert.

Commerson a ainsi l'opportunité d'étudier la flore de cette zone et il repartira en métropole avec une petite collection. Quelques années après l'expédition de Commerson, c'est un autre naturaliste qui entreprend de s'attaquer à l'ascension du volcan.

Le Gros Morne, le Brûlé de St Paul, le Morne de Fourche et Cimendef, pris du Piton Rouge Bory de Saint-Vincent, Jean-Baptiste Geneviève Marcellin (1778-1846) Paris, Adam

Le volcan de Mascareigne, pris du Piton Rouge Bory de Saint-Vincent, Jean-Baptiste Geneviève Marcellin (1778-1846) Paris Adam

C'est ce que nous apprenons dans l’ouvrage « Le Voyage dans les quatre principales île des mers d’Afrique » publié par Jean-Baptiste Geneviève Marcellin Bory de Saint-Vincent.

Un voyage aux péripéties inattendues : le scientifique est à bord de la corvette Le Naturaliste qui s'embarque en 1801 pour la seconde expédition de découvertes en Terres Australes commandée par Nicolas Baudin ; au cours du trajet menant en Australie, sa santé précaire le contraint de débarquer à La Réunion où il profite de cette opportunité pour mener des observations scientifiques et dresser plusieurs dessins et cartes géographiques. La première ascension du volcan s'étale sur plusieurs jours, du 25 au 30 octobre 1801. Bory de Saint-Vincent est accompagné de François Cochinard, chasseur, de Monsieur de Jouvancourt, et de quatre esclaves noirs. La configuration d'alors diffère de ce que nous pouvons observer aujourd’hui. Le sommet avait la forme d’un plateau, au centre duquel s’élevait un mamelon d’une cinquantaine de mètres de hauteur.

La seconde ascension a lieu du 18 au 22 novembre 1801 et avait pour but initial d’atteindre les montagnes des Salazes, qui comprennent les deux plus hauts sommets de l’île, le Gros Morne et le Piton des Neiges. Bory de Saint-Vincent est toujours accompagné de Cochinard, auquel s'adjoint un certain Germain Guichard de Saint-Pierre. Il est édifiant de se rendre compte de la terreur qu'inspirait alors le volcan parmi la population comme nous le raconte Bory de Saint-Vincent. « Tout le monde cependant s’accordait à me dire que la tentative était téméraire, que personne ne voudrait me suivre et que jamais on n’avait osé entreprendre ce que je voulais exécuter. Vous trouverez, ajoutait-on, des fractures qu’on ne peut franchir, des cendres profondes et mobiles, dans lesquelles on risque de disparaître, enfin, peut-être, la mort dans quelque courant embrasé, échappé des flancs de la montagne… ». Deux siècles plus tard, la terreur a fait place à la fascination et au plaisir de randonneurs et curieux toujours plus nombreux !