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Sur les traces du patrimoine architectural avec Bernard Leveneur, passeur de mémoire

Habitation d'un Planteur à la Rivière-des-Pluies _ Mathieu, Henri, 1899-1903 (carte postale, Archives départementales de La Réunion)

La maison Bang, la révélation

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« Imaginez ma stupéfaction quand, après en avoir vu si souvent l'évocation dans les archives notariales, je suis enfin tombé, un dimanche après-midi, sur une authentique case créole du XVIIIème siècle, à la Rivière des Pluies ! Je l'ai découverte alors avec sa propriétaire Madeleine Bang, aujourd'hui décédée, qui m'a reçu les bras ouverts. La partie centrale, la plus ancienne, est l'archétype de la maison du planteur de café et d'épices de cette époque. Une maison que les propriétaires (les familles Bang et Dufourg) ont su conserver pratiquement dans son jus. Devant l'édifice, Paul Dufourg avait édifié une façade de prestige et fait aménager une grande varangue flanquée de deux pavillons de part et d'autre. On y accède à partir d'une double allée bordée de cocotiers qui débouche sur un espace de forme arrondie, une terrasse de fleurs avec en son centre un bassin d'agrément. C'est tout simplement somptueux ! », nous conte Bernard Leveneur.

Une histoire qui n'a pas besoin d'artifices tapageurs pour être attirante et qui s'éloigne des raccourcis un peu trop hâtifs ou de cette folie de tout ramener à ce qu'il qualifie de « néo-créole », comprenez des constructions qui se prétendent authentiques alors qu'elles font fi de tout respect des règles (de proportion notamment) de l'habitat créole réunionnais, fruit d'un long métissage entre les inspirations européennes, malgaches et africaines et le savoir-faire des premiers bâtisseurs (dont de nombreux esclaves aux multiples talents). Encore de belles pages à feuilleter prochainement, à coup sûr !

Maison créole à Saint-Pierre (détruite) vers 1970 (collection privée)

Album de la Réunion : Saint-François Résidence du Gouverneur _ Roussin, Louis Antoine (1819-1894) 1848-1894 (estampe, Archives départementales de La Réunion)

Type de maison coloniale _ Petit. Graveur : Brossé-Le-Vaigneur, 1887 (estampe, Bibliothèque départementale de La Réunion)

FABRICATION

Texte : Corine Tellier Illustrations : Iconothèque Historique de l’Océan Indien Source : Bernard Leveneur « Le Barachois, Saint-Denis sur mer, 1733-1963 » édition Epsilon.

Le Barac , LE BARACHOIS une passerelle entre les flots et la terre

Saint-Denis : Débarquement de bœufs _ Dosité, L. 1903-1930, carte postale, Archives départementales de La Réunion

Lieu emblématique de La Réunion, le front de mer de Saint-Denis fut jadis une interface incontournable facilitant notamment le commerce. Malgré un relief réputé inhospitalier, le Barachois a ainsi été pendant un moment, et particulièrement au XIXème siècle, un port capital.

Les amoureux de SaintDenis ont chacun leur manière d’apprécier ce coin du chef-lieu, selon qu'il serve de cadre pour les sorties dominicales en famille ou les rendez-vous galants, bercés par le bruit des vagues. Tout à nos allées et venues, nous sommes à mille lieues de nous imaginer que nous traversons un espace qui fut marqué par d'autres types de commerces. Jusqu’au tournant du XXème siècle, le front de mer dionysien s’est voulu comme l’ancrage privilégié des navires de commerce venus de loin. Les vestiges n’en sont plus visibles, et il nous faut le support d’illustrations, de plans et de cartes de l’époque pour nous le confirmer. A proximité de la pointe des Jardins, un grand pont faisant office de débarcadère assurait le rôle de passerelle entre les flots souvent houleux et la terre ferme, tandis que des pontons annexes (jusqu’à 6 en 1861) faisaient face à l’actuel square La Bourdonnais et à l’hôtel de préfecture.

Une jetée et des ponts

A quelle date remonter pour assister à un tel tableau ? La mise en place du port de Saint-Denis se décide au début du XIXème siècle et la première pierre d’une jetée (de Milius, le nom du gouverneur de l’époque) est posée le 27 novembre 1819, dans le prolongement de la rue du Bazar, notre rue Jean Chatel actuelle. Pour mieux comprendre les enjeux qu’une telle implantation suppose, les historiens incitent à contextualiser l’événement dans une perspective

A quelle date remonter pour assister à un tel tableau ?

Saint-Denis : Le Barachois _ Chardon, Edouard, 1906, carte postale, fonds privé Jean-François Hibon de Frohen (1947-) – Don Musée Léon Dierx

plus large. Par exemple, l’historien de l’art Bernard Leveneur prend comme extrémités deux dates symboliques : le début de l’urbanisme à Saint-Denis et l’inauguration de la route du Littoral. Autrement dit, la période pendant laquelle SaintDenis fut un port de commerce suit de son importance en tant que nouveau pôle politique. En effet, Mahé de La Bourdonnais décide de faire de Saint-Denis la capitale administrative ayant tranché en faveur du Nord au détriment de Saint-Paul comme résidence officielle des gouverneurs. En même temps, la ville se dote d’un quartier militaire, la place forte de La Redoute.

L’abandon des échanges maritimes dans le secteur Nord au début du XXème siècle signe une nouvelle ère, tournée vers la terre ferme cette fois-ci et les déplacements entre le Nord et l’Ouest, vers le nouveau port, celui de la ville du même nom. On pourra entendre ici et là que le nom « Barachois » correspond à un petit port sommaire dans le contexte des anciennes colonies françaises. Ce que l’on peut affirmer, c’est que c’est la façon dont les colons ont surnommé cette anse naturelle à proximité de la pointe des Jardins et qui a été privilégiée pour le mouillage des embarcations légères faisant la navette entre les navires et le rivage, avant la construction du pont. Si le Barachois reste désormais attaché dans la mémoire collective à un lieu de promenades et de manifestations, il le doit au XXème siècle qui finit par remiser dans les livres d’histoire le passé maritime de Saint-Denis en aménageant un boulevard dégagé donnant sur un autre panorama, avec la complicité silencieuse de la statue de Roland Garros qui nous indique l’horizon depuis 1926.

Remerciements à l’Iconothèque Historique de l’Océan Indien et à Bernard Leveneur.

Saint-Denis : Quartier d'Artillerie Coloniale, rue du Barachois - Mât des signaux _ Mathieu, Henri 1899-19..., carte postale, fonds privé Jean-François Hibon de Frohen (1947-) – Don Musée Léon Dierx

Saint-Denis : Le Barachois _ Luda, 1905-1910, carte postale Fonds privé Jean-François Hibon de Frohen (1947-) – Don Musée Léon Dierx

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