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Le Château Lauratet, beauté discrète de Saint-Denis

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Caves & spiritueux

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Le Château Lauratet

Beauté discrète de Saint-Denis

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Texte et photos : Corine Tellier Images d’archive : collection privée / photographie de Jean Colbe

Tel un bastion imprenable, la villa qui abrite la chambre régionale des comptes semblait prédestinée à sa fonction actuelle, à l’abri des regards. Il est bon de se rappeler qu’elle reste sous bien des aspects aujourd’hui encore une maison au charme indéniable.

Àla différence de bien des demeures d’apparat qui parsèment le cœur historique de Saint-Denis et n’hésitent pas à dévoiler leurs atours aux passants subjugués, le Château Lauratet cultive l’art de la discrétion qui sied à merveille à sa nouvelle destination.

Depuis 1984, date de l’acquisition de la demeure par l’Etat, elle est le siège de la chambre régionale des comptes de La Réunion depuis 1987. Il faut une bonne dose de curiosité pour épier à travers la grille en fer forgé unique en son genre la maison créole qui se cache par ailleurs derrière un portail monumental surmonté de volutes latérales.

Situé en bordure de rue, un élégant guétali garde le souvenir des belles dames habitant le Château qui observaient du haut de leur promontoire les passants sans être vues.

Derrière ce rempart, qui pourrait décourager les plus intrépides, se niche pourtant une merveille de délicatesse aussi blanche qu’une meringue à croquer.

Le spectateur qui la contemple éprouve un sentiment de déjà-vu. Et pour cause, elle reprend les codes de deux autres villas dionysiennes, le Musée Léon Dierx et le Château Morange. C’était le souhait des propriétaires qui lui ont légué leur nom et donné l’aspect qu’on lui connaît aujourd’hui. Le couple Lauratet y réside de 1876 à 1917. Anaïs Labarchede et son époux, le commerçant prospère Louis Elie Richeville Lauratet, transforment la maison rustique construite à la fin du XVIIIème siècle en demeure d’inspiration néo-classique qui arbore un remarquable portique avancé soutenu par quatre colonnes ioniques et coiffé d’un balcon qui habille le toit telle une frise de dentelle couronnée d’une succession de vases décoratifs dits Médicis. Les chapiteaux des pilastres qui ornent la façade semblent être issus du même moule que ceux que l’on peut voir aux angles supérieurs de la façade de la chapelle de l’Immaculée Conception toujours à Saint-Denis, des œuvres du plâtrier Florentin Chatel, nous apprennent les historiens qui se sont penchés sur le passé du château, Alain-Marcel Vauthier et Bernard Leveneur. Si l'on en croit la tradition orale, la rénovation commandée par les Lauratet aurait été confiée à des ouvriers originaires du Piémont venus contribuer à l'avancement de la construction du chemin de fer réunionnais...De nombreuses personnalités ont d'ailleurs habité le Château à la suite des Lauratet. Parmi eux, Augustine de Villèle épouse Le Coat de Kerveguen ; le poète Auguste Villèle, l'arrière-petit-fils de Madame Desbassayns ; la famille de Fernand Cazal, l'un des fondateurs du Journal de l'île de La Réunion : on notera par ailleurs que le photographe Jean Colbe, employé par Cazal et à qui l'on doit de nombreux clichés a résidé dans l'un des pavillons du Château Lauratet, à son arrivée dans l'île en 1949.

Quand la famille Cazal cède la villa à l'Etat dans les années 1980, le domaine va prendre une autre dimension avec une nouvelle organisation des annexes : les pavillons laissent la place à un bâtiment moderne qui accueille les services de la juridiction. La villa principale elle-même vient de bénéficier d’importants travaux de rénovation entre 2011 et 2021 ; la restauration de la charpente, des façades, des ornements… ainsi que la cheminée magistrale de la cuisine située dans l’une des annexes. Le jardin à l’image de la maison est extra-ordinaire ! De nombreuses plantes sont venues des quatre coins de la planète ; palmier à huile, bilimbi, cacaoyer, goyavier cochon ou encore un Holmskioldia Tettensis avec ses fleurs à double corolle rose et mauve. A l’occasion des Journées Européennes du patrimoine 2022, l’association des amis des plantes et de la nature a introduit une dizaine de plantes endémiques.

Monsieur Nicolas Péhau, président de la chambre régionale des comptes et son équipe ont accueilli les visiteurs au Château lors des JEP « Nous avons eu près de 800 amoureux de l’architecture créole durant les deux jours. Le Château Lauratet, même s’il semble bien modeste en comparaison des châteaux de France et d’ailleurs cultive l’art de vivre sous les tropiques, vivre et travailler dans une maison du patrimoine est une vraie chance, un pur bonheur ! ».

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