habiter #10

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#10 HABITER

SOHO pour Nam Jun Paik / Simon Lequenne

Revue d’atelier Marc Vaye

Printemps 2012


Fukushima road, quatre garçons dans le vent nucléaire / Acrylique sur toile 90 x 90 / © Marc Vaye 2011


Suite à la catastrophe de Fukushima, Oki Sato, architecte de formation et figure de Nendo, groupe de designer japonais, déclare : “Il faut commencer à reconstruire le futur… Le Japon, plus que jamais, a besoin d’énergie, de la puissance et de la capacité de réinvention d’un monde par le biais du design.”


Colloque Institut for New Economic Thinking (INET) 14 avril 2012 / Berlin

“Il faut sortir de la civilisation industrielle. En chine, nous fabriquons la moitié de l’acier mondial, les trois quart du ciment et plus d’un tiers du CO2 : il n’y a plus de possibilité de croissance de l’industrialisation et de l’urbanisation” Jiahua Pan Economiste, directeur de l’Institut des études urbaines et environnementales Académie chinoise des sciences sociales

“C’est à nous, économistes asiatiques, de penser ce nouveau modèle, pour interrompre la très dangereuse course aux ressources actuellement à l’œuvre, trouver les leviers d’actions qui permettront de coopérer autour des biens communs que sont le climat, la biodiversité, les ressources naturelles….. Le rapport à la nature propre au bouddhisme qui cherche l’harmonie plutôt que la maîtrise, offre pour cela les valeurs culturelles qui manquent à l’Occident….. Le changement de modèle de développement en Chine est l ‘événement mondial le plus important aujourd’hui, parce que s’il échoue, c’est la planète entière qui échouera.” Andrew Sheng Economiste en chef de la commission de régulation bancaire chinoise


Habiter Habiter

du latin habitare faire sa demeure en un lieu.

Habit

du latin habitus manière d’être, costume.

Habitude

du latin habitudo manière de vivre.

Habitacle

du latin habitaculum demeure.

Habitat

milieu géographique propre à la vie d’une espèce animale ou végétale : biotope, milieu. mode d’organisation et de peuplement par l’homme du milieu où il vit.


Dans la mythologie grecque, le foyer (se rassembler autour du feu) dépend de deux divinités complémentaires : Hestia la figure féminine de la permanence, de ce qui traverse le temps. Hermès la figure de la mobilité, du principe de mouvement.

Habiter le monde, c’est habiter entre point fixe et mobilité. On habite entre l’attendu et l’inattendu. Quand je passe, je n’habite pas. Fixe et mobile. Permanence et mouvement. Sédentaire et nomade.

Comment réinventer aujourd’hui les figures de la permanence et du mouvement ? Les sociologues parlent d’enracinement dynamique de “repères instables”. Evolution des couples : éternel / éphémère, durable / instantané, patrimonial / évènementiel.


Comment se connectent l’intime et le commun ? Comment se relier à l’autre ? (rapport dedans / dehors) Comment habiter la nature ? (rapport aux paysages, au climat) Comment habiter la mobilité ? Comment la mobilité prime sur l’enracinement ? Dans notre monde, le temps devient le thème majeur. Les organisations spatiales deviennent relatives car elles incluent le temps. Le temps qui passe, celui des dynamiques de l’enveloppe. Le temps qu’il fait, celui des climats ou des ambiances. Résister aux intempéries. Recueillir des souvenirs. Protection des agressions et des souvenirs. Selon Gaston Bachelard, l’essence de la maison est d’abriter la rêverie. La maison permet de réunir les choses, c’est un lieu de mémoire. Les Sans Domicile Fixe (SDF) sont “sans feu, ni lieu”.


Habiter #1 Analyses de maisons individuelles contemporaines Méthode : recherche documentaire en équipe à partir d’une liste proposée. Sont demandés : Portrait de l’architecte Fiche descriptive Arguments et intentions Analyses sitologique, typologique et constructive Critique Maquette intégrale dans le contexte Fragment / Morceau choisi


Curtain wall house / Shigeru Ban

Sophia Bengebara Pauline Charles


Peninsula House / Sean Godsell

Laetitia Fontenat Julie Soulat



Villa Savoye / Le Corbusier

Minghao Li Souka誰na Selouani Liu Yuan


Maison Koshino / Tadao Ando

Nicolas Bellia Lucile Hubert



Maison de la prunelaie / Kazuyo Sejima

Yan Bonnevialle Simon Lequenne


Moriyama House / Ryue Nishizawa

Emmeline Germaine Gaultier Dugois


Maison Dall Ava / Rem Koolhaas Romain Saelens Stanislas Skotnicki

House A / Ryue Nishizawa

Turbulence house / Steven Holl Marie AndrĂŠ Maryam Saad

Arthur Jan Laurent Ravry


Habiter #2 Pavillon pour un ermite Le projet est un dispositif spatial hybride qui brouille les frontières entre art, architecture et design. Implanté librement dans un jardin, le dispositif est fondé sur un récit précisant l’objectif que ce soit en terme d’usage, d’ambiance, de forme ou de matériaux. La distinction classique entre la notion d’enveloppe et d’aménagement (contenant et contenu) est annulée au bénéfice d’une approche unitaire. Il s’agit donc d’imaginer un dispositif révélant la diversité des expériences possibles du corps quelque soit le sens concerné : la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat, le goût, la kinesthésie (l’équilibre).


Révéler et maîtriser d’une part les dimensions du corps dans toutes les positions : allongé, assis, debout, ou en mouvement... Et d’autre part révéler ceptions et sensations : lumineux / sombre lourd / léger opaque / transparent sec / humide

et exacerber différentes perplein / vide sonore /silencieux lisse / rugueux mou / dur chaud / froid …..

Le dispositif doit être contenu dans un volume virtuel de 4,75 m d’arrête (multiple du tatami). Maquette au 1/10e avec une figurine.


Paysage intérieur L’homme qui marche perturbe l’horizon. L’empreinte de son corps épouse la roche de la montagne. La lumière jaillit à travers les ouvertures et l’homme, de ses yeux, cherche l’horizon. Yan Bonnevialle



L’ermite des villes Dans les mégapoles en constante expansion, là où l’espace est devenu une richesse, il existe dans les profondeurs souterraines un monde inhabité, désert, qui convient parfaitement à l’ermite des villes, version renouvelée du mythe de l’ermite des montagnes. Un monde de tuyaux et de câbles accessible en soulevant une plaque d’égout. Un espace de transition entre la ville et ses dessous. Le reclus se glisse dans un faisceau de tuyauteries et de câbles tirés, tel un muscle, et grâce à son poids descend jusqu'au fond du pavillon où il se love. Baigné dans la pénombre parfois brisée par le scintillement des tuyauteries, il perçoit ce qui lui fait office de jardin, le réseau des canalisations souterraines. Simon Lequenne





Observatoire des immatĂŠriaux


Le dispositif est, au niveau volumétrique, fondé sur le principe de la boite dans la boite, comme des poupées russes. L’ensemble est dédié à la perception de l’air en mouvement. C’est un observatoire des immatériaux. La plus petite, en argile comprend un espace ouvert et lumineux profilé pour provoquer, grâce à l’effet Venturi, l’accélération de la vitesse de l’air en mouvement et un espace clos plongé dans la pénombre et dont les parois percées de fines fentes font siffler l’air en mouvement. Révéler la puissance du souffle et l’harmonie des sons.

La plus grande se métamorphose constamment sous l’effet du vent grâce à une multitude de modules en textiles disposés librement sur une structure fine. Selon l’heure de la journée ou la saison, selon l’orientation ou la force du vent, les jeux d’ombre et de lumière se transforment et renouvellent l’expérience sensible du lieu. L’organisation spatiale du dispositif aide à révéler l’existence et la présence des flux immatériels dans lesquels baigne en permanence notre corps. Julie Soulat




Hommage au ciel Dans la Chine antique, la figure et la culture de l’ermite apparaissent pendant une période obscure d’extrême confusion. Pour échapper au chaos politique les lettrés se retirent du monde. C’est aussi à cette époque qu’émerge le taoisme. Celui-ci prône une vie en harmonie avec la nature dont le symbole majeur est le ciel. Minghao Li



Rideau de bambou L’érémitisme est un isolement volontaire, une retraite hors du monde afin de se consacrer à la méditation, voire à la spiritualité. Le pavillon est implanté dans une dense forêt de bambou (parc de Sagano, Kyoto, Japon) où le caractère persistant du feuillage et sa densité forment écran tout au long de l’année, suscitent des jeux d’ombre et de lumière contrastés, permettent d’être caché. L’enroulement, les plis et replis, la figure de la spirale sont des thèmes récurrents, notamment dans les œuvres des artistes du Land art comme Andy Goldsworthy ou Patrick Daugherty ou bien celles de Richard Serra. Ils sont ici repris et complétés d’un mouvement ascendant vers le ciel qui marque une rupture avec la vie terrestre au bénéfice de la vie spirituelle. Contraste des matériaux. Une première peau en bambou permet de se fondre dans l’environnement et dissimule une deuxième corolle en métal ajouré où s’accroche et se tend le hamac, surface souple en textile, qui épouse les formes du corps tourné vers le ciel. Emmeline Germaine



Termite pavillon / Haberdashery design group

Grotte urbaine Comment se retirer du monde tout en y restant connecté par la vue ? Implanté dans le parc des Buttes de Chaumont, adossé à un arbre protecteur, le pavillon permet un dialogue avec le paysage, offre des points de vue variés vers la ville, le parc ou le ciel et ceci dans toutes les positions du corps : assis, allongé, en mouvement. Les divers parcours empruntés selon l’intuition permettent d’expérimenter la notion Oku (profondeur en japonais). Sophia Bengebara



L’origine Sensation de chaleur du foetus dans le ventre de sa mère. Mémoire de ce confort originel. A éprouver de nouveau par la grâce du toucher. Maryam Saad



Sunnyterre Au cœur du désert, vit un homme dont l’existence solitaire et singulière est consacrée au culte de l’énergie solaire. Dans ce qui lui sert d’abri, autant le jour que la nuit, il manipule les diverses ouvertures de façon à expérimenter la chaleur rayonnante, la chaleur perceptible, et même la sensation de froid. Le plaisir du contact du rayonnement solaire direct sur sa peau, la sensation de fraicheur des zones plongées dans l’ombre et même le froid la nuit, lorsque toutes fenêtres ouvertes, le rayonnement terrestre dissipe toute trace de la chaleur diurne. Toutes ces sensations lui sont familières, il les cultive et en connaît toutes les subtiles graduations. Laurent Ravry



A l’hombre de la ville Il apparait comme un cube hermétique en métal perforé laissant deviné un intérieur inaccessible. Un bunker pour échapper à la foule. Mais en vérité il dissimule en son sein un refuge secret ourlé d’un déambulatoire où s’épanouissent jeux d’ombre et de lumière. Pauline Charles


Nicolas Bellia


Lucile Hubert


Stanislas Skotnicki

Recueille pluie Gaultier Dugois Laetitia Fontenat



Paris, samedi 19 mai 2012

Le ciel est gris... la pluie me dÊsespère...


Habiter #3 SOHO pour un artiste Ă Montparnasse


Un candidat aux récentes élections présidentielles a proposé comme solution à la crise du logement de modifier les règles d’urbanisme de façon à augmenter de 30% la constructibilité de chaque parcelle. Un formidable souffle de densification et de remodelage urbain.


Arpenter la ville / A la recherche de ce que le lieu attend Toitures des immeubles, cours intĂŠrieures ou jardins peuvent accueillir de nouveaux habitants, de nouvelles constructions, comme des parasites sur un organisme dont ils tirent leur substance.


Documenter / Pour qui je conรงois Nam Jun Paik Felice Varini Lucy Orta Jim Jarmush Vivienne Westwood Rebecca Horn Tadashi Kamawata Sebastiao Salgado Shirin Neshat Archie Shepp Anish Kapoor Richard Serra Ai Wei Wei Cyprien Gaillard Ridley Scott Fernando & Humberto Campana.


Projeter / Pour habiter une mégapole au XXIe siècle SOHO : Small Office HOuse Habiter, travailler, recevoir…. En simplex, duplex ou triplex... 50 m2 pour habiter et travailler + 25 m2 de terrasse, patio ou jardin suspendu

Microcentrale énergétique Collecte sur site des énergies renouvelables et partage de l’excédent via l’internet.



House of optical spaces SOHO pour Ridley Scott L’auteur de Blade Runner pratique le storyboard, il a donc impérativement besoin d’un long linéaire de cimaises pour visualiser et communiquer son travail. L’atelier (A) prolongé d’une longue coursive (B) et en mezzanine sur l’espace de réception (C) destiné aux invités et visiteurs forment un duplex. Deux volumes, plus petits mais de géométries similaires, s’accrochent en appendice sur le duplex majeur. Le premier joue le rôle de hub de distribution et contient les équipements (cuisine et toilettes). Le second, à l’extrémité du parcours, accueille l’espace intime (chambre et bains). Le SOHO figure un vaisseau spatial qui se serait récemment posé sur le toit d’un vieil immeuble de Montparnasse. Yan Bonnevialle


Chambre Atelier Hub Réception

Cuisine+toilettes

Chambre Atelier Hub Cuisine+toilettes Réception

Espace oblique



La réception depuis l’atelier

Chambre

Hub

Atelier depuis la réception


Architecture corporelle SOHO pour Lucy Orta Espace minimum Fondé sur une volonté d’économie et d’adaptabilité des surfaces, espace minimum et espace déployé, le projet, à l’image des vêtements refuges associe aux matériaux classiques de l’architecture ceux prometteurs du stylisme. Ici la deuxième peau, le vêtement, se confond avec la troisième, l’architecture. Julie Soulat


Espace déployé


Garimpeiros SOHO pour Sebastiao Salgado Dans un contexte urbain marqué par la présence de la pierre calcaire, le SOHO est conçu à partir d’une masse pleine qui occupe l’intégralité de la parcelle et qui est savamment creusée comme un troglodyte de façon à dégager, sur toute la hauteur, une faille vertigineuse dans laquelle se glisse au rez-de-chaussée un patio intérieur, une place urbaine minérale dédiée à la rencontre. Développé sur quatre niveaux au-dessus d’une boutique indépendante ouverte sur la rue, le SOHO enchaîne progressivement ses différentes composantes, de l’espace de travail accessible aux visiteurs à l’espace intime tourné à la fois vers le ciel et ouvert sur la ville. Il évoque le travail forcené des garimpeiros qui, à la recherche de l’or, façonnent la Sierra Pelada. Minghao Li


R+4

R+3

R+2

R+1

RdC


Au-delà du point de vue SOHO pour Felice Varini Marcher rue Poinsot, flâner, avancer, reculer, se déplacer jusqu’à trouver le point de vue parfait et prendre le temps de regarder. Ne plus bouger le temps que se révèle l’organisation de l’espace. Puis “aller au-delà du cadre”, alors que nous quittons le point d’observation. Une architecture qui n’existe que d’un seul point de vue. C’est le SOHO de Felice Varini. Pauline Charles



Seconde peau SOHO pour Lucy Orta Respectant le tracé de la parcelle et situé en tête d’îlot, le SOHO s’organise dans la hauteur, comme une tour fine, selon une hiérarchie, celle de l’identité : de la communauté à l’individualité, du public au privé, de l’ouverture à la fermeture, du dévoilement à l’intime. L’atelier, volonté de transparence, est une vitrine, un espace ouvert et transformable. Idée de partage, relations aux

autres. L’espace domestique est ourlé d’un déambulatoire, un entre-deux dont la première peau, support de cellules photovoltaïques, filtre la lumière et crée un espace incertain et la deuxième opaque protège l’intimité. Relation à soi. L’ensemble est couronné d’un patio terrasse ouvert sur le ciel. Sophia Bengebara



Electronic Superhighway SOHO pour Nam Jun Paik Quand la télévision devient un monument, sa mise en scène manifeste les flux qui lui donnent vie. Electronic Highway est un paysage à voir et à toucher. Ses couloirs sont dotés de fenêtres mobiles pour permettre une perpétuelle recomposition des points de vues vers l’atelier où sont exposés les humanoïdes. Simon Lequenne



Favela chic SOHO pour Fernando & Humberto Campana Comme un parasite sur un toit de Montparnasse, au Brésil on parlerait “d’invasion”, le SOHO est composé de 3 fragments hétérogènes et construits en matériaux “pauvres” (tole ondulée, briquette laissée à l’état brut). Laetitia Fontenat



Fenêtres sur rues SOHO pour Jim Jarmush Une architecture peu bavarde, un cube noir constellé de protubérances qui permettent autant de cadrages sur la ville. Frontales ou en plongé. Celles en contre-plongé attrapent le ciel et la lumière. Une atmosphère plus qu’un objet, plus étrange que le paradis car l’habitant est autant observé qu’observateur. En effet, équipements et activités domestiques occupent ces fenêtres sur la ville. Arthur Jan



Collage anachronique SOHO pour Cyprien Gaillard

Né de l’accouplement fortuit d’une ruine antique, d’un container de transport maritime et d’une charpente traditionnelle... Emmeline Germaine



Le rouge et le noir SOHO pour Vivienne Westwood

Contrastes : des orientations, des ambiances, des couleurs... Gaultier Dugois



SOHO pour Tadashi Kawamata Liu Yuan


SOHO pour Archie Shepp Romain Saelens


SOHO pour Archie Shepp Lucile Hubert


Oyster house SOHO pour Ai Wei Wei Marie AndrĂŠ


Courbes translucides SOHO pour Rebecca Horn Maryam Saad


Blanc brillant SOHO pour Richard Serra Laurent Ravry


SOHO pour Shirin Neshat Nicolas Skotnicki


SOHO pour Felice Varini Nicolas Bellia

SOHO pour Anish Kapoor Soukaina Selouani


#10 Habiter Revue d’atelier Marc Vaye Assistant Charles Vaneph Invité du jury Mathieu Bréau Maquette de site avec le concours de Jérémie Bonachera Cycle Licence Semestre 2 Marie André Nicolas Bellia Sophia Bengebara Yan Bonnevialle Pauline Charles Gaultier Dugois Laetitia Fontenat Emmeline Germaine Lucile Hubert Arthur Jan Simon Lequenne Minghao Li Laurent Ravry Maryam Saad Romain Saelens Soukaïna Selouani Stanislas Skotnicki Julie Soulat Liu Yuan École Spéciale d’Architecture Printemps 2012


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