#6
PAVILLON DE THÉ DE TADAO ANDO
Revue d’atelier Marc Vaye
Printemps 2011
Pavillon de thé Au XVe siècle au Japon, la Hutte des montagnes incarne l’Idéal de simplicité. Le pavillon de thé devient symboliquement son équivalent urbain. Au XVIe siècle, Sen no Rikyû le défini comme un espace de retraite caché au cœur de la ville. Le pavillon de thé est une enveloppe minimale dont les dimensions sont des multiples du tatami, un module de 90 x 180 cm. C‘est une pièce de deux tatamis avec une alcôve attenante, tokonoma, complété d’une pièce de un tatami, mizuya, dédié aux préparations ou aux bains dont les cloisons coulissantes, fusuma, peuvent se démonter. La porte basse, miginguchi, oblige le visiteur à se baisser pour entrer. Les objets quotidiens sont placés à proximité du corps humain. Seuls quelques objets sont placés dans le tokonoma qui est à la fois mobilier et espace aménagé : une composition florale, ikebana, ou un rouleau de peinture. Les fenêtres sont de petites dimensions et n’offrent pas de vue directe sur le jardin, ce qui serait une distraction, mais tamise la lumière. Les sens sont stimulés par la réduction spatiale. Ici c’est le sol, son niveau ou son traitement, qui qualifie l’espace.
Mu le vide Le néant, la pureté du non existant. Comment rendre visible le vide sans le remplir ? Comment révéler le mouvement du vide, le flux du temps, de la vie ? Quatre poteaux reliés par une corde tendue avec au centre une colonne, yorishiro, et au sol du sable blanc. Une aire sacrée traversée par le vide. Le geste de l’acteur, la pierre du jardin, la partition de la chambre de thé, le cri d’une flûte sont des traces destinées à révéler le vide, à créer des intervalles de silence et d’immobilité.
Ma l’intervalle L’idéogramme signifie lumière de la lune qui pénètre entre les deux battants d’une porte entr’ouverte. Le Ma est l’intervalle qui existe entre deux choses qui se succèdent, il s’agit donc de liaisons et de mouvements. Le Ma est un espacement chargé de sens, il sépare en reliant, c’est la combinaison d’un vide, d’un blanc, d’un silence, d’un arrêt, d’une pause, et d’un décalage. Le Ma introduit dans la suite des signes qu’impose un émetteur des zones libres où le récepteur a le loisir d’inscrire les significations de son goût. C’est une alliance des points de vue. Ma-dori, prendre le Ma, est l’art de l’architecte.
En la transition Il évoque la simultanéité dans un espacetemps non linéaire, la co-existence, introduisant la notion de marge, de bordure, de relation, de transition. L’engawa, la plate forme en bois qui borde la maison japonaise côté jardin, est un tampon destiné à amortir le contraste entre l’intérieur et l’extérieur. La fonction des espaces tampons est d’allonger les distances, au propre et au figuré. Cela relève de la notion d’enveloppement, des techniques d’empaquetage, des vêtements.
Uchi l’intérieur L’acte d’entrer dans un endroit clôturé, l’intérieur, par rapport à l’extérieur, c’est aussi le je, le nous, le territoire du groupe comme un intérieur. La maison japonaise a un intérieur peu différencié, mais par contre fortement distinct de l’extérieur.
Oku le fond La profondeur de l’espace, mais aussi ce qui vient après, l’avenir. Oku évoque la translation horizontale, le parcours. Les cheminements s’allongent pour procurer l’ampleur, se diversifient qualitativement pour augmenter subjectivement l’étendue, introduisant une logique labyrinthique.
Omote/Ura devant/arrière Le Japon de l’endroit, Omote Nihon, le Pacifique. Le Japon de l’envers, Ura Nihon, la mer du Japon. Omote : le masque, la surface, l’extérieur, le revêtement. Ura : le côté caché des choses, l’intérieur.
#6 Pavillon de thé de Tadao Ando Revue d’atelier Marc Vaye L’espace au Japon École Spéciale d’Architecture Printemps 2011