tropiques

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TROPIQUES ÉCLECTIQUES

PATRICK BENABEN architecte tropicaliste


Beaucoup de choses Beaucoup de choses à dire lorsque l'on pense à l'homme pas ordinaire qu'il était. Exigeant avec lui même et envers les autres, c’est tout naturellement que la rigueur, le sérieux et l'amour des belles choses ont fait naître son œuvre architecturale. Bien avant cela, Patrick fût un garçon entouré de trois sœurs aimantes qui gardaient toujours un œil bienveillant sur le jeune homme de la famille. Parfois têtu et pouvant passer des heures sur sa chaise à mastiquer un morceau de viande qu'il refusait d'avaler. Les parents n’ont jamais cédé ! Ce n’est que plus tard que les côtes de bœuf n’étaient jamais assez grosses ; comme quoi, on change ! Chasseur à ses heures, les chats n’avaient pas lieu de vie dans le jardin de la maison de Balaruc. Il ne sortait jamais sans sa fronde ! Sacré Pat ! Un jour, vers ses dix ans, nous avions fait le baptême de nos poupées ; il était habillé en prêtre donnant alors une cérémonie des plus fidèles avec les enfants de cœur dans leurs aubes… Nous en avons le film fait par notre père, là aussi on change ! Il était très coquet et déjà adolescent il craignait d'avoir un grand nez qui aurait pu être l'héritage d'une de nos grand-mères, il dormait donc avec un coton sur le nez et un élastique autour de la tête pour éviter qu'il ne grandisse. Mais du souvenir le plus intime dont je me souvienne, ce qu'aimait mon frère par dessus tout, c’étaient les chatouilles… Alors, le soir venu, je lui caressais des lettres avec mes doigts dans son dos et il devait trouver le mot. Ces instants pouvaient durer des heures. Je le soupçonne d'avoir fait durer le plaisir, ne trouvant pas de suite la réponse… Là je te reconnais mon frère !

Dominique Benaben Lyon/Mars 1957

1949/1962 Innocence Patrick Benaben est né le 6 janvier 1949 à Balaruc-les-bains, près de Sète dans l’Hérault. Il est le troisième enfant d’une famille qui en comprendra bientôt quatre, le seul garçon. Trois sœurs donc : Dany, l’ainée, Josy et Dominique, la plus jeune. Son père, Louis, est ingénieur dans une entreprise pétrolière. Sa mère, Jacky, a fort à faire à la maison. Une enfance libre au bord de l’étang de Thau, sur les quais du port de Sète. Une enfance avec la Méditerranée comme horizon.


1949/1976

INNOCENCE ET AU-DELÀ

Paysage/Gouache sur bois/1964

1962/1968 Exil Son père est muté en région parisienne, la famille emménage à Argenteuil. Sur les bords de Seine, ceux des Impressionnistes et des interdits de séjour. Paris est là, tout proche, mais de l’autre côté du pont, un autre monde. Banlieue rouge et blousons noirs. Brouillard sur l’avenue Lénine. Turbulences au Collège Paul Vaillant-Couturier. Premier Prix à un concours municipal de dessin. Impertinences au Lycée technique Jean Jaurès. Baccalauréat, section Techniques et Mathématiques. Obtenu, en l’absence d’épreuves écrites, à l’oral, sous les pavés de 68.


En souvenir des nuits pailletées et du soleil des tropiques.

Laurence Danjou

1968/1976 Formation et influences Devenir architecte est pour lui une certitude, une vocation. L’École des Beaux-arts ne résiste pas à la Nouvelle Vague et explose. Paris compte désormais neuf Unités Pédagogiques. Lui et ses amis d’Argenteuil choisissent la N°7. L’école est installée sous la verrière du Grand Palais, dans des baraques de chantier. Dans ces locaux glorieux et misérables, ils formeront groupe, pour ne pas dire bande. Découvrent la magie théâtrale des cours d’Henri Lefebvre, le situationniste marxien. Il est question de Révolution urbaine, Droit à la ville, Critique de la vie quotidienne. Pour l’architecture, ils adoptent un très jeune professeur sud-américain au profil inca. Ils seront la première génération d’élèves d’Henrique Ciriani. D’autres professeurs se nomment Joël Stein, Nicolas Schöffer, Philippe Sers. D’autres encore Robert Le Ricolais, Yona Friedman, Jacques Polieri. Sans oublier les rencontres fortuites qui deviennent des collaborations. Hans-Walter Müller et ses structures gonflables. Pascal Haüsermann et ses architectures évolutives. Antti Lovag et ses coques de béton projeté. L’imagination est au pouvoir, l’Utopie fait rage. Mais son véritable maître fut Roland Simounet, un méridional comme lui. Pendant ses études il travaille dans l’atelier de “l’architecte du luxe de la simplicité”. Il est initié à la difficile et exigeante ascèse du projet. Dessiner, tout, jusqu’au moindre détail. Sans jamais oublier que la véritable épreuve est ailleurs, sur le chantier, avec des ouvriers. Son travail de fin d’étude : des écrits, des centaines de pages. Les mots l’emportent, le projet attendra… La thèse a pour titre : Architecture et psychiatrie.


Prototype d’habitat évolutif/Coques en polyester/Saint-Péray 1972

Mes souvenirs les plus clairs Mes souvenirs les plus clairs de Patrick remontent aux premières années de nos études d’architecture. Il y a aujourd’hui plus de trente huit ans qu’il m’a proposé de participer à ce chantier organisé avec Pascal Haüsermann, Antti Lovag et Louis Chanéac architectes et d’autres élèves de son atelier, ses amis, à Saint-Péray, pour une expérience d’architecture modulaire. Je ne me souviens d’ailleurs plus vraiment s’il y a participé lui-même très longtemps. Ce chantier a initié une aventure qui nous a tous réuni les années suivantes, à Argenteuil, puis aux Halles de Paris, avant la réalisation du trou. Je crois que je n’avais rien en commun avec Patrick. C’est sans doute pour cela qu’il exerçait sur moi une attraction mêlée de mystère et de curiosité. Mais je ne sais pas ce qui y contribuait le plus, si c’est son incapacité à adhérer à toute forme de pensée préfabriquée ou d’endoctrinement, ou plutôt sa faculté à habiller ses propos d’une profondeur plus ou moins construite ou calculée. Son regard et ses expressions de visage exprimaient presque plus que ses propres paroles. Je l’ai même soupçonné, à l’instar des dignitaires Égyptiens, d’user de khôl pour soutenir par la force de son regard son talent d’accrocheur méditerranéen. J’ai connu Patrick véritablement imprégné des images néo-romantiques des Poètes de sept ans et des Assis, doués de ce pouvoir de pénétration et de destruction par le regard. Puis ils ont une main invisible qui tue ! Au retour leur regard filtre le venin noir Qui charge l’œil souffrant de la chienne battue… Et vous suez pris dans un atroce entonnoir !

Une conséquence de l’intérêt de Patrick pour Léo Ferré est que, sans être littéraire, il connaissait intimement ces textes. J’ai pu le constater lors d’une fête organisée chez mon père en Bourgogne où je le trouvais, seul, enfermé, en pleine méditation sur les paroles de Rimbaud. Un des rares moments que j’ai passé avec lui en têteà-tête est cette soirée dans un appartement d’Argenteuil où nous avions établi les statuts de l’association du Centre d’Architecture Évolutive dont il se proposait d’être le Président ; Michel Toulet, présent également, étant le Secrétaire Trésorier. Le qualificatif d’évolutif lui allait parfaitement tant il était disposé à ne se satisfaire jamais d’aucune situation établie et finie. À la clé de ce statut, il y avait une commande d’étude. La Grange louée pour nous servir d’espace de travail a réuni les membres étudiants du groupe pendant au moins deux mois. Ce fut le théâtre d’échanges de propos à tendance théorique et de propos à tendance constructive, les deux tendances ayant inévitablement beaucoup de mal à trouver leur concordance. Suivez mon regard pour savoir qui disait quoi… J’ai gardé quelques doutes sur la qualité du travail produit qui manquait d’encadrement et d’objectif précis. En dehors des méchouis du samedi avec les voisins argenteuillais, il m’est resté le souvenir des moments de décompression collective où sur le fond musical des meilleurs Santana, je revois Patrick mimer la tenue de l’orchestre en dansant debout sur sa table à dessin.

Bernard Franjou


Baby-foot Patrick c’est les années de lycée. Ce sont les heures de classe bien sûr, mais aussi celles du déjeuner. Patrick est souvent mon partenaire au baby-foot, lui à l’avant. Bonne mère, ces buts qu’il nous marquait ! C’est aussi le week-end pour aller en boîte, souvent. Lui dans son élément, beau gosse, avec la tchatche, moi surtout là pour lui rappeler le nom de ses petites amies. Il y a Marc et Alain, jamais très loin. Il y a un week-end où on décide de s’aérer, on enfourche nos mobylettes et quittons Paris par la route, plein Est. On couche dans les foins le premier soir. Patrick a l’adresse d'une fille à Meaux qui nous héberge tous dans sa petite chambre pour la nuit suivante. Cet autre week-end avec une voiture cette fois, où au milieu de la nuit on décide d’aller droit à la mer, endormis, entassés dans la 2 CV pour se réveiller sur le port de Honfleur. Cette descente à Cannes en 69 pour le Congrès International d’Architecture. On se sent les princes de la Croisette. Je pars en Écosse, puis en Australie. Patrick finit l’école d’architecture et part au Brésil. Les contacts se font rares. Le temps passe.

Un jour, de passage à Paris, j’apprends que Nils Lofgren donne un concert. Je m’y rends et surprise. Qui est là ? Patrick, Marc, Alain. Nous finissons la soirée ensemble. En 89 Patrick me reçoit chez lui, dans son appartement de la rue Malher avec Clarinha. Ynaée a un an. Ni une ni deux, Patrick couche Ynaée dans sa propre chambre, pour me laisser celle de sa fille. Même après des années sans s'être revu, dix secondes suffisent pour nous retrouver comme avant. Tout ça, c'est des souvenirs de jeunesse comme tout le monde en a : un peu banal en soi... mais Patrick en fait partie et ça, c'est tout sauf banal ! Patrick c'est une personnalité, un charme fou, une gentillesse, une chaleur qu'on n'oubliera pas. Tiens même après tout ce temps, il y a des jours où je crois pouvoir encore entendre sa voix ! Patrick est un homme que j'ai beaucoup aimé et que j'aime encore. Je m'étais bien promis, coûte que coûte, d'aller le revoir avant qu'il soit trop tard. Cela ne se fera pas. Quel immense regret !

Jean-Louis Charron Australie Occidentale

“avec


1968/1976 Engagements En ces temps agités du bocal, les étudiants ne font pas qu’étudier. Ils s’établissent dans les usines, quelquefois. Manifestent dans la rue, très souvent. Vivent en communautés, obstinément. Dérivent dans la nuit, toujours. Sexe, musique et politique font bon ménage. La chienlit disait l’autre. Pour Patrick ce sera Mao-Spontex. Tendance informelle, sans carte ni petit chef. Électron libre plutôt du côté de chez Léo. Le poète dont il usait concerts et vinyles. Il réalise avec Jack, Alain et Jean-Yves, l’aménagement des locaux de Libération. Où à la demande du directeur Serge July, la salle de la rédaction sera centrale. Le quotidien qui fait suite à La cause du peuple aura un dispositif spatial inédit. Le Grand Timonier décède. Une page se tourne. 1949/1976, Patrick et La Chinoise…

le temps…”


Fin 77 Départ pour le Brésil, direction Salvador de Bahia. Un retour pour moi, une nouvelle perspective pour Patrick. L’idée partagée d’essayer de s’y poser un moment, voire d’y rester. Une perspective de boulot à la Fondation du Patrimoine Historique de Bahia avec pour tout viatique une lettre de recommandation d’un architecte argentin avec lequel on a travaillé avant de partir. Tout ça reste léger. Pas même pris le temps de contacter notre futur présumé employeur avant de partir, ni ce qu’il reste de mes amis dispersés. Autant dire qu’on ne nous attend pas. C’est qu’il y a urgence, il faut s’échapper. Paris, notre premier horizon d’adolescent ne nous fait plus rêver, enfin, pour un temps. Quant à la France, la mayonnaise est retombée depuis quelques temps déjà et cela commence à tourner au gris profond. Par la fenêtre du bus qui nous emmène à l’aéroport, toutes les nuances de la non couleur. C’est le début de l’hiver et il pleut. On regarde défiler silencieusement la banlieue, celle mouillée des mauvais jours. Calés dans le fauteuil de l’avion, légère appréhension. Ce coup-ci il serait question de ne pas revenir de sitôt. Première escale au Maroc, remise en bouche de quelques déjà anciennes tribulations, avec Marco puis avec Patrick. Arrivée à Rio. Pas dormi, chaleur enveloppante, humide et lourde. Formalités, flics en civil suspicieux. Direction le centre, à la recherche d’un hôtel pas trop cher. Échouage final dans un hôtel de merde et pas si pascher que ça : grande pièce cloisonnée à mi-hauteur, taille et intimité minimale, bruit de circulation maximal, sommeil non garanti. Pas trop le temps ni l’intention de s’attarder à Rioqui-rend-parano. Lendemain matin, à la première heure, direction la gare routière. Deux mille kilomètres, le temps d’arriver en douceur à Salvador et de manger du paysage et de la géographie. Choix d’une petite pension proprette à proximité du centre tenue par un portugais pas très causant. C’est l’été et bientôt carnaval, la période n’est pas propice à l’embauche. L’occasion de prendre son temps, de le perdre méthodiquement, de manière approfondie et réitérée, quasi scientifique, en alternance de fêtes de quartiers et de bains réparateurs. Pour Patrick, l’occasion de s’imprégner lentement du pays et surtout de la langue dont il n’a pas eu le temps de faire l’apprentissage. À l’approche du carnaval, prendre enfin le chemin de Campo Grande et de la petite maison bleue de l’ami Leite à mi-pente de la Ladeira da Fonte, et poser ses valises. Il sera temps de penser à la suite des événements… après le carnaval et l’épuisement des cartouches.

Alain Coquet


1977/1982

SALVADOR DA BAHIA

Immersion dans la Baie de tous les saints. Découverte d’une culture métisse Europe/Afrique/Amérique. Sous les hospices d’Oxossi, Yemanja, Pierre Fatumbi Verger, Caetano Veloso, Jorge Amado, Hugo Pratt.

Comme une renaissance À partir de cette expérience, le titre d’architecte tropicaliste lui est communément attribué.


1977 Carnaval Au milieu de la place Castro Alves, plate-forme suspendue au-dessus du vieux port, je suis dans le délire du dernier jour de mon 3 carnaval et aperçois à deux pas, deux gars que je repère comme parisiens, Patrick et Alain, complètement sur un nuage, transportés par la charge électrique de la masse humaine, pulsant, communiant, viajando suivant l'expression consacrée de Patrick. eme

Je les aborde et le lendemain Patrick travaillait à l'agence du Pelourinho, rue Alfredo Brito.

Didier Hubert

Agence/Croquis Didier Hubert Ci-contre Xavier Maurin


1978 Emploi du temps Ladeira da Barra/Pelourinho 6h30 Didier part pour une heure de jogging après un bain au Porto da Barra, il rapporte le pain du petit déjeuner. 8h00 Patrick sort du lit. Sa dernière conquête se hâte pour aller à son cabinet du centre ville. Patrick se précipite sur le frigo pour boire un verre de lait, il ne peut pas boire de jus d'orange à cause de son estomac et finit par préparer une vitamina de banane. Il veut arriver tôt au bureau. 9h00 Départ sur la 125 Honda. Patrick aux commandes, Didier à l’arrière. Avenida 7 de setembro, Praça da Sé et enfin le Pelourinho.

20h00 Arrivée avec les provisions. Sur la porte, un mot. Devant, un sac de voyage. “Je reviens dans quinze minutes”. Elle est française, en mal d'aventure, et connait un vieux pote de Patrick de l'époque de… Les invités arrivent, se sentent chez eux comme dans un café, se mettent en condition pour continuer la soirée, cacahouètes et caïpirinha. Patrick s'agite et part pour un spectacle avec quelques uns, les autres attendent et finalement décident d’aller au Berro d'agua, l'incontournable bar du Porto da Barra. 24h00 Le calme règne à la Ladeira. Keith Jarret en sourdine, chacun s’endort.

Didier Hubert 9h20 Les deux motards avalent le sombre escalier de l'antique demeure. Luis, dit Vovo, fringant avec son look de Jésus-Christ, est déjà à sa planche à dessin. Aujourd'hui il ne travaille pas pour le Département d’État du paysage. 9h30 Xavier, le quatrième arrive en voisin car il habite dans la vieille ville. Il manque Ronan qui est architecte mais aussi biologiste, il doit avoir d'autres rendez-vous ce matin. 10h30 Passage d'un vendeur ambulant de café. Courte réunion pour distribuer les tâches : Patrick développe les plans, Xavier rédige les descriptifs et étudie les contrats, Vovo dessine le traitement paysagé, et Didier les perspectives et croquis… 12h30 Pause déjeuner, Vovo et Xavier déjeunent chez eux, Patrick et Didier dans un petit restaurant situé au 3ème étage d'un immeuble de bureaux ou à la terrasse de la Cantina da lua, près de la faculté de médecine. 14h00 Didier file vers l'École des Beaux-arts pour donner un cours de gravure sur métal. Patrick, Xavier et Vovo se retrouvent au bureau. 17h30 Réunion générale pour le bilan des affaires en cours et à venir. La discussion a lieu debout, souvent avec des cigarettes sur le balcon. Sur le balcon voisin, les travestis de service se préparent, séance d'épilation, maquillage, coiffure... et rejoignent le bus qui les conduira sur leur lieu de travail. 18h00 Le téléphone ne cesse de sonner, le programme de la soirée prend forme. Comme à son habitude, Patrick demandera à tous de passer à la maison de la Ladeira avant de poursuivre la soirée. 19h30 Détour par le supermarché pour bien recevoir les invités.

Pelourinho, depuis le balcon de l’agence.


Siège social de la CONDER Organisme de planification du territoire Rénovation et extension

Avant

Après


10 tours 300 logements sociaux/Parallela

Immeuble d’habitation 60 logements/Quartier Brotas

Croquis et gravure Didier Hubert Chambre de Patrick Chambre de Svetlana Quadrado de Trancoso Calvaire de Garapua Église de Garapua Fenêtre


Casa Celestino

Sculpture sur bois/Alain Pigot

Enveloppes/Polo Lombardo


Août 1979 Ma rencontre avec Patrick J’étais enfin au Brésil, sur une plage du Nordeste, Canoa Quebrada, une personne me glisse un papier avec l’adresse d’un architecte Français installé à Salvador, Patrick Benaben. À mon arrivée, je débarque avec mes valises dans l’agence qu’il avait dans le Pelourinho, avec son ami Didier. Nous échangeons et rapidement Patrick me dit : “Nous avons une chambre de disponible, si tu veux viens habiter à la maison”. D’entrée de jeu, Patrick c’est la générosité même, faire partager ce qu’il a pu obtenir, souvent au prix d’efforts incroyables, parce qu’aussi sans concessions. Leur maison était le lieu de rencontre de personnes incroyables, des marins ayant bravés l’Atlantique pour réaliser leur rêve, des artistes de tous bords, des ingénieurs en poste au Brésil, musiciens, cinéastes, clowns, comédiens, tous bercés par cette magie qui se dégageait de ce Tropicalisme Braziu. Les femmes évidemment… et la musique !

Les nuits n’avaient pas de fin, les jours non plus. Patrick avait cette soif de faire se rencontrer les talents, de faire réaliser les rêves les plus fous de chacun et il réussissait.

Son dernier projet extraordinaire sur la plage de Saint-Jean, une grande fierté, le fruit de tellement de combats pour en arriver à cette reconnaissance d’architecte et d’humaniste exceptionnelle.

Cette maison de la Ladeira da Barra reste gravée dans la mémoire collective.

Voilà en quelques lignes ce que Patrick m’a permis, et à d’autres également, de partager avec lui, cette amitié sans faille, cet appétit de vie, cette énergie qu’il nous transmettait, cette volonté de rejoindre ses rêves quel qu’en soit le prix.

Finies les aventures brésilienne, africaine, martiniquaise ; Saint-Barthélémy fut le lieu des retrouvailles et encore le lieu de rencontres magiques. La maison incroyable de Montjean qu’il avait conçue et qu’il adorait faire partager à tous ses amis, le plaisir des moments passés avec sa fille adorée Ynaée, maison ouverte s’il en était, la participation au Boubou’s Festival, lieu de rencontres musicales et humaines exceptionnelles, le Dô Brazil, projet mythique sur une plage et les amis de Salvador venus spécialement pour la cérémonie d’inauguration dédiée à la déesse de la mer Yemanja.

Un être d’exception, un ami tout simplement, nous a quitté !

Bernard Freling


Itaparica

1979 Poline et Sabô C’est comme ça que Patrick nous avait surnommés Polo et moi, Sabine. Je ne peux pas dire que ça m’enchantait mais Patrick avait dit : “Ça vous va tellement bien !” Donc, va pour Poline et Sabô… Dans l’antre qu’il partageait avec Didier à la Ladeira da Barra, petite baraque perchée en haut d’une presque-falaise, je le revois émerger de derrière ces tentures bahianaises qui faisaient office de porte, l’air un peu ahuri, hirsute, d’un lendemain de carnaval, et me lancer : “Ça te dit Sabô, une petite ballade en moto ?”

Itaparica

J’avoue que je n’étais pas trop rassurée mais à le voir en quelques secondes retrouver l’énergie pétillante qu’on lui connaissait, je me retrouvai assise derrière lui sur sa moto, m’accrochant à son blouson. “C’est parti”, lança-t-il ! Meu deus do ceu ! Que susto ! Mais quel plaisir ! Démarrage en trombe, brûlant sa joie de vivre, il exultait et m’entraînait sur sa comète ! Ce qui me reste gravé encore aujourd’hui, c’est son sourire, son blouson, rouge, sa moto, rouge, le ciel de Bahia, a poeira da estrada, ses cheveux noirs, frisés qui voletaient devant mes yeux, pas de casque, bien sûr, et ces mèches-là, folles de joie, feux follets, vrais reflets de ce qu’il était, se mélangeaient aux miennes, plus frisées que les siennes, pour l’espace d’un instant hors du temps.

Sabine Moisan

Morro de Sao-Paulo


Une traversée avec Patrick Je suis arrivé avec Tanit à Salvador il y a maintenant presque six mois. C’est l’été au Brésil, mais il faut penser à sortir le bateau du pays, l’autorisation de séjour arrivant à terme. Patrick décide de m’accompagner aux Antilles. Nous voilà donc partis contre un bon alizé du nord-est, soleil et nuages pommelés. Il a déjà navigué et n’a aucun mal à se glisser dans le rythme des quarts, trois heures et demie chacun. À Joao Pessoa, notre première escale, nous avons la surprise de trouver Jane sur le quai. Sans l’aide du téléphone, à partir d’une invitation que nous avions lancée au restaurant Graô de Arroz, elle embarque avec son petit sac. Après avoir acheté des vivres, départ pour Fortaleza. Nous rencontrons des jangadas, des bateaux faits de quelques troncs attachés les uns aux autres, avec un petit banc, un coffre, un mât et une voile. Si sommaires et si loin des côtes. Nous échangeons des cigarettes contre du poisson. Nous restons un mois à écumer la région de Fortaleza, Jane nous pilote à la découverte des fazendas dont elle connaît les habitants. Sélection de brode-

ries rendas, directement sur le coussin des brodeuses, achat de hamacs à la fabrique Santa-Teresinha et de Cajuina pleine de vitamine C si nécessaire pour la traversée vers les Antilles. Nous voilà partis sans Jane qui n’a pas la carteira 19 lui permettant de quitter le pays. On tire au large, cherchant le courant qui remonte les côtes de l’Amazonie, le vent est puissant, il nous porte, la vitesse est grisante mais il faut faire attention aux embardées. Grâce au courant, les moyennes journalières atteignent 250 miles nautiques. Les quarts se succèdent, les lignes de traîne cassent tellement les prises sont grosses. Le moulin qui s’emballe dans un bruit de crécelle, le poisson qui saute et avant de pouvoir faire quoi que ce soit, un plus gros poisson avale le premier et tout pète. Patrick et moi, le bateau, le ciel, la mer, le jour, la nuit ne sont plus qu’une seule chose, quelques mots suffisent pour se comprendre. Atterrissage à Trinidad, l’écho des steel-bands peut-être. Le bateau se présente de nuit au passage de la Bouche du diable, part dans tous les sens, emporté par des tourbillons de courant qui nous glacent les sangs, mais il passe et entre à

l’aube au port de Trinidad. Les pontons sont surmontés de constructions en bois, clin d’œil à Otis Redding. Sitting on the dock of the bay… Partis à la découverte de la ville, nous entrons dans un hôtel pour trouver des journaux ou des renseignements sur la région et nous voilà harponnés par deux blacks aux jambes interminables, deux sœurs. Nous les invitons à bord et nos ennuis commencent. Il faut repasser par le ponton des autorités portuaires où le zodiac est amarré et les gardiens nonchalants commencent à devenir hargneux. Tentative de feinte, nous disons aux filles de nous attendre un peu plus loin, mais ils suivent les filles et les empêchent d’embarquer. Nous abandonnons la lutte sans oublier de dire aux filles de retourner là où nous nous sommes rencontrés. Nous saluons gentiment les gardiens nerveux après avoir de nouveau amarré le zodiac au ponton. Nous partons retrouver les filles qui nous invitent chez elles. Quelques jours plus tard, départ pour la Grenade et toute la chaine des Antilles anglaises et françaises mais c’est une autre histoire.

François Garaude


In Africa J’ai connu et travaillé avec Patrick au Brésil entre 1977 et 1980. Rentré en France en 1980, je suis parti en Afrique un an plus tard. “Allo Patrick, je suis à Brazzaville, et nous avons besoin d’un architecte, pour gérer l’agence locale, dès que possible, est-ce que ça t’intéresse ?” Après lui avoir expliqué brièvement de quoi il retournait, brièvement, parce qu’à l’époque téléphoner de Brazzaville à Salvador plus de trois minutes sans être coupé relevait de l’exploit technologique, il répondit : “Ok, j’arrive”. Quinze jours plus tard Patrick débarque au Congo. Il restera à Brazzaville de 1982 à 1987 comme responsable de l’agence, laquelle faisait partie d’un bureau d’études parisien possédant plusieurs antennes en Afrique : Gabon, Cameroun, Zaïre. Pendant son séjour, il s’installa bien sûr dans une superbe maison, un peu à l’écart de la ville, en haut d’une colline dominant le fleuve Congo. Vue magnifique et souvenirs de couchers de soleil quelquefois magnifiés par le prisme des produits locaux. Il a toujours recherché, trouvé et façonné son habitat en accord avec sa passion de l’architecture jusqu’aux moindres détails. Durant ces années, je faisais tous les mois la navette entre Paris et l’Afrique, et séjournais régulièrement chez lui, lorsque j’étais à Brazzaville. Nous avons travaillé ensemble sur de nombreux projets d’État : hôpitaux de campagne, logements sociaux, bureaux administratifs, même un camp militaire. Petit clin d’œil de Patrick, il avait conçu le plan général de ce camp en forme de signe de la paix, la flèche dans un cercle. À l’époque le Congo était marxiste et il a croisé les camarades cubains et chinois qui voyaient d’un mauvais œil les Français faire ce projet. Patrick, comme à son habitude, énergie attachante, s’est vite fait un réseau d’amis et de relations diverses. Le Ministre des Finances Itihi Ossetoumba Lekhounzou est devenu son grand ami. Notons qu’il est toujours en poste aujourd’hui comme Ministre de la Défense. Les républiques populaires ont des régimes stables, le Président est aussi toujours le même aujourd’hui ! Le Ministre lui a confié la réalisation de sa maison dans son village natal, et fait visiter le Trésor du pays. Des tonnes de défenses d’éléphants entreposées dans le soussol de la Banque Nationale. Bref des aventures qu’il sut rendre dignes de Tintin au Congo. Le pétrole, principale ressource de ces pays, a brutalement chuté en 1983, et nos contrats avec. De quatrevingt personnes la société passa à cinq, et nous jetâmes l’éponge en 1987.

Xavier Maurin

Camp militaire Brazzaville


1982/1987

BRAZZAVILLE CONGO


Histoire de cultes

Maison Itihi Ossetoumba Lekhounzou

Nous avons connu une situation unique à l’agence de Brazzaville. Un des amis locaux avait branché Patrick sur un projet de mosquée, que les musulmans d’Arabie Saoudite voulaient financer à Brazzaville. Parallèlement, notre agence de Libreville au Gabon, pays frontalier du Congo, me signale que l’évêque de Franceville, ville natale du Président Bongo, veut refaire sa cathédrale. L’occasion est trop belle, le projet est confié à Patrick. C’est ainsi que pendant quelques mois, sur des planches à dessin voisines grandirent ensemble minarets et absides sous la main de Patrick qui se délectait avec passion de cette situation, unique pour un architecte. Les financements de ces projets furent aussi impénétrables que les voix de leurs commanditaires spirituels. Ils ne furent pas construits.

Xavier Maurin


Des images de toi Des images de toi au son de ta belle voix grave, si radiophonique, il y en a beaucoup, éparpillées dans ma mémoire, à commencer par celles du Congo. Curieusement, ces images me ramènent dans une pâtisserie, Le Pain Dorée à Brazzaville, installée dans l’immeuble où tu avais ton agence. Notre rencontre eut lieu sûrement une fin d’après-midi un peu poussiéreuse… Un café et trois jours plus loin, une soirée ensemble réunis avec Clara et Olivier et quelques électrons libres dont tu aimais toujours t’entourer ! Je me souviens de cette maison du Djoué, pour avoir eu la chance par la suite d’y habiter quelques mois, avec et sans toi. J’ai très vite capté un sens aigu de l’esthétique, ton goût du penser/classer à la lisière du maniaque. Assurément tu n’aimais pas le désordre, et surtout tu aimais les chats. Ce qui me reste nettement visible de ces moments du Djoué : cette terrasse où nous pouvions passer des heures à falar de todo e todos. À commencer par les histoires politiques du Congo et de la truculence des personnages que nous pouvions croiser dans notre travail. De longs moments ponctués d’éclats de rire. Lekhounzou, le Ministre des Finances remportait la palme par sa ruse et sa folie des grandeurs. Ainsi, les situations de la vie se transformaient vite en farce dont tu étais le merveilleux conteur. Avec Clara, nous nous amusions à compter les versions, à découvrir les variantes, ravies de cette complicité. D’abord en filigrane, puis, révélée par la voix de Caetano ou de Gil, s’ouvrit l’immense épopée de ta vie au Brésil, de cette partie de flibuste qui t’avait conduit là où un autre Patrick avait pris naissance. Tes histoires me fascinaient et je les écoutais quasi studieusement mais toujours ponctuées par de grands éclats de rire.

Patrick au Congo : la moto, les amis, toujours les amis, comme ceux du tournage d’un film d’amateurs et d’époque où tu avais embauché Olivier comme un figurant flic. Une histoire de mœurs, d’amants dans la brousse et autres histoires de cocus avec des coups de fusils et des boys en vrais boys. La comédie humaine que tu savais tourner en dérision où chacun pouvait rire de lui-même. Patrick émerveillé par l’écriture de Clara, Patrick aimant la vitesse mais rassuré par la nonchalance. La tendresse et la précision du geste au risque de heurter, une générosité de seigneur pouvait te conduire à régaler la compagnie avec un bonheur ! Un sens de la fête, de l’excès du geste ! Patrick à Paris, rue Castex. À chaque fois que je passe devant, je pense à toi et à tous ces moments où nous nous sommes retrouvés après Brazzaville. Je me souviens de cet après-midi où nous sommes restés plus d’une heure dans la salle de bain pour regarder le dessin de la mosaïque de la cabine de douche dont tu étais l’auteur et dont tu n’étais pas peu fier ! De ce même jour, et de la rencontre avec Fafa, en minijupe et collants noirs déchirés. Je me souviens d’un anniversaire de Marco où nous étions tous habillés en blanc et où Philippe Conrath avait fait le DJ au milieu des bulles de champagne. Les retrouvailles, toujours les retrouvailles de tes voyages ou des miens, en Martinique dans cette maison du sublime et éternel Diamant, à Salvador, à Sète, à Paris. Patrick, Ynaée, deux jours après sa naissance, totalement dingo de sa fille : “Il n’y a vraiment rien de plus doux que le cul d’un bébé”. Des images tout à trac de cette histoire de toi en action, en mouvement. Ami de mon cœur.

Caroline Bourgine Dans l’une de tes plus fréquentes saga, des personnages commençaient à revenir : Marco, Petit Marc, Grand Marc, Rémy… Sans les connaître, ils m’apparaissaient au même titre que : Salvador, Bahia, Rita, Magnao, Gil et Caetano. Je dois te dire que les deux derniers, je suis vraiment heureuse d’avoir rencontré leurs âmes, elles sont de celles qui accompagnent plusieurs vies.


Première rencontre

Thaïlande

C’est la nuit cité Voltaire. J’ai 23 ans, je viens tout juste de rencontrer Marc. Tu es là, assis sur un haut tabouret, je m’en souviens comme si c’était hier. Rémy aussi est présent avec Alceu Valença. C’est ma première entrée dans votre univers, l’autre, celui des gens libres, sans frontières, sans tabous, sans couleurs ou bien de toutes les couleurs. Je mets beaucoup de soin pour entrer dans ce monde inconnu, je me suis maquillée et je porte un tailleur jaune tiré à quatre épingles. J’entre dans le salon, tu te présentes comme le plus vieux copain de Marc, me regardes de tes yeux perçants, me souris, m’embrasses et d’un coup, comme si cela t’échappait, tu me dis : “Tu es déguisée en Maya l’abeille ?” Sur le coup cela m’a blessé comme une flèche. Plus tard, te connaissant mieux, j’ai admiré tes phrases assassines, ton humour sec et noir. Tes phrases tombaient juste et faisaient mal, ou rendaient le présent et les évènements si dérisoires que l’on en riait volontiers. Elles faisaient partie de toi et montraient cette face cachée que l’on veut tous évacuer : L’insoutenable légèreté de l’être. Pour moi tu as toujours été, le voyageur qui ne cesse de chercher l’extra-ordinaire. Rester, s’accrocher au quotidien te paraissait si lourd à supporter. Dans ton mouvement perpétuel tu nous accueilles partout avec bonheur, joie et légèreté. Où que tu sois, nous savions que ta porte était ouverte et que tes yeux désiraient partager l’éclat de la nouveauté et de l’incroyable. Constat bizarre : en février dernier, alors que tu es à l’hôpital à Paris. Moi, Marc et d’autres, fêtons les soixante ans de Rémy à Olinda au Brésil, chez Alceu Valença. Tu es là parmi nous. Ce jour là, pour moi, tu as pris le large pour une île lointaine, avec la musique d’Alceu… À bientôt peut-être, capitaine.

Néguine Maboudi

Sète


1988/1991

PARIS

RETOUR D’AFRIQUE


Mon ami l’architecte Nous nous sommes connus au début des années 70 à l’École des Beaux-arts. En 1980, il débarque d’un voilier en provenance du Brésil et s’installe chez moi. C’est à ce moment que je l’ai réellement rencontré. Il préparait les caïpirinhas et des plats brésiliens incroyables de senteurs. Ses histoires d’aventurier et sa voix grave fascinaient toutes les femmes, à commencer par les miennes, Clarisse, Camille et Julie, mais il était avec moi d’une simplicité déroutante qui, déjà, laissait paraître cette pure sensibilité qui était en lui. Notre amitié a vraiment commencé là. Et puis il est reparti un jour au Brésil.

et à l’étage une seule pièce, la master bedroom dont le balcon surplombait la terrasse en double hauteur. Tout cela s’ouvrant vers la baie par de grands panneaux de bois toute hauteur à persiennes mobiles peintes en blanc pour faire entrer une lumière douce et sensuelle.

Nous nous sommes revus en 1990 à Paris après son périple africain et sa tentative désabusée de démarrer une agence parisienne. Le grand large lui manquait malgré son ancrage dans le Paris tropical.

De ce dessin d’architecte il fallait faire une maison qui soit vraiment la sienne. Et elle avait ses idées, la dame ! Mais ses exigences restaient toujours cohérentes avec le dessin d’origine et nous n’avions donc qu’à trouver le moyen de les intégrer. Ces gentils bras de fer se menaient par téléphone Paris/Martinique ou bien sur chantier quand la tornade débarquait et faisait la bise aux ouvriers qui tombaient alors comme des mouches. Nous on était déjà tombés au plus bas !

Il lança quelques sondes vers les Antilles. Le carnet de commande de notre agence, St/ar Olivier Dubosq-Federico Genovese, était rempli et je lui proposai de nous rejoindre avec, pourtant, l’appréhension de travailler avec lui car nous ne l’avions jamais fait et cela pouvait être le meilleur moyen de gâcher notre amitié.

Le container de meubles arriva le jour prévu et elle emménagea avec sa mère dans cette maison dont elle est, quinze ans après, toujours aussi amoureuse. Patrick était ravi du résultat architectural, fusion de nos trois personnalités et je sais que cela lui servit par la suite à Saint-Barthélémy. Moi j’étais ravi de tout, en particulier d’avoir réalisé la maison de Kathy avec lui.

Dès son arrivée à l’agence de Fort-de-France je compris qu’il allait nous apporter l’apaisement et le savoir-vivre. Il était exaspérant de débrouillardise et trouva rapidement au Diamant des maisons improbables auxquelles il donnait tout de suite une âme pour en faire des lieux de fête et d’amitié. Le comble est qu’il fut aussi l’initiateur d’habitudes sportives quasi quotidiennes. Nous démarrions ainsi les journées sur la plage, à jouer aux raquettes et à nager.

En 1995, après un premier voyage à Cuba, j’entrainais Patrick et Federico à La Havane pour tenter d’y développer des projets d’hôtels. Séjour mémorable de rencontre avec nos mythes révolutionnaires, avec les cubains et cubaines encore dans la période especial, avec cette architecture figée dans le temps et l’espace, avec la musique, la danse et les bars…

Un jour débarqua à l’agence une grande gigue toute mince en salopette et avec de grosses lunettes nous annonçant qu’elle nous voulait comme architectes pour sa maison. Une de plus à convaincre qu’elle n’avait pas les moyens de ses rêves ! Mais son terrain était superbe et elle était si insistante qu’on s’est laissé faire avant même de savoir qu’elle était mannequin et avait donc peut-être les moyens de ses rêves. Elle ne nous a pas lâchés pendant deux ans de dessins et chantier et obtenu de nous exactement ce qu’elle voulait, en adoptant instantanément telle ou telle idée pour ne plus nous laisser la lâcher. Le projet partait d’une esquisse très simple liée au terrain très pentu et mono directionnel vers la mer : deux trames de chambres ou services de part et d’autre du grand séjour totalement ouvert sur la terrasse

Patrick y retrouvait des parfums de ses premières années brésiliennes quand la fête était libre et paisible malgré la pauvreté. Il s’obstinait à parler portugais, les cubains ne comprenaient rien et pourtant la communication s’établissait toujours. On s’entassait dans une vieille américaine conduite par un médecin urologue qui nous guidait partout, jour et nuit. Nous nous laissions entraîner au Palacio de la salsa par des jineteras qui voulaient surtout qu’on leur paie l’entrée et à boire pour s’éclater de danse toute la nuit. Nous terminions à la Bodeguita del medio avec des mojitos et au matin nous allions au radar à nos rendez-vous d’affaires. Je découvrais un Patrick en liberté, curieux et avide de tout, séduisant avec élégance, leader discret. Bizarrement ce fut concluant et nous sommes revenus régulièrement pour travailler sur des rénovations comme celle du Sevilla, hôtel hispano-vénitien de la mafia des années trente…

Fin 95, les cyclones Luis et Maryline dévastèrent Saint-Martin et Saint-Barthélémy. Je proposais à Patrick de s’y installer pour rénover deux hôtels sinistrés, moi faisant la navette, et d’en profiter pour tenter quelque chose là-bas. Voilà comment il a débarqué dans ce lieu qui l’attendait. C’était tout petit et très beau, tout le monde se connaissait, les maisons étaient belles, les filles aussi et il y avait des projets et de l’argent. Même si cela a été un peu difficile au départ, Patrick s’est rapidement imposé professionnellement et fondu dans le milieu. Trouvant toujours des maisons ordinaires qu’il transformait de sa baguette magique, côtoyant les plus simples et les plus riches et s’épanouissant dans des projets qui, enfin, lui offraient sa liberté conceptuelle. Patrick était un architecte de maisons. C’est l’échelle de délicatesse et sensibilité qui lui convenait le mieux et, à Saint-Barthélémy, il a pu en dessiner plusieurs, à la fois puissantes et raffinées. Comme souvent dans ce foutu métier il atteignait la pleine maturité assez tardivement et je sais qu’il aurait encore réalisé des choses superbes si… Patrick était comme un frère, malgré tout mystérieux car, même si l’on se disait tout ou presque, nous savions l’un et l’autre que nous gardions une frontière intime qu’il n’était pas nécessaire de franchir pour se comprendre. Mon frère ou mon ami, je ne sais pas vraiment, mais c’était bien une amitié fraternelle, pour moi très rare.

Olivier Dubosq Architecte Fort-de-France Martinique


1991/1995

MARTINIQUE CUBA


Un repas J’ai rencontré Patrick début 2000, à l’occasion d’un repas organisé par Monique, sa collaboratrice. Son intelligence, sa passion pour la création, conjugués à sa simplicité au regard de son vécu aventureux m’ont sauté aux yeux. Évidemment au détour d’une conversation à propos de Bernard Lavilliers, il avait montré que si celui-ci s’était embourgeoisé au fil de son existence ce n’était pas son cas. Je fus particulièrement séduit par le personnage qui était conforme à tout ce à quoi on avait rêvé après 1968. Sur le droit à la différence, la tolérance et la lutte contre l’homogénéisation…la liberté…

François Canis Comment résumer Comment résumer en quelques lignes les bons moments accumulés au cours des presque sept années passées aux côtés de Patrick à l’agence … ? Tâche impossible, car il avait tant de facettes et de pôles d’intérêt. C’était je pense avant tout un intellectuel curieux de tout et de tous, très ouvert, à l’écoute, et adorant la discussion… Un architecte passionné, et un homme passionnant riche de nombreuses passions : la musique, les voyages, la lecture, l’amitié et l’engagement dans la vie, les femmes... Et bien d’autres encore. J’étais venue faire un remplacement en 2002, et il ne m’a plus laissée repartir. Je crois que j’étais parvenue à le délester de pas mal de tâches administratives, souvent ingrates pour un artiste comme lui. Il préférait passer du temps à recevoir ses clients, qu’il savait séduire et convaincre de s’enthousiasmer pour ses propositions architecturales. Qui résultaient souvent de longues heures passées sur sa planche à dessin. Un de ses moments préférés dans l’élaboration d’un projet. Je garde d’excellents souvenirs de nos fréquents déjeuners de travail, au cours desquels nous parlions bien souvent de beaucoup d’autres sujets du moment, et auxquels il conviait aussi de bons amis. Il y a eu des discussions passionnées, et passionnantes. Parfois vives. Mais qui se terminaient toujours bien, souvent en éclats de rire, car il avait un profond sens de l’humour. La variété des projets sur lesquels il a travaillé fut aussi un vrai plaisir. Des grands projets publics à Saint-Barthélemy jusqu’aux projets privés de petite taille, tous bénéficiaient de la même attention et de la même volonté de trouver le bon projet. Exigeant et pointilleux, plus que difficile, il fût progressivement autant un vrai ami qu’un patron. Chaleureux, attentif au souvenir des cours de ses maîtres, il sût créer autour de lui une vraie complicité professionnelle, bien agréable à vivre. Une collaboration riche, étroite, bien que j’ai toujours gardé un franc-parler qu’il estimait, pleine de souvenirs inoubliables, à commencer par le sien. C’est une grande chance pour moi d’avoir été sa collaboratrice toutes ces années.

Monique Drouillard


1995/2008

GUSTAVIA

SAINT-BARTHÉLÉMY

Atelier Patrick Benaben Par ordre d’arrivée : Shirley Dern Florent Fernandes Monique Drouillard Éric Joye Estelle De Paepe Timothée Bonnat Jacky Coudreau Jean-Yves Bujok Béryl Monot Grégoire Fourmaintraux Gabriel Laval

Bureaux d’études béton AV Ingénierie Verdier Antilles Études Monthouel Loo Cabinet Suire Géomètre

Photographes Philippe Hochart Alain Photo

Paysagiste De Saint Preuve Kikuyu

Entreprises Carlos Fernandes Carlini Dichiara Gonzague Delvas Daniel Nolot Mathias Dussaule GEC Bertrand Uhart


Patrick Benaben nous a quitté le 6 mars 2009. Homme de qualité et architecte rare, il s’était épris de l’île de Saint-Barthélémy, au service de laquelle il mettait tout son talent et la précision de son dessin. En effet, les bâtiments publics réalisés par Patrick Benaben à Saint-Barthélémy ont fortement contribué à forger l’identité de l’architecture contemporaine de notre île et, plus particulièrement, celle du paysage urbain de Gustavia. Qu’il s’agisse, entre autres, du bâtiment des Droits de Quai, de la Gare maritime, de la Halle à poissons, de la Trésorerie Territoriale, des Équipements du stade de Saint-Jean. En alliant tradition et modernité, Patrick Benaben a indiscutablement contribué à la mise en valeur de l’image que nous voulons donner de Saint-Barthélémy. Qu’il en soit ici remercié. Une carrière exceptionnelle, une personnalité qui s’est démarquée par son travail, sa gentillesse et son ouverture d’esprit et de dialogue. Tel est le souvenir que je garde de quelqu’un qui était au fil du temps, devenu un ami. Il est hélas, parti trop tôt.

Bruno Magras Président de la Collectivité de Saint-Barthélémy

Immeuble Plein Ouest Droits de quai Immeuble Dior


Papa de cœur Quand je l’ai rencontré, il vivait dans la petite case au bord de l’eau sur le port. Son bureau faisait 5m2, il n’y avait mis qu’une table et des punaises au mur. Quand il a déménagé, gardant le seul bureau, j’ai repris la case, pour l’âme que Patrick lui avait insufflée. Quand le projet du Dõ Brazil est arrivé, ce que Patrick m’a donné allait bien au delà de la mission d’architecte que je lui avait proposée. Il fourmillait d’idées, faisait des croquis, parlait sans cesse de Bahia. Du bois, le Brésil, la Douceur, la Musique, Saudade… Nous n’avions pas de concept hormis du bois, du bois et des coquillages sur Shell Beach. Les énormes tronçons de bois du Boubou’s en seraient les piliers. Vingt jours avant l’ouverture, Patrick, Chouchou et moi nous retrouvons pour un repas quotidien arrosé de bons vins : “Et si nous partions en vacances ?” Le surlendemain, nous étions à Bahia, Papa arborant un énorme sourire. Il retrouvait ce pays et ce peuple qu’il aimait tant. De ce voyage, nous ramenâmes le nom, Dõ Brazil, mais également une peintre, Maria, ainsi que toute une équipe pour le restaurant et une Mère des Saints, haute autorité du Condomblé pour célébrer Yemanja, la déesse de l’eau. Ce jour là, le 14 février 2001, sur la plage de Shell Beach, l’océan fut recouvert de fleurs. Papa était heureux.

Boubou Restaurant Dô Brazil Immeuble Form Fitness


2001

Villa Arrow Marine Domaine de Montjean Pointe Milou Saint-Barthélémy


PARADIS

SAINT-BARTHÉLÉMY Paradis Dans la culture persane, le jardin est l’esprit de la maison. C’est un enclos qui précède même la construction. C’est un espace sacré où se situe l’eau. La plus petite parcelle du monde mais aussi sa totalité. Un microcosme. Une image du monde. Le territoire privilégié de l'Utopie. Le jardin-monde exprime un sentiment de perte, la nostalgie de l’Éden. Le jardin-monde est la figure du Paradis que certains disent perdu. Pour Patrick il n’en est rien. Il a consacré sa vie d’homme et d’architecte à donner corps avec délicatesse à ce rêve parmi les plus fous. Offrir ici et maintenant le Paradis à ses contemporains. Et qu’il soit tropical n’est pas pour nous déplaire. Il n’y a pas d’HLM au Paradis.

Marc Vaye


2003

Villa Kokomo Pointe Milou Saint-Barthélémy


2004

Villa La Revelatta Pointe Milou Saint-Barthélémy


2007

Villa Triagoz Plage des Flamands Saint-Barthélémy



2008

Villa La Plage Lorient Saint-Barthélémy




TROPICALISTE

Ce ne sont pas les dimensions et les éléments qui vont m'éloigner de toi, mon ami architecte. On a partagé la terre et la mer... Tu es maintenant dans les airs ! Je t'y retrouverai : rien n'est jamais fini.

Tina


Nathalie Konéfal cite Jacques Prévert “Trois allumettes une à une allumées dans la nuit la première pour voir ton visage tout entier la seconde pour voir tes yeux la dernière pour voir ta bouche et l'obscurité tout entière pour me rappeler tout ça en te serrant dans mes bras…”

Trois années au service de l’agence de Patrick C’est en 2005 que je rencontrais Patrick, presque par hasard, sur un de ses chantiers. Quelques rencontres plus tard, j’ai le souvenir précis de ce moment où, prenant congé de moi en pivotant lentement sur luimême, il me dit : “On compte sur toi pour nous rejoindre à l’agence”. Cette voix si particulière que j’apparentais à l’acteur Gérard Darmon et cette déclaration au sourire si généreux resteront dans ma mémoire. Le vrai contrat d’embauche : celui de la confiance. Trois années, où j’ai œuvré au service d’un homme de talent qui forçait le respect. Nous étions de la même année et sur certains sujets, un simple regard complice nous mettait d’accord. D’un collègue de travail, il devenait peu à peu un ami. Mais un jour de septembre 2008, comme à chacun de ses voyages, il nous a dit au revoir en nous embrassant chaleureusement…Je me souviendrai : ses éclats de rire, ses colères, ses discussions passionnées, sa culture, son humour, sa joie de vivre, son talent. Je me souviendrai de l’avoir côtoyé. Merci Patrick.

Jacky Coudreau


Kaléidoscope L’ami Patrick n’était pas fait d’une seule facette ! C’était, bien plutôt, un kaléidoscope vivant, et son visage buriné exprimait bien les nombreux sentiers, lumineux ou pas, dans lesquels il avait mis ses pas… Quelle vie bien remplie, et quelle capacité d’ouverture, curiosité d’esprit, goût de la découverte habita ce petit homme aussi alerte de corps que pétillant d’esprit. Un vrai régal pour ceux qui purent partager avec lui ce goût inextinguible pour la vie, pour la création, pour la musique. Car, si on ose l’écrire, il écoutait la musique, ou plutôt toutes les musiques, avec… ses yeux, au moins autant qu’avec ses oreilles ! Musique des sphères, musique des âmes, musique des corps ; et aussi bien sûr, toutes les musiques instrumentales. D’où lui venait ce goût ? Était-ce la recherche d’une harmonie, qu’il cherchait par ailleurs à créer lui-même dans son travail d’architecte ? Par-dessus tout, j’ai apprécié chez lui sa très grande capacité à la complicité humaine, par l’esprit comme par le cœur, y compris quand on ne partageait pas nécessairement ses vues ou ses idées. Une qualité rare, en tout cas à mes yeux ! C’est aujourd’hui tout cela qui nous manque, et on t’en veut un peu de nous l’avoir enlevé… Adieu l’ami ! Je t’embrasse, et pense souvent à ces si bons moments partagés : merci !

Jean-Pierre Hennequet

Cyclone Le long du chemin, nous croisons d’autres histoires d’hommes et de femmes, certaines sont captivantes parce que ces hommes, ces femmes ont manifesté curiosité, engagements, talents. J’ai connu durant treize années ce Patrick sérieux, talentueux, charmeur, portant un regard sur l’autre et le monde empreint d’expériences qui rendent tantôt fort tantôt faible, mordant la vie jour et nuit avec une fraternité communicative. À l’origine un cyclone dénommé Luis motiva son déplacement pour apprécier et surveiller les travaux du Christopher Hôtel lourdement endommagé dont je m’occupais, puis pour suivre la rénovation permanente de cet établissement jusqu’en 2007. Un partage d’activités aquatiques, de randonnées nocturnes, de discussions qui au gré de l’humeur abordaient la politique, les femmes, l’architecture, la genèse des fonctionnements humains, ont fait éclore une amitié. Patrick a choisi de vivre sur cette arrête où la perception du vide favorise création et angoisse. Est-ce cela qui le rendait si chaleureux et attentif aux autres avec une si belle simplicité ? J’ai eu la chance d’être son ami, il me manque.

Didier Bensa


Partager Je suis à l’aube de présenter mon Diplôme et aujourd’hui encore je pense à lui. Il y a quelques années, je traversais l’Atlantique direction les tropiques pour effectuer mon premier stage. “Sympa” s’exclamaient les camarades d’un air envieux. Ils peuvent jalouser les palmiers et la mer transparente, mais les tropiques ne furent rien par rapport à la rencontre que j’y ai faite. Les plages m’importaient peu, les journées aux cotés de Patrick étaient tellement stimulantes, enivrantes et ne se ressemblaient en rien. Il partageait tout : agence, chantiers, projets, dessins, rendez-vous, déjeuners professionnels ou entre amis, discussions, fous rires, engueulades, soirées, musique, récits, expérience... Patrick fût le premier architecte qui m’a ouvert les portes de son agence, du métier, de la passion de l‘architecture et de l’aventure. Je n’ai cessé de penser à lui, à sa passion et à sa rigueur à chaque étape de ma vie étudiante. Il a confirmé mon goût pour l’architecture et m’a encouragé au voyage. Un an après mon séjour chez Patrick, j’ai poursuivi mes études en Argentine. Je l’ai vu une dernière fois à Paris avant mon départ, il tenait à m’encourager, me faire part de ses expériences et me présenter des amis. Partager…une fois de plus. Ce soir je planche sur mon diplôme, pourvu que tu m’accompagnes, une fois de plus. Il me reste tant de chose à apprendre…

Béryl Monot


Sète/11mars 2009

À Patrick B. Tiens, tu es là ? Incroyable, comme le temps compte ses frasques. Allez viens, mec, on va remonter le temps, comme on remontait la Ladeira, paresseusement, jusqu’à la bicoque suspendue au-dessus des flots. Tu faisais des plans, et pas seulement sur la comète, toi, le beau gosse qui se reflétait dans l’œil des brunes au teint moiré. Et, quand le soleil rentrait dans sa couche marine, toi, tu buvais ses rayons ultimes, comme cette agua de coco qui titillait les papilles. Tu avais fait vœux, modeste, de refaire le monde en respectant les divinités pour mieux servir l’homme. Architecte, archi-tact, tu as jeté l’encre de Tropiques en Tropiques. Allez viens, mec, on va mettre les petits bonheurs dans les grands.

Rémy Kolpa Kopoul ConneXionneur


TROPIQUES ÉCLECTIQUES PATRICK BENABEN architecte tropicaliste est un hommage collectif conçu et réalisé avec le concours de : Dany Benaben Josy Benaben Dominique Benaben Didier Bensa Boubou Caroline Bourgine Alain Buisson François Canis Patrick Catalan Alain Coquet Jean-Louis Charron Jack Cohen Jacky Coudreau Laurence Danjou Monique Drouillard Olivier Dubosq Mathias Dussaule Bernard Franjou Bernard Freling Jean-Pierre Hennequet Philippe Hochart Didier Hubert François Garaude Marc Grisoli Joël Guégan Philippe Guillemet Rémy Kolpa Kopoul Nathalie Konéfal Fafa Léonardo Polo Lombardo Néguine Maboudi Bruno Magras Xavier Maurin Sabine Moisan Béryl Monot Éric Omores Tina Philippe Van Den Broek Marc Vaye Mars 2010


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