espace radioactif
Acrylique sur papier, collage, 220 x 300 cm, La Courrouze, Rennes, 2013. Un entrepôt découvert est déclaré contaminé.
base secrète
Acrylique sur papier, collage, 200 x 180 cm, Rennes, 2016. Des cabanes qui semblent abandonnĂŠes renferment un laboratoire clandestin.
déchets
Acrylique sur papier, collage, diamètres : 50 & 70 cm, Saint-Jacques-de-la-Lande, 2017. Des bidons sont abandonnés en pleine nature.
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tri sĂŠlectif
Acrylique sur papier, 70 x 70 cm, collage sur poubelles, Rennes, 2017. Comment valoriser nos dĂŠchets ? Pouvons-nous tout recycler ? Que deviennent les plus toxiques ?
ENFOUISSEMENT
Acrylique sur papier, collage, diam : 40 cm, Cesson-Sévigné, 2017. Au fond d’un terrain, un baril jeté dans un trou est découvert ! L’ajout du sigle radioactif accentue le malaise. https://vimeo.com/mardinoir/landfilling
une archéologie du futur
Acrylique sur papier, collage, diam : 200 cm, collage, Saint-Jacques-de-la-Lande, 2017. C’est une mise en garde à laquelle les prochaines générations seront confrontées.
une archéologie du futur
Acrylique sur papier, collage, diam : 200 cm, collage, Saint-Jacques-de-la-Lande, 2017. L’œuvre se détériore aux premières averses.
dépôt
Acrylique sur papier, collage, 100 x 140 cm, Rennes, 2017. Une conserve est posée comme si elle avait été découverte, balancée depuis la rue ou enfouie incognito.
ENFOUISSEMENT
Cesson-Sévigné, 2017 - 2018. Le trou où le baril avait été jeté, est rebouché l’année suivante. A-t-on retiré le fût au préalable ou a-t-il été entièrement ensevelit ? https://vimeo.com/mardinoir/landfilling
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Impression solaire sur papier thermique, 21 x 29,7 cm, 2018.
Réalisée à travers un pochoir, cette inscription apparaît progressivement. Sa traduction se complique avec le remplacement de certaines lettres par des chiffres. .
CHAMBOULE-TOUT
Impression thermique, conserves, h : 11,5 cm, diam : 10 cm, 2018. C’est un jeu populaire, un jeu dangereux.
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déchets
Acrylique sur papier, collage, diamètre : 60 cm, Saint-Jacques-de-la-Lande, 2017 - 2018. Une partie du terrain a été débroussaillée et certains bidons ont disparu mais un dernier a été oublié sous la végétation.
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Acrylique sur papier, collage, 100 x 40 cm, Rennes, 2018. La peinture rouge avait déjà été déversée lors de la découverte de ce bassin de rétention. Avec l’ajout du sigle radioactif, le site semble définitivement pollué.
alerte alerte
Acrylique sur papier, 29,7 x 42 cm, Rennes, 2017. À la une du journal local, un logo remplace le titre racoleur.
STOCK
Acrylique sur papier, 100 x 150 cm X4, vues d’atelier, Rennes, 2018. La charte graphique des offres promotionnelles est détournée pour véhiculer une opération de Grand Stockage.
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notes Au sein de la démarche artistique, la reproduction de pictogrammes et notamment celle du sigle radioactif est assez récurrente. Les réalisations prennent formes à travers des panneaux ou des collages dont l’implantation joue du contexte. In situ, les créations prennent en compte le support et l’environnement afin de s’insérer au mieux dans le décor et susciter une confusion. Les créations s’inspirent à la fois de cette industrie et d’une forme de militantisme. Dans un imaginaire collectif, le fût radioactif est forcément jaune et nous retrouvons ces bidons aussi bien sur les plaquettes de communications qu’en illustration pour des tracts. Ainsi le nucléaire et notamment ses déchets offre un vocabulaire graphique réemployé dans la pratique. À partir de ce détournement, les œuvres créées accentuent les sentiments à l’égard des diverses activités de ce secteur : la peur des risques biologiques liés aux dangers de la radioactivité ou aux accidents nucléaires, la course aux armements, la suspicion face aux dossiers classés secret défense... C’est donc un sujet délicat abordé même si le malaise parfois généré peut également être perçu sous un trait d’humour. Le décalage des interventions jouent volontairement sur ce rapport contradictoire en accentuant nos craintes par la mise en scène des collages dans des lieux insolites. Lorsque Neil Armstrong et Buzz Aldrin sont représentés dans ce hangar vide avec un drapeau au symbole radioactif, le détournement iconique prête à sourire mais la combinaison spatiale pourrait être celle utilisées par les employés d’une centrale ou les nettoyeurs d’un site réellement pollué. Enfin, cette image des premiers pas sur la lune évoque également les heures sombres de la Guerre Froide et du développement de l’arsenal nucléaire des différents pays protagonistes. Les Villes Fermées, les programmes de recherches sur le nucléaire engagés par les États dans le monde expriment l’opacité autour de cette énergie et de son développement. Transformer de simples cabanes de chantiers en Base Secrète jouent sur cette clandestinité des études scientifiques comme constante entre les nations militaires, civiles et industrielles. Ici, le public comme le pays voisin n’est pas le bienvenu ! En écho à cette dissimulation, les œuvres réalisées sont souvent cachées. Les interventions prennent place en périphérie de la ville, souvent dans les communes limitrophes, à CessonSévigné et Saint-Jacques-de-la-Lande en bordure de Rennes. C’est aussi dans ces interstices urbaines que des lieux sont découverts. L’inspiration vient dans ces franges. Lors d’une promenade dans un cimetière de véhicules, des bidons rouillés sont aperçus au bord d’un fossé. Nous sommes toujours en hivers et la végétation n’est pas encore luxuriante. Posés de façon brut dans ce cadre naturel, c’est une vision romantique qui s’offre ici. Une fois les sigles radioactifs apposés sur ces bidons en décomposition, le champ de la réflexion s’élargit aux déchets dangereux produits par nos sociétés. Que deviennent ceux que nous n’arrivons pas à traiter ? Comment la filière du nucléaire se débarrasse-t-elle des déchets les plus toxiques ? Comment les différents États gèrent-ils ce problème ? Quelle transparence pouvons-nous observer dans le recyclage et le traitement ? Pourtant, nous sommes tous concernés. Aujourd’hui en France, la consommation annuelle d’électricité génère 2 Kg de déchets radioactifs par habitant. À l’heure où chaque foyer est invité à trier scrupuleusement ses détritus, comment sont classés les plus toxiques, y compris ceux issus de l’énergie atomique ? En ville, des containers à poubelles sont transformés en bacs réservés aux déchets nucléaires afin de sensibiliser la population dans son quotidien. Encore une fois, un problème grave est appréhendé sous une approche ludique. Comment oser soulever le couvercle d’un bac quand celui-ci est affublé d’un logo radioactif ? Dans nos sociétés de consommation, il existe des déchets que nous n’aimerions pas (a)voir. L’enfouissement sauvage pour certains d’entre eux semble la solution de facilité. Même si les mœurs évoluent et qu’il serait nécessaire de réduire le gaspillage et consommer de façon équitable, solidaire, il demeure certains gestes au quotidien : les mégots de cigarettes jetés par terre, les emballages balancés par dessus la vitre en voiture, les poubelles déposées n’importe où... C’est à partir de ces comportements irresponsable que le geste d’enfouir un fût radioactif a été réalisé. C’est dans un terrain vague en périphérie de la ville qu’un bidon est découvert à côté d’un trou. Ce dépôt sauvage à l’abris des regards est malheureusement trop fréquent de la part de particuliers, d’entreprises ou de collectivités... Avec un pictogramme radioactif, l’idée ici était de souligner le risque de pollution avec ce genre de méthodes. Si l’enfouissement des déchets radioactifs reste à l’étude en France avec le projet CIGÉO mené par l’ANDRA, d’autres sites existent déjà dans le monde : ONKALO en Finlande et WIPP aux États Unis. Comment pouvons-nous mettre en garde les générations futures face aux dangers de tels sites ? Comment indiquer la présence de déchets sous terre ? Est-ce que l’inscription simple d’une mise en garde écrite suffira à mettre à distance un visiteur du futur - humain ou extra terrestre ! - trop curieux ? Quelle iconographie devons-nous employer pour illustrer la dangerosité ? Le Cri d’Edvard Munch se retrouve régulièrement associé au sigle radioactif dans les pictogrammes officiels mais également au sein des visuels des militants antinucléaire, décliné en tee shirts, badges, stickers... Sur les pictogrammes conçus pour le WIPP nous retrouvons également l’icône faciale de la peur développée par Iranaäus Eibl-Eibesfeld en éthologie humaine.
Lorsque ce logo est reproduit à la peinture sur papier et posé sur le sol défoncé d’un ancien entrepôt, il paraît évident que le collage ne puisse résister aux intempéries. Ici, le pictogramme sensé signaler le danger pour des milliers d’années s’est tout de suite détérioré. Si la disparition rapide était prévisible, cette évolution tend justement à souligner l’importance de marqueurs solides sur les territoires renfermant les centres d’enfouissement de déchets nucléaires. Aux antipodes des contraintes de pérennité des signes préventifs, la démarche artistique dans l’espace urbain reste éphémère mais soulève justement cette problématique liée au temps dans un rapport d’échelle raccourcis. La reproduction dune grosse boîte de conserve sur le mur de soubassement d’un chantier en pleine ville symbolise la découverte fortuite d’un bidon lors de travaux. Ici, nous sommes dans un environnement urbain à la densité de population élevée. La présence de ce fût radioactif souligne une forme d’anachronisme, un décalage spatio-temporel. Aujourd’hui, personne ne souhaite voir enterrer ses déchets en bas de chez lui... ONKALO se situe non loin du cercle arctique, WIPP dans le désert du Nouveau Mexique et le projet CIGÉO à Bure dans la Meuse, l’un des départements français comptant le moins d’habitants. De retour sur le site de l’enfouissement sauvage, le trou a été rebouché et il n’y a plus aucunes traces de l’intervention. Fort heureusement, le bidon avait été retiré et le sigle radioactif décollé... Cependant, cette photographie prolonge le malaise quant-à l’authenticité de l’action. L’absence de marqueurs à la surface laisse justement le doute planer. Nous observons que la végétation repousse à cet emplacement soulignant ici le risque d’oubli auquel les générations futures devront se soucier. Si dans ce cas précis le trou a été rebouché au bout d’une année, comment garantir sur une longue période la transmission de l’information quant-à la dangerosité d’un territoire ? Nous pouvons prendre par exemple les champs de Vaudoncour et Muzeray dans la Meuse remis en culture alors qu’ils avaient servis de terrains pour la destruction d’obus après la Première Guerre Mondiale. Cette activité industrielle avait été oubliée, et ni les habitants, ni les agriculteurs n’en avaient connaissance. Les archives non déclassée, les secrets liés à la défense ou à l’industrie doivent nécessairement être transmis afin d’alerter les générations futures et en priorité les populations riveraines. Sur le long terme, il faut aussi que ces données puissent être comprises. L’expérience réalisée par impression solaire sur papier thermique d’une phrase de prévention soulève cette problématique. À travers un pochoir, une consigne apparaît au bout de huit jour créant une nouvelle fois un jeu sur l’échelle du temps. La lecture de cette phrase est rendue complexe à cause des lettres remplacées par des chiffres. Selon l’âge du lecteur, la compréhension est plus ou moins rapide après une série de test avec différentes personnes. Le support-même d’impression pose problème car le papier thermique brûle au soleil et le contenu imprimé au télécopieur disparaît si la feuille reste exposée à l’air libre. L’utilisation d’un vieil appareil créant des traces noires et une trame sur les copies rentre dans la démarche générale. Cet appauvrissement graphique est amplifié avec ces images faxées reproduites en grand d’après projection : les pixels sont accentués à la peinture qui dégouline comme ultime effet. Ces traitements deviennent la signature des interventions réalisées dans l’espace urbain et des produits dérivés. Ainsi le bidon radioactif est miniaturisé dans un jeu de conserves sur lesquelles l’étiquette est remplacée par le symbole nucléaire. L’empilement des boîtes comme un Chamboule-tout, renforce l’aspect fragile de l’installation. Une dimension éphémère anime la pratique artistique. Les collages réalisés in situ finissent toujours par se détériorer et disparaître. Ainsi, nous retrouvons l’un des barils abandonnés un an auparavant parmi la végétation alors que les autres colis ont été découverts et enlevés à la suite de travaux dans le cimetière de véhicules à Saint-Jacques-de-la-Lande près de Rennes. Le lierre a poussé sur le bidon, le papier s’est teinté de rouille et s’est décollé mais le sigle radioactif reste visible. Cet oubli souligne la difficulté à dépolluer entièrement une zone et les enjeux de la réversibilité. La contamination peut être issue de différents facteurs et divers pictogrammes expriment la nature d’un danger. Une Source Radioactive évoque l’une de ces formes. Le collage au dessus d’un bassin de rétention sur une peinture rouge dégoulinante - l’auteur des coulures est inconnu∙e - joue sur le déplacement du panneau dans ce contexte et ne fait qu’accentuer le malaise. Ici, l’eau n’est pas issue d’une source minérale ou de montagne et reste impropre à la consommation. Le détournement de supports au sein des interventions permet de soulever des problématiques par les situations provoquées. Si le pictogramme radioactif génère de la crainte, le reproduire joue sur ce sentiment. Lorsqu’il remplace les gros titres sur un panneau du journal Ouest France, que peut-il susciter comme interrogations chez le badaud ? Sommes-nous en alerte ? Ici, la formule choc du journal se subtitue à une illustration reprenant le noir sur fond jaune. La charte graphique d’un outil de communication peut être reprise pour véhiculer un autre message. C’est sur ce principe que des peintures s’inspirent des affiches promotionnelles. L’offre de Grand Destockage devient le projet de Grand Stockage. Les formules publicitaires sont associées à l’iconographie liée au symbole du nucléaire en utilisant les pictogrammes, Le Cri de Munch, ou les expressions faciales d’Iranaäus Eibl-Eibesfeld... Arzhel Prioul - Septembre 2018 - Espace radioactif