Marianne Baroin
PASSERELLES
Diplôme National d’Art (DNA) Option design mention objet / espace Marianne Baroin ÉSAD Orléans 2020
« La goutte d’eau séparée de l’océan peut trouver un repos momentané, mais celle qui est dans l’océan ne connaît pas de repos » Ghandi L’eau est source de vie mais aussi de conflit. Elle est rassurante mais aussi dangereuse. Notamment, la menace de la montée des eaux qui met en péril l’avenir des littoraux et des lieux de vies proches des fleuves et des rivières est l’un des sujets sensibles que pointent les experts du GIEC, relayés de plus en plus par les médias.
Rising Water Map, 2014 Martin Vargic
En effet, le dérèglement climatique, dû à l’Anthropocène 1, provoque la fonte accélérée de la calotte glacière ayant pour conséquence de faire monter le niveau des océans. Les pronostics des scientifiques sont sans appel. Au minimum, si l’on parvient à maintenir les hausses des températures globales à +1,5 °C 2, le niveau mondial des océans augmenterait entre 26 et 77 cm d’ici 2100 3, accompagné d’une intensification des phénomènes météorologiques extrêmes. La planète se dérègle. Cette hausse minimale aura déjà des conséquences considérables : la disparition de zones littorales et de nombreuses îles où se concentre 40% de la population mondiale. En 2014, l’infographiste slovaque Martin Vargic4 présentait sa carte de la montée des eaux, pour sensibiliser les populations en montrant quelles seraient les conséquences d’une élévation du niveau des mers à 80 centimètres. Il écrit d’ailleurs sur cellesci qui ont des allures de carte aux trésors : « Il y a encore un moyen d’empêcher que tout cela arrive ». En effet, l’aménagement de ces territoires, menacés par la montée des eaux, est remis en question.
1 Antropocène désigne l’ère géologique acutelle qui se caractérise par des signes visibles de l’influence de l’être humain sur son environnement, notamment sur le climat et la biosphère. L’idée d’ère anthropocène est accréditée par certains scientifiques mais rejetée par d’autres. 2 COP 21 - accords de Paris - 2015 3 Chiffres du dernier Rapport du GIEC « Rapport Spécial du GIEC Réchauffement à 1,5°c », 2019 4 Jeune artiste de 22 ans qui croise la cartographie et le graphisme d’information. Il élabore des planisphères sur des thèmes divers d’une manière claire et ludique.
Les littoraux sont des territoires entre-deux et sont les plus exposés au phénomène. Les côtes de la France métropolitaine mesurent environ 5800 km de long. Ce sont des sites attractifs, dotés de paysages variés d’une grande beauté auxquels nous sommes fortement attachés. Si la problématique est posée, notre réaction reste à déterminer, à inventer. Qu’est-ce que nous allons perdre concrètement ? Comment réinvestir ces lieux perdus à cause de la montée des eaux ? Des lieux sont déjà laissés à l’abandon à cause de ce phénomène. Prenons l’exemple de Soulac-sur-Mer, avec l’Hôtel abandonné le Signal, qui a des allures de cité perdue étant victime d’érosion qui est une conséquence de la montée des eaux. Avec l’ensemble de ces éléments, je souhaite apporter mon point de vue sur ce phénomène terrifiant afin d’alerter pour mobiliser et motiver le public à agir. Comment peut-on sensibiliser la population à cet avenir dramatique qui se dessine de plus en plus précisément ?
Soulac-sur-mer, France 1950
Soulac-sur-mer, France 2015
Parmi les moyens de sensibilisation, j’ai recensé une grande production d’affiches par des graphistes qui oeuvrent en relation avec les organisations non-gouvernementales en lutte contre le réchauffement climatique comme WWF 1. Citons également, dans le champ du design, la conception d’objets manifestes ou d’installations temporaires. Ce sont des actions principalement pour dénoncer la pollution -plastique- de l’océan. Ainsi, le sujet de la monter des eaux est encore peu exploré.
Earth Hour, 2019 TBWA world wide pour WWF
Nous pouvons souligner le travail de Lucy et Jorge Orta qui explorent des sujets sociaux et écologiques à travers des supports plastiques divers allant jusqu’à des propositions s’inscrivant dans le design et l’architecture. La série WaterOrta, réalisée entre 2005 et 2019, est particulièrement intéressante, présentant différentes réflexions autour de l’eau et ses enjeux avec la création d’installations combinant de nombreuses familles d’objets.
1 World Wildlife Fund - ONGI qui est vouée à la protection de l’environnement et au développement durable
1.1.
1.2.
1.1. M.I.U. Mobile Réservoir 1.2. Light Messenger Wall Unit 1.3. Refuge Wear 1.4. Urban Life Guard, 2005-2007 Lucy + Jorge ORTA, OrtaWater 1.3.
1.4.
D’un autre côté, de nombreux scientifiques décident de sortir de leurs laboratoires pour aller à la rencontre des citoyens et présenter les risques du réchauffement climatique. C’est le cas du cycle de conférences Débat sur le Climat qui s’est déroulé entre le 16 octobre 2019 jusqu’au 04 Mars 2020 au Carreau du Temple à Paris. Une invitation lancée par Jean Jouzel 1, climatologue et glaciologue mondialement reconnu, prix Nobel des Sciences de la Terre et de l’Univers.
Chaque semaine, Jean Jouzel convie un scientifique pour parler de sa spécialité, comme Valérie Masson-Delmotte, co‑présidente du groupe de travail sur les sciences du climat du GIEC ou Eric Guilyardi, océanographe et climatologue au CNRS à Paris. La question de la prise de conscience est souvent revenue dans les débats et l’outil de la cartographie, un médium particulièrement intéressant. Il serait un des moyens possibles pour alerter les populations. L’Océan a en effet un rôle clé dans la régulation de la température globale entre les régions les plus chaudes et les plus froides de la planète. Il fonctionne comme le thermostat des différents éco-systèmes présents sur terre en absorbant le CO2 émis notamment. Les scénarios catastrophiques qui relevaient de la science‑fiction se rapprocheront de la réalité d’ici une vingtaine d’années. C’est le cas du film à succès Water World réalisé par Kevin Reynolds sorti en 1995 qui projète un monde sans terre. Il est alors indispensable de penser l’avenir de ces territoires même dans les scénarios les plus extrêmes 1.
1 Ouvrage le plus récent : Jean Jouzel, Claude Lorius et Dominique Raynaud, Planète blanche : les glaces, le climat et l’environnement, Paris, éditions Odile Jacob, coll. « Sciences », 2008, 301 p.
1 + 5m en 2300 avec environ +4°C de température globale terrestre si l’on ne respecte pas les accords environnementaux - Conférence le rôle clé de l’océan - Jean Jouzel et Eric Guilyardi - Débat sur le climat Carreau du temple, Paris - 04.12.2019
L’art n’est pas en reste quant à la sensibilisation de ce phénomène. La montée des eaux est une question de limites, de traces. Nous allons bientôt être poussés à changer d’horizon. A cet égard, le travail des plasticiens finlandais Pekka Niittyvirta et Timo Aho, et particulièrement leur projet « Lines (57° 59’ N, 7° 16’W) » réalisé en 2018 est particulièrement intéressant. D’ici plus d’un siècle, plusieurs villes côtières du monde pourraient être englouties à cause du réchauffement climatique. Ce duo finlandais a voulu alerter face à cette urgence en montrant le futur niveau de la mer, grâce à une ligne lumineuse, recouvrant ainsi plusieurs villages en Ecosse. « L’art a le potentiel de transmettre des données scientifiques, des idées et des concepts complexes, d’une manière puissante que les mots ou les graphiques ne permettent pas. Avec un peu de chance, grâce à ce travail, les gens pourront mieux visualiser et se rapporter à la réalité », ont déclaré les deux artistes.
Prototype 1.1 «Le Rocher», 2017 Collectif ETC
C’est dans cette dynamique que mon action s’inscrit, en tant que « marqueur » du phénomène qui lie à la fois passé, présent et futur. Recréer un affinité avec un paysage qui va potentiellement disparaître sera la ligne directrice de mon intervention. Inspirée par le travail du collectif ETC qui créaient en 2017, un dispositif se nommant Le rocher. Ils ont une manière particulière de développer sa forme, avec des prototypes échelle 1/1 afin de cadrer les vues. « Ce rocher est un observatoire du paysage, un objet métaphorique qui vous guidera dans les paysages alentours et en soulignera l’invisible », affirme le collectif.
Lines (57° 59° N,7° 16’W), 2018 Pekka Niittyvirta et Timo Aho
Le but alors est de bousculer notre quotidien encore confortable et pousser à la réflexion, une prise de conscience réelle de notre responsabilité individuelle et collective. Par exemple, une piste de réflexion possible : sera-t-il indispensable de vivre sur l’eau ? Cette menace est prise au sérieux par de nombreux chercheurs, ingénieurs, architectes et designers. Des solutions, surréalistes voir utopiques pour certaines, sont alors proposées. Majoritairement, on projette la création d’îles artificielles flottantes comme le projet Seasteading Institute de Patri Friedman. La notion d’adaptation sera donc essentielle, c’est une nouvelle manière de vivre que l’on doit inventer. Comment devons-nous faire face à la montée des eaux ? Quelle posture doit-on prendre ? Et si on faisait avec… Le message sera donc clair : il est temps d’agir !
Bibliographie Rapport et Mémoire Goupe de travail I, Rapport spécial du GIEC Réchauffement à 1,5°C, Office for Climate Education OCE France, 2018 Belarbre Nathan, Vers un avenir incertain : Lorsque le design d’espace projette la montée des eaux, mémoire de recherche disponible sur Issuu, 2019
Ouvrages Jouzel Jean, Lorius Claude et R aynaud Dominique, Planète blanche : les glaces, le climat et l’environnement, éd. Odile Jacob, coll. « Sciences », 2008
M acL ean Alex, IMPACT, Visions aériennes d’une zone assiégée avant la montée des eaux, Collection Dominique Carré, 2019
Articles Web Fritz Jean-Paul , « Montée des eaux : l’effrayant impact du réchauffement climatique si rien ne change », L’OBS, Section Planête 20 Février 2018 A nfray Charlotte, « La France en 2050 ? Méconnaissable ! », PARIS MATCH, Actu environnement, 25 Avril 2016
Barral Anne Laure, « Rapport spécial du GIEC : la montée des eaux pourrait atteindre 1,10 mètre à la fin du siècle si rien n’est fait », FranceInfo, Environnement COP 25, 25 Septembre 2019
Expositions Exposition temporaire : FOOD/WATER/LIFE, Parc de La Vilette, 2014 , artistes présents : Lucy + Jorge Orta
Films et documentaires
Merci à mes tuteurs, Marie Compagnon et Laurence Salmon
R eynolds K evin, WaterWorld, K.Costner, J.Tripplehorm,D.Hopper, 1995 L eroy Elise et Sigaut Olivier, Submersion, 2014 Guggenheim Davis, Une vérité qui dérange, Al Gore 2006 Stevens Fisher, Avant le déluge, Leonardo DiCaprio, Barack Obama, Bill Clinton 2016
Achevé d’imprimer à l’ÉSAD d’Orléans, sur presse numérique en mai 2020, sur papier mat ultra blanc distinct inspiration 100 g Typographie : Baskerville de John Baskerville 1957
ÉSAD Orléans 2020