Lejardindesdieux

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LAURE DE CHANTAL

Les plantes et leurs noms nous cachent bien des histoires fabuleuses… Partez pour un voyage trépidant et fabuleux dans le jardin des dieux et des déesses de la mythologie grecque et romaine ! Le centaure Chiron, éducateur de nombreux héros, sauve ces derniers grâce au bleuet qui guérit de tout, ou presque. Aphrodite cache son amant Adonis dans les feuilles de laitue après leurs ébats amoureux, afin de le cacher de la vue de ses prétendant(e)s. Après avoir répandu les pires rumeurs sur Hadès, Minthé, son ancienne maîtresse, se voit transformée par Perséphone en plante velue, puis piétinée, embaumant les Enfers d’un parfum mentholé.

LAURE DE CHANTAL

Le jardin des dieux

sous la direction d’Alain Baraton

Plantes infernales, adultères divins, amours malheureuses, plantes monstrueuses, transformations… ces récits mythiques autour de 80 plantes nous révèlent le sens de leur étymologie et bien souvent leur utilisation ancestrale. De très belles illustrations accompagnent à merveille ces notices mythologiques. Normalienne, agrégée de lettres classiques, Laure de Chantal est l’auteure de plusieurs ouvrages, notamment Dieux et déesses de l’Antiquité, Séduire comme un dieu et Celebriti (collection « Signets », Les Belles Lettres).

Le jardin des dieux Une histoire des plantes à travers la mythologie

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Flammarion

Flammarion

15-IX

Prix France : 35  ISBN : 978-2-7066-0079-1

Création Studio Flammarion

Couverture : © Djohr

Illustrations inédites de Djohr Guedra

Flammarion


L es pl antes vertueuses

La f igue ou le permis de mal se conduire Ficus carica Moracées

L

a figue est le fruit succulent par excellence : en effet par une série de glissements linguistiques, l’adjectif français vient de sycon, la « figue » en grec. À la fois commune et prisée, elle constitue le quotidien et l’exceptionnel de l’alimentation antique. Elle compose le déjeuner du plus humble des bergers comme elle sert d’accompagnement au sykoton hepar, le foie gras, littéralement le « foie à la figue », car c’est avec ce fruit que le foie des volailles était gavé. Par son apparence liée à la sexualité, la figue, abondante en goût et sensuelle, est le fruit tout désigné de Dionysos, le dieu de l’extase. En Thrace, Dionysos est surnommé sykirès, « de figues », et les bâtons en forme de phallus que portent les bacchants de son cortège doivent être en bois de figue. La figue est aussi l’amie de Mercure, l’équivalent latin d’Hermès, et par conséquent l’alliée des voleurs : une coutume voulait en effet que, si l’on trouvait une figue par hasard, elle soit suspendue à la porte pour que tout un chacun puisse céder au plaisir illicite du larcin et devenir voleur d’un jour.

Les nombreuses autres histoires liées à ce fruit-fleur ne sont guère plus honorables. Est-ce à cause de la différence entre la richesse de son intérieur et la tristesse de sa robe ou bien du fait de la douceur roborative de son goût ? La figue, dans l’imaginaire antique, cache toujours quelque chose. Le sycophante, mot à mot « celui qui révèle les figues », est en réalité à Athènes un délateur, voire un calomniateur. Certains en font une profession, qui peut s’avérer lucrative : si l’accusé est condamné, le délateur touche les trois quarts de l’amende infligée. En revanche, si ses dires sont jugés injustifiés, le sycophante n’a plus qu’à remballer ses figues : frappé d’atimie, c’est-à-dire privé de ses droits civiques, il n’a guère d’autre choix que de quitter la cité.

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L es pl antes vertueuses

L’olivier ou la sagesse Olea europaea Oléacées

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e l’huile pour l’éclairage à celle pour le corps, de l’assiette à la lampe, de la cuisine au gymnase, l’olive est présente partout dans l’Antiquité. Elle trône en majesté, sur l’Acropole, au sanctuaire consacré à Athéna, dominant la ville. Là, poussent les oliviers sacrés, emblèmes de la cité. Ceux-ci possèdent même un nom qui leur est propre : ils sont des moria, des cadeaux donnés en partage par les dieux. En effet, aussi curieux que cela puisse sembler aujourd’hui, les oliviers ne sont pas originaires de Grèce. Selon la mythologie, ils ont été importés, offerts par la déesse Athéna en personne. La fille de Zeus voulait avoir sa ville, une ville aimant la sagesse et la guerre, comme elle : Athènes (qui alors ne portait pas ce nom) était toute désignée. Poséidon, dieu des mers, convoitait aussi la cité : sa requête n’était pas moins justifiée. Certains plantent des drapeaux sur la Lune, Poséidon, pour marquer son pouvoir, planta un trident sur l’Acropole, d’où jaillit une source d’eau salée. En guise de riposte, Athéna fit sourdre un olivier majestueux. La déesse de la sagesse et le dieu des flots étaient sur le point d’en venir aux mains, lorsque Zeus intervint et porta le litige aux voix des Olympiens. Ceux-ci jugèrent avec une équité toute divine : tous les dieux votèrent pour Poséidon et toutes les déesses pour Athéna. Admirable démocrate, Zeus, après s’être retiré du vote par souci de neutralité, trancha en faveur de sa fille : l’olivier de l’Acropole devint pour toujours le symbole inaltérable de la cité. Pausanias raconte même que, lorsque Xerxès attaqua la ville et fit brûler l’Acropole, l’olivier calciné repoussa sur-le-champ.

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Les pl antes magiques

L’ail ou le bulbe magique A l l i u m s p. Liliacées

S

i les premiers vampires sont nés de l’imaginaire des Grecs, ils ne craignaient pas encore l’ail. Pourtant, c’est peut-être dans l’Antiquité qu’il faut trouver l’ébauche de la croyance selon laquelle croquer une gousse d’ail éloigne, entre autres, les baisers de Nosferatu. En effet, selon Pline, l’ail a comme propriété de soigner les morsures, à condition de le prendre avec du vin pur, et de le rendre par vomissement. Il passe aussi pour repousser enchantements et sortilèges, à commencer par ceux de la première sorcière de l’Antiquité, Circé. Cette croqueuse d’hommes, qui peut passer pour l’archétype de la femme-vampire, car selon certains le sang intervient dans la composition de nombre de ses breuvages, vit sur une île isolée, entourée de bêtes, qui sont les hommes qu’elle a transformés après les avoir séduits de sa voix enchanteresse. Les hommes d’Ulysse se laissent prendre au piège et sont transformés en pourceaux. Le héros rassemble son courage et s’apprête à se jeter dans la gueule de la goule, lorsque le dieu Hermès intervient et lui donne une plante qui le prémunira des assiduités malveillantes de Circé. Cette plante qu’Homère nomme moly (voir p. 88) est, dans les mots du poète, « à la racine noire et à la fleur laiteuse », si bien que Théophraste, l’un des grands botanistes de la Grèce antique et élève d’Aristote (sa phénoménale Histoire des plantes qui décrit plus de six cents espèces de végétaux est le plus ancien ouvrage de botanique que nous connaissons) pense que la plante magique n’est autre que l’ail.

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Les pl antes magiques

Le basilic ou le roi sans gêne Ocimum basilicum Lamiacées

L

e basilic tire son nom de basileus, le « roi », en grec ancien. Ce roi a de drôles de manières : on raconte que, pour qu’il devienne grand, il faut lancer des injures en le semant. Un souverain qui aime être insulté, voilà qui n’est pas banal. Ce qui ne l’est pas non plus, c’est la puissance érotique de ce roi en herbe. Le basilic est puissamment vert, à tous les sens du terme. Pline relate que pour que les juments soient fécondées à tous les coups, il faut leur introduire du basilic dans la vulve avant qu’elles soient montées. Dans la mythologie, le basilic, qui désigne non une plante mais un petit dragon, est à proprement parler stupéfiant. Né de la tête tranchée de la Gorgone Méduse par le héros Persée, il a le pouvoir de transformer en pierre quiconque croise son regard. Afin d’éviter d’être transformé en statue, Alexandre le Grand aurait fait fabriquer un bouclier particulier qui comportait un miroir réfléchissant. Le roi, dans ses conquêtes, ne s’en séparait jamais dans l’éventualité où il croiserait une de ces bêtes fantastiques. Pline ne précise pas si les juments furent pétrifiées : souhaitons-leur toutefois de ne pas être restées de marbre.

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L e s p l a n t e s d’a m ou r

Le coing ou l’allégorie du mariage Cydonia oblonga Rosacées

L

es timides ont parfois de grandes audaces. Acontius est un jeune homme d’une beauté incomparable, vaillant au combat et joyeux lorsqu’il s’agit de se distraire, d’une famille honnête et d’une richesse non négligeable. Son seul défaut est sa timidité. Dès qu’il voit une belle à son goût, il s’enflamme, se consume, mais se fige sur place : paralysé, honteux, ne sachant que dire, les joues en feu, il reste pantois. Il a de la chance pourtant : celle qu’il vient d’apercevoir et qui a fait immédiatement battre son cœur est tout aussi pudique. Cydippe est venue spécialement d’Athènes à Délos pour assister aux fêtes d’Artémis, déesse de la chasteté. La jeune femme est en train de prier lorsque atterrit à ses pieds un curieux présage, un coing mûr à point, parfumé comme un citron et savoureux comme une poire. La surprise a de quoi étonner car le coing est traditionnellement consacré à Aphrodite, qui n’est pas connue pour se rendre souvent au temple de la chasteté. Cydippe le ramasse pourtant et constate que sur sa peau zestée un message a été inscrit. Ses lèvres roses s’appliquent alors à prononcer malgré elle les mots qui lui seront fatals : « Par Artémis, je jure d’épouser Acontius. »

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plu tôt êtr e une pl ante…

Le laurier Laurus nobilis Lauracées

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aphné court dans les bois sombres de Thessalie, seule, hors d’haleine, le plus vite possible pour échapper à son poursuivant. Apollon est pourtant le plus beau des dieux… mais il n’est pas le plus rapide : chaque fois qu’il croit avoir rattrapé la jolie nymphe, il n’embrasse que du vent. Malgré sa beauté, le pauvre dieu des arts et de la divination n’est pas le plus séduisant : femmes, hommes, demidieux et déesses, tous se refusent à lui. La jeune femme a beau connaître les bois, le dieu se rapproche, elle sent déjà son souffle divin lécher sa nuque. Elle supplie : plutôt devenir une plante, même vilaine ou vénéneuse, que de souffrir les caresses d’Apollon. La course-poursuite continue, intrépide, infernale, haletante, entre la nymphe chasseresse et son ravisseur jusqu’à ce que ce dernier parvienne à effleurer le corps de la jeune femme. À son contact, elle se transforme en une plante altière et élancée, qui consent à se laisser admirer mais interdit qu’on la touche puisque la feuille en est éminemment toxique : le laurier. La belle hautaine et dédaigneuse se retrouve plus tard tressée en couronne, posée sur la tête des vainqueurs portés en triomphe, tandis qu’à leur oreille un esclave chuchote : « N’oublie pas que tu n’es rien. »

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