P+SITIVE ECONOMY FORUM
P SITIVE BOOK
Ellen MacArthur, Muhammad Yunus, Edgar Morin, Richard Branson, Jimmy Carter, Joseph Stiglitz, Pierre Rabhi, Cynthia Fleury…
2014
« Au-delà du devoir moral, nous avons tous un rôle à jouer dans ce que sera demain. Nous sommes tous responsables et acteurs de ce monde qui changera en fonction de ce que nous déciderons et de ce que nous pensons qu’il adviendra. » Jacques Attali
P+SITIVE ECONOMY FORUM JACQUES ATTALI
P SITIVE BOOK
Depuis 2012, les Positive Economy Forums, lancés par PlaNet Finance, présidés par Jacques Attali et Arnaud Ventura, fédèrent des femmes et des hommes de bonne volonté qui veulent faire émerger une société et une économie plus justes. Ensemble, ils nous invitent à créer et entreprendre dans l’intérêt des générations futures et à développer un altruisme rationnel. Ce Positive Book se veut le porte-voix de toutes les personnes qui partagent ces valeurs. Que sera le monde en 2030 ? Qui le dirige(ra) ? La finance peut-elle devenir plus juste ? Comment entreprendre autrement ? Que sera l’éducation demain ? Comment faire en sorte que la santé soit un droit fondamental pour tous dans le monde entier ? Comment changer les modèles ? Comment éviter la surchauffe de la planète ? De Jimmy Carter à Jean-Louis Étienne, Edgar Morin, Ellen MacArthur, Muhammad Yunus, Saskia Sassen, Richard Branson, Pierre Rabhi, Cynthia Fleury… des chefs d’État, des Prix Nobel, des professeurs de Yale, de Harvard, de Columbia, des diplômés des plus grandes écoles – Oxford, Polytechnique, l’Essec –, des chefs d’entreprise, des présidents d’ONG, des philosophes, des scientifiques, des climatologues, des artistes visionnaires démontrent et expliquent pourquoi, comment il est aujourd’hui indispensable que chacun d’entre nous s’engage pour un monde meilleur. Comme l’affirme Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie, « ne pas agir serait impardonnable ». Que dirons-nous à nos enfants ? Que nous connaissions l’état de la planète et l’injustice des inégalités criantes, mais que nous n’avons rien fait ? Impossible. Il est temps de passer à l’action. Pour bâtir une société positive.
P SITIVE BOOK BÂTISSONS UNE SOCIÉTÉ POSITIVE
Prix France : 19,90 € ISBN : 978-2-0813-4755-7
14-IX
Couverture : Illustration de couverture : Didouch.eu
9782081347557_PositiveBook_Couv.indd Toutes les pages
14-IX
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RUBRIQUE SOUS RUBRIQUE
C’est quoi l’économie positive ?
1 176 milliards d’euros La crise a coûté à la France 1 176 milliards d’euros depuis son déclenchement. Comment les experts en arrivent-ils à ce chiffre ? En calculant la différence entre la croissance qui était attendue, conformément à celle de ces vingt dernières années, et ce qui a été réalisé effectivement. 57 % du PIB national a manqué à l’appel. Le modèle est en panne. Pour ne plus s’enfoncer dans la crise, il est temps d’adopter un modèle porteur d’avenir, fondé sur l’intérêt des générations futures, de l’humain et de l’environnement.
ÉCONOMIE POSITIVE 1#
POSITIVE BOOK
JOSEPH STIGLITZ « NE PAS AGIR SERAIT IMPARDONNABLE » Le Prix Nobel d’économie 2001, Joseph Stiglitz, se plaît en France. Invité d’honneur du dîner inaugural de l’édition 2013 du LHFORUM/Positive Economy Forum, il a alors martelé ses convictions face aux crises à répétition, au chômage de masse, à la pauvreté qui menace, sans oublier de s’exprimer sur les enjeux environnementaux et la montée en puissance des extrémismes en tout genre. Extraits.
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Malgré les réparations opérées sur le système bancaire, nous avons conservé les problèmes d’une économie faible. Renflouer les banques, c’était nécessaire, mais c’est insuffisant. Et c’est là que le gouvernement de Barack Obama et ceux qui étaient proches du système bancaire se sont trompés. Les banques se sont très mal comportées : elles ont aggravé la crise. En passant beaucoup de temps à s’occuper des banques, on en a oublié les problèmes de fond. Pire encore : nous avons demandé aux gens qui ont créé la crise de la résoudre.
ACCOMPAGNER L’ÉCONOMIE RÉELLE Peut-on s’en sortir par le haut ? Y a-t-il des solutions ? Au-delà de la lutte contre le changement climatique et de la promotion de la
technologie, nous avons la nécessité impérieuse de réglementer le secteur bancaire, pour nous assurer que les banques fassent véritablement ce qu’elles doivent faire, c’est-à-dire prêter de l’argent à l’économie réelle. Les activités de prêt aux États-Unis sont actuellement de 25 % inférieures à leur niveau d’avant la crise. Il faut en finir avec l’austérité, ça ne marche pas ! Prenez l’exemple des mesures prises dans les années 1930 par le président Herbert Hoover : elles ont conduit à la Grande Dépression. Ou celles, plus récentes, conduites sous l’égide de la Banque mondiale, un peu partout dans le monde. Le résultat de cette austérité imposée est une économie bien plus faible que ce qu’elle pourrait être. Comment accepter le niveau de chômage en Europe, qui concerne jusqu’à 60 % des jeunes
Nous avons aujourd’hui les ressources et les connaissances pour faire émerger une économie du partage. Ne pas le faire serait inexcusable. 24
en Grèce ? Nous mettons vraiment notre avenir en danger.
© ABHISIT VEJJAJIVA
n 2007, l’économie était en vérité déjà malade, mais cette maladie a été masquée par la bulle immobilière qui a permis aux gens de consommer au-delà de leurs moyens. Si on n’avait pas eu cette bulle, on aurait eu un déficit en demande agrégée et l’économie aurait été faible. Il faut comprendre pourquoi nous avons eu besoin de diminuer les taux d’intérêt à ce point. C’est dû, entre autres, à la compétition avec les marchés émergents ; à la productivité croissante dans l’industrie qui se serait traduite par plus de chômage ; au système monétaire international qui a amené les pays à épargner de plus en plus ; aux prix élevés de l’énergie qui transfèrent l’argent aux pays producteurs de pétrole.
ÉTABLIR UNE VÉRITABLE ÉGALITÉ DES CHANCES Pour s’en sortir, parmi les problèmes prioritaires à régler, le manque d’égalité des chances vient en première ligne. Vous avez intérêt à bien choisir vos parents si vous voulez exprimer tout votre potentiel. De fait, le succès d’un jeune dépend aujourd’hui avant tout des moyens financiers et du niveau d’éducation de ses parents. Nous devons investir dans l’éducation, dans les technologies, dans l’innovation et dans les infrastructures. Nous avons besoin d’une stratégie globale de croissance au niveau mondial. Ce qui implique de répondre à cette question : comment peut-on stimuler l’économie pour qu’elle crée des emplois ? Nous ne retrouverons pas la prospérité si les décisions stratégiques des entreprises continuent à se faire dans le seul intérêt des actionnaires.
En Europe, la façon dont la zone euro a été mise en place comportait à la base des faiblesses. Le problème désormais est de comprendre ces erreurs et de trouver des solutions. Pour y
BIO EXPRESS Né dans l’Indiana le 9 février 1943, Joseph Stiglitz dispense son enseignement à la Graduate School of Business de l’université de Columbia. Après avoir été membre et président du Conseil économique du président américain Bill Clinton, il a occupé le poste d’économiste en chef de la Banque mondiale de 1997 à 2000. Ses travaux sur l’économie de l’information lui ont valu le prix Nobel d’économie en 2001. Dénonçant le dogmatisme libéral du FMI et de la Banque mondiale, il prône une meilleure régulation de la mondialisation. Après La Grande Désillusion en 2002 et Quand le capitalisme perd la tête en 2003 (Fayard), il a publié Le Triomphe de la cupidité en 2010 et Le Prix des inégalités en 2012 (éditions Les Liens qui libèrent).
remédier, il ne faut pas blâmer les victimes, mais voir où la troïka s’est trompée. L’Europe devrait se doter d’une nouvelle structure, incluant une union bancaire et un marché d’euro-obligations. De même, des politiques de croissance devraient remplacer l’austérité et de vraies politiques industrielles être adoptées. Sur le moyen terme, nous avons deux défis qui ne seront pas résolus rapidement, mais dont il faut se soucier : en premier lieu, la lutte contre les inégalités croissantes dans la plupart des pays et, ensuite, la réforme du système monétaire et de réserve international. L’économie sociale et solidaire constitue un formidable terreau d’emplois pérennes, non délocalisables. Comme jamais auparavant, nous avons aujourd’hui les ressources et les connaissances pour faire émerger une économie du partage. Ne pas le faire serait inexcusable. Reste à savoir si nos dirigeants auront la volonté et le courage d’agir véritablement et durablement.
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POSITIVE BOOK
MUHAMMAD YUNUS « NOUS NAISSONS TOUS NATURELLEMENT ENTREPRENEURS »
’Europe est dans une situation inédite et dramatique en termes de chômage dans nombre de ses pays, en Espagne, au Portugal, en Grèce. Les États n’ont plus les moyens de gérer la crise. Le social business est une solution qui permet de sortir une personne du chômage pour qu’elle devienne entrepreneur. Je suis profondément convaincu, et mon expérience me conforte dans cette idée, que tous les êtres humains naissent naturellement entrepreneurs. C’est la société, par l’éducation et les normes qu’elle érige, qui annihile le désir d’entreprendre des individus. Et les convainc que leur seul avenir est de travailler au service d’autres individus. On ne peut exclure les gens du système sous prétexte
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qu’ils n’ont pas de travail, c’est inhumain. Les chômeurs ne doivent pas se sentir coupables, c’est la société, le système qui les condamnent. Grâce au social business, les personnes exclues retrouvent leur dignité en devenant les créateurs de leur propre activité.
UNE SITUATION INIQUE L’Europe n’est pas la seule région du monde en proie à la crise, mais, comme c’est l’une des plus riches, elle est particulièrement observée. Les Européens n’avaient jamais été confrontés à une telle situation de pauvreté et de chômage. Jamais les jeunes n’avaient eu aussi peu d’espoir : ils sont touchés de plein fouet par le chômage de masse. Ce ne sont pourtant pas des illettrés, ils ne sont pas incultes, ce sont des
diplômés qui souvent ont suivi des cursus de trois, cinq, sept ans. Ils ont envie de travailler, mais le système ne leur offre rien. C’est une situation inique ; on devrait tous en avoir honte. Comment en humaniste peut-on condamner, exclure des individus ? Au nom de quoi ? Ne pas vouloir regarder cette réalité en face, c’est dangereux. Cela nous concerne tous. C’est le combat de ma vie. Si l’Europe, la région la plus riche de la planète, est dans un tel état, que va-t-il advenir du reste du monde ? Personne n’est à l’abri. Les inégalités font le nid de la violence, personne n’y a intérêt. Les entreprises ont besoin de paix sociale pour se développer, elles ne peuvent fermer les yeux. La France est le seul pays au monde où je n’aie pas besoin de me justifier quinze fois avant d’être compris. C’est dû au modèle social français. De
© UNIVERSITY OF SALFORD
Le Prix Nobel de la paix 2006 incarne à travers le monde le banquier des pauvres qui a initié et donne ses lettres de noblesse au microcrédit. Il a aussi encouragé les débuts de PlaNet Finance, dont il est président du Comité d’honneur. Aujourd’hui considéré comme une rock star aux États-Unis, il continue à militer au fil de ses voyages incessants sur tous les continents pour une économie positive qui ne se réalise pas au détriment de la planète, des populations et des générations futures.
L’ENVIRONNEMENT 7#
JEAN-LOUIS ÉTIENNE « IL FAUT PERSÉVÉRER, C’EST CELA QUI PAIE » Premier homme à avoir atteint le pôle Nord à pied et à avoir survolé l’océan Arctique en ballon rozière, coleader de la Transantarctica, coéquipier d’Éric Tabarly sur Pen Duick VI dans la course autour du monde à la voile, Jean-Louis Étienne n’aime rien tant que s’échapper du brouhaha du monde pour se confronter à la nature, de préférence hostile. Ce sera le cas avec sa prochaine expédition, à bord du POLAR POD qui va dériver pendant trois ans dans les « cinquantièmes hurlants ».
ous rentrez du Nunavut, où vous êtes retourné, trente ans après, là même où vous aviez marché pendant soixante-trois jours. Pourquoi ce voyage ? Jean-Louis Étienne : Je ne sais pas pourquoi les régions polaires me plaisent. Elles produisent sur moi le même effet que les déserts. Ce sont des paysages de peu : il suffit d’une émotion, d’une plante, d’une lumière et vous vous l’appropriez, elles résonnent en vous, vous parlent. On a envie de revenir, car on s’y sent bien. C’est une relation intime qui se crée, même si les lieux ne sont pas très cléments.
© FRANCIS LATREILLE - GENERALI
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D’où vous vient cet amour ? Jean-Louis Étienne : Dès tout petit, j’ai eu envie de partir en exploration. À la maison, je lisais L’Illustration, qui relatait les aventures des grands voyageurs, et National Geographic, qui racontait les exploits des ingénieurs, des médecins, des découvreurs, des scientifiques, des caravanes qui
parcouraient les contrées inconnues. Je voulais faire partie de ces équipes-là. Aujourd’hui, cet univers fait-il moins rêver ? Jean-Louis Étienne : La médiatisation est moins marquée. Les carnets de voyage ne sont plus à la mode. Pourtant, l’esprit d’aventure demeure. Je suis impressionné par toutes ces personnes, ces entreprises qui aujourd’hui partent à la découverte du monde. Tous ces gens qui ont envie de se frotter à l’environnement et d’aider les autres. Je me souviens de ces grands promoteurs qu’étaient JacquesYves Cousteau, Haroun Tazieff et Paul Émile Victor. À l’époque où naissait la télévision, ils ont fait entrer la magie de la découverte dans les foyers. Il y avait un réel enthousiasme du grand public. Aujourd’hui, quand je vais à la rencontre des élèves dans les classes, le nom d’Éric Tabarly n’évoque rien pour eux. Les gens ont toujours envie de s’émerveiller, mais la peur s’installe au quotidien. Le programme Erasmus est un très bon dispositif. Il permet aux
jeunes de casser les frontières. Nous vivons dans un village global. Au jour le jour, nous sommes matraqués par des nouvelles effrayantes ; nous avons besoin d’apaisement. C’est difficile de prendre de la distance. Quand je pars à l’étranger, dans ces contrées de peu, je me mets en apesanteur du poids du monde, je me retrouve dans un univers vierge, je ressens la fluidité et l’envie de la découverte. Comment avez-vous trouvé Resolut Bay trente ans après ? Jean-Louis Étienne : Les choses n’ont pas beaucoup changé. Le village ne s’est pratiquement pas agrandi. Les habitants vivent un peu du tourisme. Ils constatent l’évolution du climat, mais le réchauffement de la terre ne les dérange pas forcément, car l’eau libre arrive plus facilement que précédemment. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cela a aussi des avantages pour eux ; c’est un peuple qui a une capacité à s’adapter. Ils voient se développer des secteurs d’activité qui créent des emplois, comme la recherche
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POSITIVE BOOK
PIERRE RABHI « JE MILITE POUR LA SIMPLICITÉ » Pionnier de l’agriculture biologique, Pierre Rabhi œuvre pour une réconciliation avec notre « Terre-Mère », clé de l’autonomie alimentaire des plus démunis. Dans le monde entier, il alerte les consciences face aux exactions infligées à notre planète et en appelle à la responsabilité de chacun à agir positivement. Par Hélène Martinez
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frein, le progrès prétendu libérateur lui semblent aliénants.
L’AGROÉCOLOGIE En 1960, il rompt avec cette vie pour un retour à la terre. Avec son épouse Michèle, ils s’installent dans une ferme ardéchoise. À défaut de rentabilité, la beauté du lieu prime pour le couple qui se lance dans l’agriculture. Pierre Rabhi renonce aux pratiques intensives et se dédie à une agriculture écologique. « J’ai compris que l’on pouvait demander à la terre de nous nourrir en quantité, en qualité, et en même temps l’améliorer et la transmettre meilleure qu’on ne l’a reçue aux générations qui nous suivent », explique-t-il. La famille Rabhi, avec ses cinq enfants, mène ici une vie frugale mais confortable. Dans cet équilibre, Pierre
Rabhi trouve l’épanouissement. De la sobriété il puise sa liberté. Il mesure très vite les vertus de l’agroécologie et l’alternative qu’elle représente, notamment pour les paysans victimes de la sécheresse en Afrique. En 1978, il commence à transmettre. Le premier Centre africain de formation à l’agroécologie voit le jour au Burkina Faso en 1985. Aujourd’hui, 100 000 paysans pratiquent ces méthodes et répondent aux besoins alimentaires de leur communauté. « La pratique agroécologique a le pouvoir de refertiliser les sols, de lutter contre la désertification, de préserver la biodiversité, d’optimiser l’usage de l’eau. Elle est une alternative peu coûteuse et adaptée aux populations les plus démunies. […] Enfin, elle permet de produire une alimentation
J’ai compris qu’on pouvait demander à la terre de nous nourrir en quantité, en qualité, et en même temps l’améliorer.
de qualité, garante de bonne santé pour la terre et ses enfants. […] C’est ainsi qu’elle représente pour nous bien plus qu’une simple alternative agronomique. Elle est liée à une dimension profonde du respect de la vie et replace l’être humain dans sa responsabilité à l’égard du vivant. », developpe Pierre Rabhi.
© PATRICK LAZIC
ierre Rabhi est un sage du xxie siècle. Un siècle qu’il regarde, perplexe mais jamais passif. Né en 1938 dans une oasis du désert sud-algérien, l’homme devenu grand penseur semble avoir traversé des âges et des sociétés plurielles en une seule vie. De son père forgeron et musicien, Pierre Rabhi a hérité la noblesse du probe et sa poésie. Son enfance est bouleversée par la découverte du charbon. Le forgeron devient mineur. Son visage se noircit, de même que son futur. Pierre Rabhi perd sa mère et se voit confié à un couple de Français dans une Algérie colonisée. À l’âge de 5 ans, il quitte ainsi la tradition pour le monde moderne, l’islam pour le christianisme. En quête d’identité, il se construit à la lumière des grands philosophes. La guerre d’Algérie retentit. Celui que l’on dit « gaulois » malgré sa peau brune arrive à Paris pour devenir ouvrier. La hiérarchie, les inégalités, une productivité sans
UNE MOBILISATION INOUÏE En 1988, il est reconnu expert international pour la sécurité alimentaire. Dix ans plus tard, il participe à l’élaboration de la Convention des Nations unies pour la lutte contre la désertification. Dès 1994, avec l’association Terre & Humanisme, il s’engage dans la transmission et la promotion de l’agroécologie pour le développement de l’autonomie alimentaire. Pierre Rabhi est encouragé à se présenter aux élections présidentielles de 2002. L’occasion de faire entendre sa conviction profonde :
« Il y a une urgence absolue : mettre l’humain et la nature au cœur de nos préoccupations. » 182 élus lui apportent leur signature et lancent l’« appel pour une insurrection des consciences ». Plus de 80 comités départementaux de soutien se forment. L’agriculteur n’a pas foi en notre modèle contemporain consumériste. Il rejette cette logique productiviste. Initiateur de maintes actions et mouvements pour un changement de paradigme, Pierre Rabhi est devenu malgré lui le chef de fil d’une pensée durable. « Je prêche pour la simplicité. Pour que l’être soit avant l’avoir. Tout comme je privilégie la coopération au détriment de la compétition dans laquelle nous sommes entretenus dès l’enfance. » Il crée en 2007 le Mouvement Colibris pour un nouveau projet de société. L’association rassemble de nombreuses structures impulsées par Pierre Rabhi. Avec la campagne « Tous candidats » lancée en 2011, à
l’orée de l’élection présidentielle de 2012, le mouvement remporte un bel écho médiatique. 26 000 personnes s’engagent pour l’émergence d’un monde plus écologique et plus humain. Le colibri revient en leitmotiv dans le discours de Pierre Rabhi. Il aime à conter cette légende amérindienne : un incendie ravage une forêt, tous les animaux demeurent impuissants, paralysés par la peur. Seul un petit colibri tente d’éteindre le feu, goutte à goutte. Un tatou se raille de cette vaine tentative : « Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! » Et l’oiseau de lui répondre : « Je le sais, mais je fais ma part. » Pierre Rabhi a forgé une vision teintée de valeurs infaillibles, de générosité, de solidarité et de respect. Il croit en cette beauté qui viendra au secours d’une société en péril. Grâce à l’agriculture écologique, il s’est fait « thérapeute de la terre ». À ses yeux, rien n’a plus de valeur que la vie, cette vie que l’on doit à la terre nourricière.
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POSITIVE ECONOMY LABS
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COMMENT INSPIRER ET DONNER ENVIE D’AGIR ? Alors que l’économie positive devient une réponse incontournable aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux d’aujourd’hui et de demain, une nouvelle pratique a vu le jour dans les médias : l’« impact journalism ». Son objectif : traiter les problèmes de société à travers les solutions et les initiatives qui y répondent. Synthèse des travaux présentés lors du Positive Economy Lab sur ce sujet.
ans un sondage La Croix/TNS Sofres de janvier 2014, 61 % des Français interrogés déclarent que la presse « fait trop de place aux mauvaises nouvelles ». On constate d’ailleurs que l’édition de Libération intitulée Libé des solutions génère systématiquement entre 25 et 50 % de ventes de plus que la moyenne. Le contexte actuel de renouvellement des habitudes de la presse et des médias est une opportunité sans pareil pour sortir du monopole de la parole journalistique et des sentiers battus. Le développement d’une économie plus positive offre une matière unique pour raconter de belles histoires : le rôle des journalistes est d’en vérifier les développements, d’en discuter le propos et de fournir un angle. De la sorte, l’impact journalism offre la possibilité de créer de nouveaux récits et de fournir de nouveaux sujets de réflexion sur l’économie et la société de demain. Cela interroge de fait le rôle du journaliste : simple observateur ou facilitateur de changement ? Doit-il inspirer l’action plutôt qu’observer l’inaction ?
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PLACE À D’AUTRES JOURNALISTES La position tenue par la hiérarchie dans les médias est déterminante dans l’assise d’un journalisme de solutions. Si ces sujets doivent être portés et partagés par toute la rédaction, il est important que les journalistes d’impact deviennent les animateurs d’une communauté, portés par la volonté de transformer
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l’approche de leur média tout autant que les approches des entreprises et multinationales. Leur rôle est de décortiquer les logiques de l’action et de la transformation sociale. Multicompétents et pluridisciplinaires, ils s’apparentent à des « passeurs » en mesure de faire des liens et d’accompagner les lecteurs dans un changement de posture mentale. Le rôle fondamental des médias est d’intéresser le public, d’être dans l’air du temps tout en parlant d’avenir, et donc d’innovation au sens large. Mais bien plus encore : il s’agit de lutter contre les idées reçues. Non, les logiques de profit ne s’opposent pas à l’entrepreneuriat social et solidaire. Oui, certains modèles fonctionnent, inutile d’aiguiser l’opposition des genres. Plutôt que de s’enfermer dans une approche trop étiquetée comme étant « positive », il est crucial de créer une hybridation de l’information, de rendre plus lisible la complexité du monde et des enjeux à venir. Cela implique de créer l’espace pour ces sujets en travaillant à une collaboration plus forte entre les journalistes et à une écoute plus attentive et systématique des attentes (et surtout des besoins) du public. Naturellement, il est nécessaire de sensibiliser en amont à cette nouvelle approche journalistique. Formations initiales et continues sont nécessaires pour cela, tout en gardant à l’esprit que l’ensemble de la filière entourant les journalistes (communicants, attachés de presse, etc.) devrait aussi y être initiée. Former les journalistes aux nouvelles formes de communication (de type
native advertising) devient aussi plus que nécessaire, tout en restant très vigilant vis-à-vis des potentielles dérives.
PLACE À D’AUTRES MESURES Le journalisme de solutions doit apprendre à mesurer son impact. Si l’exploitation des possibilités ouvertes par les modes d’interaction des réseaux sociaux permet de le faire assez simplement, il est aussi nécessaire d’imaginer de nouveaux modes de travail : pourquoi ne pas immerger les rédactions dans de nouveaux lieux par exemple, pour les mettre en lien avec certaines réalités de terrain et leur permettre de cultiver des relations régulières avec un public souvent critique envers les pratiques journalistiques ? Pourquoi ne pas travailler sur des formats différents, en phase avec les usages et la consommation actuelle d’informations ? Les approches ludiques et divertissantes n’ont-elles pas aussi un impact intéressant ? Une chose est sûre : dans les organisations – et les rédactions –, les plus jeunes ont des attentes beaucoup plus marquées sur ces sujets. S’ils poussent ces approches, c’est qu’ils en saisissent mieux l’impact et le besoin. Prendre en compte les attentes qu’ils expriment est nécessaire pour favoriser cet effet générationnel. LE POSITIVE ECONOMY LAB EN BREF En session le 3 juin 2014 à l’Auditorium du Monde, piloté par Christian de Boisredon, fondateur de Sparknews, et modéré par Anne-Sophie Novel, journaliste, en présence de Jacques Attali, ce Lab a réuni Jean-Marie Charon, sociologue, chercheur associé à l’EHESS et président de la Conférence nationale pour les métiers du journalisme (CNMJ) ; Violaine du Châtellier, présidente et fondatrice de Debout ; Pierre Haski, président de Rue89 ; Isabelle Hennebelle, rédactrice en chef du hors-série Ces métiers qui changent le monde et journaliste RH et innovation sociale à L’Expansion et L’Express ; Frédéric Ivernel, directeur central de la communication externe de TF1 ; Sophie Pedder, directrice du bureau de Paris de The Economist ; Didier Pourquery, ancien rédacteur en chef développement éditorial du Monde ; Véronique Richard, professeure des universités et directrice du Celsa-École des hautes études en sciences de l’information et de la communication ; et François Siegel, fondateur de la revue We Demain.
Quand bonheur citoyen et société positive incitent à passer l’action Par Alexandre Jost, fondateur de la Fabrique Spinoza
La Fabrique Spinoza, think tank du bonheur citoyen, poursuit un objectif : donner envie aux citoyen(ne)s de passer à l’action. Tout d’abord, bâtir sur une aspiration universelle – la poursuite du bonheur – et trois valeurs piliers - altruisme, liberté et citoyenneté – permet à la Fabrique Spinoza de toucher des femmes et des hommes qui adhèrent à sa vision. Nous partageons avec le LHFORUM/Positive Economy Forum une idée de l’Homme en capacité de s’épanouir et de se préoccuper de ses concitoyens. Cette vision commune est fédératrice des citoyens : elle réenchante la morosité de notre pays. À titre d’exemple, en créant la Semaine internationale du bonheur, la Fabrique Spinoza, sous l’égide de l’ONU, a pu rassembler des milliers de citoyens via une trentaine d’événements, dans le but de créer les conditions d’un monde meilleur. Deuxième clé pour engager à l’action : générer des relations sociales positives. Les hommes et les femmes sont des animaux sociaux et la qualité du lien est le premier socle d’une action commune. En lien avec le LHFORUM/Positive Economy Forum, la Fabrique Spinoza a par exemple animé dans l’enthousiasme des ateliers de réflexion sur la ville positive ou sur l’éducation à l’altruisme à l’université du Havre. Dans son essence, notre think tank rassemble des groupes de citoyens pour coconstruire des réflexions pour une société positive. Ce souffle est contagieux et des « passeurs du bonheur citoyen » se sont mis en marche à Bordeaux, Perpignan ou Aix-en-Provence. Enfin, la société civile s’engage lorsqu’il y a impact véritable. La Fabrique Spinoza estime toucher plusieurs millions de citoyens par an à travers les médias, des ateliers ou des actions de terrain. Lorsqu’un atelier de sensibilisation fait réfléchir 400 lycées pendant quatre heures au lien entre argent, altruisme et bonheur, l’impact sur les représentations est profond. In fine, c’est parce que nous croyons, comme Spinoza, que « l’homme est un dieu pour l’homme » que nous rassemblons des citoyens dans le but de déployer cet altruisme en puissance pour les hommes et les femmes d’aujourd’hui et de demain.
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« Au-delà du devoir moral, nous avons tous un rôle à jouer dans ce que sera demain. Nous sommes tous responsables et acteurs de ce monde qui changera en fonction de ce que nous déciderons et de ce que nous pensons qu’il adviendra. » Jacques Attali
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Depuis 2012, les Positive Economy Forums, lancés par PlaNet Finance, présidés par Jacques Attali et Arnaud Ventura, fédèrent des femmes et des hommes de bonne volonté qui veulent faire émerger une société et une économie plus justes. Ensemble, ils nous invitent à créer et entreprendre dans l’intérêt des générations futures et à développer un altruisme rationnel. Ce Positive Book se veut le porte-voix de toutes les personnes qui partagent ces valeurs. Que sera le monde en 2030 ? Qui le dirige(ra) ? La finance peut-elle devenir plus juste ? Comment entreprendre autrement ? Que sera l’éducation demain ? Comment faire en sorte que la santé soit un droit fondamental pour tous dans le monde entier ? Comment changer les modèles ? Comment éviter la surchauffe de la planète ? De Jimmy Carter à Jean-Louis Étienne, Edgar Morin, Ellen MacArthur, Muhammad Yunus, Saskia Sassen, Richard Branson, Pierre Rabhi, Cynthia Fleury… des chefs d’État, des Prix Nobel, des professeurs de Yale, de Harvard, de Columbia, des diplômés des plus grandes écoles – Oxford, Polytechnique, l’Essec –, des chefs d’entreprise, des présidents d’ONG, des philosophes, des scientifiques, des climatologues, des artistes visionnaires démontrent et expliquent pourquoi, comment il est aujourd’hui indispensable que chacun d’entre nous s’engage pour un monde meilleur. Comme l’affirme Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie, « ne pas agir serait impardonnable ». Que dirons-nous à nos enfants ? Que nous connaissions l’état de la planète et l’injustice des inégalités criantes, mais que nous n’avons rien fait ? Impossible. Il est temps de passer à l’action. Pour bâtir une société positive.
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