AR O N LD
Arnold Schönberg (1874-1951) est l’un des compositeurs majeurs du xxe siècle, mais il fut aussi théoricien, enseignant, poète et peintre. En effet, à partir de 1908 et pendant une dizaine d’années, il s’est adonné à la peinture, en parallèle de son activité musicale. Portraits et autoportraits, paysages imaginaires à la limite de l’abstraction et études de décors d’opéra constituent un œuvre hors norme, miroir de ses états d’âme qui ne trouvaient pas de forme musicale. La redécouverte de Schönberg à l’aune de sa production picturale est ainsi l’occasion de se replonger dans les cercles artistiques viennois du tournant du xxe siècle avec Richard Gerstl, Oskar Kokoschka, Max Oppenheimer ou Egon Schiele, mais aussi de pénétrer les coulisses de son amitié avec Vassily Kandinsky, pour lequel la musique de Schönberg joua un rôle fondamental. La relation de Schönberg à son identité juive est également abordée par nombre d’œuvres, écrits et compositions qui témoignent d’un engagement méconnu, tant musical que politique. Arnold Schönberg. Peindre l’âme pose un regard renouvelé sur l’artiste, en suivant sa trajectoire à travers des questions inédites en France, à la croisée des champs artistiques et des préoccupations culturelles et religieuses qui ont irrigué son œuvre.
PrixFrance France 35 : 35€ Prix ISBN : 978-2-0813-9032-4 ISBN : 978-2-0813-9032-4
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ARNOLD SCHÖNBERG
PEINDRE L’ÂME
S CHÖ R NBE G
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AR NOLD S HÖN C R BE G
14 Le « feu central du moi » Jean-Louis Andral
20 Mettre en scène Schönberg. Entretien avec Romeo Castellucci par Fanny Schulmann
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VIENNE, UN RENOUVEAU ARTISTIQUE
30 Quelques aspects de la création picturale d’Arnold Schönberg dans le contexte viennois Patrick Werkner
62
SCHÖNBERG ET KANDINSKY, CONVERGENCES ET RECHERCHES ESTHÉTIQUES
64 « Sans Schönberg, cela ne peut pas se faire ». Le peintre Schönberg au Blaue Reiter Angela Lampe
72 Kandinsky, propagandiste de la musique et de la doctrine de l’harmonie de Schönberg Jean-Claude Marcadé
96
AUTOPORTRAITS ET VISIONS
98 Une histoire de la peinture d’Arnold Schönberg Therese Muxeneder
106 « Une image veut avoir un nom » Fanny Schulmann
142
JUDAÏSME, IDENTITÉ ET POLITIQUE
144 Arnold Schönberg, à l’avant-garde de la musique allemande, aux marges de la communauté juive Steven J. Cahn
152 Schönberg, figure mosaïque Esteban Buch
177
Biographie d’Arnold Schönberg Therese Muxeneder
186
Repères biographiques des personnes citées
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Liste des œuvres
201
Expositions personnelles
202
Bibliographie sélective
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Index
Mettre en scène Schönberg
ME
TTRE
EN S È NE C S HÖN C BER G
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Entretien avec Romeo Castellucci par Fanny Schulmann
FANNY SCHULMANN : Vous avez mis en scène Moses und Aron [Moïse et
Aaron] d’Arnold Schönberg en octobre 2015 à l’opéra Bastille à Paris
[004, 005, 104] . Comment avez-vous découvert l’œuvre de Schönberg,
et plus particulièrement son Moïse et Aaron ?
ROMEO CASTELLUCCI : Lorsque j’étais encore un adolescent, ma
F. S . : Avez-vous
sa musique ?
découvert ses peintures en même temps que
R. C. : Non,
un peu plus tard, au moment où j’étudiais à l’Académie des beaux-arts de Bologne. J’ai été impressionné par la façon dont Schönberg était parvenu à concentrer des expériences esthétiques très diverses. Il m’apparaît comme l’un des piliers de la culture du xxe siècle.
F. S. : Moïse et Aaron s’inscrit très naturellement dans votre parcours
de metteur en scène.
R. C. : En effet. J’ai toujours été attentif à la culture juive et je
me sens influencé par la pensée du sociologue des religions et philosophe allemand Jacob Taubes pour qui la culture occidentale est helléno-sémitique, à la jonction de la pensée juive et de la pensée grecque. On peut retrouver cette tension dans mon travail. Elle définit mes modalités de réflexion autour de la problématique de l’image. Elle est évidemment incarnée dans la figure de Moïse. Et le thème de l’image figure au cœur de l’opéra de Schönberg. Mais le rôle de la parole y est tout aussi important. Le Moïse de Schönberg est un personnage platonicien dans son rejet de l’image. Il se méfie des images comme de la parole. En ce sens, Schönberg ne semble pas fidèle aux mots et au Moïse de la Bible. C’est un Moïse tordu car il doit exprimer également toute la pensée de Schönberg sur la musique, sur la nécessité de s’éloigner d’une pensée harmonique de la musique.
Mettre en scène Schönberg
sœur a acheté le disque de l’enregistrement en 1975 de Moïse et Aaron par Pierre Boulez. J’ai gardé un souvenir très fort de cette rencontre avec l’univers de Schönberg. À partir de ce moment, je me suis toujours intéressé à son œuvre, musical autant que pictural.
64
Angela Lampe
Schönberg et Kandinsky, convergences et recherches esthétiques
« SANS SCHÖNBERG, CELA
Le nom d’Arnold Schönberg survient rapidement lorsque Vassily Kandinsky, en compagnie de Franz Marc, prépare l’édition de l’almanach du Blaue Reiter [Cavalier bleu]. S’il ne figure pas dans la toute première et très célèbre lettre par laquelle, en juin 1911, l’artiste russe annonce à son ami son nouveau projet de publier une chronique annuelle, le nom du compositeur viennois s’impose dès leur deuxième échange, début septembre : « Schönberg doit écrire sur la musique allemande », insiste Kandinsky 2.
SE FAIRE 1 ». LE PEINTRE SCHÖNBERG AU BLAUE REITER
033
Ce vœu ne surprend guère. L’affinité qu’éprouve l’auteur de Du spirituel dans l’art pour l’inventeur de la musique atonale non seulement est connue, mais a été largement commentée. On sait peut-être moins que Marc manifeste lui aussi un vif intérêt pour les innovations musicales de ce dernier. Le 1er janvier 1911 – date à laquelle il fait la connaissance de Kandinsky –, il écrit à sa compagne, Maria Franck, sa hâte d’assister le lendemain au concert du « plus moderne des compositeurs de Vienne 3 ». L’organisateur de l’événement, Emil Gutmann, avait de fait ajouté à l’affiche de la soirée quelques citations de Schönberg qui ne manquèrent pas de susciter l’intérêt du jeune artiste. Extraits d’un article 4, ces passages postulent que les dissonances ne sont que des consonances plus larges, présentant pour Marc des correspondances avec les idées débattues au sein de la Neue Künstlervereinigung München (NKVM [Nouvelle Association des artistes de Munich]), notamment par Kandinsky. « J’avais flairé l’événement », confiera-t-il ultérieurement à son ami August Macke 5. Le 2 janvier, il se rend donc avec Kandinsky, la compagne de ce dernier, Gabriele Münter, ainsi qu’avec les peintres russes Alexeï von Jawlensky et Marianne von Werefkin, au concert du Quatuor Rosé [033]. Celui-ci interprète ce soir-là les deux premiers quatuors à cordes ; Trois pièces pour piano, op. 11, et cinq Lieder de Schönberg viennent compléter ce concert. Cette expérience musicale marque le groupe d’artistes au plus haut degré. Quelques jours plus tard, Marc expose à Macke la manière dont la musique de Schönberg, « [traitant] chaque son comme s’il
Programme de concert des œuvres de Schönberg, Munich, Jahreszeitensaal, 2 janvier 1911 [cat. 73]
034
Vassily Kandinsky, Impression III (Konzert), 1911. Huile sur toile, 77,5 × 100 cm, Munich, Städtische Galerie im Lenbachhaus und Kunstbau
65
Schönberg et Kandinsky, convergences et recherches esthétiques
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SchĂśnberg et Kandinsky, convergences et recherches esthĂŠtiques
90
91
LETTRE DE VASSILY KANDINSKY À ARNOLD SCHÖNBERG, 18 JANVIER 1911
W. Kandinsky Ainmillerstr. 36, I
Munich 18.1.1911
Cher Professeur ! Pardonnez-moi, je vous prie, si je vous écris sans avoir le plaisir de vous connaître personnellement. Je viens d’assister à votre concert ici, et j’ai eu une joie réelle à l’écouter. Vous ne me connaissez certainement pas, je veux dire mes travaux bien sûr, car j’expose très peu, et à Vienne je n’ai exposé qu’une seule fois brièvement il y a déjà quelques années (Sécession). Mais nos aspirations et notre façon de penser et de sentir ont tant en commun que je me permets de vous exprimer ma sympathie. Vous avez réalisé dans vos œuvres ce dont j’avais, dans une forme à vrai dire imprécise, un si grand désir en musique. Le destin spécifique, le cheminement autonome, la vie propre enfin des voix individuelles dans vos compositions sont justement ce que moi aussi je recherche sous une forme picturale. Actuellement, une des grandes tendances en peinture est de chercher la « nouvelle » harmonie, par des voies constructives, où le rythme est à bâtir à partir d’une forme presque géométrique. Cette voie, je n’y aspire et ne sympathise avec elle qu’à demi. La construction, voilà ce qui manquait si désespérément à la peinture ces derniers temps. Et il est bon qu’on la recherche. Seulement, c’est la manière de construire que je conçois différemment. Je crois justement qu’on ne peut trouver notre harmonie d’aujourd’hui par des voies « géométriques », mais au contraire, par l’antigéométrique, l’antilogique le plus absolu. Et cette voie est celle des « dissonances dans l’art » – en peinture comme en musique. Et la dissonance picturale et musicale « d’aujourd’hui » n’est rien d’autre que la consonance de « demain ». (Il ne faut bien entendu pas exclure a priori par-là la soi‑disant « harmonie » académique : on prend ce dont on a besoin sans se préoccuper de savoir où on le prend. Et « aujourd’hui » justement, au temps de l’avènement du « libéralisme », les possibilités sont si nombreuses !). J’ai été infiniment heureux de retrouver chez vous les mêmes pensées. Je ne regrette qu’une chose : je n’ai pas compris les 2 dernières phrases de votre affiche. Malgré des efforts répétés, je n’ai pu arriver à une explication tout à fait exacte. Je me permets de vous envoyer un dossier de mes travaux (les gravures sur bois ont presque 3 ans) et j’ajoute à cette lettre quelques photographies de tableaux assez récents. Je n’en ai pas encore des tout derniers. Je serais très heureux si cela pouvait vous intéresser. Avec toute ma sympathie et ma sincère considération. Kandinsky
Lettre de Vassily Kandinsky à Arnold Schönberg, 18 janvier 1911 Encre manuscrite sur papier Washington, Library of Congress, Arnold Schoenberg Collection Traduction par Daniel Haefliger dans Schoenberg – Busoni. Schoenberg – Kandinsky. Correspondances, textes, Genève, Contrechamps, 1995, p. 135-136
Autoportraits et visions
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Arnold SchÜnberg, Regard bleu, vers mars 1910 [cat. 161]
086
Autoportraits et visions
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Arnold Schönberg, L’Échelle de Jacob. Oratorio, 1915‑1922. Partition manuscrite [cat. 197]
112
Arnold Schönberg, notes manuscrites en allemand pour L’Échelle de Jacob, s.d. [cat. 198]
113
Arnold Schönberg, réponse illustrée à un dessin de Berthold Buchender inspiré de L’Échelle de Jacob, 1920 [cat. 200]
Judaïsme, identité et politique
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112 JudaĂŻsme, identitĂŠ et politique
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Arnold Schönberg (1874-1951) est l’un des compositeurs majeurs du xxe siècle, mais il fut aussi théoricien, enseignant, poète et peintre. En effet, à partir de 1908 et pendant une dizaine d’années, il s’est adonné à la peinture, en parallèle de son activité musicale. Portraits et autoportraits, paysages imaginaires à la limite de l’abstraction et études de décors d’opéra constituent un œuvre hors norme, miroir de ses états d’âme qui ne trouvaient pas de forme musicale. La redécouverte de Schönberg à l’aune de sa production picturale est ainsi l’occasion de se replonger dans les cercles artistiques viennois du tournant du xxe siècle avec Richard Gerstl, Oskar Kokoschka, Max Oppenheimer ou Egon Schiele, mais aussi de pénétrer les coulisses de son amitié avec Vassily Kandinsky, pour lequel la musique de Schönberg joua un rôle fondamental. La relation de Schönberg à son identité juive est également abordée par nombre d’œuvres, écrits et compositions qui témoignent d’un engagement méconnu, tant musical que politique. Arnold Schönberg. Peindre l’âme pose un regard renouvelé sur l’artiste, en suivant sa trajectoire à travers des questions inédites en France, à la croisée des champs artistiques et des préoccupations culturelles et religieuses qui ont irrigué son œuvre.
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ARNOLD SCHÖNBERG
PEINDRE L’ÂME
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