Waltonford

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« Les premiers sujets  que les hommes ont peints » J É RÔM E N E U T R E S

Entretien réalisé dans l’atelier de Walton Ford, Tribeca, New York, février 2015

Bosse-de-Nage 1898, 2014 Aquarelle, gouache et encre sur papier Watercolor, gouache, and ink on paper 151,8 × 105,4 cm / 59 ¾ × 41 ½ in.


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43 fait des réserves de chasse. Toute l’histoire naturelle de l’Europe est liée à la chasse. Comme je le disais, les premières images créées par des êtres humains ont été des animaux. La tradition de la chasse sur le continent est aussi vieille que l’humanité, et on le sent bien quand on visite ce musée. L’attitude que nous adoptons aujourd’hui envers les animaux est très nouvelle ; il n’y a pas si longtemps, personne n’aurait pensé qu’il faudrait un jour préserver des espèces menacées. L’idée de vivre sans être entouré d’animaux, domestiques ou sauvages, est récente. Au musée de la Chasse et de la Nature, on retrouve nos liens anciens avec les animaux, à l’époque où l’homme les chassait, les mangeait ou les utilisait comme alliés. Pour moi, ce lieu peut nous apprendre beaucoup de choses sur les relations que nous entretenons avec le monde naturel. Votre exposition a ceci de spécial que nous avons décidé de la présenter non seulement dans les salles d’expositions contemporaines mais aussi de la disperser dans l’ensemble du musée. D’après vous, quel sera l’effet de cette cohabitation entre vos œuvres et celles de la collection permanente ?

An Encounter with Du Chaillu, 2009 Aquarelle, gouache, encre et crayon sur papier Watercolor, gouache, ink, and pencil on paper 242,6 × 152,4 cm / 95 ½ × 60 in.

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usqu’ici, les artistes qui ont exposé au musée de la Chasse et de la Nature installaient des œuvres très particulières, suspendues au plafond ou posées sur le sol. La différence ici, c’est que mes tableaux ont une relation avec le sujet et le style de tout ce qui se trouve déjà là : ils s’intégreront donc dans la collection permanente. Mon intervention sera plus discrète, moins brutale, moins en porte à faux par rapport au contexte. En un sens, j’essaie de duper le spectateur. Au début de ma carrière, l’artiste et critique Jimmy Durham avait écrit que mon travail ressemblait à ce que font traditionnellement les artistes spécialisés dans l’histoire naturelle sauf qu’il contenait une sorte de virus informatique. Ce virus surgira donc au milieu des tableaux du musée : soudain, les tableaux traditionnels vont raconter une autre histoire que celle qu’ils sont censés raconter, comme s’ils perdaient le fil et commençaient à dire des inepties, à la façon d’une personne souffrant du syndrome de Gilles de la Tourette. J’espère que mes œuvres donneront l’impression de faire partie du décor jusqu’à ce que la faille apparaisse. Dans la salle consacrée aux loups, je remplace une grande tapisserie par mon triptyque sur la naissance de la bête du Gévaudan, qui définira l’ambiance de l’exposition. Dans la salle des armes, je pensais avoir besoin d’une peinture illustrant l’incapacité des chasseurs à capturer la bête : le cœur de l’histoire, le moment où ça tourne mal, où la bête qu’on a créée de toutes pièces commence à prendre sa revanche sur les hommes, et en particulier sur les chasseurs qui l’ont imaginée. L’histoire finit par leur « retomber dessus » ; le roi leur demande pourquoi ils n’ont pas encore réussi à capturer l’animal. Dans ce tableau, je pense que j’aurai un chasseur complètement embourbé pendant que la bête s’apprêtera à se jeter sur lui. Enfin, dans la dernière salle, au-dessus de la cheminée, je

remplacerai le grand tableau de Napoléon chassant à cheval ; j’utiliserai le même paysage que dans le tableau actuel et j’y placerai la bête en train de tuer le loup. En fait, c’est la vérité qu’elle tue, car la bête et la sauvagerie de notre imagination ont remplacé la réalité. Les attaques de la bête se situant en 1765, on peut aussi interpréter cette image comme une anticipation de la Révolution française, du renversement du pouvoir en place. Les tensions entre les classes sociales sont déjà latentes dans le Gévaudan parce que les paysans veulent prendre les armes, ce que les classes supérieures refusent énergiquement ; pendant ce temps, la crise ne cesse de s’aggraver. Je veux raconter cette histoire à la façon d’une bande dessinée, en présentant une planche à la fois sur le parcours de l’exposition.

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ui ! Je voulais faire écho aux compositions qui se trouvaient dans le musée et jouer avec elles. Dans ce dernier tableau, j’ai totalement modifié le ciel : c’est un coucher de soleil au lieu du plein soleil de midi dans le tableau de Napoléon, parce que la bête a triomphé. Je fais allusion aussi à un autre tableau de la collection du musée, où l’on voit deux chats en train de se battre. La composition de la bête tuant le loup repose sur ces chats, dont l’un attrape l’autre par le cou. Il y a d’autres œuvres auxquelles je veux faire référence dans mon exposition, comme ce tableau d’un chien avec une pantoufle. Je veux créer une image de la bête dans la position du chien, mais, à la place de la pantoufle, elle aurait le vêtement d’une paysanne ou l’arme d’un aristocrate. Je réagis à ce musée qui glorifie la chasse et la présente comme une activité positive. Les commanditaires de ces œuvres adoraient la chasse et ont préservé les traditions anciennes, on le voit bien ici. Or, dans mon cycle de peintures, la chasse est une catastrophe. Tout a mal tourné. Les chasseurs n’ont jamais capturé la bête et les attaques se sont poursuivies pendant un temps, jusqu’à ce que l’affaire s’éteigne. Il s’agissait probablement d’une horde de loups enragés qui ont fini par succomber à la maladie ; les chasseurs n’ont donc pas triomphé et il n’y a pas de morale à l’histoire. Autrement dit, je crée pour un musée de chasse une série de tableaux qui porte sur l’incapacité de la chasse à résoudre ces problèmes. Comme vous le dites, c’est un stratagème. À Hollywood, on fait des films qui obéissent à des formules, à savoir, par exemple, qu’un tra-

Vos œuvres sont presque toujours des pièges, car, comme vous le dites, elles ne racontent pas les histoires qu’elles sont censées raconter. Dans le dernier tableau, vous reprenez le paysage du tableau que vous remplacez. Est-ce une façon de « piéger » les visiteurs du musée ?

« Chasseur tué par un gorille  » “A native hunter killed by a gorilla” Voyages et aventures dans l’Afrique équatoriale : mœurs et coutumes des habitants / Explorations and Adventures in Equatorial Africa, de / by Paul B. Du Chaillu, éd. / pub. John Murray, 1861


44 fic de drogue va toujours mal se terminer. Au musée de la Chasse et de la Nature, la chasse se termine toujours bien. Alors je vais faire en sorte que, pour une fois, elle se termine mal. Cela me rappelle votre célèbre tableau d’un gorille brisant un fusil de chasse.

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Est-ce que vous modifiez l’échelle des animaux que vous peignez ?

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À quel moment avez-vous opté pour l’aquarelle et pourquoi ?

e tableau [page 42] est inspiré par l’explorateur franco-américain Paul Du Chaillu, qui a été l’un des premiers à rapporter en Europe des peaux de gorille. Le frontispice de son livre, Stories of the Gorilla Country, montre ce gorille en train de briser un fusil. Dans mon tableau, le gorille casse le fusil mais il le met aussi dans sa bouche comme s’il voulait se tuer, parce que, à partir du moment où l’animal est représenté comme méchant dans ce livre du XIX e siècle, il est obligatoirement condamné. Cependant, je n’ai pas adopté le point de vue du chasseur mais celui du gorille qui se dit : « Bon sang ! Qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai tué le chasseur, j’ai cassé son fusil. C’est ce qu’on retiendra de moi. »

n peu, parfois, mais en règle générale je les peins en grandeur réelle. Il arrive qu’ils paraissent plus grands qu’ils ne le sont ; si par exemple vous prenez un animal de trois mètres de long et qu’il fait trois mètres dans la peinture, vous aurez l’impression qu’il fait plus de trois mètres à cause de la façon dont le plan du tableau apparaît dans votre esprit. Si vous voulez peindre le portrait d’un être humain qui semble être en grandeur réelle, il faut le faire un peu plus petit. Quand je peins un animal exactement à ses dimensions, il paraît plus grand parce qu’il est projeté sur le plan du tableau, juste devant le spectateur, qui peut avoir l’impression que la créature entre dans la pièce. En outre, depuis quelque temps surtout, j’ai utilisé des techniques d’éclairage qui accentuent la tridimensionnalité des animaux, comme s’ils faisaient intrusion dans l’espace. Je raconte un récit qui relève de l’histoire naturelle en utilisant le langage visuel de l’histoire naturelle. Les gens adorent ça parce qu’ils n’ont pas l’habitude de lire des histoires étranges avec ce genre d’image.

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’abord, les images d’histoire naturelle que j ’aime, comme les illustrations d’oiseaux de Barraband, sont des aquarelles sur papier. Le langage traditionnel de l’histoire naturelle, depuis le XV e et jusqu’au XIX e siècle, a été l’aquarelle sur papier. On les reproduisait sous forme d’estampes ou d’eaux-fortes qui étaient ensuite coloriées manuellement à l’aquarelle ou à la gouache. Ces œuvres ont une luminosité unique parce que le pigment est en suspension dans un médium transparent. Optiquement, le papier continue de réfléchir la lumière à travers la peinture, comme s’il s’agissait d’un vitrail. L’animal est souvent en silhouette sur un fond blanc qui

devient comme de l’air, puis qui s’aplanit et redevient du papier à cause des notations portées dessus. Je trouve ce va-et-vient très beau et très mystérieux. Je l’ai beaucoup exploité dans mon travail, mais c’est une technique difficile. Je peux exécuter six grandes œuvres par an au maximum. Ce triptyque, par exemple, m’a demandé six mois. Avec l’aquarelle sur papier, il faut tout prévoir très soigneusement, car dès que vous donnez un coup de pinceau, vous ne pouvez plus l’effacer ni le recouvrir. Avec l’huile, on peut gratter, peindre par-dessus, retravailler continuellement. Quand je commence à appliquer l’aquarelle, il n’y a pas de retour possible, et je dois continuer en sachant où je vais. En ce sens, c’est l’équivalent d’une grande fresque. À partir de l’instant où vous appliquez le pigment, celui-ci est absorbé par le plâtre ou la chaux ; il y a peu de place pour l’erreur. En voyant les grandes peintures de Giotto dont je parlais tout à l’heure, je savais que c’était possible. Si ces peintres ont pu le faire avec des fresques, alors je pouvais le faire à l’aquarelle. Mais c’est une façon de travailler totalement contraire au sens commun, et elle pose aussi des problèmes de conservation. Pourquoi continueze pense que la plupart des artistes souhaitent vous de faire s’engager sur une voie contraire au sens com- ce que vous n’êtes mun, et s’ils ont de la chance, ils trouveront leur pas censé faire ? voie. Tant d’œuvres ressemblent à tant d’autres œuvres ! Les miennes ressemblent à ce l’on a fait traditionnellement durant des siècles, mais elles n’ont pas leur place dans ce qui se fait aujourd’hui. Je pense que c’est un bon créneau à occuper. J’ai l’impression d’avoir trouvé le moyen de créer un étrange Stradivarius, vous comprenez ? La facture de l’instrument est très traditionnelle mais les sons qui en sortent sont très étranges. Après avoir peint des e ne m’intéresse pas aux animaux domesti­ centaines d’animaux ques qui choisissent de vivre en compagnie bizarres, avez-vous des êtres humains. Je m’intéresse à ceux qui ont trouvé une réponse décidé de garder leurs distances à notre égard. à la grande question : Quand ils nous voient arriver, ils s’enfuient, ou Qu’est-ce qu’une bête ? ils nous sautent dessus et nous mangent, mais Qui est la bête ? ils n’acceptent pas de vivre dans nos villes et nos maisons et de partager nos repas. Ce sont elles les bêtes sauvages, et elles sont plus nombreuses que les animaux domestiques, mais les êtres humains et leurs animaux de compagnie envahissent la planète. Il y a de moins en moins de place pour les animaux qui ne veulent pas partager leur temps avec nous. L’imagination humaine, les peurs humaines donnent naissance aux monstres, n’est-ce pas ? Je m’intéresse aussi beaucoup à ces peurs humaines et à cette psychologie. Cette exposition sur la bête parle surtout de notre idée de ce qui est terrifiant. C’est la question fondamentale que pose la Bête.

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Double page suivante / following spread

Certainement, 2015 Aquarelle, gouache, crayon et encre sur papier Watercolor, gouache, pencil, and ink on paper 75,6 × 57,5 cm / 29 ¾ × 22 5⁄8 in.

De la conception à la naissance, 2014 Aquarelle, gouache et encre sur papier / Watercolor, gouache, and ink on paper Panneau central / middle panel : 258 × 166 cm / 101 ½ × 65 ½ in. panneaux latéraux / side panels : 258 × 110 cm / 101 ½ × 43 ¼ in.


The Sensorium, 2003 Aquarelle, gouache, encre et crayon sur papier Watercolor, gouache, ink, and pencil on paper 152,4 Ă— 302,3 cm / 60 Ă— 119 in.


65 your face and not allow it to disappear as a sentence in a book. So to me, it’s a more interesting project than say strict illustration. It’s more about curating ideas, making an anthology of imagery about animals over the years. With Bosse-de-Nage [page 32], you are referring to the protoSurrealist poet Alfred Jarry. Where is the eye in that work?

Jarry, La Fontaine, Sade, Voltaire, Audubon, Buffon, the Beast of Gévaudan… Your works regularly refer to French art, literature and legends.

A Monster from Guiny, 2007 Aquarelle, gouache, encre et crayon sur papier Watercolor, gouache, ink, and pencil on paper 151,8 × 104,1 cm / 59 ¾ × 41 in.

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lfred   Jarry created the Bosse-de-Nage character as a foil for his pataphysics professor. Every time the professor would say something pompous or learned, Bosse-de-Nage would always say “ha ha!” This sort of personified Jarry’s whole attitude, making a mockery of everything people took seriously. He drank so much absinthe, like the baboon in my painting. He wouldn’t even drink water. I wanted this to be a sort of image of Jarry’s alcoholism and of his creative spirit, which was so crazy and violent and difficult. Jarry would fire guns off in Parisian streets. He didn’t care. There was one story where somebody asks him directions, and he pulls his gun out and shoots in the right way. And yet, he was making great art the whole time that he was destroying himself. He was one of those rock star prototypes like Byron, a romantic, self-destructive genius. I wanted an animal metaphor for that craziness, so I put Bosse-deNage in the terrible little alleyway where Jarry lived, and I gave him the very gun that Jarry owned, and the absinthe that Jarry drank. I’m not illustrating anything in his books, I just wanted to explore the crazy, drunken, self-destructive nature inside Jarry. Let’s get the baboon drunk and give him a gun and see what happens, you know? This is part of Jarry’s personality.

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ne painting I did called Le Jardin depicts a  bison being torn apart by white wolves in a very formal French garden like Versailles. This image came to me while looking at a painting George Catlin made in the 1840s of a bison being killed by wolves, a purely American image of savagery. I was in Europe at the time, and in Normandy we went to these French gardens. I thought I have to put this here, where it does not belong. This is like a Henry James story about how Europe and America culturally conflict, how they don’t understand each other on some basic level. I thought if I put this super American violent scene into the French garden the disturbing result would evoke a dream. Sometimes I try just to channel a subconscious dream state and create images that I can’t fully explain but make perfect sense to me. I did another painting like this called La Fontaine [page 26], which is about Antoine Louis Barye, the great French animal sculptor. I was thinking about this tradition of sculpting wild animals killing each other as decorations for very grand, formal gardens. You go into the Tuileries, and there’s a tiger killing

something and a lion killing something else and I thought, what if this was actually happening? What if the lion was really killing the crocodile in the garden? This all comes out of Napoleon’s empire. Napoleon was extremely curious about the natural world, and he commissioned thousands of artists to illustrate the Description de l’Égypte, which includes a lot of natural history. These sculptures are a reflection of the Empire, a way of communicating conquest: these are the lands we conquered, these are the beasts that came from those lands that we conquered and are now tamed by us. They’re in our zoos, they’re sculptures in our parks. Some of the best natural history art ever made is French. Audubon, Buffon… I look at Grandville all the time and I try to figure out what I can do with his work, but those caricatures are so great by themselves.

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es, this ink drawing hanging in the studio is by George Grosz, who made it as an illustration for an American magazine in the 1960s. It shows rats, crawling up a gangplank or climbing up the ropes onto a ship, infesting the ship. Grosz is one of those artists that’s out of fashion, so it was not expensive to buy in Berlin. I have a few prints by the French natural history artist Jacques Barraband, who painted birds for Napoleon and the Muséum National d’Histoire Naturelle in Paris. I have here two woodcuts by William Hogarth from a series he did about cruelty. In one, the murderer kills his girlfriend and then in the next he’s been caught and is being dissected on the table in the surgeon’s college, which is what they did with criminals. So it’s called Cruelty in Perfection and The Reward of Cruelty. I’m also currently editing a book about paleoart that my girlfriend Zoë Lescaze is writing for Taschen. Paleoart is the tradition of reconstructing the prehistoric past, the art of painting dinosaurs and early mammals and man using fossil evidence. The very first image of the prehistoric world was painted in 1830, and, for the next one hundred and fifty years, it was a painting tradition and sculpting tradition. Now they do it on computers, but in previous decades it was a collaboration between scientists and studio artists. One of the greatest of these painters, Charles R. Knight, painted like a French Impressionist. He painted with that kind of a palette, with warm light and blue shadows, and loose brushwork.

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or the Beast of Gévaudan project, I’ve been using   a lot of the formulas from the pulp fiction and horror comics of my childhood. This is the kind of material I would have been very ashamed of in art school and now I think is cool to use. There was one illustrator of, shall

Do you collect any artwork? It seems to me your focus is on these intersections of science and art, of humans and animals.

For the Beast of Gévaudan project, you went to the Bibliothèque Nationale de France to view the original eighteenthcentury prints depicting the monster, but aesthetically you also took inspiration from American comics of the 1970s.


83 combed grass of the lawns lie, among the remains of a bunch of flowers, a pair of gloves and a fan. Might one murder hide another? Black humor can almost always be found in Ford’s work. Poker-faced, he disseminates in his compositions details that are so many deadly traps. Allusively or otherwise, his world is consciously cruel. Familiar since childhood with hunting and wilderness, he does not idealize the world of animals. Violence and death are part of it all. Contrary to the perceptions of most his contemporaries, shaped by the dumb anthropomorphism of the Disney studios, he refuses to see the animal world as the refuge of innocence. This no doubt links him to the painter John James Audubon (1785–1851). Audubon enjoyed tremendous fame in the United States for his depictions of the country’s fauna. A hunter as well as a painter, he began by shooting his models before then immortalizing them with pencil and brush. His artistic influence on Ford is particularly marked, in terms of graphic style and the style of composition in which the subject fills the frame. Ford even refers to Audubon’s memoirs as a way of honoring his debt. A Haitian of French origin, Audubon’s mother loved to surround herself with monkeys and exotic birds. As a child, the future artist and ornithologist witnessed the traumatic scene of a monkey grabbing hold of and killing a parrot that had become over-insistent in its squawking for lunch. The murderer was sentenced to spend the rest of his life in chains while ‘Mignonne’ was inhumed with the respect due to a loved one. This little crime purportedly determined the boy’s interest in birds and decided his career. Ford sets the scene in Nantes around 1790, where Audubon lived before sailing to the United States [page 82]. Does the image have a hidden meaning? For the old masters, art was a language. It carried a coded but intelligible message. It was even its primary function. Whether in holy scripture, antique culture or other sources, the references were shared between the artist and his public, or at least the initiated public for which the work was intended. Encouraged by the creation of collections that decontextualize works and by the frequentation of museums, the way we look at art has changed. It tends to privilege visual qualities over message. It neglects the moral of the work. The question of the meaning thus becomes secondary. In this new perspective the subtle play of quotations engaged in by Ford may seem just a bit of artistic flirtatiousness, a kind of private joke serving as pretext for representing animals. The diversity of its sources, from Greek mythology to King Kong, and the contradictory nature of the situations represented—the animal being alternately victim and killer—prevents us from seeing Ford’s work as a reflection on the animal condition. The artist deliberately scrambles the coordinates. However, when commenting on his recent works, he did indeed give them an interpretation, an autobiographical one this time, in relation to the crisis he had apparently just been through. To paint Rhyndacus [page 60], Ford sought inspiration from Pliny the Elder. In De natura animalium there is effectively a brief allusion to the giant serpents thought to live in the Phrygian countryside. These monsters, sixty feet long, were thought capable of rising up and swallowing

François Levaillant Frontispice / Frontispiece de / for Histoire naturelle des perroquets, Paris, Levrault, Schoell & Cie, 1801-1805

Sensations of an Infant Heart, 1999 Aquarelle, gouache, encre et crayon sur papier Watercolor, gouache, ink, and pencil on paper 151,1 × 102,9 cm / 59 ½ × 40 ½ in.


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