Compréhension écrite 4 - Niveau B2

Cet ouvrage s’adresse à des apprenants adultes et grands adolescents de niveau avancé.

Il peut être utilisé en classe, en complément d’un manuel, ou en auto-apprentissage.

Il comprend quinze leçons réparties en cinq unités, chacune ayant un thème et des objectifs fonctionnels particuliers. Les textes supports sont d’une très grande variété. À la fin de chaque unité, un bilan permet à l’apprenant d’évaluer ses acquis.

Compréhension écrite

Niveau CLE INTERNATIONAL

Il correspond au niveau B2 du Cadre européen commun de référence.

9 782090 380002

B2

Sylvie Poisson-Quinton Reine Mimran

À la fin de l’ouvrage, on trouve les corrigés des exercices et activités.

ISBN : 978-2-09-038000-2

Compétences

Compréhension écrite

Compréhension Écrite

NIVEAU 4

B2

4

Crédits photographiques p. 8 : Ph. © Studio Lipnitzki / ROGER-VIOLLET – p. 10 : BIS / Ph. H. Martinie - Coll. Archives Larbor – p. 12 ht g : Ph. © RUE DES ARCHIVES / AGIP – p. 12 ht d : Ph. © Studio Lipnitzki / ROGER-VIOLLET – p. 12 bas g : Ph. © Janine Niepce / RAPHO / EYEDEA – p. 12 bas d : Ph. © Georgios Kefalas / EPA / CORBIS / « Trois Hommes qui marchent » d’Alberto Giacometti (1948-1949) ; © Adagp, Paris 2009 – p. 13 : Ph. © Leemage – p. 14 : BIS / Ph. Coll. Archives Nathan – p. 16 : BIS / Ph. © Ordrupgaard Museum, Copenhague - Archives Larbor – p. 18 ht : Ph. © ROGER-VIOLLET – p. 18 m : Dessin de P.P. Lemagny, gravure de Jean Pheulpin ; © Coll. Musée de la Poste, Paris / La Poste - DR – p. 18 bas g : Ph. © ROGER-VIOLLET – p. 27 : Ph. © Jacques Prayer / Gamma / EYEDEA – p. 30 ht : © FUJIFILM France – p. 30 bas : © Photothèque du Musée Peugeot – p. 31 : © Publicité pour Levi’s / BARTLE BOGLE HEGARTY LIMITED – p. 32 : © BANANIA / NUTRIAL / (a) affiche réalisée par Hervé Morvan en 1950 - © Adagp, Paris 2009 – p. 35 ht g : © EDF SA au capital de 911 085 545 ⇔- 552 081317 RCS Paris ; « Pour les générations futures, nous développons les énergies de demain. Pour préparer l’avenir, nous mettrons en service dès 2012 la nouvelle génération de centrale nucléaire, l’EPR. EDF, leader européen des énergies de demain. L’énergie est notre avenir, économisons-la ! » – p. 35 d : Ph. DR – p. 38 : Juno de Jason Reitman 2007 : Ph. Coll. Prod DB ; © Fox Searchlight Pictures / DR – p. 40 : Ph. © Marie Laure De Decker / Gamma EYEDEA – p. 42 : Ph. © Ezequiel Scagnetti / REPORTER - REA – p. 43 : Ph. © Nicolas Tavernier / REA – p. 44 ht g : Ph. © Sichov / SIPA PRESS – p. 44 ht m : Ph. © Tschaen / SIPA PRESS – p. 44 ht d : Ph. © Arindam Mukherjee / SIPA PRESS – p. 44 bas g : Ph. © Simon Isabelle / SIPA PRESS – p. 44 bas m : Ph. © Ipon-Boness / SIPA PRESS – p. 44 bas d : Ph. © Chamussy / SIPA PRESS – p. 46 : Ph. © Albert Harlingue / ROGER-VIOLLET – p. 48 : Ph. Ivanova Inga / Shutterstock © ARCHIVES SEJER – p. 52 : Ph. © Heritage Images / LEEMAGE – p. 56 ht : BIS / Ph. Coll. Archives Larbor – p. 56 bas : Ph. © Photo Josse / LEEMAGE – p. 57 ht g : Maria Falconetti dans « La passion de Jeanne d’Arc » 1928 de Carl Theodor Dreyer ; Ph. Coll. CHRISTOPHE L – p. 57 ht d : Jose Ferrer et Ingrid Bergman dans « Jeanne d’Arc » 1948 de Victor Flemming ; Ph. Coll Prod DB – p. 57 bas g : Jean Seeberg dans « Saint Joan » d’Otto Preminger 1957 ; Ph. Coll. CHRISTOPHE L – p. 57 bas d : Milla Jovovich dans « The Messenger, the story of Joan of Arc » 1999, de Luc Besson ; Ph. Coll. Prod DB © Gaumont / DR – p. 59 : Ph. © Edouard Boubat / Rapho / EYEDEA – p. 60 : Ph. Coll. Prod DB © Haut et court / DR – p. 62 : BIS / Ph. Coll. Archives Nathan © Succession Picasso Paris 2009 – p. 63 : BIS / Ph. Coll. Archives Larbor – p. 66 : © Je suis noir et je n’aime pas le manioc, Gaston Kelman, MAX MILO EDITIONS, 2004 – p. 71 : Ph. © Raphael Gaillarde / Gamma / EYEDEA – p. 74 ht et p. 74 m, p. 74 b, p. 75, p. 78 ht g, bg, bd, p. 79 : Ph. Jean-Pierre DELAGARDE © Archives SEJER – p. 76 : Ph. © Denis – p. 78 : Ph. Maurice Christin / ASSOCIATION CARLOS GARDEL TOULOUSE – p. 82 : Ph. © Sebastien Ortola / REA – p. 85 ht g Ph. © ROGER-VIOLLET – p. 85 ht m : Ph. © Niviere / Lydie / Niko / SIPA – p. 85 ht d : Ph. © Studio Lipnitzki / ROGER-VIOLLET – p. 85 bas g : Ph. © Jean-Pierre Couderc / ROGER-VIOLLET – p. 85 bas m : Ph. © Bertrand Laforêt / Gamma / EYEDEA – p. 85 bas d : Ph. © Ullstein Bild / ROGER-VIOLLET – p. 86 : Ph. © SGO / BSIP – p. 90 ht : Ph. © Gustavo GRAF / REA – p. 90 bas : Ph. © Costa / LEEMAGE – p. 92 g : Ph. © Photo Josse / LEEMAGE – p. 92 d : Ph. © ROGER-VIOLLET – p. 97 : Ph. © Olivier Aubert / PICTURETANK – p. 101 : Ph. © ROGER-VIOLLET – p. 102 : © ILE-DE-FRANCE – p. 109 : Ph. © G. Engel / URBA IMAGES/AIR IMAGES – p. 111 : Ph. © Philippe Merle / AFP – p. 113 : « Campagne d’information sur l’alimentation du groupe des Verts / ALE au Parlement européen - www.eat-better.org » – p. 115 : Ph. © Denys Vinson / BETC EURO RSCG – p. 116 : Ph. © Kurt Henseler / LAIF- REA.

Direction éditoriale : Michèle Grandmangin Édition : Brigitte Faucard Mise en pages : CGI Recherche iconographique : Danièle Portaz Illustrations : Benoît du Peloux © CLE International/SEJER, 2009 ISBN 978-2-09-038000-2

_2ZNZQ_09038000_001-128_EPAC.pdf, page2/128, Mai 7, 2019, 20:04:33

AVANT-PROPOS

Cet ouvrage, consacré à la compréhension écrite, fait suite à COMPRÉHENSION ÉCRITE, niveau 3. Il s’adresse à des apprenants adultes ou grands adolescents après 400 à 450 heures de français et peut être utilisé soit en classe, en complément du manuel de français, soit en auto-apprentissage, grâce aux corrigés qui se trouvent en fin d’ouvrage et aux pages d’autoévaluation à la fin de chaque unité.

COMPRÉHENSION ÉCRITE Niveau 4 correspond aux niveaux B2 du Cadre européen commun de référence pour les langues ou encore à ce qui est attendu d’un(e) candidat(e) aux épreuves du DELF B2.

Il/Elle doit être capable de repérer, dans un texte, les indices pertinents qui lui permettent d’interpréter correctement les références et enjeux de ce texte et les prises de position de celui qui écrit.

Il/Elle peut s’orienter dans un texte assez long et complexe et en relever, au fil de sa lecture, les points essentiels, afin, le cas échéant, de les discuter.

• Organisation de l’ouvrage L’ouvrage comprend 15 leçons, regroupées en 5 unités de trois leçons chacune. Chaque unité est construite autour d’un macro-objectif explicité dans une page introductive : UNITÉ 1 : REPÉRER L’ANCRAGE ÉNONCIATIF D’UNE CORRESPONDANCE (QUI ÉCRIT ? À QUI ?

D’OÙ ? À QUELLE EPOQUE ?) ET DÉGAGER LES PRISES DE POSITION DES DIFFÉRENTS SCRIPTEURS. UNITÉ 2 : COMPRENDRE LES OBJECTIFS, EXPRIMÉS OU NON, D’UN DOCUMENT. UNITÉ 3 : REPÉRER LES DIVERSITÉS DE POINTS DE VUE SUR UN MÊME OBJET. UNITÉ 4 : LIRE POUR TRANSMETTRE UNE INFORMATION À QUELQU’UN. UNITÉ 5 : LIRE DES TEXTES ARGUMENTÉS AFIN DE PRODUIRE SOI-MÊME DES ARGUMENTS. Chaque unité est suivie de trois pages d’Auto évaluation reprenant, à partir d’autres documents, les principaux objectifs visés dans l’unité. Ces exercices sont auto-correctifs et permettent à l’apprenant de contrôler lui-même ses connaissances et sa progression.

• Organisation de chaque leçon Chaque leçon (6 pages) présente les objectifs, fonctionnels et linguistiques et comprend trois doubles pages : – Première double page Nous proposons des documents variés et assez courts (textes, témoignages, tableaux chiffrés…) permettant d’entrer dans le thème. Ces documents permettent de travailler, au moins en partie, le vocabulaire propre à la thématique de la leçon.

Ils sont suivis de questions de compréhension et de notes de vocabulaire ou de grammaire.

– Seconde double page Le texte central est plus long et plus difficile ; il développe ce qui a été vu précédemment. Il est accompagné de questions de compréhension et, à nouveau, de notes de vocabulaire ou de grammaire.

– Troisième double page Des textes assez brefs apportent des compléments d’information par rapport au document central. Des questions de compréhension suivent le plus souvent ces textes.

Chaque leçon se termine par un passage à la production écrite. Il s’agit pour l’apprenant de s’approprier tout ce qu’il a appris dans cette leçon et d’exprimer son propre point de vue sur le sujet.

Cette dernière page se termine par un texte le plus souvent littéraire (Plaisir de lire), lié au thème de la leçon. Ce texte est généralement suivi d’une ou deux questions de compréhension.

Avant-propos

_2ZNZQ_09038000_001-128_EPAC.pdf, page3/128, Mai 7, 2019, 20:04:34

3

SOMMAIRE

UNITÉ I

Repérer les intentions explicites ou implicites dans une lettre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LEÇON 1 - …VOTRE SIMONE !

LEÇON 2 - ET PENSEZ QUELQUEFOIS À VOTRE VIEUX TROUBADOUR… LEÇON 3 - CORRESPONDANCE : DES HISTOIRES DE FOUS !

UNITÉ II

Le texte et ses objectifs

..........................

LEÇON 4 - MAIS QU’EST-CE QU’ILS VONT CHERCHER, CES PUBLICITAIRES !

LEÇON 5 - VOUS, LES FEMMES… LEÇON 6 - PARLER POUR NE RIEN DIRE, PARLER POUR NE PAS TOUT DIRE…

UNITÉ III

Se repérer dans les mille lectures d’un texte, d’un événement… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LEÇON 7 - RENDEZ-NOUS JEANNE D’ARC !

LEÇON 8 - D’UN POINT DE VUE À L’AUTRE… LEÇON 9 - COMMENT ILS VOIENT LES FRANÇAIS ?

UNITÉ IV

Transmettre une information à partir de différents textes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

LEÇON 10 - DES HISTOIRES DE RUES ET DE PLAQUES LEÇON 11 - IMMIGRATION : À PROPOS DE QUELQUES IDÉES REÇUES LEÇON 12 - JE TOUSSE, IL TOUSSE… MALADIES ET REMÈDES D’AUJOURD’HUI, MALADIES ET REMÈDES D’AUTREFOIS 4

Sommaire

_2ZNZQ_09038000_001-128_EPAC.pdf, page4/128, Mai 7, 2019, 20:04:34

UNITÉ V

Argumenter pour convaincre

LEÇON 13 - LA CONDITION PÉNITENTIAIRE LEÇON 14 - SI ON METTAIT PARIS EN BOUTEILLE… LEÇON 15 - ROULER OU MANGER, FAUDRA-T-IL CHOISIR ?

SOMMAIRE n Sommaire

_2ZNZQ_09038000_001-128_EPAC.pdf, page5/128, Mai 7, 2019, 20:04:35

5

LEÇON 1

…VOTRE SIMONE !

En février 1947, Simone de Beauvoir fait la connaissance, à Chicago, de l’écrivain américain Nelson Algren. Les deux écrivains se découvrent amoureux l’un de l’autre. Après le départ de Simone de Beauvoir pour la France, une correspondance, qui durera une dizaine d’années, s’engagera entre eux. Les lettres à Nelson Algren seront publiées en 1997 ; elles révèlent une femme amoureuse qui se livre totalement ; et puis à côté de l’amour dont elles témoignent pour leur destinataire, elles dressent un portrait multiple de la France de l’époque : portrait intellectuel, politique, social, artistique…

Un décor… Paris

Lundi 2 juin 1947 […] Je reste à Paris toute la semaine. (…) On étouffe pendant la journée ; les nuits sont chaudes aussi mais douces et belles, on peut dîner dehors dans des jardins ou sur de petites places et après marcher longuement dans les rues grouillantes et gaies. Le matin, la rue où j’habite est très animée, il s’y tient un marché où les femmes font leurs provisions de poisson, de viande, de cerises et de légumes à grand bruit de bavardages, de discussions et de rires.

Tout coûte encore très cher mais au moins il y a de la marchandise, et ça fait très gai par comparaison avec l’époque où les rues étaient vides. J’aime suivre la mienne bruyante et vivante, pour me rendre aux « Deux Magots » vous écrire, puis travailler deux ou trois heures… (…)

Votre Simone

Samedi 7 juin 1947 (…) Vers minuit donc je me suis rendue dans un endroit cinglé mais marrant où les jeunes intellectuels français, ou soi-disant tels, vont danser et boire avec de jolies filles pseudo-intellectuelles. C’est une longue cave sous un petit bar, plutôt ténébreuse avec ses murs et son plafond rougeâtre, bondée de tables et de tabourets et de centaines de gens en train de danser dans un espace qui conviendrait pour vingt. C’est plaisant parce que ces garçons et ces filles s’habillent de manière ahurissante, archicolorée, et dansent comme des fous ; certains garçons d’ailleurs ont une cervelle et certaines filles des visages bien sympathiques. La musique était bonne (…) J’aime surtout le jeune trompettiste, un type de valeur, ingénieur de sa profession (uniquement pour gagner sa vie), écrivain, et trompettiste passionné bien qu’il souffre d’une maladie de cœur qui peut le tuer s’il joue trop (…)

Je vous embrasse encore et encore Votre Simone

Un homme et… une femme. Sartre et… Simone de Beauvoir

Lundi 9 juillet 1948

(…) Mais ce que vous devez savoir aussi, tout prétentieux que ça puisse paraître de ma part, c’est à quel point Sartre a besoin de moi. Extérieurement il est très isolé, intérieurement très tourmenté, très troublé, et je suis sa seule véritable amie, la seule qui le comprenne vraiment, l’aide vraiment, travaille avec lui, lui apporte paix et équilibre. Depuis presque vingt ans il a tout fait pour moi, il m’a aidée à vivre, à me trouver moi-même, il a sacrifié dans mon intérêt des tas de choses. A présent, depuis quatre, cinq ans, est venu le moment où je suis en mesure de lui rendre la réciproque de ce qu’il a fait pour moi, où à mon tour je peux l’aider, lui qui m’a tellement aidée. Jamais je ne pourrais l’abandonner. Le quitter pendant des périodes plus ou moins longues, oui, mais pas engager ma vie entière avec quelqu’un d’autre.

La vie politique, littéraire et artistique

Mardi 7 octobre 1947 (…) Dimanche j’ai participé avec Sartre, Camus, le vieil André Gide et d’autres écrivains à une réunion sur les problèmes africains. Les Noirs sont encore plus exploités dans les colonies françaises qu’aux USA et l’un d’eux a demandé leur aide aux écrivains blancs (…).

28 octobre 1960 de Cuba, La Havane (…) Sartre, au procès Jeanson, avait envoyé une déclaration très courageuse et provocante, et nous avions rendu public un manifeste subversif conseillant aux jeunes gens de refuser la mobilisation en Algérie.

Conclusion : le gouvernement veut flanquer Sartre en prison (en fait, il n’osera pas en ce moment), et surtout les fascistes français veulent très sérieusement l’assassiner, il devra plus ou moins se cacher (…).

•••

8

UNITÉ 1 - Repérer les intentions explicites ou implicites dans une lettre

_2ZNZQ_09038000_001-128_EPAC.pdf, page7/128, Mai 7, 2019, 20:04:37

•••

Vendredi 13 juin 1947 (…) Puisque vous vous intéressez à l’existentialisme, sachez que Camus, l’auteur de L’Étranger, vient de publier un livre important, La Peste, où il traite de l’occupation de Paris par l’armée allemande, sous couvert d’une histoire de peste à Oran. Il décrit l’affreuse maladie, la solitude de la ville sur laquelle elle s’abat, derrière les portes closes par peur de la contagion ; la peur, le courage. À travers ça, il essaie de réfléchir au sens de l’existence humaine, aux raisons, à la manière de l’accepter. Je ne suis pas d’accord avec tout, mais il manie un beau français, et certaines parties émeuvent et parlent au cœur. (…)

Mercredi 5 novembre 1947 (…) Je ne crois avoir eu l’occasion de vous entretenir d’un très grand ami, un sculpteur que nous voyons souvent, le seul peut-être que nous voyions toujours avec plaisir (…). Comme artiste je l’admire énormément, il n’y a pas de sculpture moderne supérieure à la sienne et puis il travaille avec une telle pureté, une telle patience, une telle force ! Il s’appelle Giacometti. (…) Voilà vingt ans il connaissait un grand succès et gagnait des fortunes avec sa sculpture d’inspiration surréaliste ; de riches snobs le payaient des prix exorbitants, comme Picasso. Soudain il a senti qu’il n’allait nulle part, qu’il se gaspillait, il a tourné le dos aux snobs et s’est mis à chercher tout seul, en ne vendant rien sauf l’indispensable pour vivre. Aussi vit-il très pauvrement… (…)

Comment va votre français, paresseux. Je vous aime.

Votre Simone Lettres à Nelson Algren, Gallimard, 1997 (Folio).

n 1 n a) Dans la première lettre datée du 2 juin 1947, Simone de Beauvoir écrit « Tout coûte encore très cher mais au moins il y a de la marchandise. » Comment comprenez-vous cette phrase avec ses restrictions ? La date de la lettre peut vous aider à trouver la réponse. b) Qu’est-ce que « Les Deux Magots » ? n 2 n Dans la lettre datée du 7 juin 1947, elle écrit : « J’aime surtout le jeune trompettiste… » Il s’agit de Boris Vian. Reportez-vous à la biographie de ce dernier et dites en quoi la lettre de Simone de Beauvoir est prémonitoire. n

3n

Quels étaient les liens qui unissaient Sartre et Simone de Beauvoir ?

n 4 n Dans la lettre du 7 octobre 1947, elle évoque Camus et André Gide. En faisant des recherches sur Internet ou à partir de documents écrits, rédigez une courte biographie de ces deux écrivains. Qu’est-ce que cette lettre nous révèle de leur attitude politique ? n

5n

Que savez-vous de Giacometti ?

GRAMMAIRE Dans la dernière lettre, expliquez les formes verbales soulignées : « un sculpteur que nous voyons souvent, le seul peut-être que nous voyions toujours avec plaisir… »

VOCABULAIRE Attention à la différence entre : livrer = donner, procurer / se livrer = parler de soi, de ce qu’on pense, se confier, et se livrer à = effectuer (un travail, une tâche), exercer (une activité), pratiquer.

UNITÉ 1 - Repérer les intentions explicites ou implicites dans une lettre

_2ZNZQ_09038000_001-128_EPAC.pdf, page8/128, Mai 7, 2019, 20:04:42

9

extraits d’une autre lettre de simone de Beauvoir à nelson algren • (…) Sartre a emmené sa mère pour une semaine, ils m’ont laissé leur appartement. Installée là j’aperçois par la fenêtre l’église et les « Deux Magots », je ne bougerai pas de 10 h qu’il est maintenant à 20 h, (…), je veux terminer un certain chapitre. (…) Mon essai Pour une morale de l’ambiguïté va sortir en Amérique.

• (…), j’ai mis les pieds dans une nouvelle cave si bondée de touristes américains que je n’ai pu y tenir ; située au sous-sol des « Deux Magots », admirablement décorée dans un style délirant mais plaisant, elle abrite le meilleur jazz de Paris, un excellent petit orchestre, et des jeunes gens y dansent comme des dieux. C’est le jeune homme à la trompette qui dirige, il vient d’achever la traduction de The Big Clock, de votre ami Kenneth Fearing. (…) Je persévère dans mon mode d’existence : travail le jour, amis le soir aux terrasses ou dans des caves à whisky, les mêmes amis, Sartre, le beau Bost*, Giacometti, Wright* -une vie très réglée.

• […] Puisqu’un long jour tranquille m’attend, j’aimerais vous parler. Manquant de talent pour inventer comme vous de belles fables, je vais vous en raconter de vraies, si ça vous est égal. […] Je ressens comme une nécessité que nous nous confiions l’un à l’autre le plus possible, que nous ne soyons pas seulement amants, mais également amis.

• (…) J’appartenais, je vous l’ai dit, à une famille petite-bourgeoise, catholique et surannée ; on m’a élevée très strictement, m’interdisant la plupart des lectures, que je n’ai abordées librement qu’une fois étudiante, quand j’eus cessé de croire en Dieu. Je restais néanmoins tout ce qu’il y a de « morale ». À 17 ans, très amoureuse d’un cousin du même âge que moi, beau, intelligent, séduisant, je l’admirais d’être un homme ; lui m’aimait bien, me révélait la littérature moderne et m’a aidée à m’affranchir intellectuellement de ma famille, mais il me « respectait » comme un jeune bourgeois « respecte » une cousine, (…) Je connus donc le très banal amour d’une jeune fille idéaliste ; son mariage fut un choc, mais ne m’affecta pas trop, car à ce moment précis, je fis la connaissance de nouveaux amis, étudiants comme moi, et parmi eux, de Sartre.

• Très vite Sartre et moi nous attachâmes l’un à l’autre, j’avais 22 ans et lui 25, je lui donnai avec 10

Dimanche 18 août 1948 enthousiasme ma vie et moi-même. Il fut le premier homme avec qui je couchai, aucun auparavant ne m’avait même embrassée. Depuis longtemps nos existences se confondent, et je vous ai dit déjà à quel point je suis liée à lui, par un amour cependant qui se rapprocherait plutôt d’une fraternité absolue – sexuellement, ce ne fut pas une parfaite réussite, essentiellement à cause de lui, il n’est pas passionné par la sexualité. C’est un homme chaleureux, vivant, en tout sauf au lit.

• (…) C’est alors qu’apparut le jeune et beau Bost, voilà dix ans. Beaucoup plus jeune que moi, il avait été l’élève de Sartre, qui l’aimait énormément.

J’adorais faire de la marche avec lui, l’été, dans les montagnes. À cette époque il avait commencé une histoire avec mon amie russe, mais désirait laisser tomber ; elle, de son côté, avait été mon élève, et je l’aimais bien, en un sens, mais avec moi comme avec lui, elle s’était conduite d’une façon très déplaisante (…) Tant et si bien que lorsqu’au cours d’une randonnée dans les Alpes où nous dormions sous la même tente, Bost et moi eûmes grande envie de coucher ensemble, ça ne nous posa pas de problème (…) Survint la guerre, […] il l’épousa et il vit avec elle. Cependant notre intimité à tous les deux ne s’interrompit jamais.

C’était une relation plaisante, pas du passionnel, un sentiment sans jalousie ni mensonges, à la fois une grande amitié et une immense tendresse. Je me sentais comblée par ma vie, vous savez, il me semblait suffisant qu’elle contienne des rapports aussi profonds, à défaut d’autres formes d’amour. Pour ça je pensais avoir dépassé l’âge, et j’aurais pu continuer ainsi jusqu’à ma mort, travaillant et chérissant des gens qui me chérissaient. (…)

Voilà mon passé, chéri, voilà mon présent. Vous comprenez, pour moi maintenant tout se passe comme si j’avais une famille à Paris, je connais ceux qui la composent depuis si longtemps, et si intimement, ensemble nous avons traversé tant d’événements, les pires et les meilleurs, qu’ils constituent ma vraie famille plutôt qu’un simple groupe d’amis.

Ma famille biologique ne signifiant rien pour moi, je m’en suis choisi une autre par moi-même. (…) * Jacques-Laurent Bost : élève puis ami de Sartre, il sera l’amant de Simone de Beauvoir. * Richard Wright : écrivain américain noir, né dans le Mississipi. Auteur d’un ouvrage à succès, Black Boy. S’installe à Paris après la guerre où il mourra en 1960. Il fut l’ami de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir.

Lettres à Nelson Algren, Gallimard, 1997 (Folio).

UNITÉ 1 - Repérer les intentions explicites ou implicites dans une lettre

_2ZNZQ_09038000_001-128_EPAC.pdf, page9/128, Mai 7, 2019, 20:04:45

n 6 n Pouvez-vous situer l’endroit où se trouve Simone de Beauvoir au début de la lettre.

De quelle église s’agit-il ? n 7 n Quels sont les lieux et les personnages évoqués dans les lettres des pages 8 et 9 et qu’on retrouve ici ? n 8 n Relevez les thèmes abordés dans cette lettre. Sont-ils différents de ceux abordés dans les lettres des pages 8 et 9 ? n 9 n En quoi pourrait-on juger pertinent un rapprochement entre cette lettre et Les Mémoires d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir ? (Si vous ne connaissez pas cette œuvre, reportez-vous à Internet ou à d’autres documents). n

10 n

Comment comprenez-vous cette phrase : « Je l’admirais d’être un homme » ?

n

11 n

Quel est ici le sens du verbe « respecter » ? Pourquoi est-il entre guillemets ?

n 12 n Relevez, dans cette lettre, tous les éléments qui montrent que Simone de Beauvoir est une femme « libérée », une femme qui ne se soucie pas des conventions de son époque. n 13 n À la fin de la lettre, elle écrit : « Je pensais avoir dépassé l’âge. » L’âge de quoi ?

Que pensez-vous de cette affirmation ? Est-ce qu’elle ne révèle pas malgré tout, encore chez Simone de Beauvoir, une soumission à certaines conventions de son temps. n 14 n Commentez la dernière ligne de la lettre : « Ma famille biologique ne signifiant rien pour moi, je m’en suis choisi une autre par moi-même. » n 15 n Tous les amis, tous les proches de Simone de Beauvoir l’appelaient le Castor.

Pourriez-vous vous informer et dire qui lui a donné ce surnom et pourquoi ?

GRAMMAIRE Expliquez et justifiez la forme verbale : nous nous confiions.

VOCABULAIRE 1. Essayez de trouver le sens du terme « suranné » à partir des éléments dont il est formé.

2. Quel est le sens de ces deux verbes : se coucher et coucher avec quelqu’un ?

UNITÉ 1 - Repérer les intentions explicites ou implicites dans une lettre

_2ZNZQ_09038000_001-128_EPAC.pdf, page10/128, Mai 7, 2019, 20:04:48

11

Cet ouvrage s’adresse à des apprenants adultes et grands adolescents de niveau avancé.

Il peut être utilisé en classe, en complément d’un manuel, ou en auto-apprentissage.

Il comprend quinze leçons réparties en cinq unités, chacune ayant un thème et des objectifs fonctionnels particuliers. Les textes supports sont d’une très grande variété. À la fin de chaque unité, un bilan permet à l’apprenant d’évaluer ses acquis.

Compréhension écrite

Niveau CLE INTERNATIONAL

Il correspond au niveau B2 du Cadre européen commun de référence.

9 782090 380002

B2

Sylvie Poisson-Quinton Reine Mimran

À la fin de l’ouvrage, on trouve les corrigés des exercices et activités.

ISBN : 978-2-09-038000-2

Compétences

Compréhension écrite

Compréhension Écrite

NIVEAU 4

B2

4