LeTartuffe Molière
Adaptéenfrançaisfacile parCatherineBarnoud
ScèneI:MadamePernelle,Elmire, Mariane,Dorine,Damis,Cléante
Noussommesdansune maisonbourgeoise,àParis,au XVIIe siècle. Pendantl’absencedesonfilsOrgon,madamePernellecritiquetoute lafamille.
E LMIRE : Maispourquoipartez-voussivite?
M ADAME P ERNELLE : Jesuismal accueillie .Etpuisqueldésordre! Chacundonnesonavis,mêmeles serviteurs !
DORINE : Si…
M ADAME P ERNELLE : Vousparleztrop.Vousavezuneopinionsur tout.
DAMIS : Mais…
M ADAME P ERNELLE : Vous,monpetit-fils,vousêtesunimbécile,et vousdonnezdel’inquiétudeàvotrepère.
M ARIANE : Jecrois…
M ADAME P ERNELLE : Etvous,sasœur,voussemblezraisonnable, maisc’estuneapparence,jelesaisbien.Vousagissezensecret. C’estcequejedéteste!
E LMIRE : Mais…
M ADAME P ERNELLE : Ma bru ,jen’approuvepasvotre comportement.Vousn’êtespas,commeleurmère,unbon
unemaisonbourgeoise: maisondegensriches.
accueilli(e): reçu(e),accepté(e).
unserviteur: domestique,personnequis’occupedeservirdansunegrande maison.
unebru: épousedufils(aujourd’hui,ondit«belle-fille»).
exemplepourlesenfantsdemonfils.Vous dépensez trop. Vousêtesvêtuecommeuneprincesse.Vousn’avezpasbesoin detoutcelapourplaireàvotremari.
C LÉANTE : Mais,Madame…
M ADAME P ERNELLE : Vous,Monsieursonfrère,jevousaime beaucoup.Maisjenecomprendspaspourquoimonfilsvous acceptedanscettemaisoncarvousdonneztoujoursdes mauvaisconseils.Jediscequejepense,c’estainsi.
DAMIS : VotreMonsieurTartuffeabeaucoupde chance …
M ADAME P ERNELLE : C’estun hommedebien qu’ilfautécouter.Et jenesupportepasvosdisputes.
DAMIS : Quoi?Vouspensezquejedoisacceptertoutesses critiques.Ilfautl’autorisationdeMonsieurpoursedivertir?
D ORINE : SelonceMonsieur,toutesnosactionssontdescrimes.Il contrôletoujourscequenousfaisonsdanscettemaison.
M ADAME P ERNELLE : Ilaraison.Ilvousmontrelebonchemin.
D ORINE : C’estunscandaledevoiruninconnudirigercette maison.MonsieurTartuffeestarrivéicivêtucommeun mendiant .Etmaintenantilveutfairelemaître!
M ADAME P ERNELLE : J’approuvetouslesordresqu’ildonne.
D ORINE : Vouspensezquec’estunsaint.Moi,aucontraire,je pensequec’estunhypocrite.
M ADAME P ERNELLE : Vousnel’aimezpasparcequ’ilditlavérité.
D ORINE : Ilnesupportepaslaprésenced’autresinvitéscheznous, parcequ’ilest jaloux .
M ADAME P ERNELLE : Taisez-vous.Iln’estpasleseulàcritiquerces visites.Ilyatoujoursdescarrossesdevantlaporte.Celafait
dépenser: consommer,acheterbeaucoup,nepaséconomisersonargent.
lachance: sortfavorable.
unhommedebien: hommevertueuxethonnête,honorable,quiagitselonla moralereligieuse.
unmendiant: personnetrèspauvrequidemandelacharité.
jaloux: envieux,quidésireavoircequelesautresont...
beaucoupdebruitdanslequartier.Lesgens médisent etce n’estpasbonpournotrefamille.
C LÉANTE : Voulez-vous empêcher les médisances ?Maisc’est impossible!
D ORINE : Commetouslesgensquinesaventpasseconduire, notrevoisineestlapremièreàdiredeschosesdésagréablessur lesautres.
M ADAME P ERNELLE : Jesaisqu’Orante,qui aunevieexemplaire , pensequ’ilyatropdevisitesdanscettemaison.
D ORINE : Commeellen’estplustrèsjeune,personnenevientla voir.Alors,ellecondamnelesplaisirscarellen’attireplusles regards.
M ADAME P ERNELLE : Madameparle,parle…maisc’estàmontour deparler.Monfilsaprisunetrèsbonnedécisionquandila accueilliTartuffe.Vousdevezécoutersesconseils.
(MadamePernelleregardeCléante.)
VoilàMonsieurquiestentrainderire! Adieu ,jeneveuxplus riendire.Jenereviendrai pasdesitôt danscettemaison.
(MadamePernelles’envaavecsaservante.)
***
(CléanteetDorineparlentdiscrètementensemble.)
C LÉANTE : Sijeparsavecelle,cettevieillefemmevaànouveaume critiquer…
D ORINE : Dommage ...Ellenecomprendpasvotrelangage.
médire: diredumal,critiquer,calomnierquelqu’un.
empêcher: rendreimpossible,faireobstacleà...
lamédisance: au XVIIe siècle,signifie«calomnie»:accusationqui déshonoreunepersonne,unefamille.
avoirunevieexemplaire: êtreparfaitd’unpointdevuemoraletreligieux. adieu: seditàquelqu’unquel’onquittepourlongtemps(opposéà au revoir).
pasdesitôt: pasdansl’immédiat,pasavantlongtemps.
dommage: c’esttriste.
C LÉANTE : Elle estencolère contrenous,maissonTartuffe…
D ORINE : Toutcequeditlamèren’estriensioncompareavecles discoursdesonfils...L’affectionqu’ilporteàTartuffeestsans limite.Ill’aimeplusquesamère,sonfils,safilleetsafemme réunis.Illuidittoussessecrets.Iladmiretoutcequ’ildit,fait. Toutessesactionssontinspiréesparlui. ***
E LMIRE ( àCléante ) : Maisj’aperçoismonmariquiarrive.Jevais l’attendreenhaut.
(Elmiresort.)
C LÉANTE : Moi,jel’attendsici.
DAMIS : Parlez-luidumariagedemasœur.J’imaginequeTartuffe doits’opposeràcetteunion.Maisjeconnaislessentimentsde masœuretdeValère.Etmoi-même,j’aiquelquessentiments pourlasœurdecetami.
êtreencolère: exprimersoninsatisfactiondemanièreagressive.
ScèneII:Orgon,Cléante,Dorine
D ORINE : Ilentre.
O RGON : Ah,monbeau-frère,bonjour.
C LÉANTE : C’estunejoiedevousvoir.
O RGON : Dorine,quellessontlesnouvellesici?Touts’estbienpassé pendantmonabsence?
D ORINE : Madameaeu,avant-hier,unétrangemaldetête.
O RGON : EtTartuffe?
D ORINE : Tartuffe,ilvatrèsbien. Toujours aussigros.
O RGON : Lepauvrehomme!
D ORINE : Lesoir,ellen’apaspumanger.Sonmaldetête…
O RGON : EtTartuffe?
D ORINE : Ilabeaucoupmangé,devantelle.
O RGON : Lepauvrehomme!
D ORINE : Maintenant,ilsvontbientouslesdeux.Etjecoursdireà Madamequevousvouspréoccupezbeaucoupdesasanté. (Dorinesort.CléanteresteseulavecOrgon.)
C LÉANTE : Elle semoquede vous.Jeneveuxpasvousmettreen colère,maisellearaison.Cethommevousfaitoubliervotre famille.Ilest…
O RGON : Jevousarrête.Vousneleconnaissezpas.C’estunhomme qui…un hommedepaix .Ilm’apprendànepasavoir d’affection.Maintenant,jenem’inquièteplusdevoirmourir frère,enfants,mèreetfemme.
C LÉANTE : Maiscesontdessentimentshumains!
toujours: ici,commedecoutume,commed’habitude.
semoquerde(quelqu’un): nepasleprendreausérieux,montrerqu’ilest ridicule.
unhommedepaix :hommequineveutpasdeconflit,pacifique.
O RGON : Quandjel’airencontré,j’airessentidel’amitiépourlui.Il estvenuàcôtédemoi,àl’église .Ilm’aoffertdel’eaubénite .Je l’airevuplusieursfoiset,unjour,jel’aiinvitéchezmoi.Ilest attentifàcequisepassedansmamaison.Iln’hésitepasà critiquersiquelquechosenevapas.Ilporteunintérêtextrême àmafemme.Ilest même jalouxquanddesgensluiparlent.
C LÉANTE : Vousêtesfou!Quelleestcettecomédieridicule!
O RGON : Attentionàvosparoles...cethommeestbonethonnêteet, sivousnelerespectezpas,jevousprometsque vousaurez affaireàmoi .
C LÉANTE : Vosdiscoursnemefontpaspeur.Moi,jevousdisque vousconfondezl’hypocrisieetla dévotion .Vousnesavezpas distinguerl’apparencedelavérité.
uneéglise: édificeoùlescatholiquesseréunissentpourprier,célébrerdes cérémoniesreligieuses...
l’eaubénite: eausainte.
même: aussi,également.
vousaurezaffaireàmoi: vousaurezdegravesproblèmesavecmoi. ladévotion: piété,importancedonnéeàlareligion,auxpratiques religieuses(ici,defaçonexcessive).
O RGON : Vousimaginezquevouspossédeztoutlesavoirdumonde. Vousêtesleseulsageet,àcôtédevous,tousleshommessont desimbéciles.
C LÉANTE : Non,maisjesaisfaireladifférenceentrelevraietle faux.Jerespecteles croyants ,maisjedétesteleshommesqui exhibentleurdévotionenpublic.Les dévots sincèresne critiquentpastoutesnosactions.Ilsn’ontpasde haine pourles autres.Cen’estpaslecasdevotreTartuffe.
O RGON : Cherbeau-frère,avez-voustoutdit?
C LÉANTE : Oui.
O RGON : Jem’envais.
C LÉANTE : Encoreunmot.ValèrevousademandéMarianeen mariage,etvousavezdonnévotreaccord.
O RGON : C’estvrai.
C LÉANTE : Pourquoiattendrepourcélébrercetteunion?Avez-vous uneautreidéeentête?
O RGON : Peut-être.
C LÉANTE : Etvotrepromesse,alors?Valèremedemandes’ilyaun obstacleàcetteunion.Quevais-jeluidire?
O RGON : Toutcequevousvoulez.
C LÉANTE : Maisenvérité,tiendrez-vousvotrepromesse?
O RGON : Adieu.
C LÉANTE : Hum!Jesuisinquiet.JedoisavertirValère.
uncroyant: personnequicroitenDieu.
undévot: personnequifréquentebeaucoupl’église,quidonnebeaucoup d’importance,danssavie,auxpratiquesreligieuses.Au XVIIe siècle,l’Église catholiqueaunegrandeinfluencesurlaviepolitique,maistousleshommes prochesdupouvoirnesontpasdevraiscroyants.Molièrecritique l’hypocrisie.Ildistinguelesvraisetlesfauxdévotsetcertainspensentqu’il s’attaqueàlareligion.Pourcetteraison,lesreprésentationspubliquesdela piècesontinterditespendantplusieursannées.
lahaine: sentimenttrèsfortquel’onsentenversquelqu’unqu’ondétesteet àquionveutdumal.
Orgon, riche bourgeois, accueille chez lui un homme qui vit dans la misère. Il le considère comme son frère, il lui propose sa fille en mariage et lui donne toute sa fortune... Mais cet homme est-il honnête ? Quel rôle va-t-il jouer dans la famille ?
Depuis sa création en 1669, cette comédie a connu un succès immense. C’est l’œuvre de Molière la plus représentée au théâtre.
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ISBN : 978-2-09-031370-3