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Jean-Marc Defays et Deborah Meunier
Présentation d’ouvrage : deux décennies de fles en Trois volumes
Defays J.-M. et al. (éds) 20 ans de FLES. Faits et gestes de la didactique du FLES de 1995 à 2015, EME éditions, coll. « Proximités-DIDACTIQUE », 2015 (3 volumes)
Jean-Marc Defays Deborah Meunier Université de Liège
À l’occasion du vingtième anniversaire de la création du Département de français au sein de l’Institut Supérieur des Langues Vivantes (ISLV) et, partant, du Service de didactique du français langue étrangère et seconde de l’Université de Liège, leurs membres ont invité des partenaires et collègues didacticiens à proposer une analyse de l’évolution qu’ils ont vécue et/ou observée concernant l’enseignement/apprentissage, le statut, la diffusion de la langue française et des cultures francophones, et/ou la recherche scientifique y afférant, au cours des deux dernières décennies.
Cet ouvrage relève donc à la fois du recueil scientifique et du liber amicorum ; ouvrage qu’il ne faut pas considérer comme un aboutissement, mais comme une étape, voire un tremplin pour les vingt prochaines années qu’on espère aussi enthousiasmantes et gratifiantes que celles qui viennent de s’écouler. Il a pour ambition non seulement de retracer les changements, les conditions de l’enseignement/apprentissage du FLES depuis les vingt dernières années ; mais aussi, pour certaines contributions, de réfléchir aux défis et aux enjeux qui attendent la didactique du FLES pour les vingt années à venir, les ressources qu’elle devrait explorer et les initiatives qu’elle devrait prendre.
On le sait, les contextes d’enseignement des langues ne sont plus les mêmes en raison du développement exponentiel des contacts, de la mobilité et des échanges internationaux, mais aussi des médias et des technologies de l’information et de la communication. L’accès à l’information, le recours à l’autoformation à distance ont modifié nos conditions de travail. Par ailleurs, le paysage plurilingue et pluriculturel actuel a modifié les rapports entre les langues, leurs statuts et donc leur enseignement. Sont ainsi remises en question les conceptions traditionnelles de l’enseignement des langues et les besoins des apprenants : les formations se doivent d’être plus ciblées, pratiques et contextualisées pour répondre à une demande toujours plus importante et urgente.
Les trois volumes de cette publication représentent le résultat de cette mise en perspective. Il a été difficile de répartir les articles, tous aussi intéressants que variés.
Pour les besoins de l’édition, on a tenté de distinguer entre ceux qui adoptent plutôt une approche transversale (volume 1), ceux qui s’intéressent davantage à la contextualisation des approches (volume 2), et enfin ceux qui se focalisent surtout sur les pratiques et les ressources (volume 3), étant donné que ces différents éclairages doivent être combinés pour comprendre et stimuler l’évolution de la didactique.
TRANSVERSALITES, d’abord, rassemble des contributeurs qui ont choisi de réfléchir à la didactique du FLES d’un point de vue tantôt méthodologique, tantôt épistémologique. On y interroge son identité, sa spécificité comme discipline et champ de connaissances, mais aussi ses rapports à d’autres disciplines et ses interventions hors de la salle de classe. Trois axes sont particulièrement saillants. D’abord celui du plurilinguisme. Celui-ci est évoqué tantôt en tant que paradigme ou didactique à part entière, tantôt comme « prêt-à-penser » qu’il s’agit de questionner, voire de critiquer. La dimension plurielle des identités et des répertoires linguistiques individuels est en tout cas incontournable aujourd’hui, et elle oblige la didactique du français à revoir ses concepts comme ses méthodes. Les phénomènes actuels de globalisation et de mondialisation sont eux aussi abordés en ce qu’ils modifient le rôle et le statut de la didactique des langues, laquelle est amenée à repenser ses concepts en phase avec les réalités du terrain, dans des contextes de plus en plus variés. Les notions/étiquettes de FLM, FLE, FLS, français langue de spécialité, de scolarisation… font ainsi l’objet de réflexions au regard des bouleversements géopolitiques contemporains. Enfin, le troisième aspect qui fédère les contributeurs de ce premier volume est sans conteste le caractère interventionniste de la didactique du FLES. Une didactique de l’intervention dans la société en général, mais aussi sur la scène politique linguistique et éducative et qui a son rôle à jouer dans la diffusion de la langue française dans le monde. Ainsi, plusieurs auteurs soulignent les dimensions idéologiques et éthiques des pratiques d’enseignement des langues, et mettent en garde vis-à-vis des orientations qui tendent à s’imposer, sans pour autant faire l’objet de débats parmi les didacticiens. Ce premier volume offre donc des clés de lecture des bouleversements épistémologiques et méthodologiques qu’a vécu récemment notre discipline, ainsi que des pistes de réflexion, des propositions pour dépasser les limites, les difficultés, les contradictions rencontrées depuis ces vingt dernières années dans le champ, et anticiper celles à venir.
Le second volume, CONTEXTUALISATIONS, fait voyager le lecteur dans le temps et sur plusieurs continents : l’Europe (la Belgique, la Finlande, la France, La Russie), l’Asie (la Chine, l’Inde, le Japon), l’Afrique (le Maroc), l’Amérique latine (le Mexique). On y trouve des sujets aussi variés que les politiques éducatives en Chine, les nouvelles technologies et les bouleversements qu’elles occasionnent, les mobilités professionnelles et étudiantes et leur impact sur l’enseignement des langues étrangères, en particulier du français. Ils concernent la recherche en didactique, la formation continue, l’activité des centres de langues et des associations, les méthodes d’ap-
prentissage et d’évaluation, qui sont envisagées dans le cadre de projets spécifiques (enseignement du FOU dans les universités marocaines, le projet Euregioschool dans le Limbourg) ou dans leur évolution historique (au Mexique ou en Inde par exemple). Ainsi y est représentée toute la diversité de la discipline et de ses expressions locales, de l’enseignement du français dans la Russie du xviiie siècle à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture en FLE par les jeunes Mexicains, en passant par l’analyse sociologique du champ de la didactique du FLE en Belgique. L’évolution des publics d’apprenants, le statut du français dans les programmes scolaires, les processus d’évaluation… sont tout autant d’aspects qui nécessitent d’être contextualisés pour rendre la recherche didactique et la pratique enseignante efficaces.
Le troisième et dernier volume, PRATIQUES, invite à un tour d’horizon critique des grandes thématiques de la pédagogie du français langue étrangère. On commence par un hommage à la classe de langue, au sujet de l’enseignant et l’apprenant, face à l’envahissante technicité. À propos de classe, précisément, un second article porte sur l’innovation et les avantages que représenterait son « inversion », et un troisième sur les classes d’accueil où l’on favorise la mise en activité des apprenants par des projets de communication. En matière de ressources, on décrit ailleurs les usages que l’on fait/a faits des supports et des documents en fonction de différentes logiques didactiques. On s’interroge ainsi sur le concept et l’utilité de l’authenticité desdits documents. On passe aussi en revue les manuels des vingt dernières années pour analyser la place et le rôle dévolus à la francophonie, dans ses différents aspects, qui n’apparait souvent que de manière tardive et superficielle. Les Technologies de la Communication et de l’Information font l’objet d’articles portant tantôt sur l’évolution des outils et de leurs usages qui se sont multipliés, diversifiés et démocratisés, et dont l’impact sur la motivation des apprenants et la qualité de leurs productions ne fait plus de doute ; tantôt sur la contrainte qu’elles exercent sur les enseignants en les obligeant de revoir leur pédagogie de l’écrit, tant au niveau des fins que des moyens ; tantôt sur un ambitieux projet de mise en ligne d’une immense banque de tests et d’exercices de français. Plus généralement, on lira aussi qu’il est nécessaire de réorganiser l’enseignement autour du numérique pour lui donner du sens dans un environnement d’apprentissage et univers cognitif et comportemental renouvelés. La grammaire reste une préoccupation essentielle comme en témoignent deux articles qui lui sont consacrés, l’un adoptant un point de vue comparatiste, l’autre se focalisant, à partir de cas concrets, sur la démarche réflexive suscitée en classe. La lecture, l’écriture et l’oralité occupent une bonne partie de ce volume. À propos de la lecture, les avis sont partagés concernant les avancées qu’on a pu faire : si on a progressé significativement concernant l’identification des problèmes de l’apprenant en langue étrangère, les pratiques n’ont pas toujours suivi. On a déjà parlé des effets des TIC sur les pratiques d’écriture et leur enseignement. Nous sont aussi rappelés les multiples bénéfices de la rédaction de journaux de bord ou d’apprentis-
sage, en particulier pour la formation des enseignants à la complexité des situations linguistiques et culturelles. L’enseignement oral, quant à lui, a évolué à partir des trois paramètres de l’approche par compétences, de la centration sur l’apprenant et du recours aux documents authentiques : un article en tire le bilan. Enfin, plusieurs articles comparent des situations et des pratiques de pays aussi divers que la Finlande, l’Inde, Chypre, l’Australie et les États-Unis, notamment concernant la motivation à apprendre le français.
Achevé d’imprimer en avril 2016 par la Société TIRAGE - 91941 COURTABŒUF N° de projet : 10224432 Dépôt légal : avril 2016
Éditions
La 55e rencontre de l’ASDIFLE, intitulée Français langue étrangère et mondialisation, a eu lieu à l’Alliance française de Paris le 19 juin 2015. Acteurs éducatifs dans la mondialisation, les professionnels de l’enseignement du français langue étrangère et langue seconde sont amenés à évoluer dans des cadres en constantes mutations. Plusieurs facteurs sous-tendent ces mutations : les politiques en faveur du plurilinguisme, les enjeux de la scolarisation universelle, la mobilité des personnes (étudiants, professionnels, réfugiés), ainsi que la place de plus en plus forte de l’économie dans les politiques éducatives et linguistiques qui modifient les conditions de travail et le statut des enseignants. Questionner le lien entre le champ du FLE/S et la mondialisation, c’est ouvrir un espace de dialogue entre acteurs politiques et acteurs de terrain, en interrogeant en particulier la mise en œuvre des politiques publiques en faveur du français, les enjeux liés à la mobilité étudiante et professionnelle, la dimension interculturelle de l’enseignement/apprentissage du français. Ce numéro 27 des Cahiers de l’Asdifle rassemble les articles et les interventions offrant un éclairage sur ces questions.
Manuela FErrEIrA PInto Véronique LAurEnS
ISBn : 978-209-038236-5
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