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REVUE DE LA FÉDÉRATION INTERNATIONALE DES PROFESSEURS DE FRANÇAIS
lefrançais le monde dans
N° 371 SEPTEMBRE-OCTOBRE 2010
// MÉTIER //
De Saint-Malo à Bamako, un lecteur public pour donner le goût du livre Enseignement en immersion à l’université américaine de Middlebury
// DOSSIER //
De la page à l’écran
FIPF
L’édition numérique // ÉPOQUE //
// MÉMO //
Michel Houellebecq, l’évènement de la rentrée littéraire
L’Orchestre national de Barbès en fusion entre Paris et Maghreb
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Sommaire
Métier
Les fiches pédagogiques à télécharger
ÉPOQUE 6. Portrait
Où va Michel Houellebecq ?
8. Évènement
La francophonie s’expose à Shanghai
9. Arts
La BD obtient droit de cité
La notion de registre de langue
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10. Regard
« Le rejet de l’Autre se banalise »
12. Sport
L’Insep, fabrique de médailles olympiques
13. Tendance
Faire du neuf avec du vieux
14. Économie
fiches pédagogiques à télécharger sur : www.fdlm.org
• Graphe : « Absurde » • Économie : Les emplois verts fleurissent • La notion de registre de langue • Nouvelle : « Le visage de l’emploi » • Dossier : lire numérique • BD : « Drague parisienne » •Jeux
Dossier
De la page à l’écran : l’édition numérique
Les emplois verts fleurissent
16. Librairies francophones
Une affaire d’État, une affaire d’Église
MÉTIER 20. L’actu 22. Focus
« Y a du jeu dans le signe… »
24. Mot à mot 26. Clés
La notion de registre de langue
28. Zoom
La jubilation de la lecture, de Saint-Malo à Bamako
30. Innovation
Je blogue, il/elle blogue, nous bloguons… et vous ?
32. Savoir-faire
Orthographe : lire et entendre en même temps
Création L’auteur, l’écran et le lecteur ...........48 Patrimoine Numérisation et patrimoine, coûteux et vaste chantier.............................50 Éducation Tourner la page avec les manuels numériques .............................52 Consommation Lire numérique ..................54
34. Expérience
De la musique aux mots
36. Reportage
Une bulle de francophonie à Middlebury
38. Entretien
Du mythe d’une langue universelle à la réalité d’une langue d’influence mondiale
40. Ressources
Intégrer les baladeurs MP3
MÉMO 58. À voir 60. À écouter 62. À lire
46 INTERLUDES 4. Graphe « Absurde »
18. Poésie
Sony Labou Tansi, « L’acte de respirer »
42. Nouvelle
Fatou Diome, « Le visage de l’emploi »
56. BD
Marguerite Abouet et Titi, « Drague parisienne »
66. Jeux
La lettre fantôme, etc.
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Le français dans le monde sur Internet : http://www.fdlm.org Le français dans le monde, revue de la Fédération internationale des professeurs de français, éditée par CLE International – 9 bis, rue Abel Hovelacque – 75 013 Paris – Tél. : 33 (0) 1 72 36 30 67 – Fax. 33 (0) 1 45 87 43 18 – Service abonnements : 33 (0) 1 40 94 22 22 – Fax. 33 (0) 1 40 94 22 32 – Directeur de la publication Jean-Pierre Cuq (FIPF) Directeur de la rédaction Jacques Pécheur (Ministère de l’Éducation nationale – FIPF) Rédactrice en chef Alice Tillier (Ministère de l’Éducation nationale – FIPF) Secrétaire général de la rédaction Sébastien Langevin Relecture/correction Marie-Lou Morin Relations commerciales Sophie Ferrand Conception graphique Miz’enpage – Commission paritaire : 0412T81661. Comité de rédaction Dominique Abry, Michèle Grandmangin, Isabelle Gruca, Valérie Drake, Pascale Fabre, Chantal Parpette, Jacques Pécheur, Florence Pellegrini, Nathalie Spanghero-Gaillard, Alice Tillier Conseil d’orientation sous la présidence d’honneur de M. Abdou Diouf, secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie : Jean-Pierre Cuq (FIPF), Pascale Fabre (Alliance française), Raymond Gevaert (FIPF), Michèle Jacobs-Hermès (TV5), Xavier North (DGLFLF), Soungalo Ouedraogo (OIF), Florentine Petit (MEN), Jean-Paul Rebaud (MAEE), Madeleine Rolle-Boumlic (FIPF), Vicky Sommet (RFI), Jean-Luc Wollensack (CLE International).
Le français dans le monde // 371 //septembre-octobre 2010
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mémo // à voir
Par Bérénice Balta Claude Chabrol, Stéphane Audran et Jean Yanne lors de la sortie du film Le Boucher, en 1969.
VOUS LES COPAINS, JE NE VOUS OUBLIERAI JAMAIS ! Attention ! DVD pour chanter et danser, et – pourquoi pas ? – réviser ses classiques. Avec Salut les copains, on se replonge dans les plus grands tubes des années 1960, immortalisés par Sheila, Cloclo, Nino Ferrer, mais aussi les Stones ou Otis Redding. Les chansons sont habilement enrichies de documents exceptionnels qui les replacent dans l’époque et restituent bien l’ambiance du moment… à l’aube d’un certain mai 68 ! Frais et divertissant.
UNE VIE PEUT EN CACHER UNE AUTRE ! Avec son premier film, Complices, Frédéric Mermoud s’est essayé au polar. Et ce n’est pas rien, tant la télévision s’est appropriée le genre ! D’autant qu’il l’a fait avec un certain brio. Alors qu’ils enquêtent sur la disparition de deux jeunes, un inspecteur et sa co-équipière vont se retrouver confrontés à leurs paradoxes, leurs propres démons, leur vie. En prime dans ce DVD, les premiers courts du réalisateur.
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Claude Chabrol en deux vagues Dans son œuvre, le meilleur côtoie le pire, reconnaît avec une sincérité désarmante Claude Chabrol, scénariste et réalisateur prolifique qui compte parmi les fondateurs de la Nouvelle Vague. Il y a aussi des incontournables, qu’Opening Édition propose aujourd’hui en DVD. Après une première série (intitulée « Première vague ») qui comprenait Que la bête meurt, Les Bicheset La Femme infidèle, en voici une seconde : Les Noces rouges (1973), La Décade prodigieuse (1971) et Le Boucher (1969). À la fin des années 1950, Claude Chabrol – ce personnage à l’allure débonnaire, sourcils en broussaille, air malicieux, pipe au bec et rire taquin à la manière des enfants – est critique aux mythiques Cahiers du cinéma. Il a entre autres pour confrères François Truffaut et Jacques Rivette, eux aussi devenus par la suite deux grands noms du cinéma français. Un détour comme attaché de presse, un mariage avec une riche héritière lui permettent de lancer sa maison de production puis, en 1959, de réaliser son premier film, Le Beau Serge, que l’on considère comme l’œuvre marquant le début de la Nouvelle Vague. Dès lors, cet épicurien patenté ne va pas cesser de travailler, alternant cinéma, télévision, jeu
d’acteur (chez les autres), écrivant aussi bien des scénarios que des essais, des nouvelles et même un roman. On retrouve dans les six films édités ici la fascination de Claude Chabrol pour le film noir, son observation subtile de ses congénères, son analyse féroce de la bourgeoisie française – l’un de ses thèmes de prédilection. Le réalisateur est un grand directeur d’acteurs : plusieurs de ses comédien(ne)s fétiches, tels Stéphane Audran ou Isabelle Huppert, ont, d’ailleurs, été récompensés dans les plus grands festivals. Un regret cependant : que les compléments proposés dans les DVD ne soient pas plus conséquents. On se contentera donc des films qui, fort heureusement, se suffisent à eux-mêmes…
Sociétés humaines méconnues Stéphane Breton est ethnologue et réalisateur de films documentaires… Autant dire qu’il est passionné par le monde et les hommes qui l’habitent ! Diriger une collection de films lancée par le musée du Quai Branly ne pouvait que le séduire. L’Usage du monde a ainsi pour but de générer un fonds patrimonial en images, une mémoire des sociétés humaines qui ne sont pas exposées et
qu’il faut chercher si l’on veut les découvrir. Pour ce premier essai, c’est le travail de quatre réalisateurs qui nous est proposé, leur point de vue également. Ils nous font partager le quotidien d’hommes croisés en Chine (L’Argent du charbon de Wang Bing), en Ukraine (Lumière du Nord de Sergei Loznitsa), en France (Les Hommes de la forêt 21 de Julien Samani, ainsi que La Maison vide et La Montée au ciel de Stéphane Breton)… Car la marge n’est pas forcément à l’autre bout de la planète !
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Une autre vie est possible… Comment vivre sa vie lorsqu’on a été abandonné par ses parents ? Comment se construire, accepter une nouvelle famille, grandir ? Une vie toute neuve, c’est beaucoup de « comment » et peu de « pourquoi » – et encore moins de « parce que ». L’histoire est inspirée de l’expérience de la réalisatrice. Née à Séoul, en Corée, Ounie Lecomte a grandi en France dans une famille d’accueil. Jinhee, sa petite héroïne de 9 ans, lui ressemble beaucoup, mais le film ne se réduit pas à cet aspect autobiographique. Il y a de la pudeur dans ce premier film, de la force, de la beauté également. De la dureté parfois… Ounie Lecomte ne juge pas, elle observe, elle retranscrit, elle témoigne. Et l’on se laisse envahir par l’émotion sans chercher le « pourquoi-ducomment ». Il sera toujours temps, un jour, de faire le chemin, non pas pour comprendre, mais pour accepter de vivre, simplement, avec son passé.
Avec constance et talent, la Libanaise Danielle Arbid s’interroge, dans des films forts sur la guerre (les guerres !), et leurs conséquences. Seule avec la guerre nous entraîne à Beyrouth. Aux frontières s’arrête aux portes d’Israël/Palestine. Les deux, à la fois personnels et universels, nous secouent, nous questionnent, tout en nous informant. Et c’est tant mieux ! Un entretien avec la cinéaste complète intelligemment ce DVD essentiel.
ALLAHOU AKBAR… À l’heure du Ramadan, il n’est pas inintéressant de se (re)plonger dans le Coran. Le Coran, aux origines du Livre, de Bruno Ullmer, se penche sur le livre saint de l’islam, mais surtout sur les recherches scientifiques récentes : elles démontreraient que le Coran aurait une histoire bien plus complexe que ce que l’on veut nous faire croire depuis longtemps. Il ne faut pas rater les compléments composés d’entretiens passionnants avec des sommités pédagogues.
Des dessinateurs français et japonais Il y a, depuis des années, une certaine domination américaine dans le domaine du dessin animé. Pourtant, c’est en France qu’est né le genre, à l’aube du cinématographe… Les Japonais, eux, sont passés maîtres depuis les années 1980, avec du film au kilomètre, sans intérêt, mais également quelques pépites dues à l’incontournable Miyazaki ou, moins connu des cinéphiles, Rintaro. Ce dernier, fortement marqué par les films noirs français et les œuvres du néo-réalisme italien, a eu envie, pour sa dernière réalisation, de confronter les savoir-faire nippon et français, travaillant avec des dessinateurs des deux pays et mêlant les cultures occidentales et orientales avec un égal bonheur. Le résultat, c’est Yona, la légende de l’oiseau sans aile, une fable peu-
QUELLE CONNERIE, LA GUERRE !
plée de créatures fantastiques, dont l’héroïne est une petite fille qui s’habille tous les soirs en pingouin. Inventif, original et épatant !
Le français dans le monde // n°371 // septembre-octobre 2010
UNE GARE, MILLE POSSIBILITÉS UNE GARE, MILLE POSSIBILITÉS Une gare (Genève), trois destinations (Marseille, Naples, Berlin), six femmes et hommes. Pour explorer une thématique universelle : les rapports féminin/masculin. Pour La Vraie Vie est ailleurs, son premier long-métrage, le jeune Suisse Frédéric Choffat n’a pas hésité à multiplierles contraintes : sujet glissant, équipe réduite, lieux de tournage. Ce qui donne un film inégal mais extrêmement attachant. Le DVD offre, parmi les bonus, un court-métrage de 1998, À Nedjad, annonciateur de la suite.
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mémo // à écouter
Par Jean-Claude Demari et Edmond Sadaka
coups de cœur La rue du XXIe siècle Les chants de lutte ne sont pas morts au tournant du XXe siècle, avec Renaud et Bérurier Noir. La preuve par neuf.
Noir Désir, pour son retour annoncé de 2009, lance un grinçant « Gagnants perdants », simple protest song avec harmonica et guitare acoustique – et manifeste d’autant plus énergique : « On n’veut pas être des gagnants / Mais on n’acceptera jamais d’être des perdants ». Côté mise en cause du système de production, se dégage, en août 2007, Démago avec son album Hôpital (« parce qu’il y a urgence, qu’on vit dans un monde qui balafre, qui strangule »). Le joliment tendu « Respirez » ironise sur la bourse, la finance et la culture d’entreprise.
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Plus pessimiste, Saez lance en mars 2010 son J’accuse à lui, griffé de guitares maladives. « J’accuse », le titre, mitraille tous azimuts les actionnaires, la télévision, les grandes surfaces, le culte de l’apparence, en bref la soif pitoyable de la consommation. Toujours en 2007, les agitateurs de No One Is Innocent tirent la balle électro métal de « La Peur », dans l’album Gazoline. Vingt-huit ans après Pouvoirs, de Lavilliers, on retrouve la peur, fondatrice de l’inaction : « Si la peur fait bouger / Elle fait rarement avancer »… Bombe et brûlot d’espoir, en mars 2008, le jungle rock de La Phaze lorgne vers ses grands prédécesseurs. « À table » martèle un appel proche du « Salut à toi » des Bérurier. Mais l’invitation à tous les « résistants » concerne un banquet un peu trop ultime… Fred Alpi est un artiste européen et multilingue, allemand et suédois compris. C’est aussi un militant anarchiste, aux pochettes en rouge et noir. En 2006, ses « Ronces artificielles », non loin de Woody Guthrie, chantent nerveusement la rue, les matraques du pouvoir et le bonheur.
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Le lyrisme de Cali devait un jour passer par la fresque sociale. Le Germinal de Cali s’intitule L’Espoir, il est sorti en février 2008. Sommet d’émotion, « 1 000 cœurs debout » est un hymne à l’amour des manifs et à celui de « nos pères, ivres de fierté, [qui] n’ont rien lâché ».
Dum Dum, un sacré impact Le Professeur Félix de Dum Dum, c’est d’abord un son : à mi-chemin entre le slam pour le parlé-chanté et du rock nerveux pour l’écrin. Entre 1996 et 2002, deux groupes avaient suivi cette voie avec talent : Diabologum et Expérience. Le groupe Dum Dum est une brillante expérimentation de Félix Jousserand, dit « Félix J. », figure de la scène slam parisienne : auteur, compositeur, interprète, éditeur… Le Professeur Félix doit être écouté fort.
C’est ainsi que l’on apprécie le mieux les bijoux textuels indiscrets et trépidants que sont « La Tête ailleurs » (comment passer à travers la vie quotidienne), « 719 interviews » (comment passer à travers la vie de star), « Moquette » (polar haletant) et l’énergique reprise du « J’suis snob » de Boris Vian. Félix J., avec sa voix détachée, magnifie ses élucubrations sur l’amour, la politique et les médias : Félix J., agitateur depuis 2002… J.-C. D.
Musiques maghrébines et occidentales en fusion Fondé en 1995, l’Orchestre national de Barbès (ONB pour les aficionados) connut le succès très rapidement. Le titre « Salam » était devenu incontournable dans les soirées de la fin des années 1990. Ces onze musiciens (français, marocains et algériens) avaient su se faire remarquer par la fusion réussie de musiques maghrébines
et occidentales. Après un long break début des années 2000, l’ONB reprend du service avec six membres d’origine et une orientation musicale un peu différente. Pour ce quatrième album, Rendez-vous Barbès, le groupe mêle une fois encore gnaoui et reggae, chaabi et chanson française, raï et rock. Sept des dix chansons sont originales. Un album où les musiques traditionnelles du Maghreb poursuivent, à leur manière, leur inlassable (et inclassable) combat rock.
E. S.
Pour détendre l’atmosphère, Java, le groupe de rap musette de R-Wan, lance, en mars 2010, lui aussi, « J’me marre ». L’accent titi n’épargne pas Paris, le drapeau noir flotte sur la marmite et la bagarre est comme un remède à la misère. Relève de Renaud assurée. Grand admirateur de Noir Désir, Eiffel hisse en octobre 2009 le drapeau noir brillant de l’album À tout moment, avec Bertrand Cantat dans les chœurs. Une des rares occasions d’entendre le mot « peuple » dans le rock de France : « À tout moment la rue / Peut aussi dire non ».
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en bref livres à écouter Par Sophie Patois L’Élégance du hérisson publié en 2006 chez Gallimard par Muriel Barbery a été un véritable best-seller au point d’être adapté au cinéma, ce qui ne lui a pas franchement réussi… On reviendra avec d’autant plus de plaisir à l’élégante ironie du texte initial. Et l’on écoutera les réflexions décalées (depuis une loge de gardienne) de ses deux personnages clés, Renée, la concierge érudite portée ici par la voix savamment éraillée de la comédienne Myriam Boyer, et Paloma, jeune philosophe de 12 ans à qui Salomé Lelouch prête sa tonalité.
Le chanteur québécois Luc De Larochellière s’était fait connaître en France au début des années 1990. Son huitième opus Un toi dans ma tête compte dix nouvelles chansons très acoustiques, à tendance folk.
« J’ai commencé ma vie comme je la finirai sans doute : au milieu des livres »… Les Mots, récit autobiographique de l’écrivain et philosophe français Jean-Paul Sartre, vrai classique du genre, exhale ici toute sa saveur par la voix du grand comédien Michel Bouquet. Même déjà connue et entendue, la narration des étapes fondatrices de la vie d’un auteur, force l’attention et l’admiration. Un vrai roman de vie, ponctué d’anecdotes signifiantes, comme par exemple le moment où le petit JeanPaul, entraîné par son grand-père chez le coiffeur, éprouve sa propre laideur…
Vismets, ce sont quatre Bruxellois qui frappent fort. Leur premier album, Gürü Voodoo, fait bouger les foules. Écoutez « Wasted Party », « Dilemma » et les autres : de la chanson rock électro de la plus belle eau. Avec Un, son premier album, Ortie, comme Dum Dum, évoque Diabologum : textes parlés ambitieux, univers rock électro, musique brute et introspective. Nous ne haïssons point « Comme je te vois venir », « La ferveur » et « Un ».
Écoutez lire, Gallimard
Sa tournée en 2009 a permis à plus de 80 000 spectateurs de la voir sur scène. La chanteuse Anaïs sort un album « live » témoin de ce succès, The Short Version, extrait d’un concert donné aux Francofolies de la Rochelle en 2009.
Rencontre improbable entre électro et tango
Luc Vertige arrive à la chanson avec ses Contradictions amoureuses : ambiance synthétique rock pour ses textes (excellents « J’me saoule » et « Dans la chambre ») et mises à jour étonnantes de Nerval, Verlaine et Rimbaud.
compères surprennent encore :cette fois, ils utilisent des cuivres, et donnent une couleur plus « bluesy » à leur univers grâce à l’utilisation de la guitare électrique. L’ensemble offre un groove raffiné qui s’écoute avec plaisir et qui ne devrait pas décevoir les fans de la première heure. Onze titres qui sont autant d’invitations au voyage. E. S.
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Le trio franco-suisse-argentin Gotan Project a été le premier groupe à mélanger le tango et l’électro. Au début des années 2000, il a connu un immense succès avec La Revancha del tango puis Lunático. Plus de deux millions de disques ont été vendus. Aujourd’hui, avec Tango 3.0, le trio continue d’explorer la rencontre a priori improbable entre électro et tango. On y retrouve avec plaisir les rythmes lancinants de leurs premiers albums, mais les trois
Le chanteur malien Idrissa Soumaoro fut le lauréat du prix Découvertes de RFI en 2004. Il met fin à un long silence discographique avec Djitoumou. Un album chaleureux pour cet artiste attaché à la mission d’enseignant.
aller sur ! www.fdlm.org
pour retrouver toutes les références des albums.
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mémo // à LIRE jeunesse
Roman
Par Agnès Ceccaldi
Portraits sensibles de l’adolescence
Maud Lethielleux, J’ai quinze ans et je ne l’ai jamais fait, Thierry Magnier
Français d’ailleurs La collection « Français d’ailleurs » retrace, à travers des docu-fictions, l’histoire de l’immigration en France. Ici, João relate l’histoire de sa famille, émigrée du Portugal en 1966 pour fuir la dictature de Salazar, et venue s’installer dans la région parisienne, où elle trouvera des conditions de vie et de travail précaires. Ce récit poignant, doublé d’un documentaire, s’intéresse, au-delà de la grande histoire, à la façon dont un jeune adolescent parvient peu à peu à se construire, sans renier ses origines, dans un pays qui n’est pas le sien. Valentine Goby et Philippe de Kemmeter, João ou l’année des révolutions. Du Portugal au Val-de-Marne, Autrement
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Liaison haïtienne 1231*"4*"51()2* !"#$%&'()*"+(,-*../"0*
Capucine est impatiente de vivre sa première expérience sexuelle, pour enfin « devenir une femme ». Martin, un de ses copains de classe, cherche dans la musique un moyen de s’exprimer et de vivre intensément. Dans ce joli roman, deux jeunes adolescents se racontent à la première personne dans le style du journal intime. Les phrases s’enchaînent, brèves et denses, à l’image des pensées qui se bousculent dans leur tête. Maud Lethielleux dépeint avec sensibilité ces turbulences intérieures, comme autant de paysages changeants, au fil du grand voyage qui mène de l’enfance à l’âge adulte.
Par Sophie Patois et Bernard Magnier
Sans nouvelles de son mari, Daniel Leroy, journaliste qui a été arrêté par les sbires du dictateur haïtien Duvalier, une femme s’approche du pouvoir pour obtenir des informations. Elle accepte de succomber aux « charmes » du secrétaire d’État à la sécurité… Qui sera maître/maîtresse de l’autre ? Kettly Mars livre les doutes et les souffrances, les déchirements et les faiblesses d’une femme qui doit faire face aux mots et aux silences des autres, enfants, parents, amis, voisins… Au-delà des fractures de l’intime, Kettly Mars met à nu les coulisses et les ombres du régime dictatorial, sa terreur, ses fureurs et ses lâchetés mais aussi les suspicions, jalousies et compromissions qu’il suscite. B. M. Kettly Mars, Saisons sauvages, Mercure de France
Le féminin révélé ?
Une énigme poétique
Plus qu’un voyage en Italie, prétexte pour révéler une ultrasensibilité féminine, Infrarouge capte l’attention du lecteur en focalisant le récit sur une double voix intérieure. Rena Greenblatt, artiste et reporter-photographe voyage en Toscane avec son père et sa belle-mère. Cette semaine de vacances, loin d’être reposante, ressemble plus à une traversée du miroir. Grave et légère, à l’instar d’un Philippe Roth au féminin, Nancy Huston accorde à son personnage une grande liberté et authenticité dans sa façon d’aborder la sexualité et les hommes. Quand elle ne raconte pas avec distance et humour les déroutes du touriste, Rena s’adresse à son « double », Subra (anagramme d’Arbus, en référence à la photographe Diane Arbus) et lui confie tous ses souvenirs et fantasmes. Cela donne une fiction à la fois plaisante et puissante. Autrement dit, féminine ? S. P.
Un mystère qui n’en est pas un, des embruns venus de la mer qui abritent une énigme : dans Le Crime du beau temps, Michel Chaillou joue à l’évidence avec les incertitudes. Incertitude du temps météorologique dans ce petit port breton où s’ancre cette histoire, incertitude des temps avec une narratrice, prénommée Clémence, qui habite tantôt ses « 9-10 ans », tantôt ses 30 ans, à la recherche du temps passé. L’intrigue qui fait filer le récit, la découverte d’un pêcheur mort retrouvé habillé en smoking un congre attaché au bout de sa ligne, importe peu finalement. Car ce qui retient le lecteur de bout en bout, c’est bien le style singulier de cet auteur (Prix de littérature de l’Académie française en 2007 pour l’ensemble de son œuvre) : précis, précieux, en un mot poétique. S. P.
Nancy Huston, Infrarouge, Actes Sud
Michel Chaillou, Le Crime du beau temps, Gallimard
Le français dans le monde // n° 371 // septembre-octobre 2010
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Poches francophones
Heures noires, cœur pur… Dans l’Allemagne des années 1930, il ne fait pas bon être métis, fils d’une mère allemande et d’un tirailleur soudanais venu occuper le pays après l’armistice de 1918… Ulrich, alias Galiado, échappe pourtant miraculeusement au délire nazi qui emporte la nation où il a vu le jour. Grâce au cinéma et un tournage qui l’entraîne sur le continent de ses ancêtres, le jeune Ulrich, enrôlé dans une super production de Babelsberg où il incarne un « sauvage », retrouve ses racines, la liberté et garde la vie sauve… Utilisant habilement cette toile de fond historique, sans jamais tomber dans le mélodrame ou la mièvrerie, l’auteur peint la folie raciste qui désigne et condamne ce qu’elle juge faible. Et engage ainsi le récit sur la voie d’un éveil humaniste, en passant des rives des fleuves Sénégal et Niger aux villes en ruines du Reich vaincu. S. P. Didier Daeninckx, Galadio, Gallimard
Par Bernard Magnier
Tahar Ben Jelloun écrit une lettre à Eugène Delacroix. Par-delà les distances, l’écrivain marocain offre une relecture de l’œuvre du peintre français, avec les lumières du Maroc en partage. Tahar Ben Jelloun, Lettre à Delacroix, Folio
Fin 1959, Fort-de-France : une révolte. Pour le Martiniquais Raphaël Confiant, un roman : les leçons d’un passé très présent dans la polyphonie des voix du peuple et de sa langue mâtinée créole. Raphaël Confiant, L’Allée des soupirs, Folio
Assia Djebar, la romancière algérienne née en 1936, aujourd’hui à l’Académie française, revient sur son enfance et son adolescence à Alger, à la confluence de plusieurs mondes. Premières révoltes, premiers émois, premières amours… Des temps et des lieux où l’adolescente a parfois bien du mal à trouver sa place. Assia Djebar, Nulle part dans la maison de mon père, Babel
Le français dans le monde // n°371 // septembre-octobre 2010
Deuxième roman de l’écrivain congolais Sony Labou Tansi (1947-1995), L’Antépeuple conte la dérive d’un directeur de collège exposé aux « risques du métier » et aux séductions et mensonges de l’une de ses élèves. Une intrigue mélodramatique dans les soubresauts d’une langue enfiévrée. Sony Labou Tansi, L’Anté-peuple, Points Seuil
POCHES
Anne-Marie Garat, Pense à demain, Actes Sud
Abdellatif Laâbi, Le Fond de la jarre, Folio
POCHES POCHES
Avec Pense à demain, Anne-Marie Garat achève en apothéose dans le jardin du Luxembourg, là où elle a commencé, une trilogie romanesque qui balaie tout le XXe siècle à travers le destin et les méandres des chemins pris par la famille des Bertin-Galay. Fouillant avec style et talent dans la mémoire vive de ces années 1962, qui se dépêchent d’avaler les couleuvres de la Seconde Guerre mondiale et de l’épuration pour entrer de plain-pied dans la « société de consommation », l’écrivain distille, par le biais de la fiction, une réflexion sensible sur la façon dont l’Histoire pétrit nos histoires intimes. Le dernier volume de cette « saga » (commencée en 2006 avec Dans la main du diable et poursuivie en 2008 avec L’Enfant des ténèbres) fixe ainsi par le prisme d’intrigues multiples non seulement des images, mais aussi la puissance révélatrice de l’imaginaire. De quoi redécouvrir les joies d’une lecture au long cours et le souffle de l’épopée. De la vraie littérature… S. P.
POCHES POCHES
Généalogie romanesque à la française
Le poète marocain Abdellatif Laâbi part sur les traces de son enfance au cœur de la ville de Fès. Sur les traces de Namouss, double de l’écrivain, tout à la fois son « ancêtre » – celui qu’il fut – et son « enfant » – celui qu’il est en train de créer en rapportant son histoire.
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mémo // à LIRE bande dessinée
Par Sébastien Langevin
L’enfant terrible d’Abidjan Une fillette rentre chez elle et lance sans préambule : « Maman, papa, pourquoi, moi, j’ai pas de petite sœur ? » Quelques jours plus tard, le père revient avec un petit singe… En sept courtes histoires comme celle-ci, Akissi prend vie dans les rues d’Abidjan, où a grandi la scénariste Marguerite Abouet. Une course-poursuite avec un chat, un match de foot improvisé avec les garçons, de forts maux de ventre : chaque évènement de la vie quotidienne est prétexte à un gag savoureux où la petite Ivoirienne fait sans cesse preuve de dé-
essais
brouillardise et d’espièglerie. Destinée aux plus jeunes lecteurs, cette bande dessinée est extrêmement simple d’accès grâce au graphisme tout en couleurs vives et en mouvements de Mathieu Sapin. Côté dialogue, on retrouve la verve du français d’Afrique, expliquée à la fin de l’album dans un lexique imagé. À ne pas manquer non plus dans les pages « bonus », la recette des crottes de bique au coco, ou comment s’initier à la cuisine ivoirienne grâce à la BD. Marguerite Abouet et Mathieu Sapin,Akissi, attaque de chats, Gallimard Jeunesse
Par Philippe Hoibian Un sociologue et deux historiens ont souhaité participer au débat sur l’identité nationale. Ils rappellent comment la décolonisation, la fin de la France paysanne, l’immigration, les bouleversements du monde du travail, le chômage de masse, la mondialisation, la place nouvelle prise par l’islam, la crise de l’aventure européenne ont secoué « le récit collectif ». La France semble traverser des difficultés pour « faire nation » ensemble et réinventer un destin commun. Pourquoi cette longue histoire de l’immigration, celle de millions de personnes venues trouver travail ou asile, apporter leur bras ou verser leur sang pour la France, est-elle souvent celle du rejet de « l’étrange étranger » ?
DIALOGUE SUR NOS ORIGINES
Jean Viard, Fragments d’identité française, L’Aube
FÉMININS PLURIELS Le « naître et devenir » femme ou homme a pris des formes variées selon les époques et les pays. Aujourd’hui, toute une mosaïque de modèles s’entrechoquent et se superposent : ceux de la femme ordinaire et de la bombe sexuelle, de la femme fatale et de l’androgyne, du mannequin et de la mère de famille, de la victime et de la sportive… Dans cet ouvrage illustré de nombreuses photos, alternent des textes (présentant la situation actuelle de la femme), des portraits (Catherine Ringer, Josiane Balasko…) et des entretiens avec 16 personnalités (Clémentine Autain, Noëlle Châtelet…). Une émancipation inachevée, parfois en régression, même si elle a permis aux deux genres d’explorer leurs potentialités. Florence Rochefort (entretiens réalisés par Alexie Lorca), Femmes du XXIe siècle, Aubanel
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IMPOSSIBLE N’EST PAS FRANÇAIS Les Français agacent autant qu’ils séduisent. On leur reproche régulièrement de ne pas s’intéresser au reste du monde, d’être arrogants, de passer trop rapidement de l’exaltation au défaitisme… On leur envie aussi leur goût pour les plaisirs de la table et de la conversation, pour le libertinage et la culture. L’auteur, écrivain québécois et correspondant de presse à Paris, illustre bien leur ambivalence (par rapport à l’autorité, à la loi, aux privilèges, aux États-Unis…) et souligne la permanence de certaines pesanteurs (esprit de clocher, immobilisme, centralisme…). Les Français seraient des gens « impossibles » et donc irremplaçables ! Louis-Bernard Robitaille, Ces Impossibles Français, Denoël
RACE, BLANCHITÉ, MINORITÉS VISIBLES Pour les individus en provenance de pays extérieurs à l’Union européenne, les frontières se sont renforcées, qu’elles soient extérieures (au territoire national ou supranational européen) ou intérieures (les limites entre les catégories sociales « racialisées » héritées d’une double histoire de la colonisation et de l’immigration). Ces travailleurs, étudiants, demandeurs d’asile ou conjoints d’étrangers sont « indésirables ». Résultat d’enquêtes et d’analyses menées pendant quatre ans par une équipe de chercheurs en sciences humaines, l’ouvrage constate que, même si elle n’est pas scientifiquement valide, l’idée de « race » fait partie du langage commun et a des conséquences sociales qu’il faut prendre en compte. La « blanchité », malgré son omniprésence, est rendue invisible puisqu’elle apparaît comme un signe de normalité. Les Nouvelles Frontières de la société française aborde ensuite les politiques et les pratiques en matière de contrôle de l’immigration et de lutte contre les discriminations (l’étranger pouvant être perçu comme un problème, un risque ou une menace), puis la mobilisation contre ces politiques contestées : notamment celle de collectifs, impliqués dans un établissement scolaire, un quartier ou une ville, qui, pour éviter les dérives de l’assistanat et de l’infantilisation, doivent apprendre à passer du « faire pour » au « faire avec » les étrangers en difficulté. L’ouvrage se termine par une étude du vécu, du quotidien des immigrés. La sous-représentation des « minorités visibles » est désormais perçue comme un signe de dysfonctionnement démocratique. Didier Fassin (ss. dir.), Les Nouvelles Frontières de la société française, La Découverte
Le français dans le monde // n° 371 // septembre-octobre 2010
POCHES
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Par Claude Olivieri
Des identités à la carte Le débat sur l’identité nationale a suscité d’amples polémiques en France. Sur quelle vision de l’histoire doit-elle reposer ? En historien et en anthropologue, Marcel Detienne analyse quelques manières de représenter ce qui nous différencie des autres. Autant de fictions du passé ou du présent, du citoyen athénien au pur Celte de Padanie, en Italie, à l’Américain natif sur un continent ouvert à l’immigration, sans oublier le « Français de souche ». Marcel Detienne, L’Identité nationale, un mystère, Folio histoire
Pour Jean-Loup Amselle, l’assimilation, principe de base de la République française, conduit à la séparation entre communautés minoritaires et ethnie française majoritaire. C’est dans ce contexte qu’il convient de replacer le phénomène de durcissement des identités et l’essor des fondamentalismes actuels. L’auteur montre que le traitement des communautés sur le territoire national emprunte aujourd’hui beaucoup à des précédents coloniaux. Jean-Loup Amselle, Vers un multiculturalisme français, GF Flammarion
Polar
Suzanne Citron décortique le schéma du « roman national » de la IIIe République à travers les anciens manuels scolaires. Ce récit linéaire d’une France pré-incarnée dans la Gaule légitime occulte victimes et vaincus, les pouvoirs et les conquêtes qui ont non seulement créé la France, mais encore « la plus grande France » (l’empire colonial). Cette nouvelle édition revisite le passé pour donner sens à une France aux multiples racines. Suzanne Citron, Le Mythe national. L’histoire de France revisitée, L’Atelier en poche
Avec 300 articles allant d’« acculturation » à « zoo », en passant par « Mai 68 » ou « Belle Époque », ce dictionnaire exprime la diversité des approches d’un champ historique qui a connu des avancées décisives. Objets de culture, pratiques, sensibilités et valeurs, croyances et imaginaires, normes et univers symboliques, tout ce qui éclaire les comportements collectifs de la société française est ici rassemblé. Christian Delporte, Jean-Yves Mollier, Jean-François Sirinelli, Dictionnaire d’histoire culturelle de la France contemporaine, PUF
Arrêtée par erreur avec des clandestins, la narratrice se fait passer pour une immigrée roumaine et devient malgré elle victime de la machine bureaucratique. La voilà ramenée à son propre statut : fille de Juifs d’Afrique du Nord, née en France, elle s’est toujours sentie en situation irrégulière. Un récit percutant sur l’autre et la quête d’identité.
fantastique
Par Nathalie Ruas
La survie mode d’emploi Qu’ont en commun les protagonistes de La Maison qui glissait ? Ils habitent la même tour qui bascule lentement dans l’horreur et l’inattendu. Brouillard hostile, disparitions inexpliquées… l’étau se resserre, isole l’immeuble et ses habitants. Chacun avec son histoire et ses obsessions réagit aux menaces. Avec cette fin du monde qui n’en finit pas, Jean-Pierre Andrevon passe au microscope les réactions d’individus venus d’horizons variés. Une fresque sociale vertigineuse. Jean-Pierre Andrevon, La Maison qui glissait, Le Bélial
Le Tibbar occidental en douze instantanés Des nouvelles du Tibbar, second recueil de Thimothée Rey, renferme de nombreuses indications pratiques sur cette étonnante contrée, témoignages et documents officiels à l’appui. Ces douze variations empruntent tour à tour au western, au conte philosophique, voire au livre de recettes. Tout dans cet ouvrage soigné, y compris la mise en page et la typographie, se plie à la fantaisie de l’auteur. Un trublion littéraire dont on attend avec impatience d’autres nouvelles. Thimothée Rey, Des nouvelles du Tibbar, Les Moutons électriques
Karine Tuil, Douce France, Le Livre de Poche
Par Nathalie Ruas
ENTÊTANT PARFUM D’ÉTRANGETÉ
MENÉ EN BATEAU
Depuis son emménagement, la vie d’Ariane, major de sa promotion de médecine, prend un tournant étrange. Elle se réveille aux urgences avec le souvenir de s’être blessée, alors que ses amis prétendent qu’elle a tenté de se suicider. La rencontre avec un homme mystérieux squattant le sous-sol de son immeuble n’est pas pour la rassurer. Le troisième thriller psychologique de Laura Sadowski précipite son lecteur comme son héroïne dans la peur elle-même, viscérale et sidérante.
Oxymor Baulay, journaliste, se met dans la peau d’un SDF quinze jours durant. Il sympathise avec Vaïda, qui lui échange contre des cigarettes un manuscrit trouvé dans une valise. Vaïda est assassiné. Le texte confié à un ami éditeur d’Oxymor devient un bestseller. Et une pièce à conviction puisqu’il contient les confessions d’un tueur en série… Avec ce polar minutieusement ficelé, Gilles Schlesser rend un hommage enlevé à l’Oulipo et Rimbaud.
Laura Sadowski, La Peur elle-même, Odile Jacob Thriller
Gilles Schlesser, Mortelles Voyelles, Parigramme
Le français dans le monde // n°371 // septembre-octobre 2010
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