2
Remerciement À mon directeur de mémoire monsieur Eddeb Laroussi et madame Belcadhi Ferdaws en tant que consultante de mon mémoire d’architecture, pour leur soutien pédagogique et l’apport de leurs connaissances lors de l’élaboration de ce document, À monsieur Dhifallah Mohamed pour sa disponibilité et pour son témoignage inédit, À la Fondation Temimi pour la recherche scientifique et l’information et plus précisément monsieur Abdeljelil Temimi pour avoir répondu à mes questions et pour le temps qu’il m’a imparti, À l’Association de Sauvegarde de la Médina de Tunis pour leurs aide et leurs conseils, À madame Meddeb Amel en personne pour les documents qu’elle a bien voulu me transmettre, À mes parents, à mes proches et à Sahar pour votre soutien absolument inconditionnel,
3
PÉRENNISER LA MÉMOIRE INCARNÉE Une fon da tion pour la r ec her c he his t or ique su r l a Tu n i s i e à S A B B AT E D H L E M
Sommaire REMERCIEMENT............................................................................................5 AVANT PROPOS.............................................................................................8 INTRODUCTION..............................................................................................9 PROBLEMATIQUE.........................................................................................10 METHODOLOGIE..........................................................................................11
CHAPITRE 1 : Lieu de mémoire Définition.................................................................................................15 Sens, signification et message....................................................................20 Nature et fonction........................................................................................24 Les attitudes envers ces lieux......................................................................29 Synthèse.......................................................................................................33
CHAPITRE 2 : Modes et moyens de transmission de la mémoire à travers l’art Introduction...................................................................................................35 Provocation: Éphémérité et précarité .........................................................35 Agitation émotionnelle............................................................................... 40 Hommage participatif...................................................................................47 Synthèse......................................................................................................49
CHAPITRE 3 : Expression de la mémoire en architecture Introduction...................................................................................................51 Provocation, brutalisme et matériau ...........................................................53 Agitation, lumière et ambiance.....................................................................58 Participation et usager ................................................................................63 Synthèse......................................................................................................66
CHAPITRE 4 : Immersion à Sabbat Edhlem Introduction...............................................................................................68 Sabbat Edhlem: Lieu de mémoire et ......................................................72 la mémoire du lieu 4
PÉRENNISER LA MÉMOIRE INCARNÉE Un e f ondat ion pour la r ec her c he h i s t o r i q u e s u r l a Tu n i s i e à S A B B AT E D H L E M
Etat des lieux................................................................................................84 Un fragment persistant ...............................................................................89 Synthèse.......................................................................................................92
CHAPITRE 5 : Genèse du projet Introduction...................................................................................................94 Expérimentation de la perte.........................................................................96 Amertume et apaisement.............................................................................98 Le présent lumière, espace des vainqueurs...............................................104 Un hommage lumineux..............................................................................110 Synthèse ...................................................................................................111
REFERENCES ET BIBLIOGRAPHIE....................................................112 WEBOGRAPHIE...................................................................................... .113 TABLE DES FIGURES................................................................................115
5
PÉRENNISER LA MÉMOIRE INCARNÉE Une fon da tion pour la r ec her c he his t or ique su r l a Tu n i s i e à S A B B AT E D H L E M
Avant - Propos Lors des cinq années d’étude qui m’ont été dispensées à l’Ecole Nationale d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis, j’ai eu l’occasion de suivre un grand nombre de professeurs différents, que ce soit dans le cadre de l’enseignement du projet ou d’autres matières telles que l’histoire, la théorie, la construction. Il va bien sûr de soi qu’au vu de l’histoire et de la sensibilité de tout chacun, un même sujet, s’il est abordé par plusieurs professeurs, pourra alors l’être sous différents angles, avec différents points de vue. Pour ma part, j’ai pu constater qu’il existe une crainte dans l’abordage des sujets qui traitent les ombres de la Tunisie dans notre école, les endroits dont le passé est un peu flou, les mystères non résolus datant de dizaines d’années. De mon côté, j’ai une attitude de disponibilité et d’intérêt à l’égard de ces sujets. Je préfère m’éloigner des chemins balisés.
6
PÉRENNISER LA MÉMOIRE INCARNÉE Un e f ondat ion pour la r ec her c he h i s t o r i q u e s u r l a Tu n i s i e à S A B B AT E D H L E M
Introduction La ville se structure entre les espaces privés et publics, elle s’alimente de rues plus ou moins étroites, elle nous rassemble sur des différents espaces comme des places ou des parcs, mais elle abrite aussi des espaces moins glorieux, des espaces qui nous apparaissent comme interdits, impénétrables ou inconnaissables. Pourtant, ces lieux représentent un espace d’opportunité, de liberté et parfois même de résistance et de solidité. Nos villes cachent des trous noirs, des endroits méconnus, qui donnent des frissons, au point que beaucoup de photographes amateurs à travers le monde sont allés immortaliser ces lieux oubliés, ces lieux traînants. Ces espaces ne doivent plus être vécus comme un lieu en marge de la société, mais au contraire. Ces lieux incertains, négligés et presque effrayants, ces espaces en dérive se forment suite à la perte des fonctions originelles du lieu ou au désintérêt de son entretien. Quelques bâtisses négligées restent difficiles à les comprendre, gardant une empreinte, un esprit et parfois une mémoire. Les lieux de mémoire me paraissaient trancher par leur existence même et leur poids d’évidence. Ces lieux, il fallait les entendre à tous les sens du mot, du plus matériel et concret.
7
PÉRENNISER LA MÉMOIRE INCARNÉE Une fon da tion pour la r ec her c he his t or ique su r l a Tu n i s i e à S A B B AT E D H L E M
Problématique La mémoire, est considérée comme une représentation mentale, un lieu abstrait et indéfini où viennent s’inscrire en chacun de nous des faits passés. À travers les âges, l’homme a rendu la mémoire d’un objet immatériel à un objet physique “Un lieu de mémoire” afin de la partager. La mémoire persiste encore à travers ces lieux de mémoire. Elle trouble le passant, en lui chuchotant son histoire et l’invite à s’asseoir. Elle s’étale sur l’espace public, s’insérant entre les rues et les impases. Elle est conçue et représentée sous des différentes formes. Cette mémoire est matérialisée dans les bâtiments de la ville. Cepenadant, elle est entrain de s’échapper à l’oubli. Des bâtisses délaissées, des bâtiments portants une dimension historique, un passé lourd, dont les souvenirs s’effacent peu à peu de notre tête. Pour nous approfondir sur ce problème, nous allons se focaliser sur une bâtisse qui incarne une mémoire émotionnelle, collective, ainsi qu’une expérience douloureuse, plus précisément Sabbat Edhlem. Il s’agit d’un fragment persistant et subsistant, un endroit riche d’histoire, de contes, de récits. Sabbat Edhlem a une signification claire, mais elle est en train de s’échapper à l’oubli. Ce lieu été le siège de la division de Douiret où la résistance Youssifite fut captive. Ce siège est inauguré en 1955 sous la supervision du Sheikh Hassan Ayedi. L’activité de la police nocturne ultrasecrète été centralisée dans ce vieux local. Sabbat Edhlem été un lieu de torture, de souffance et de mort. Alors, comment peut-on éterniser et conserver la mémoire du lieu ? - Quelles sont les moyens qui laissent l’homme immerger, submerger par les résurgences d’un passé ? Lieu de mémoire est observé porte parole de la société et fondateur d’une mémoire commune. Tant libre que soumis à l’importance de la portée de l’histoire, l’architecte est constructeur de l’avenir, mais aussi un conservateur du passé et un gardien de la mémoire collective. La mémoire s’adresse à tous par l’émotion que l’espace produit. Le travail de l’architecte est de traduire des sensations, des énergies, des images à donner forme à des forces et à des ressentis. Il y a alors les choses vues et les choses senties. Ces caractères immatériels influents en substance sur des espaces. Une greffe d’un nouveau programme qui se raccroche à des besoins existants, des nouvelles fonctions en fusion avec le cadre existant, une dynamique de mutation des outils, afin de lutter contre l’oubli.
8
PÉRENNISER LA MÉMOIRE INCARNÉE Un e f ondat ion pour la r ec her c he h i s t o r i q u e s u r l a Tu n i s i e à S A B B AT E D H L E M
Méthodologie Avant tout, Ce travail s’inscrit dans une recherche de pérennisation de la mémoire du lieu, en suivant un schéma allant de recherches théoriques pour aboutir à une conception, à une architecture, découlant des concepts étudiés. Trouver ainsi une sorte de ligne de conduite idéologique. Le principe de la démarche est de définir les concepts principaux pour avoir au final une boîte à outils conceptuelle, pour réussir une réponse contextualisée. D’abord, il me semble essentiel d’effectuer une recherche sur la mémoire et sur les lieux de mémoire. L’oeuvre de Pierre Nora m’a beaucoup aidé dans la compréhension du concept “Lieux de mémoire” qui s’étend de l’espace le plus concret à l’objet le plus abstrait, constituant notre culture, liée à l’énergie que nous développons pour ne pas oublier. Ce qui m’a permis de saisir les éléments fondamentaux qui définissent les lieux de mémoire. L’épreuve pour les architectes et les artistes est de savoir comment divulguer la mémoire des lieux, comment rendre durable la mémoire incarnée. Une analyse sur les modes de transmission de la mémoire à travers l’art et l’expression de la mémoire en architecture, m’a permis de comprendre les moyens physiques et métaphysique qui aident à pérenniser la mémoire du lieu. Inauguré le 11 novembre 2014, l’anneau de la mémoire de Notre Dame de Lorette, englobe un pouvoir du discours de la mémoire autour de la lecture de l’histoire et l’implication des différents acteurs dans le processus de conception. D’autres exemples ont cristallisaient les différentes interrogations que je me posais et m’ont amené à de nouvelles réflexions. Avant de s’immerger dans un fragment persistant qui est Sabbat Edhlem, un héritage éminemment riche de mémoire et d’images, dominant l’inconscience de l’homme. Une dernière partie propose une réponse adaptée au niveau de sa programmation aux besoins et essayant de révéler les éléments découverts lors de l’immersion à Sabbat Edhlem. Une réponse qui j’espère contribue à pérenniser la mémoire du lieu.
9
PÉRENNISER LA MÉMOIRE INCARNÉE Une fon da tion pour la r ec her c he his t or ique su r l a Tu n i s i e à S A B B AT E D H L E M
« La mémoire, c’est l’identité, c’est quasiment l’âme et les hommes espèrent que, s’ils emportent avec eux quelque chose de ce monde après leur mort, ce sera cela. » J ea n D u to u rd
10
C HAPITRE
L i e u d e m é m o i re
1 Définition Sens, signification et message Nature et fonction Les attitudes envers ces lieux Synthèse
11
Lieu de mémoire
« La mort commence par la mémoire, et la mort de la mémoire est le pire des décès, en sa possession tu vis ta mort tout en étant vivant et tu retrouves sans t’en
rendre compte à l’alphabétisme. »
Nejib Mahfoudh
Figure1: Générique, True detective
12
Lieu de mémoire
Figure2: Portrait d’un vieil homme
1. Définition 1. 1. La mémoire
La mémoire se matérialise par le support de la commémoration, lien étroit entre l’organisation des mémoires et la construction identitaire d’une société par le repérage dans le temps, telle qu’elle est définie par Maurice Halbwachs1. La mémoire, c’est l’avenir du passé. C’est un héritage éminemment riche d’évènements emblématiques, de souvenir, et d’images qui avec le temps stagnent dans notre inconscient dont nous ne controlons pas directement
1
HALBWACHS, M. (1950), la mémoire collective
13
Lieu de mémoire
1. 2. Mémoire consciente et mémoire inconsciente Au regard du processus d’utilisation de la mémoire, deux notions ce dégagent : celle de mémoire consciente et celle de mémoire inconsciente. La première est, en résumé, “la pure source d’imagination” 2, la référence d’un événement, des souvenirs qu’un individu possède ou qu’il sait qu’elle existe. De manière générale, la mémoire consciente est la mémoire dont on se souvient. Dont on peut espérer de l’obtenir et l’utiliser de manière directe et ciblée. Cependant, la mémoire n’est pas toujours accessible ou susceptible d’être utilisée librement et directement. En effet, l’inconscient conserve et traite une partie de nos souvenirs. Cette mémoire est configurée librement, elle n’est pas organisée et se réfère à “ des tissus déchirés” 3 c’est le cas des récits des manifestants lors d’une révolution où la hiérarchie des événements reste floue. Une appropriation indirecte de laquelle l’esprit tire pour imaginer de ce qu’on appelle la mémoire consciente active et de la mémoire des souvenirs, qui émerge involontairement d’un processus de sélection inconsciente, utilisée pour imaginer, qui est, la mémoire dont on ne peut se rappeler, que nous appellerons la mémoire inconsciente active.
Figure3: La consolidation des souvenirs
1. 3. Mémoire vécue et mémoire empruntée Elle est basée sur l’analyse chronologique de la saisie de la mémoire, deux types de mémoires permettent de former et d’enrichir la mémoire consciente. La première correspond aux faits et expériences de vie, à notre interaction avec la réalité, avec le monde qui nous entoure, dépendant de la réalité du lieu, non construite par des images et des artifices. Elle contient nos souvenirs d’expériences vécues, ainsi que des lieux parcourus. C’est notre expérience personnelle, notre histoire individuelle. Elle est caractérisée par la phrase «je me souviens». 2 3
AVELÃS, N. (2014), The Oroborus Serpent: The memory in architecture Ibid
14
Lieu de mémoire
La mémoire vécue est le résultat des souvenirs sensoriels, des expériences directes «de la réalité que nous connaissons, puisque nous en sommes témoins physiquement, de par notre présence, la mémoire enregistrée avec une intensité personnelle.»4 D’un autre côté, la réalité est pleine de représentation d’une existence en soi, où la présence authentique et physique d’un individu est impossible, forçant l’être à assimiler des souvenirs d’images – ou de souvenirs – formulés par quelqu’un d’autre, dans un processus lent et indirect. Ce sont les souvenirs fabriqués, empruntés. Ce type de mémoire est caractérisé par la phrase «je sais». On considère cette mémoire comme un assemblage de souvenirs transmis par d’autres souvenirs.
Figure4: Le fonctionnement de la mémoire
1. 4. Lieu de mémoire « Un lieu de mémoire dans tous les sens du mot va de l’objet le plus matériel et concret, éventuellement géographiquement situé, à l’objet le plus abstrait et intellectuellement construit. » 5 Donc un lieu de mémoire peut être par exemple un personnage important comme Joseph Staline, un monument comme les pyramides de Gizeh, des archives d’une nation où un symbole c’est le cas de la statue de la liberté.
Figure5: Lieu de mémoire 4 5
FARIA, E. L. (2007), A concepção em Arquitetura NORA, P. (1986), Les Lieux de mémoire, Gallimard (Bibliothèque illustrée des histoires), Paris .
15
Lieu de mémoire
Un objet, explique Pierre Nora, devient lieu de mémoire quand il échappe à l’oubli, par exemple avec l’apposition de plaques commémoratives, et quand une collectivité le réinvestit de son affect et de ses émotions. Au contraire de la généalogie, qui investit essentiellement l’histoire et la filiation de familles, en se limitant à l’histoire personnelle où à celle des personnes entre lesquelles existe un lien, d’où les lieux de mémoire se réfèrent à l’histoire collective6. « Les lieux de mémoire naissent et vivent du sentiment qu’il n’y a pas de mémoire spontanée, qu’il faut créer des archives, qu’il faut maintenir des anniversaires, organiser des célébrations, prononcer des éloges funèbes, notarier des actes, parce que ces opérations ne sont pas naturelles. »
7
Figure6: Photo d’un anniversaire
Figure7: Eloge funèbre
Figure8: Déclaration des droits de l’homme de 1789 6
7
Site web, Lieux de mémoire communs franco-québécois, www.cfqlmc.org NORA, P. (1992), Les Lieux de mémoire, Gallimard (Bibliothèque illustrée des histoires), Paris
16
Lieu de mĂŠmoire
Figure9: Collage personnel, Hiroshima 1 9 4 5
17
Lieu de mémoire
2. Sens , signification et message Le lieu de mémoire est porteur d’un message, implicite ou gravé, il révèle sa fonction et l’attitude que nous devons avoir sur ces lieux. Qu’il soit pour les générations meurtries par la catastrophe ou pour celles à venir, le message est différent selon son public. C’est une forme de reconnaisance de la nation face à la douleur du peuple, comme témoin qui lutte contre l’oubli ou encore comme espace de rassemblement. Alors le rapport entre l’homme et la peur de l’oubli qui pose le mémorial, le musée ou la place public comme solutions. A la sortie de la première guerre mondiale, c’est sous forme du monument aux morts qu’il apparait et étant le premier édifice commémoratif du drame . « L o rsq u e la d o u leur e s t t ro p g ra n d e , o ù q u e l’e n je u h is torique est trop important , la s o c ié t è ré p o n d à la d e s t ru c t io n et à l’a b sence par la co n s t ru c t io n e t la re p ré s e n t a t io n . »8
2. 1. L es Arbres du souvenir: une forêt comme lieu de mémoire pour les défunts Tout lieu de mémoire a sans doute un message à nous communiquer ou un sens qui peut cependant sembler énigmatique. Dans le cadre majestueux des lieux, la fondation Belge ‘Les Arbres du souvenir’ a mis à disposition des personnes endeuillées une forêt, un bois comme lieu de mémoire. D’autre part les familles peuvent se recueillir, se promener et trouver l’apaisement et la sérénité au contact de la nature.. « Elle permet notamment d’accueillir les cendres des défunts. On a vraiment envie d’inviter à vivre le deuil différemment, Ici , la nature a des effets bénéfiques sur l’être humain, c’est incontestable. En plus d’apaiser, cela peut aider la personne à se reconstruire . » 9 Si pour le philosophe Epicure ‘ La mort n’est rien pour nous, par conséquent il ne faut pas la craindre.‘ 10 Pour le philosophe Friedrich Hegel, elle ‘ est la chose la plus redoutable.‘ 11
Figure10: Codex Aegm i an , Fabi o Rom ano
8 9
BILLOT, L. (2015), Les mémoriaux et leurs pratiques, p.19 Site web de la Radio Télévision Belge Francophone, https://www.rtbf.be/info/regions/detail_les-arbres-du-
souvenir-une-foret-comme-lieu-de-memoire-pour-les-defunts?id=9124800 10
11
EPICURE, Lettre à ménécée HEGEL, F. (1807), La phénoménologie de l’esprit
18
F
Lieu de mĂŠmoire
Figure11: Lasne-Brabant
Wallonie, Belgique
19
Lieu de mémoire
2. 2. Transmission d’un message L’art juste pour faire beau est un peu vain, peu utile, d’autant que le beau est déjà un message. Donc l’Art et l’expression d’un message ne peuvent vraiment être détachées, de plus il n’y a rien de plus ennuyant qu’une œuvre sans profondeur. L’artiste Palestinien Taysir Batniji12, qui a développé une pratique multimédia incluant l’installation et la performance, a mené une réflexion sur des questions d’identité, d’existence, d’absence et de disparition. A travers ses traveaux, il provoque et évoque les récits, souvenirs et sentiments qui traduisent et composent le présent. « A chaque fois q u e je ra c o n t e u n e e x p é rie n c e d e v ie p a lestin ienne d a n s mon tra v a il, j’e s s a ie t o u jo u rs d e m’é lo ig n e r du path o s d e la tristess e , d e la s o u f f ra n c e e t d e la d o u le u r émotionnelle,
je n ’ai pa s re c o u rs à la c u lt u re d e s p le u rs .
J’essaie de sortir le suje t d u c a d re é mo t io n n e l e t mé d ia t iq u e auq u e l les gens so n t malh e u re u s e me n t h a b it u é s , p o u r le p o sitionner dans u n ca d re à d ime n s io n p lu s c o n c e p t u e lle , p a r le bia is de l’o rdin a ire .»13
Figure12: Hannoun, 1972-2009 Performance/Installation, photographie couleur (jet d’encre) sur papier affiche (150 x 100 cm), copeaux de crayons, dimensions variables .
Avant tout, Hannoun, un espace idéel, un espace de méditation, de rêve, une sphère de l’intime, légère, fragile et imposante à la fois, une terre impénétrable et inaccessible. Hannoun est une tentative d’œuvre dont on ne perçoit pas tant le produit fini que les traces de sa possible réalisation. Cette pièce s’inscrit dans la lignée de plusieurs travaux à caractère performatif réalisés et évoquant les notions de mémoire, d’effacement, de destruction et construction. Chacune de ces formes actées est la résultante d’un geste obsessionnel, répétitif, souvent inutile ou absurde. 12
13
Taysir Batniji, artiste né à Gaza en 1966, vit en France depuis 1994. Site web, Taysir Batniji, http://www.institut-icfp.org/page.php?id=1db8y7608Y1db8
20
Lieu de mémoire
2. 3. E ntre les lignes Quand la volonté d’un gouvernement, d’assurer un symbole national qui honore et commémore les victimes d’une tragédie, dans le but de transmettre un message, afin de réaliser le souhait et le désir d’une communauté. C’est le cas du National Holocaust Monument de Ottawa. « Ce monument crée non seulement un espace public très important pour le souvenir de ceux qui ont été assassinés dans l’Holcauste, mais il sert également de rappel constant que le monde d’aujourd’hui est menacé par l’antisémitisme, le racisme et la bigoterie.»14 Les paysages photographiques monochromes à grande échelle d’Edward Burtynsky sont peints avec des détails précis sur les murs de béton de chacun des espaces. Ces peintures murales évocatrices visent à transporter le visiteur et à créer une autre dimensionnalité aux espaces intérieurs des murs inclinés et des couloirs en forme de labyrinthe.
Figure13:National Holocaust Monument, Photographe, Doublespace
A Travers nos propres expériences spatiales et la connaissance de comptes rendu d’autres expériences, l’importance de l’expérience passée des lieux dans le processus créatif devient claire.15 A travers l’expérience, nous construisons du sens, des valeurs et des souvenirs, tout en remplissant notre banque d’images et notre bagage culturel. Les expériences personnelles contribuent à la formation du concepteur, établissant pour celui-ci un système de valeurs et lui permettant de concevoir la signification d’un lieu. 14 15
Deezen, magazine numérique, https://www.archdaily.com/881316/national-holocaust-monument-studio-libeskind SOLOVYOVA, I. (2003), Conjecture and Emotion
21
Lieu de mémoire
3. Nature et fonction Dans l’acte de bâtir, la forme correspond à l’expression physique, elle définit non seulement le contenu d’une chose mais en premier lieu son essence et son identité. « Il est tout aussi impossible d’exprimer un sentiment sans l’intermédiaire d’une forme .»16
3. 1. Place Publique comme lieu de mémoire 3. 1. 1.
La Place Rouge : Le Coeur de Moscou
La Place Rouge est un lieu physique, un symbole Elle
et
un espace public.
est un espace possédant ses caractéristiques propres, mais son histoire
et son rôle ne sont pas étrangers au centre-ville qui l’abrite. C’est aussi en ce sens que l’on peut considérer la mémoire comme partie constituante de la place ainsi de la ville. La place Rouge est incontestablement la place principale de la Russie. Son nom vient de l’ancienne signification du mot « krasny » (rouge) en Russe, qui signifiait « beau ». La place Rouge a été le témoin de siècles d’événements historiques, en tant que place principale du pays. Lobnoïe Mesto est d’abord mentionné dans les chroniques comme l’endroit d’où Ivan annonça la victoire contre le Khanat de Kazan.17 Une légende raconte que c’est le lieu où se déroulaient les exécutions publiques. C’était plus probablement le lieu des discours officiels à l’époque soviétique, c’est la tribune du Mausolée qui occupait cette fonction. Mais en 1698, la place a été le témoin d’une exécution de masse.
Figure14: La Place Rouge, Photographe, Vassili Egorov 16
JUDD, D. (1991), Préface, p.7
17
Russian Beyond, magazine numérique, https://fr.rbth.com/tourisme/2017/06/11/six-choses-a-
voir-sur-la-place-rouge_780645
22
Lieu de mémoire
3. 1. 2. La Place Kim ll Sung : hommage à l’ancien dirigent Kim Jong-Il et à son père Kim Il-Sung
Le culte de la personnalité en Corée du Nord existe depuis des décennies, bien qu’il ne soit pas reconnu officiellement par le gouvernement. Ce culte de la personnalité apparaît peu après la prise de pouvoir de Kim Il sung en 1948 et est grandement étendu après sa mort en 1994. La Place Kim Il Sung, inaugurée en 1954, est la plus importante de la Corée du Nord, Elle est souvent montrée par les media autour du monde. Connue pour être un lieu de rassemblement de masse, des manifestations aussi bien que des défilés militaires. « En dépit du froid glacial de ce matin de décembre, notre cœur se réchauffe pour lui et notre fidélité se renforce, nous nous languissons du général, notre père gracieux [...],Mais en la personne du maréchal, nous voyons le général vivre une vie éternelle. »18 a déclaré un commentateur de la télévision publique coréenne.
Figur e15: Célébrations sur la place Kim Il-sung à Pyongyang, le vendredi 1er décembre 2017 18 L’Obs, magazine numérique, https://www.nouvelobs.com/monde/20141217.AFP3536/coree-du-nord-unefoule-immense-honore-la-memoire-de-kim-jong-il.html
23
Lieu de mémoire
Figure16: La ville de Tchernobyl en 2016
3. 2. La ville, lieu de mémoire
Retour à Tchernobyl : trente ans après la catastrophe
Depuis 30 ans, une zone d’exclusion de près de 3 000 km² isole la centrale nucléaire du reste du monde. De vastes territoires restent massivement contaminés autour du réacteur sinistré, dont le démantèlement demandera des décennies, peut-être des siècles. Des paysans ont pourtant choisi de retourner à vivre dans la zone interdite. « A perte de vue, la forêt. Dense, épaisse, impénétrable. De part et d’autre du ruban de bitume creusé d’ornières, les pins, droits comme des gibets [...], Entre les ramures apparaissent çà et là, mangées par la broussaille, les ronces et les herbes folles, des maisons basses abandonnées, murs de briques éventrés, toits de tuiles défoncés, fenêtres béantes telles des orbites vides. Bienvenue dans la zone d’exclusion de Tchernobyl [...], Vivez l’expérience ultime qui sera gravée dans votre mémoire pour toujours, visitez les endroits qui vous donnent la chair de poule, tombez amoureux de Tchernobyl. »19 19
Le Monde, magazine numérique, http://www.lemonde.fr/planete/visuel/2016/04/21/retour-a-tcher-
nobyl_4906388_3244.html
24
Lieu de mémoire
3. 3. Musée comme lieu de mémoire
Le musée juif de Berlin : un lieu de mémoire incontournable
Le projet de Daniel Libeskind affiche une grande force conceptuelle à différents niveaux de lecture. Non seulement le bâtiment aborde le thème de l’Histoire et de la Mémoire par son programme, mais Libeskind les incorporent dans son architecture. Pour le concepteur, le musée constitue le 3ème acte de l’opéra inachevé Moïse et Aaron d’Arnold Schoenberg, un acte de silence. L’autre source d’inspiration directe est Sens unique de Walter Benjamin. Benjamin développe à travers son œuvre et ses portraits de ville la notion de savoir-habiter. Il est question de méthode inductive où par exemple, on ne peut mieux connaître une ville qu’en s’y perdant ou en côtoyant les habitants. Between the lines peut devenir flotter entre les lignes. « Le musée juif est conçu comme un emblème dans lequel l’invisible et le visible sont des éléments structurels qui ont été assemblés dans cet espace de Berlin et révélés dans une architecture où l’innommable rappelle le nom de ceux qui ont disparu. »20
Figure17: Au couloir le plus profond du musée
3. 4. Mémorial comme lieu de mémoire
Mémorial dédié à la catastrophe AZF de Toulouse
. L’architecture du mémorial est définie de façon générale comme lieu de commémoration , conservateur de la mémoire. A la différence des autres espèces, l’homme a complètement conscience de la vie et de la mort que son existence a un début et une fin. Hors de sa fonction de commémoration, de rassemblement, d’espace, de morceaux de ville, le mémorial s’apparente à une oeuvre d’art. Il porte en lui une valeur esthétique importante, ainsi qu’une capacité à créer des émotions, par la représentation du drame mais aussi par son travail spatial. Certains d’entre eux, comme le mémorial d’AZF sont réalisés par des artistes. 20
LIBESKIND, D. (1999), Jewish Museum Berlin
25
Lieu de mémoire
« Une fois admis que les monuments sont nécessairement les médiateurs de la mémoire , même quand ils cherchent à la créer , on en vint à la considérer comme substituts de la mémoire qu’ils étaient censés matérialiser . Pire encore , en insistant sur le fait que la mémoire du monument était fixe que la position de celui ci dans le paysage , on donnait l’impression qu’il échappait à la mutabilité essentielle de tout artefact. »21
Figure18: Vue dans le site
Figure19: Portion d’un plan de structure
La nostalgie est un état de langueur et de manque d’une chose, d’un lieu, d’un moment. En architecture, elle se manifeste par l’utilisation de codes du passé – qu’ils soient issus de la mémoire vécue ou de la mémoire empruntée – dans la constitution de nouveaux bâtiments.
21
YOUNG, J. (1993), Écrire le monument : site, mémoire, critique
26
Lieu de mémoire
4. Les Attitudes envers ces lieux 4. 1. Le Déni et La Colère Selon Elisabeth Ross la phrase du déni permet de gérer inconsciemment ses émotions lors d’un choc brutal : « Le déni et le choc nous aident à faire face à l’existence , à apprivoiser nos sentiments et notre douleur . Le déni est un don de la nature , dans la mesure ou il met à distance les sentiments que nous sommes incapables d’affronter.»22 La colère est l’émotion qui vient généralement après la phase du déni . La colère est le reflet de la totale impuissance face à un évenement. Cette colère peut être en direction de sa personne , redirigée vers une personne extérieure ou vers des causes non définies tel que le hasard , le mauvais sort ou encore Dieu. Egalement après la chute de Ben Ali en Tunisie, les demeures des Trabelsi ont été pillées par les Tunisiens en colère. Là, on se souvient pourquoi il y a eu la révolution. « La colère est une bouée à laquelle s’agripper, elle structure temporairement le néant de la perte .»23
Figure20: Les ruines d’une dictature
4. 2. Le Pardon L’objet se doit de cicatriser une blessure, d’apaiser la population. L’espace traduit publiquement la reconnaissance d’une faute, et la demande de rémission de celle-ci par la construction d’un monument. Le pardon induit la responsabilité de personnes ou groupe de personnes ou encore de façon générale d’états. Il symbolise un écart, il traduit un mauvais choix, il traduit tout simplement une erreur humaine.
Figure21: Photo d’une femme en deuil sur le mémorial Ground Zero 22 23
ROSS, E. (2009), Sur le chagrin et le deuil, p.29 ROSS, E. (2009), Sur le chagrin et le deuil, p.36
27
Lieu de mémoire
4 . 3 . L’ a c c e p ta tio n L’acceptation est un lent processus au cours duquel nous reprenons contact avec la réalité et non pas une phase finale conclue par un point final. Nous pouvons assimiler le processus d’accomplissement du travail dans la façon dont nous désinvestissons petit à petit notre énergie de la perte pour la réinvestir dans la vie. Eventuellement, l’ancienne maison du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, parti unique au pouvoir avant 2011), fermé depuis 6 ans, transformée en bâtiment public (Tour de la nation) abritant notamment, les nouveaux locaux du ministère des domaines de l’Etat et des affaires foncières.
Figure22: « Tour de la Nation » nouveau nom de la maison du RCD
4 . 4 . L e So u ve n ir Un lieu de mémoire devient la représentation d’un passé dont nous avons figé le temps. L’espace s’impose comme trace permanente afin de lutter contre l’oubli. « Nourrissant l’illusion que nos édifices édifices commémoratifs seront toujours là pour marquer le souvenir, nous en prenons congé pour n’y revenir que lorsque cela nous convient. Nous sommes d’autant plus portés à l’oubli que nous encourageons les monuments à faire notre travail du souvenir .»24
4 . 5 . L e Re c u eille me n t Ce processus étant propre à chaque personne, il n’existe donc pas une façon unique de se recueillir. Le recueillement est une marque de respect pour celui auquel il est destiné, s’agissant de l’humain.25 Nous devons préciser que l’action de se recueillir n’implique pas forcément la présence physique de l’objet de notre recueillement. Comme la méditation, le recueillement permet au sujet de se replier sur la vie intérieure. Le recueillement est donc un processus mental qui demande une concentration à un objet de pensée.
Figure23: Rothko (Mark), La Chapelle Rothko, Houston, Etats-Unis, 1969 24
YOUNG, J. (1993), Écrire le monument : site, mémoire et critique, p.735
25
BLAIZEAU, M. (2016), Construire l’ineffable : une architecture spirituelle pour un lieu de recueille-
ment .
28
Lieu de mémoire
Attentat de Nice, les gens pleurent les décès
29
Lieu de mémoire
4 . 6 . L e To u risme d e la mé moire L’ expression Tourisme de mémoire, apparue dans les années 2000, peut surprendre, car la juxtaposition des deux termes parait quelque peu contradictoire : le tourisme se rattache plutot au loisir, au voyage. Tandis que la mémoire évoque le souvenir, le recueillement . « Complémentaire de l’offre touristique traditionnelle, le tourisme de mémoire joue un rôle important dans le développement des sociétés et des territoires. Il permet au public de mieux comprendre le passé tout en participant à son enrichissement civique et culturel; il contribue également à la vitalité économique et culturelle des territoires.»26
Figure24: Place du village depuis le massacre d’Oradour sur Glane
A la recherche du sensationnel et du tourisme expérientiel, il apparait un réel engouement pour les lieux de mémoire avec une augmentation des visites sur des sites les plus chargés émotionnellement et au passé les plus difficiles, tel qu’Auschwitz Birkenou à Voïvodie - Pologne .
Figure25: Camp d’extermination d’Auschwitz Birkenau
« Je lis votre reportage et je me dis qu’honorer les morts, respecter ces lieux, c’est aujourd’hui ne plus s’y rendre. Je suis donc sceptique sur la valeur pédagogique des voyages à Auschwitz pour les jeunes générations. [...] A Auschwitz, la mémoire étouffée par le tourisme de masse. »27 C’est combien les attitudes choquantes des visiteurs se multiplient. L’ancien camp n’est plus un témoin de l’horreur, une preuve de l’existence de l’extermination c’est aussi un passage obligé de la pologne. Pour conclure, la spatialisation du drame révèle une société en grande relation avec son douleureux passé. Elle éprouve le besoin de se rassembler, de recueillir, d’exprimer et de partager sa perte sur l’espace public.Ce phénomène est international puisque les causes le sont aussi. 26
Site web, Mémoire et Patrimoine, https://www.defense.gouv.fr/memoire/memoire/tourisme-de-memoire-et-
memoire-partagee/tourisme-de-memoire 27
REMY, V. (2011), Respecter Auschwitz c’est ne plus s’y rendre
30
Lieu de mémoire
5.
Synthèse Notre âme est une demeure, et en nous souvenant des lieux, nous apprenons à demeurer en nous-mêmes dit Gaston Bachelard
28
. Pour s’ancrer dans la mémoire, le souve-
nir doit être fixé dans un lieu. Il doit faire surgir un décor. Et dans notre mémoire chaque lieu, ville,
29
également une
une place publique, un musée ou mémorial est plus
qu’un espace. Certains de ces lieux sont plus présents que
d’autres, à la fois dans la mémoire mais également
dans un processus de conception. Ils sont plus présents, par leur apport émotionnel, mais également pour plusieurs autres raisons. Par leur apport nostalgique et identitaire, par leur apport dans la compréhension de l’espace, et par leur apport de souvenirs créant des références ultimes. Les émotions sont également primordiales dans la construction du sens. L’expérience momentanée et le souvenir d’expériences passées sont essentiels dans la construction d’une significtion en général. Nous comprenons de mieux en mieux les espaces par leur expérience directe tel est le cas par exemple de la place rouge ou le musée juif de Berlin, la connotation émotionnelle de cette expérience nous permettant de mieux comprendre les lieux. Le sens et la compréhension du «lieu» sont par ailleurs cruciaux dans le processus de création architectural. A travers la mémoire subsiste un sentiment de présence et d’absence, de déni et colère, d’acceptation ou de recueillement car elle est le lien entre ce qui est réel ou imaginé, entre l’expérience et l’image qui en résulte. Dans le prochain chapitre, je vais tenter de trouver des pistes de réflexion pour dégager les modes et les moyens de transmission de la mémoire qui sert à la construction du sens et d’une signification.
28 29
BACHELARD, G. (1992), La poétique de l’espace MUXEL, A. (2000), Individu et mémoire familiale
31
C HAPITRE
M odes e t m o y e n s de transmission de l a m é m o i r e à tr aver s l ’ a r t
2 Introduction Provocation: Éphémérité et précarité Agitation émotionnelle Hommage participatif Synthèse
32
Modes et moyens de transmission de la mémoire à travers l’art
1. Introduction L’art se présente sous divers modes d’expression artistique dans l’espace public. Qu’il soit permanent, temporaire ou éphémère, qu’il soit singulier, interactif ou participatif, qu’il soit traditionnel ou numérique, l’œuvre intégrée ou insérée dans ce contexte tente d’interpeller le public.30 Dans tous les domaines artistiques, les artistes, qui ont vécu ou qui ont été informés de l’horreur, ont transmis dans leurs oeuvres leurs réactions, leurs sentiments, leurs émotions, leur message. Ces oeuvres sont d’autant plus importantes qu’elles aident à fixer à jamais des évènements dans la mémoire de chacun d’entre nous, dans l’espoir que de telles horreurs ne se reproduiront plus jamais. Mais c’est également avec l’art que des témoignages furent possibles, c’est en partie « grâce » à l’art que l’on a pu prouver l’horreur qui a été faite durant plusieurs époques. L’art joue alors un rôle dans ce qu’on appelle le « devoir de mémoire », c’est avec des performances, des dessins, des installations etc. que l’on peut continuer à se souvenir et raconter.
2. Provocation: Ephémérité et précarité
2. 1. Ernest Pignon: Les expulsés (1977), intégration de l’image par rapport au lieu (image + lieu = sens). 2. 1. 1.
Présentation de l’auteur
Ernest Pignon est un artiste plasticien né en 1942 à Nice. Il est un des initiateurs de l’art urbain en France.31 Ses œuvres agissent comme des témoignages photographiques. Il se sert du lieu, de son histoire, de ses souvenirs mais aussi de la lumière et de l’espace.Il appartient au domaine de l’art visuel et de l’art urbain. Il travail sous le thème “Art état et pouvoir”, il s’agit de l’art engagé qui sert à dénoncer une injustice ou soutenir une cause.
Figure26: Portrait de Ernest Pignon-Ernest
MARJOLAINE, R. (2014), L’art public : les nouveaux modes d’expression artistique et le processus d’intégration en milieu urbain. 31 Site web, http://www.clg-roquepertuse.ac-aix-marseille.fr/spip/sites/www.clg-roquepertuse/spip/IMG/pdf/les_ex30
pulses_ernest_pignon_ernest_1977_.pdf
33
Modes et moyens de transmission de la mémoire à travers l’art
2. 1. 2.
Présentation de l’oeuvre
Oeuvre in situ éphémère date de 1977, il n’en reste que des traces photographiques. Elle se situait sur la façade restante d’un immeuble voué à la démolition à Paris. C’est une sérigraphie collées sur les murs. Le dessin est réaliste, format à l’echelle 1.
Figure27: Les expulsés
Personnages, homme et femme côte à côte, formant un couple ou séparé en fonction du lieu, ils portent des affaires diverses : sac, valises, le baluchon roulé, en signe d’exil forcé, matelas suspendu au bout de la main.32 Le support de l’œuvre est le mur abîmé par la démolition, les traces de vie antérieures y sont apparentes : papier peint, emplacement d’un meuble, d’un cadre... façade d’immeuble éventrée, montrant des empreintes de vie. Foyers soudainement arrachés, fracassés et laisser à la vue de tout le monde. C’est une œuvre éphémère. Les œuvres appartiennent au temps, au monde de la rue et sont vouées à la destruction. Le temps va s’en charger. Cette disparition est également celle des immeubles sur lesquels Pignon intervient. 2. 1. 3.
L’essence de l’œuvre
Figure28: Les éléments en présence 32
Ibid
34
Modes et moyens de transmission de la mémoire à travers l’art
Le mur est important pour la signification de l’œuvre : l’homme et la femme y sont collés par le marouflage, comme s’ils étaient ancrés à la maison, comme s’ils appartenaient à la mémoire du lieu. Le mur résonne avec l’histoire du lieu et apporte l’histoire aux personnages représentés. Les déchirures du papier rappellent le déchirement du lieu des expulsés. L’usage du noir et blanc apparaît là, pour ancrer l’image dans le passé; en noir et blanc comme une vieille image de laquelle resurgit le souvenir du lieu, de leurs habitants, des moments passés dans les murs, moments d’intimité. Le noir participe aussi de l’atmosphère sombre, terne. La dégradation de l’affiche est à l’image de ces vies déracinées vouées à l’oubli. Peu à peu la mémoire s’efface, se dégrade. Le temps des souvenirs, de l’œuvre semblent contredits par la photographie qui immortalise, arrête le processus. La photographie elle-même finira bien par vieillir… Le papier (matériau) joue du temps de l’œuvre participant à montrer la mémoire qui s’efface progressivement. L’échelle de l’œuvre a aussi son importance puisqu’elle est à la taille humaine, donnant ainsi plus de réalisme au propos et permettant plus facilement une assimilation du spectateur aux personnages représentés. La composition des personnages à hauteur d’homme et face au spectateur accentue le réalisme. Ernest Pignon intègre le lieu, l’espace, un endroit. Colle une image, lui fait épouser son support, elle adhère sur le mur, la paroi, une porte. Il y a une étroite relation entre le lieu et l’image. Ensemble ils créent un sens, une émotion, un témoignage de ce qu’il s’est passé. Il travaille avec la mémoire des images et des pierres.
2. 2. Nele Azevedo: Monument Minimum 2. 2. 1.
Présentation de l’Auteur
Artiste et chercheuse indépendante, Néle Azevedo vit et travaille à São Paulo. En 2002, elle commence les interventions dans l’espace urbain du projet Monument minimum ayant comme axe de discussion monuments publics dans les villes contemporaines comme Brasília, Salvador, Curitiba, São Paulo, La Havane -CUBA, Tokyo et Kyoto- Japon, Paris-France.33 Ces interventions sont devenues connues dans le monde entier au-delà du circuit de l’art contemporain. Les différentes interventions éphémères dans l’espace urbain et architectural ont abouti à un travail d’enregistrement dans le dessin, la photographie et la vidéo.
33
Site web officiel de Nélé Azevedo, https://www.neleazevedo.com.br/copia-bio-1
35
Modes et moyens de transmission de la mémoire à travers l’art
Figure29: Portrait de Néle Azevedo
2. 2. 2.
Présentation de l’oeuvre
Les monuments minimaux peuvent apparaître comme des fantômes, des formes translucides. Cependant, ils peuvent apparaître comme des figures entièrement blanches et opaques, soustraites au concret du fond - antimatière résistante à la porosité du monde.34 L’échelle diminutive de 20 cm s’oppose clairement à la taille «monumentale» des bâtiments de la ville. L’hommage est renversé en célébrant l’observateur anonyme et le passant. La matière glacée, utilisée à la fin de la recherche, s’est transformée pas pour le souvenir, mais pour l’oubli.
Figure30: Monumento Mínimo , Brasilia
2. 2. 3.
L’essence de l’oeuvre
Les Monuments Minimaux, par Néle Azevedo, dialoguent avec la longue tradition du monument: un repère destiné à perpétuer quelque chose, avant l’Histoire, dans l’espace de la ville. Cependant, il renverse le sens de la consécration inhérent à cette tradition, et opère dans le registre de la précarité et de l’éphémère. Ce chemin présuppose l’acceptation que l’expérience contemporaine est partielle et transitoire, et non plus éternelle. En parcourant d’innombrables villes du monde, ses petites figures de glace contrastent avec les espaces «consacrés», créant une réflexion sur la maturité et la finitude, le temps de la vie et la place de l’individu au sein de la multitude sous l’histoire. 34
WISNIK, G. Convivialité secrète : Réflexions sur le Monument Minimum
36
Modes et moyens de transmission de la mémoire à travers l’art
L’axe central de l’œuvre de Néle Azevedo: la mort comme rituel et le deuil comme transcendance, c’est-à-dire une possibilité continue de la vie. D’où la récupération de la notion de «monument», dont l’origine historique est liée aux rites funéraires et sacrés - tombes et temples. Ses monuments, cependant, sont minimes. Le mouvement qui établit le travail vient moins de la nécessité de pérenniser une mémoire collective que d’une expérience individuelle, d’où le caractère artisanal de son travail.
Figure31: L’emplacement des miniatures dans la ville de Brasilia
Azevedo dit: «J’ai traversé de nombreuses villes - Campinas, São Paulo, Brasilia, Salvador et Curitiba au Brésil. Puis à La Havane-Cuba, Mexico, Tokyo et Kyoto au Japon, pour étudier leurs histoires afin de mettre anonymement, mes petites sculptures de glace. Il y avait déjà une réaction significative par les passants. Par exemple, à Brasilia, une femme était triste de voir la fusion des sculptures. Au Salvador, un garçon ramasse rapidement une sculpture, le met dans la bouche pour goûter sa saveur. Ce sont des actions anonymes et absolument solitaires. »35
Figure32: Tristesse d’une femme après la fusion de la sculpture 35
AZEVEDO, N. (2010), Démonstration dans les villes contemporaines : Monument Minimum
37
Modes et moyens de transmission de la mémoire à travers l’art
3. Agitation émotionnelle 3. 1. Christian Boltanski: Personnes, 2010 3. 1. 1.
Préstation de l’auteur
Christian Boltanski est né en 1944, à Paris, à la fin de la Seconde Guerre mondiale d’un père juif d’origine russe et d’une mère chrétienne. Il est resté marqué par le souvenir de l’Holocauste. Il commence à peindre en 1958, puis il se tourne vers l’installation à partir de 1976. La mémoire, l’existence et la disparition sont les thèmes récurrents de sa démarche. 3. 1. 2.
Présentation de l’oeuvre
Il s’agit d’une installation temporaire in situ, date de 2010. Réaliser à l’initiative du ministère de la Culture et de la Communication / Délégation aux arts plastiques, après l’invitation de l’artiste international qui a investi les 13 500 m2 de la nef du Grand Palais avec une œuvre magistrale spécialement conçue pour l’occasion.36 Quand ils entrent dans le Grand palais, les spectateurs doivent d’abord contourner un mur de casiers rouillés numérotés. L’imagination est, dès le début, sollicitée. Le spectateur arrive ensuite dans une immense salle : par terre, 42 rectangles formés de vêtements rangés à plat. Ils composent une sorte de « plate-bande », avec des passages sur lesquels on peut déambuler. Au près de chaque carré, au sommet des poteaux métalliques, est diffusé le son de battements de cœurs de personnes différentes : souvenirs de ces gens. En bout de cette installation, un monticule gigantesque (une quinzaine de mètres) de vêtements.
Figure33: Personnes, 2010 (à gauche) - Portrait de Christian Boltanski (à droite)
3. 1. 3.
L’essence de l’oeuvre
Avec cette installation Boltanski veut provoquer chez le spectateur un moment d’émotion intense. Investissant l’ensemble de la grande nef, il crée un lieu où le son est aussi important que le visuel. Il a également choisi de réaliser son installation durant l’hiver et a refusé le chauffage, pour que le spectateur puisse éprouver le froid.37 De part notre culture personnelle, le tas de vêtement nous fait penser immanquablement à la Shoah. Dans tous les cas, cette œuvre transforme l’ensemble du bâtiment par la création d’une ambiance particulièrement émouvante. Sous la Nef du Grand Palais, le visiteur est complètement immergé dans l’œuvre. Boltanski nous met mal à l’aise en nous faisant ressentir le froid, écouter un bruit étourdissant d’usine (les battements cœurs), sentir les odeurs de vieux vêtements, voir un « cimetière ». 36 37
Site web, http://www.clg-exupery-ermont.ac-versailles.fr/IMG/pdf/fiche_prof_personnes_boltanski.pdf Ibid
38
Modes et moyens de transmission de la mémoire à travers l’art
Figure34: Les éléments en présence dans l’oeuvre
39
Modes et moyens de transmission de la mémoire à travers l’art
40
Modes et moyens de transmission de la mémoire à travers l’art
3. 2. Menashe Kadishman: Shalechet (Fallen Leaves), 2000 3. 2. 1.
Présentation de l’auteur
Menashe Kadishman né en Palestine mandataire le 21 août 1932, et mort le 8 mai 2015, un plasticien, sculpteur et peintre installé à Tel Aviv. À partir de 1947, il étudie à Tel Aviv la sculpture, successivement avec Moshe Sternschuss, puis avec Rudi Lehmann en 1954. Il part pour Londres en 1959 où il continue ses études, avec des artistes proches du minimalisme tels que Anthony Caro. Il expose pour la première fois à la galerie Grosvenor.38 3. 2. 2.
Présentation de l’oeuvre
“Fallen Leaves” est une installation constituée d’un très grand nombre de lourds disques de fer de forme circulaire, forgés dans l’apparence d’un visage hurlant et frénétique, dont l’expression évoque immédiatement le fantôme. Visage vu dans la peinture d’Eduard Munch Le Cri, 1893. Les disques sont dispersés sur presque toute la surface du sol de la galerie et le visiteur est invité à les fouler. De plus l’artiste a évoqué les victimes impuissantes de cette calamité épouvantable.
Figure35: Fallen Leaves, 2000 (à gauche) - Portrait de Menashe Kadishman (à droite)
3. 2. 3.
L’essence de l’oeuvre
Il s’agit d’un exercice de marche difficile provoque un profond sentiment de malaise car non seulement il est difficile de garder son équilibre, mais on hésite inconsciemment à piétiner une œuvre d’art qui, en plus, représente de tels sentiments douloureux. Kadishman a voulu éprouver un malaise qui est une métaphore de l’agitation émotionnelle qui s’empare d’une personne inquiète quand on lui rappelle la tragédie de la Shoah. Le récit de la subjectivité par le cri est rendu palpable dans les visages de Kadishman qui sonnent à travers les corps qui les enjambent. Si cette pratique de la mémoire implique le provisoire de la subjectivité à ceux qui l’ont perdue, cette relation de soi-même entre l’objet et le touriste est l’acte même qui provoque leur cri: l’éclatement de la gorge, l’os coincé.39 Dans cette répétition, la subjectivité engendre sa propre annulation, l’aide est arrivée trop tard. 38 39
Site web officiel de Menashe Kadishman, http://www.kadishman.com/ Ibid
41
Modes et moyens de transmission de la mémoire à travers l’art
Ainsi, ce qu’on nous demande en fait n’est pas simplement de marcher sur un tapis de feuilles humaines métalliques, mais de sortir de la question « où étions-nous quand tout cela est arrivé? ». Cette oeuvre relie les paradigmes de la mémoire, de la perte et du deuil et de ce qu’il suggère des contributions des études de performance à la réflexion. « Les formes multiples d’actes incarnés sont dans un état constant de répétition. Ils se reconstituent, transmettant des souvenirs, des histoires et des valeurs communautaires d’un groupe / génération à l’autre. Les actes incorporés et exécutés génèrent, enregistrent et transmettent des connaissances... Les matériaux de l’archive façonnent la pratique incarnée de façon innombrable, mais ne dictent jamais l’incarnation. »40
Figure36: Le malaise 40
TAYLOR, D. (2003), The Archive and the Repertoire: Performing Cultural Memory in the Americas.
42
Modes et moyens de transmission de la mémoire à travers l’art
3. 3. Lotfi Bouchnak : La musique engagée 3. 3. 1.
Présentation de l’artiste
Lotfi Bouchnak, né le 18 janvier 1954 à Tunis d’une famille d’origine vraisemblablement bosniaque, chanteur, oudiste et compositeur tunisien élève de La Rachidia. Il est aussi Ambassadeur de la Paix auprès de l’ONU pour ses actions lors de la guerre en Bosnie et a été consacré Meilleur Chanteur Arabe en 1997 à Washington. Il a aussi reçu entre autres le Prix de l’Institut du Monde Arabe à Paris ainsi que le Prix de l’Opéra du Caire. Bouchnak a interprété et exploré beaucoup de genres musicaux notamment le malouf tunisien qui préserve le raffinement d’un héritage pluri-séculaire qui s’est forgé au carrefour des traditions andalouse et ottomane. Il apparaît comme la principale forme musicale traditionnelle présent en Tunisie.
Figure37: La Rachidia : Une institution cardinale - Portrait de Lotfi Bouchnak
3. 3. 2.
Le malouf tunisien
La nouba du malouf, est une pièce maîtresse du patrimoine traditionnel, toujours exécutée dans les concerts publics et à l’occasion des fêtes familiales. Le malouf occupe dans la tradition musicale tunisienne une place privilégiée car il comprend l’ensemble du patrimoine musical traditionnel et englobe aussi bien le répertoire profane (hazl) que les répertoires religieux (jadd) rattachés aux liturgies des différentes confréries. L’ensemble de liturgie ( des rites, cérémonies et prières dédiés au culte) et de confrérie (des communautés destinées à favoriser une entraide fraternelle ou à perpétuer une tradition) réinvestit de son affect et de ses émotions par une collectivité devient ainsi une évidence, objet de mémoire collective. 3. 3. 3.
L’art est un engagement.
L’artiste doit créer et donner sa création aux autres, il doit vivre dans un degré de pureté spirituelle élevé pour pouvoir toucher les gens et rester gravé dans leur mémoire. Autodidacte, Bouchnak produit d’une part ses propres chansons tout seul et se reproduit partout dans le monde car son plus grand soucis est de rester gravé dans les mémoires et c’est ça qui fait sa différence. D’autre part le renvoi vers le territoire est beaucoup présent dans ces chansons comme dans le Titre “Sarajevo”. Il se sert de la mémoire comme outil de composition. 43
Modes et moyens de transmission de la mémoire à travers l’art
« Je dois donner mon avis et avoir ma propre réaction en tant que citoyen et partie prenante du monde. Mais je chante aussi la nostalgie, l’amour, la patrie, l’artiste, la nature, notre culture arabe, les icônes de notre patrimoine tunisien et arabe... je fourni un effort colossal pour transmettre la chanson, l’image et le message. Mais surtout, de rester honnête avec moi-même et mon public.» (Lotfi Bouchnak, 2012) 3. 3. 4.
“Sarajevo”, La mémoire de la douleur
Lotfi Bouchnak a rendu hommage à Sarajevo dans la célèbre chanson éponyme alors que la guerre la défigure. Un rappel d’une expérience douloureuse pour les bosniaques. Cette chanson relève une mémoire émotionnelle,41 plus l’émotion associée à l’événement est intense, plus il est facile de raviver le souvenir, mais souvent, c’est plus l’émotion qui est mémorisée que la dimension physique de la douleur. Sarajevo Combien de temps faut-il attendre ? Combien de temps faut-il ? Et combien de fois faut-il mourir pour que vive la vie ? Pour que vive la vie... Sarajevo, Rien ce soir. Rien que de la neige, Sur le sang d’innocents, Et la musique qui pleure. Y a-t-il des limites pour la folie ? N’est-il pas venu le moment de respecter l’âme ? Et pour le rêve, si je lui dis « sois », il sera. Pour que vive la vie… pour que vive la vie. Sarajevo, Il n’y a rien cet automne. Seulement la guerre, Dans ce silence effrayant, Qui résonne à nos oreilles, Et qui vole tes pas et ton pain. N’y a-t-il pas des yeux pour ces villages ? N’est-il pas venu le moment de respecter l’âme ? Et que les gens comprennent ce qui se passe. Pour que vive la vie… pour que vive la vie. Lotfi Bouchnak, Sarajevo
Figure38: La ville de Sarajevo pendant la guerre en 1992 41
Cerveau et Psycho, Magazine numérique, https://www.cerveauetpsycho.fr/sd/neurosciences/la-memoire-
de-la-douleur-7766.php
44
Modes et moyens de transmission de la mémoire à travers l’art
4. Hommage participatif
4. 1. Paul Cummins et Tom Piper: Seas Of Red, 2014 4. 1. 1.
Présentation des auteurs
Cummins est un artiste anglais de Chesterfield, Derbyshire. Il a commencé à travailler en tant que fabricant de modèles architecturaux, puis a étudié la céramique au Collège des Arts de l’Université de Derby. Il a reçu un doctorat honorifique de la London Metropolitan University en juillet 2015. Piper est un concepteur de théâtre britannique qui collabore régulièrement avec le réalisateur Michael Boyd. En 1984, il est entré au Trinity College de Cambridge pour lire la biologie, mais à mi-parcours il est passé à l’histoire de l’art. 4. 1. 2.
Présentation de l’oeuvre
Il s’agit d’une installation monumentale constituée de 888, 246 coquelicots en céramiques (fabriqués à la main). La première fleur a été plantée le 5 août 2014, date qui marque l’entrée en guerre de la Grande Bretagne. La dernière a été placée le 11 novembre, jour du centenaire de la fin de la Grande Guerre pour les Anglais.
Figure39: De gauche à droite: L’oeuvre ‘Seas of red’, portrait de Tom Piper et Paul Cummins
4. 1. 3.
L’essence de l’oeuvre
De près, on distingue bien les fleurs qui peuvent symboliser l’hommage rendu aux combattants anglais morts durant cette guerre. En effet, les fleurs servent souvent à fleurir les tombes des personnes qui sont chères. De loin, cette marée formée de milliers de coquelicots rouges crée une image plus violente, elle se déverse comme du sang qui coule depuis l’une des fenêtres de la tour. L’évocation de la mort se fait plus brutale : plus qu’un hommage, c’est un rappel de la barbarie et une dénonciation qui est proposée ici. L’œuvre propose donc une double lecture, variable selon le point de vue adopté (proche ou lointain). La participation du spectateur est très importante dans cette œuvre, son déplacement est très nécessaire pour bien percevoir l’installation sous toutes ses facettes (de loin, on visualise une mer de sang de près, on est face à un champ de coquelicots). L’installation Seas of red oscille entre différents domaines ceux de l’art, du commerce et du caritatif. En effet, cette œuvre a été vendue à l’avance et par morceaux aux spectateurs voulant participer chaque personne volontaire pouvait acheter un coquelicot en céramique pour 25£.42 42 The Guardian, magazine numérique, https://www.theguardian.com/world/2014/dec/28/blood-swept-landsstory-behind-tower-of-london-poppies-first-world-war-memorial
45
Modes et moyens de transmission de la mémoire à travers l’art
Figure40: Londres sous les coquelicots du souvenir de la guerre 14-18
46
Modes et moyens de transmission de la mémoire à travers l’art
5. Synthèse Au terme de l’analyse, l’art peut jouer un rôle de devoir, une épreuve dans le but de divulguer la mémoire. D’ailleurs des témoignages furent possibles à fixer à jamais des évènements dans la mémoire de chacun d’entre nous. Quelque soit le mode ou le moyen de transmission utilisé afin d’interpeller le public, également par la provocation, l’agitation ou la participation. Certaines œuvres comme “Fallen Leaves” de Kadishman ou “Personnes” de Boltanski semblent transcender l’essence des choses, des êtres, des faits qu’elles représentent pour permettre au spectateur de se rapprocher de ce que fut le réel en d’autres temps et d’autres lieux. En bref, l’observation artistique reconstruit le réel, transmet des connaissances exactes sur le passé, relie les paradigmes de la mémoire afin d’amener le spectateur à réfléchir. En s’appuyant sur le cadre théorique du premier chapitre, renforcé par les concepts étudiés au deuxième chapitre qui vont être développés encore plus au prochain chapitre. Il est facile par suite de réaliser une proposition architecturale qui va être l’essence d’une recherche.
Titre et nom de l’artiste
Caractère et nature de Moyens plastiques évol’oeuvre quant l’idée de mémoire
Les Expulsés, Ernest Pignon Sérigraphie in situ éphémère Le noir et le blanc, la dégradation, les déchirures, l’échelle, le papier Monument Minimum, Nele Installation urbaine Azevedo éphémère Personnes, tanski
Christian
Une échelle diminutive, la matière glacée, la finitude, la fusion, opaque et translucide
Bol- Installation in situ temporaire L’aspect rouillé, vieilli, des boîtes, L’enregistrement audio, évocation de tombes
Shalechet (Fallen Leaves), Installation permanente Menashe Kadishman
Un exercice de marche difficile, feuilles métalliques, éclatement, visages qui sonnent, étranglement, le son
Seas Of Red, Paul Cummins Installation monumentale et Tom Piper éphémère
Une marée sanglante, la couleur rouge, des coquelicots
Figure41: Tableau synthétique
47
C HAPITRE
E xpr e s s i o n d e la mémoire en ar chi te c t u r e
3 Introduction Provocation, brutalisme et matériau Agitation, lumière et ambiance Participation et usager Synthèse
48
Expression de la mémoire en architecture
1. Introduction L’architecture ne s’attache pas uniquement à la conception de lieux, mais à ce qui va au delà de la nature physique, des pensées, des souvenirs, des rêves, de mémoire. C’est pour cela que l’architecture devient une matière de notre existence, et de notre expérience. La mémoire serait au cœur de notre identité : à la fois à l’origine de la conception, mais également de notre être. « La mémoire nous façonne, en même temps que nous la façonnons. L’architecture s’imposerait donc comme une toile de fond à la mémoire et à la création d’un souvenir, et, inversement, la mémoire serait catalyseur d’architecture : l’architecture comme base de la mémoire, et la mémoire comme base de l’architecture. La mémoire, donc, pour exister, nécessiterait l’architecture. Quant à l’architecture, elle serait donc irrationnelle et inconcevable, sans la mémoire. »43 Donc l’expression de la mémoire en architecture, c’est l’utilisation de l’esprit du lieu qui permet également de donner du sens, que ce soit à la fois aux matériaux ou aux formes, mais également d’approuver des sensations autres que le visuel. Les architectes comme Jonas Dahlberg et Philipe Prost qui ont traité des lieux porteurs de mémoire, ont tenté de nous communiquer la mémoire des lieux à travers de dispositifs physiques: la forme, le volume, le matériau... Ainsi à travers tout ce qui est relié à la métaphysique: la provocation, l’agitation... L’épreuve pour les architectes et les artistes est de divulguer la mémoire des lieux, passer un message par le biais de tout ce qui est physique et métaphysique. Donc nous avons ici ci-dessous les liaisons possibles entre les modes de transmission et expressions architecturales. Ces motivations de conceptions peuvent être rapprochées car elles ont toutes pour origine une démarche sincère et juste, dans une recherche d’une architecture ou un art sensible universellement compréhensible.
43
HUMBERT, L. (2017), La mémoire des architectes, p.67
49
Expression de la mĂŠmoire en architecture
Figure42: Divulguer une mĂŠmoire
50
Expression de la mémoire en architecture
2. Provocation, brutalisme et matériau
2 . 1 . C o n t e x t e : A n n e a u d e l a m é m o i r e , l e m é m o r i a l d e Utoyo L’Anneau de la Mémoire est un monument commémoratif aux soldats tombés au cours de la Grande Guerre de 14-18, élevé sur le site de la nécropole nationale de Notre-Dame-de-Lorette à Ablain Saint Nazaire dans le département du Pas-de-Calais. Sur un terrain de 2,2 hectares cédé à la région Nord Pas de Calais par le ministère de la Défense Français, dans le cadre d’une convention signée en avril 2011. Conçu par l’architecte Philippe Prost,44 ce projet consiste en un anneau d’un périmètre de 345 m et pesant presque 300 tonnes. Il rassemble 579 606 noms de combattants, représentant 40 nationalités. Yves Le Maner, l’historien dit : « Nous rentrons dans cet anneau de la mémoire comme par une saignée dans la terre; pour connaître de façon lointaine ce qu’ont vécu les soldats. »
Figure43: Mémorial international Notre-Dame-de-Lorette - Portrait de Philipe Prost
Cependant le Mémorial d’Utoyo n’exprime pas la douleur des familles des victimes de la première guerre mondiale, mais il exprime une blessure en mémoire des 69 victimes de la folie meurtrière de 22 juillet 2011, quand un terroriste a ouvert le feu lors du camp d’été de la Ligue des jeunes travaillistes, sur l’île d’Utøya - Norvège. Une tranchée coupée dans la pierre, imaginé par l’artiste suédois Jonas Dahlberg. Situé dans la commune de Hole, au nord-est d’Oslo, l’emplacement a été choisi par l’association des victimes du 22 juillet et la Ligue des jeunes travaillistes.45 L’idée de l’artiste est de créer une galerie qui permet de descendre sous terre et d’observer, sur la paroi opposée, les noms des 69 victimes, gravés dans la pierre.
Figure44: L’île de Utoyo - Le portrait de Jonas Dahlberg
Philippe Prost, né en 1959, est un architecte et urbaniste français, professeur à l’école nationale supérieure d’architecture de Paris Belleville.
44
45 Le Monde, magazine numérique, http://www.lemonde.fr/m-moyen-format/article/2017/07/03/a-utoya-le-memorial-controverse-tombe-a-l-eau_5154639_4497271.html
51
Expression de la mémoire en architecture
2. 2. L’implantation
Figure45: La situation de L’Anneau de la mémoire
Figure46: La situation du Mémorial d’Utoyo
52
Expression de la mémoire en architecture
2. 3. Concepts
Figure47: Un ruban de béton sombre
Figure48: Geste simple et fort qui conjuge la monumentalité
Sur le site où se déroulèrent d’effroyables combats au cours de la premièe guerre, 600 .000 combattants morts sur les champs de bataille du Nord-Pas-de-Calais. Le mémorial proposé par Prost est un ruban de béton opaque et sombre. Véhiculant une symbolique associé au deuil, à la tristesse et au désespoir, à la peur et à la mort. Avec sa couleur de guerre, il est posé en équilibre sur la colline dominant les plaines de l’Artois, une ligne horizontale formant un périmètre de 328 mètres surplomblée par la Tour-lanterne haute de plus de 50 mètres. Une oeuvre monumentale où l’artificiel rivalise la nature.
Figure49: Les 500 feuilles de métal doré
À l’intérieur, 500 feuilles d’un métal doré, une couleur qui réchauffe le cœur et l’esprit reflétant la lumière sur lesquelles sont gravés les noms des victimes selon l’ordre alphabétique sans distinction de nationalité, de grade ou de religion. L’intérieur est l’inverse de ce que l’on voit du dehors, pour créer une tension, une provocation. L’architecte a fait son choix par le changement de couleur et de matériau entre extérieur et intérieur afin d’amener le visiteur à une réflexion approfondie, car les couleurs sont partie intégrante d’une stratégie de communication visuelle forte. 53
Expression de la mémoire en architecture
Figure50: La fragilité de la structure
Le choix de l’horizontalité pour le Mémorial est apparu comme une évidence. D’abord pour répondre à la verticalité (répondre par le contraste) de la Tour -lanterne, ensuite parce qu’au-delà, l’horizontale est signe d’équilibre, gage de pérennité. Ancré dans le sol sur les deux tiers de son périmètre, l’anneau s’en détache lorsque la déclivité du terrain s’accentue. Son porte-à-faux est là pour nous rappeler que la paix demeure toujours fragile, fragile comme “Monument Minimum” de Néle Azevedo, une artiste déjà eu l’occasion de l’évoquer au deuxième chapitre. Une fragilité comme une forme de résistance, un état permanent de vigilance.
Figure51: La provocation
En s’élançant à l’assaut de l’horizon, le Mémorial crée un espace en apesanteur, entre ciel et terre. C’est dans cette atmosphère que l’architecte a voulu mettre son visiteur entre solidité, maîtrise et fragilité, implicitement en se retrouve dans un état de réflexion.
54
Expression de la mémoire en architecture
Figure52: La plaie ouverte de Utoyo
Figure53: Une cicatrice fanée
Le Memorial d’Utoyo propose une blessure ou une coupure brutale dans la nature même. Il reproduit l’expérience physique de l’enlèvement, reflétant la perte soudaine et permanente de ceux qui sont morts. La coupe est une excavation de trois mètres et demi de largeur. Ce vide dans le paysage rend impossible d’atteindre la fin de la pointe. Cette expérience vise à amener les visiteurs à un état de réflexion (provocation) à travers une rupture ou une interruption poétique. Il devrait être difficile de voir la beauté inhérente du cadre naturel, sans éprouver aussi un sentiment de perte. C’est ce sentiment de perte qui activera physiquement le site. Les gens trouveront leur chemin dans le paysage qui entoure la coupure, en regardant les noms d’une perspective plus élevée, ou en regardant vers Utøya, établissant leurs propres façons de voir et de se souvenir.
Figure54: Vue aérienne de la coupe
Figure55: Le voyage contemplatif
55
Expression de la mémoire en architecture
3. Agitation, lumière et ambiance 3. 1. Contexte : Le Mémorial Ground Zero, New York
Le World Trade Center était à l’origine un vaste complexe comprenant sept immeubles, une grande esplanade et les tours jumelles constituaient le cœur de la ville. Suite à l’attentat de 11 septembre 2001, coûtant la vie à près de 3000 personnes, le World Trade Center est aujourd’hui un lieu de mémoire, dont la reconstruction est un défi pour les Etats-Unis. Un concours internationale d’architecture lancé le 19 novembre 2003. L’agence qui a gagné le concours est Handel Architects, dans laquelle Michael Arad était associé. La conception est conforme au plan d’ensemble original de Daniel Libeskind qui fait partie de l’équipe aussi. Le mémorial a été terminé et ouvert au public le 11 septembre 2011, jour du dixième anniversaire de la tragédie. Deux grands bassins de neuf mètres de profondeur ont pris place sur les empreintes mêmes des tours jumelles. Le but de ce mémorial est de rendre hommage aux milliers de personnes tuées dans les attaques terroristes du 26 février 1993 et du 11 septembre 2001, et pour que les exploits des héros soient reconnus et que l’événement rayonne tel un phare pour réaffirmer le respect de la vie et de la liberté.
Figure56: Reflecting Absence
Ce projet “Reflecting Absence” fait du vide laissé par la destruction des tours le symbole premier de la perte. Le plan de la place qui l’entoure a, lui, évolué, pour laisser place à des bouquets d’arbres pleins de vie, affirmations traditionnelles de vie et de renaissance. Le résultat est un mémorial exprimant à la fois l’incalculable perte de la vie et la régénération.46
Figure57: La maquette proposée
L’ Orient Le jour, magazine numérique, https://www.lorientlejour.com/article/466320/Le_jury_a_choisi_%253C%253C_Reflecting_Absence_%253E%253ELe_projet_de_memorial_du_World_Trade_Center_selectionne.html 46
56
Expression de la mémoire en architecture
3. 2. L’implantation
Figure58: La ville de New York avant et après l’attentat
Figure59: La situation du mémorial
57
Expression de la mémoire en architecture
3. 3. Concepts
Figure60: La végétation autour des bassins
On distingue bien la présence de la végétation dans le site. Les architectes ont bien traité les éléments en présence, de plus la végétation mène à un sentiment d’apaisement. L’arbre peut renforcer l’attention spontanée et détendre le système sensoriel. On peut aiguiser notre concentration lorsqu’on se promène dans des espaces verts. De plus, de nombreux panoramas où dominent les arbres stimulent la reprise psychologique car il provoque des sentiments positifs, atténuent les émotions négatives telles que la peur, la colère et la tristesse, peuvent bloquer ou réduire les pensées créatrices de tension nerveuse (Bory, 2000). En effet l’échelle des bassins communique d’autres messages. L’échelle est un élément clé de l’expérience, les deux énormes piscines sont si puissants en leur présence qu’ils éclipsent tous les autres éléments du mémorial. Ainsi, on se rappelle constamment quand à la fois le mémorial et le musée que l’ampleur de l’événement était énorme. En effet, l’échelle est un facteur omniprésent dans la commémoration sur le site qu’il vaut la peine le mettre en examen afin d’être un lieu de mémoire puissant, de plus cette échelle extravagante produit des réactions de toutes sortes, des humeurs et des prédispositions pour être de mauvaise humeur et pour projeter le mal-être.
Figure61: Les bassins du mémorial
58
Expression de la mémoire en architecture
Une échelle qui met le visiteur dans une situation frustrante et dans un état d’agitation. La grandeur du site, l’immensité des piscines commémoratives, énorme espace évocateur de puissance massive. Une ambiance qui met en alerte les personnes qui se trouvent à proximité. Celui qui est agité et qui agite les autres, attire l’attention, acquiert un rôle de leader et occupe une place de faux leadership. Le contrôle est pris par la difficulté, la résistance, la friction, le déni... La chute d’eau rappelant le mouvement d’effondrement, la descente sans fin d’une chute d’eau de 60 m² imitant la chute des tours originales. Ce sont des émotions qui bougent, elles sont comme les vagues de la mer qui peuvent se transformer en tsunamis.
Figure62: De gauche à droite, Camion de “Ladder Company”, des objets personnels
A l’intérieur du musée sous les grands bassins, il y a plusieurs objets exposés. Par exemple, le moteur de pompier broyé de “Ladder Company” se trouve dans l’un des principaux couloirs du musée. “Ladder”, était l’une des premières entreprises à répondre au secours. Le camion, garé à West Street à côté de la tour One, a été endommagé, exposé au musée, la lumière met l’accent au drame. Le moteur est démonté, une scène dramatique à la fois par l’état partiellement détruit et de survie. Ces objets personnels remplacent les morts, rappelant l’absence. Un des plus résonnant de ces objets est une montre qui appartenait à Todd Beamer, un passager sur “United Flight 93”. Sa montre l’une des plusieurs exposés dans le musée, indique la violence à laquelle elle était soumise, un moment d’arrêt dans le temps quand l’avion s’est écrasé. Une création d’une ambiance particulièrement émouvante à la manière de Christian Boltanski, un artiste déjà eu l’occasion de l’évoquer au deuxième chapitre à travers son oeuvre “Personnes”. Un hommage lumineux de 88 projecteurs mise en place, dirigés vers le ciel, créant deux faisceaux de lumière verticaux dans le ciel rappelant les “Tours Jumelles” et rendant hommage aux victimes. Une lumière qui éclaire et guide l’esprit, rend l’obscure visible.
59
Expression de la mĂŠmoire en architecture
60
Expression de la mémoire en architecture
4. Participation et usager
4. 1. Contexte et implantation : Le Mémorial de Varsovie, place l’unité en son centre Ce mémorial sculptural de SO / AP Architectes, construit en 2015, était la création en l’honneur des polonais ayant aidé les juifs à se cacher ou à fuir durant la seconde guerre mondiale. Placé au coeur de ce qui fût le ghetto de Varsovie, cette sculpture architecturale est la représentation symbolique d’un lieu qui fût autant un endroit d’oppression, qu’un lieu d’héroisme et d’espoir.47
Figure63: Le mémorial de Varsovie
Le mémorial se trouve à l’arrière du musée, à une distance minimale de 100 m du premier mémorial “Willy Brandt”. Cela équilibre l’emplacement des mémoriaux sans provoquer leur effacement. Il est estimé à environ 3 millions de Polonais qui ont aidé les Juifs pendant la guerre. Dans sa forme, le mémorial vise à rapprocher l’histoire du peuple polonais, juif et non juif. Le ghetto de Varsovie a été créé en novembre 1940. Il a rassemblé jusqu’à 380 000 personnes. Le projet est situé dans ce lieu important de la mémoire de l’oppression juive. Le cercle continu symbolise la commémoration des Polonais qui ont protégé le peuple juif. La partie montante est un signal représentant le polonais élevé au rang de juste parmi les nations.
Figure64: Des schémas représentatifs 47
Site web officiel de l’agence d’architecture, http://www.soap-architects.com/2014-memorial-varsovie.html
61
Expression de la mémoire en architecture
Figure65: La situation du mémorial Polonais
Le mémorial polonais utilise la forme pour explorer l’idée de changer les perspectives. De même que la mémoire d’un événement peut être différente de celle d’un autre en fonction de ses expériences, la perception de l’espace par l’observateur est également propre à son point de vue, encourageant l’exploration.
4. 2. Concepts Oscillant entre légèreté et solennité, le mémorial créer le dialogue avec son environnement. Sa masse s’enroule au ras du sol, tandis que sa partie fine s’élève délicatement pour signifier sa présence et marquer son entrée. Terrassement et dévégétalisation sont réduits au minimum. L’objet apparait ici comme un bijou ayant été délicatement déposé dans un jardin.
62
Expression de la mémoire en architecture
Il ne s’agit pas de retranscrire uniquement une mémoire passé ou perdu, mais de créer la mémoire de demain. C’est un lieu d’évènements de spectacles ou de manifestations. C’est un monument vivant, à la fois propice au recueillement ou à la joie, permettant la rencontre entre habitants et visiteurs. Par son volume et sa mise en œuvre c’est un objet urbain qui invite les gens à s’approprier l’espace. Les résidents locaux peuvent pratiquer des activités personnelles, c’est aussi un lieu de divertissement ou d’événements, à la fois politique et historique. La structure en coque creuse permet une circulation entre intérieur et extérieur, traduction des juifs ayant hésité entre se cacher ou se montrer. Les différentes percées dans la structure sont autant d’échappatoires sur la ville que des représentations symboliques des directions d’exodes qu’ont pu prendre les juifs ayant pu fuir ou être sauvé. Au centre du cercle, deux sphères représentent la dualité dans toute choses : le bon et le mauvais chez l’homme. C’est un symbole d’espoir et de renaissance car c’est l’association de deux individus qui permet de donner la vie.
Figure66: Participation, usager + Hommage
L’hommage participatif s’inscrit dans la croyance en la possibilité d’un « consensus » final, ou tout au moins, dans la croyance en une convergence d’intérêts de toutes les parties. S’oppose donc à la « conflictualité » postulant que les parties ont des intérêts en communs. La participation du spectateur est très importante voir inévitable dans ce projet. Son déplacement est nécessaire pour bien percevoir le mémorial, de la sphère réflectante à la structure creuse. L’hommage participatif c’est comme une marque, témoignage de respect, de reconnaissance, de gratitude envers les personnes concernées. Pour les juifs de Pologne c’est une sorte de reconnaîssance, une dette morale envers ces personnes.
Figure67: Une Coupe longitudinale
63
Expression de la mémoire en architecture
5. Synthèse En bref, la mémoire charge les personnes, les lieux et les bâtiments d’une énergie signifiante, d’une vibration potentiellement palpable par les sens. Ces forces en puissance résultent à la fois de traces effectives et d’empreintes absentes qui agissent comme des indices déterminants de l’esprit du lieu. Les traces participent alors d’une manière ou d’une autre à la construction de la mémoire, éventuellement le cas de l’exposition d’un fragement provenant d’un camion de pompier au musée national du 11 septembre. Outre que ce fragement remplace les morts, il évoque l’absence, un moment d’émotion intense. C’est un héritage qui rend présent une absence et qui transmet, par filiation, une mémoire, racontée ou narrée par l’architecture sans que son sens ne se perde. Le travail de l’architecte est de traduire dans un autre registre des catégories de sensations, des énergies, des images à donner forme à des forces et à des ressentis. Il y a alors les choses vues et les choses senties. Ces caractères Immatériels influents en substance sur des espaces ou des architectures représentent la mémoire des lieux. Citant l’exemple de mémorial de Utoyo auquel il est difficile de voir la beauté inhérente du cadre naturel, sans éprouver aussi un sentiment de perte soudaine. C’est ce sentiment de perte qui activera physiquement le site. L’homme se laisse immerger, submerger par les résurgences d’un passé. Projets
Architecte
Localisation
Typologie de la catastrophe
Les outils de divulgation de la mémoire
Anneau de Philippe la mémoire Prost
Albain Saint Nazaire - Pas de Calais
Conflits militaires survenus durant la grande guerre
Solidité et fragilité, résistance et vigilance, horizontalité et verticalité, naturel et artificiel, des couleurs contrastées
Mémorial de Utoyo
Jonas Dahlberg
Utoyo Norvège
Attentat terroriste contre des journalistes
Coupure, Rupture, brutalisme, l’enlèvement, la perte, voir et se souvenir, absence, réflexion
Musée National 11/09 et Mémorial Ground Zero
New York Daniel Libeskind centre et Michel d’affaire Arad
Attentat terroriste contre les tours du WTC
L’éclair, l’échelle extravagante, le mouvement d’effondrement, la végétation, Le vide, fragements comme témoins
Le Mémorial sculptural de Varsovie
Le ghetto Massacre SO / AP A r c h i - de Varsovie tectes
La légèreté, des percées, échappatoire, l’effet miroir, propice au recueillement
Tableau synthétique 64
C HAPITRE
Immersion à Sabbat Edhlem
4 Introduction Sabbat Edhlem: Lieu de mémoire et la mémoire de lieu Etat des lieux Un fragment persistant Synthèse
65
Immersion à Sabbat Edhlem
1. Introduction
1. 1. La reconquête d’un oubli La ville s’organise entre les espaces privés et publics, elle s’alimente de rues plus ou moins étroites, elle nous regroupe sur des places ou des parcs, mais elle nous cache aussi des espaces moins glorieux, des espaces qui nous apparaissent comme interdits ou inaccessibles. Pourtant, ces lieux représentent un espace d’opportunité, de liberté et parfois même de résistance. Ce genre de lieux et d’endroits m’intéresse beaucoup, j’ai été à la recherche d’un lieu dont l’esprit persiste et subsiste tant bien que mal, défiant le temps, gardant l’empreinte de l’histoire d’un peuple. Vu que j’ai choisi au début de l’année la thématique “L’architecture recréer”, une thématique qui a pour objectif de donner une nouvelle vie à une architecture. Elle s’agit d’une affaire de reconquête, de réappropriation, de réutilisation, de recyclage. Une affaire qui va ouvrir le champ de la réinterprétation voire celui de la réinvention. Lors de l’exploration de ce thème, je me suis penché sur les questions qui traitent les problèmes des bâtisses délaissées, des bâtiments portants une dimension historique, un passé lourd, qui va me pousser à l’explorer et de le comprendre. C’est pour cela une exploration urbaine semble nécessaire afin de sortir des ténèbres et de l’ombre vers la lumière.
1. 2. Vers une exploration urbaine Une exploration urbaine est une activité consistant à visiter des lieux construits par l’homme, abandonnés ou non, en général interdits, ou tout du moins cachés ou difficiles d’accès. L’explorateur urbain est aussi appelé urbexer.48 L’exploration urbaine désigne le fait de recueillir des données sur des zones publiques du paysage urbain, délaissées tout ou partie du temps, en vue d’y accéder et de les utiliser. L’exploration urbaine est un ensemble de pratiques, dont les motivations peuvent être très éloignées. Certains seront portés sur l’aspect historique, l’ancien et l’abandonné. Pour d’autres, ce sera la maîtrise de la ville moderne et de ses coulisses. La photographie et la vidéo sont également une motivation importante. Les groupes se forment bien souvent autour d’une de ces pratiques.
Figure68: Photos de l’explorateur urbain Simon Yeung 48
Wikipédia, Encyclopédie numérique, https://fr.wikipedia.org/wiki/Exploration_urbaine
66
Immersion à Sabbat Edhlem
L’exploration urbaine est aussi pratiquée par les passionnés par l’architecture et les vieilles bâtisses dans le but de tirer les clichés d’une architecture de très grande beauté, et de capturer la magie de ces lieux abandonnés et de souligner la beauté qui habite encore ces endroits qui se dégradent lentement sous l’effet du temps (Kevin 2017). On peut donner l’exemple de Simon Yeung qui est un photographe amateur de la ville de Glasgow. Il a effectué plusieurs voyages à travers le monde durant lesquels il assouvit encore et toujours sa passion pour l’exploration urbaine, où il capture gares, églises, mines, manoirs et autres hôpitaux abandonnés.49 Je me suis trouvé comme Simon Yeung à la recherche d’un fragment persistant et subsistant, un endroit riche d’histoire, de contes, de récits. Un fragment qui parle de lui même. Vu que j’habite à Tunis, je me suis lancé dans une exploration urbaine dans ma ville, et j’ai constaté qu’il y a pas mal d’endroits surtout de la médina où ils peuvent être des objets d’études.
1. 3. Les ombres de la médina de Tunis Ils sont nombreux les endroits où le temps a laissé ses traces dont de nombreux lieux emblématiques de la médina de Tunis, emblématiques par l’usage qu’ils avaient par le passé ou par la beauté de leur architecture. Si nous devions tous les visiter ces lieux emblématiques et raconter leur histoire, cela prendrait une vie. Des lieux parfois oubliés, parfois chargés d’histoires, parfois abandonnés, parfois transformés, une richesse particulière. D’ailleurs la médina de Tunis est inscrite au Patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1979. En revanche, la médina de Tunis cache beaucoup d’ombre, des trous noirs, des endroits qui ont un passé parfois sanglant, au point que beaucoup de photographes amateurs sont allés immortaliser ces lieux oubliés, à tavers ses ruelles exigües et ses boutiques alignées à gauche et à droite, à travers ses impasses. La Médina de Tunis a toujours accueilli ces « lieux de déperdition », à cause notamment de la configuration des lieux comme “Le marché des esclaves” (Souk El Berka actuellement). Il fut édifié par Youssef Dey en 1612, pour la vente des esclaves (activité défendue dès 1841) et les butins. La Médina de Tunis a connu bien d’autres espaces similaires (des espaces sombres), comme « Sabat Ajem » situé près de la rue El Fersi à Bab Jedid, de l’autre côté de la vieille ville. Il y avait aussi « Houmet J’raba » (le quartier des djerbiens), à Bab Souika, juste derrière le fameux hôtel El Ayachi qui accueillait de nombreux visiteurs libyens dans les années soixante. Des maisons closes, généralement de belles maisons arabes, situées au cœur de la Médina de Tunis. Notamment « le Sphinx » situé dans la rue Zarkoun, « la Grande Maison » du côté de la rue El Jazira. Dans la même zone, il y avait « Ennakhil » et « Le Chabanais ». L’institution la plus insolite portait le nom de « Ali Ouaki ». 49
Pixelistes, magazine numérique, http://news.pixelistes.com/decouvrez-le-travail-de-simon-yeung-un-explora-
teur-urbain-amoureux-du-royaume-uni/
67
Immersion à Sabbat Edhlem
C’était une petite maison close placée juste derrière la rue Sidi Bou Hdid. On disait que là-bas les hôtes étaient des hommes. Pendant la colonisation, Les hammams étaient très surveillés par les colons car on pouvait y trouver des indépendantistes. Les hammams ont également servi à cacher des Juifs pendant la seconde guerre mondiale, par conséquent ces lieux ont un passé douloureux qui persiste encore. Un autre endroit non seulement qui a un passé douloureux, il a un passé torturant, frustrant et triste. Entre récits, mythes et histoire « Sabbat Edhlem » a déjà fait couler beaucoup d’encre surtout après la révolution tunisienne de 2011.
Figure69: Une Aguicheuse dans l’un de bordel de la médina, Tunis 1947
Figure70: Repérage des trous noirs de la Médina
68
Immersion à Sabbat Edhlem
1. 4. Le choix de Sabbat Edhlem Je vois que Sabbat Edhlem reste un mystère insoluble, fascinant et cela m’a intrigué, surtout qu’il est maintenant objet de recherche pour beaucoup d’historiens. Sabbat Edhlem figure parmi les supports qui n’ont pas été traités dans notre école d’architecture, de plus mes enseignants m’ont encouragé à découvrir ce fragement de la médina de Tunis dans le but de savoir la réalité de son histoire afin de connaître par suite les modes d’interventions. A travers mes recherches et mes analyses, Sabbat Edhlem incarne une mémoire émotionnelle, une mémoire collective, une expérience douloureuse pour plusieurs individus. A travers cette mémoire, les attitudes se croisent car elle est le lien entre ce qui est réel ou imaginé, entre l’expérience et l’image qui en résulte. Donc, Sabbat Edhlem a une signification claire, mais elle est en train de s’échapper à l’oubli. C’est pour cela j’ai choisi ce lieu de mémoire comme support d’étude.
Figure71: Sabbat Edhlem
69
Immersion à Sabbat Edhlem
2. Sabbat Edhlem: Lieu de mémoire, la mémoire du lieu 2. 1. Présentation du support d’étude 2. 1. 1.
Aperçu historique
Hassan Ayadi est le chef de Sabbat Edhlem, né en 1918 à Jbeniana. Il rejoint le Mouvement National Tunisien puis la Lutte Armée ( 1952-1954 ) contre le colonisateur. Avant qu’il devient le Chef de Sabbat Edhlem ( Lieu de détention et de torture, auparavant “dwiret appartenant au hezb Eddestouri” ). Ce Lieu a été ouvert aprés une décision politique suite à “ Fetna El Youssfiya “, fermé quelques années plus tard en 1962 par Cheikh Hassan Ayadi lui même. Hassan Ayadi a été jugé un an plus tard pour trahison de l’état, ensuite exécuté en 1963.50 Sabbat Edhlem est un centre de détention, un centre privatif de liberté. Dans ce “Guantánamo” tunisien, sont détenues des personnes qualifiées de « combattant illégal, opposants politiques, des personnes dangereux pour la sécurité nationale notamment des youssifites », capturées par les forces de l’ordre. Les détenus sont soumis à des traitements dégradants et à diverses tortures (psychologiques et physiques) même au cours de leurs interrogatoires. L’historien Mohammed Dhifallah a écrit un livre “Mémoires de Cheikh Hassan Ayadi: de la résistance armée au Sabbat Edhlem”, qui m’a aidé de découvrir l’histoire de ce lieu.
Figure72: De gauche à droite, Sheikh Hssan Ayedi, l’historien Mohammed Dhifallah
2. 1. 2.
La situation
Sabbat Edhlem est situé à la périphérie de la médina de Tunis (au boulevard Beb Bnet pour être exacte). L’emplacement a été choisi ici, vu la proximité de Dar El Bey (le centre du pouvoir politique) et à 400m de la place El Kasbah (appelée aussi place du Gouvernement). De plus l’endroit est connu par ses impasses et ses fausses pistes, destiné à perdre ou à ralentir celui qui cherche à s’y déplacer. DHIFALLAH, M. (2011), Mémoires de Cheikh Hassan Ayadi: de la résistance armée au Sabbat Edhlem
50
70
Immersion à Sabbat Edhlem
Figure73: Situation géographique de Sabbat Edhlem
2. 1. 3.
Un lourd passé
Figure74: L’ombre de Sabbat Edhlem
Sabbat Edhlem est un endroit frustrant, la plupart des habitants de la médina ont une réponse émotionnelle à l’opposition, liée à la colère et au déni. Cependant, les individus peuvent percevoir la source de cette frustration au-dessus de ses moyens, et ainsi la frustration grandit, causant éventuellement des comportements problématiques. On parle ici, à propos des habitants qui vivent à proximité de ce lieu. Au passé, le voisinage ont entendu des hurlements inhumains de douleur et des cries atroces de frayeur. « L’activité des vigiles (La police nocturne) est ultrasecrète. Elle est centralisée dans un vieux local, labytrinthe de galeries et de couloirs, de trappes, de puits et de caves. On y accède par le boulevard Beb El Bnet, via rue Bir Lahjar. Ce local est en fait un lugubre traquenard. Il attend et accueille ses proies dans le noir, l’obscurité effrayante et le silence angoissant. On ne peut mieux choisir pour abriter des chambres de torture.» La Confession de Béchir Turki, l’ex Chef des Services secrets tunisiens.
71
Immersion à Sabbat Edhlem
Le sens et la compréhension du «lieu» sont par ailleurs cruciaux dans le processus de création architectural. Une intervention sur ce lieu semble nécessaire afin de donner une nouvelle vie à cet endroit, tous ces récits et toutes ces histoires peuvent servir à la conception, un matériau de conception. C’est pour cela que j’ai traité les lieux porteurs d’une mémoire et les outils de divulgation de la mémoire dans les chapitres précédents.
Figure75: Les Ténèbres
Figure76: Périmètre d’étude
72
Immersion à Sabbat Edhlem
2. 2. Témoignage Un témoignage vivant et inédit sur l’histoire de Sabbat Edhlem traduit avec soin afin de préserver la crédibilité et la fiabilité du récit. Le jour de 29 Mars 2018, j’ai rendu visite à la Fondation Temimi
51
pour la Recher-
che Scientifique et l’Information pour fixer un rendez-vous avec Monsieur Abdeljelil Temimi 52 qui est un historien spécialiste de l’époque moderne. J’ai eu déjà la chance auparavant d’avoir une discussion avec lui, on a parlé un peu à propos de l’histoire de Sabbat Edhlem, également, il m’a donné quelques contacts afin d’avoir plusieurs récits dans le but de savoir le maximum possible à propos de cet endroit de la médina de Tunis. Ce jour là (29/03/2018) la Fondation Temimi a organisé “ Le 51ème congrès du Forum de la Pensée Contemporaine sur : Mohamed Mzali (1925-2010) “ en collaboration avec La Konrad Adenauer Stiftung. Parmi les invités figuraient des personnalités publiques et politiques, je vais citer quelques noms : Fakhfakh Elyes (ancien ministre des finances), Chaouket Khaled (ancien ministre), Said safi (penseur indépendant), Ghannouchi Rached (Président d’Ennahdha) et Dhifallah Mohammed
53
qui est un historien et universitaire tunisien connu par son livre
“Mémoires de Cheikh Hassan Ayadi: de la résistance armée au Sabbat Edhlem” publié en 2011. Donc Monsieur Dhifallah Mohamed semble être la personne idéale pour me divulguer quelques détails précis, d’ailleurs Monsieur Abdeljelil Temimi m’a suggéré de le contacter parce que Monsieur Mohamed Dhifallah figure parmi les minorités qui ont écrits à propos de Sabbat Edhlem, de plus il est très connu par son objectivité dans ses écrits. Au final, j’ai fixé un rendez-vous avec lui (Le 31/03/2018) pour me donner son témoignage.
Ce passage ci-dessous a été traduit de l’arabe au français par l’auteur et Sahar Laajili, étudiante à l’ENAU. Auteur : « Bonsoir monsieur Mohamed, pourriez vous me parler de Sabbat Edhlem, de son contexte politique, historique et urbanistique ? » La Fondation Temimi pour la recherche scientifique et l’information est une institution de recherche privée tunisienne fondée par l’historien Abdeljelil Temimi et spécialisée en sciences humaines et sociales. Le projet de la fondation débute en 1974 avec la publication du premier numéro d’une revue d’histoire, la Revue d’histoire maghrébine. 52 Abdeljelil Temimi né le 21 juillet 1938 à Kairouan, est un historien et universitaire tunisien spécialiste de l’époque moderne et contemporaine, Temimi a publié une trentaine de livres et des centaines d’articles académiques. 53 Mohamed Dhifallah né le 21 août 1960 à Jersine (gouvernorat de Kébili), est un historien et universitaire tunisien. Il a publié une cinquantaine d’articles en Tunisie et à l’étranger. 51
73
Immersion à Sabbat Edhlem
Mohamed Dhifallah : « Sabbat Dhlem est un monument qui n’est pas loin du centre politique fondamental de la Tunisie qui est El Kasbah. Ce monument se trouve dans une place portant le nom de ce monument, qui est la Rue Sabbat Dhlem qui est une ramification de l’avenue Beb Bnet. Ce lieu fut le siège de la division de Douiret relatif à une région du sud de la Tunisie qui demeurait un lieu où la résistance Youssifite fut captive. Ce siège est inauguré en 1955 sous la supervision du Sheikh Hsan Ayedi qui était un des combattants de la résistance avec la participation d’autres individus tel que Taieb Sahbani
54
qui travaillerait en tant que secrétaire d’États
aux affaires étrangères et bien d’autres positions dans l’État. Une autre figure venant de Douiret dénommé Ali Ourak qui est un des leaders de Douiret, qui va poursuivre ses études jusqu’aux années 80 et qui deviendrait un membre de la commission directrice de l’espérance sportive de la Tunisie. Ces figures représentent les éléments fondamentaux du siège de la division de Douiret ce qui accentue le fait que ce siège ne fut pas inauguré par juste une seule personne mais plutôt il fait partie d’un système non publié du parti constitutionnel libre dans une période où le conflit s’est intensifié entre les Bourguibistes et les Youssifites dans la capitale Tunis où la plupart des constitutionnels ont pris le côté de Ben Youssef 55 donc l’université de Tunis et ses alentours qui supervisait les activités des partis à Tunis et ses alentours d’où la création de ce siège afin de résister le mouvement Youssifite. Ceci peut résumer le cadre partial ou historique de ce lieu dans cette période. » Auteur : « Est-ce que tu voit que cet endroit sombre de la ville de Tunis est un objet de mémoire, un lieu qui représente une mémoire collective ? Peut-on dire qu’il est un lieu de mémoire ? » Mohamed Dhifallah : « Avant de répondre à cette question, je souhaite noter qu’il y a ceux qui disent que le conflit entre Bourguiba et Salah Ben Youssef était réciproque et même le meurtre était le résultat des deux parties ce qui est approximativement correct vu que les comités ‘Ligen Eriaya’ n’ont pas permis à Ben Youssef de créer des comités semblables dans le sens qu’ils soient des comités organisés et structurés ayant des sièges et actifs afin de capter les Bourguibistes pour une raison simple qui est le fait que Bourguiba était supporté par des hommes de pouvoirs comme les ministres l’aidant à obtenir le pouvoir absolu. Tels que Mongi Slim 56 à cette époque là, qui était le ministre de l’intérieur en 1955 et Taieb Mhiri
57
dans une période ul-
Taïeb Sahbani né le 9 mars 1925 à Tunis et mort le 5 décembre 2010, est un militant nationaliste, homme politique et diplomate tunisien. 55 Salah Ben Youssef né le 11 octobre 1907 à Maghraoua (Djerba) et assassiné le 12 août 1961 à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), est un homme politique tunisien et l’un des principaux chefs de file du mouvement national tunisien. 56 Mongi Slim né le 1er septembre 1908 à Tunis et mort le 23 octobre 1969 à Tunis, est un homme politique et diplomate tunisien. 57 Taïeb Mehiri né le 25 juillet 1924 à Tunis et décédé le 29 juin 1965, est un homme politique tunisien. 54
74
Immersion à Sabbat Edhlem
térieur qui procurait le rôle d’un ministre d’intérieur lui aussi. Donc, la différence entre les deux parties c’est justement ce côté de pouvoir qu’avait Bourguiba quant à Salah Ben Youssef n’en avait aucun. Répondant donc à ta question, chaque partie porte sa mémoire depuis une perspective propre à lui, donc la partie des victimes ont leur vision et la partie opposée ont leur vision bien différente à celle des premiers. Pour la première partie qui est celle des victimes, afin de retracer la mémoire de ce lieu, le chercheur n’a pas à prendre la narration de ce côté mot par mot vu que cette perspective n’est pas aussi innocente ni pure d’ailleurs, elle est pleine d’exagération vu que ce lieu, selon eux, porte en lui une mémoire péjorative et ce n’est que leur perspective et vision portant le cap du combattant. Cette mémoire ne donne pas le droit d’effacer la mémoire de Sabbat Dhlem comme étant un lieu de ‘Ligen Eriaya’ qui est un fait historique mais ceci ne nous permet pas aussi de négliger la mémoire des victimes. Dans tous les cas, Sabbat Dhlem, avec l’ambiguïté de son historique, fait partie intégrante de l’histoire de la Tunisie. Même si l’histoire de ce lieu narrée par le côté des victimes existe et subsiste, l’autre côté n’avoue pas sa vision de cette mémoire vu l’obscurité historique qui entoure la mémoire du Sabbat Dhlem. Même de nos jours, lors des débats au sein de la commission de la vérité et dignité 58, on entend toujours parler de cet époque historique du côté des victimes quant au côté opposé s’abstient de toute intervention comme s’il n’en faisait même pas partie d’où un problème de restructuration correcte de la mémoire de ce lieu fut présenté avec des lacunes et des vides qui ne peuvent pas être complétés lors de la documentation. » Auteur : « Je vois, donc d’après ce que j’ai compris la mémoire de Sabbat Dhlem persiste et subsiste, même si il existe une exagération et une négation des deux côtés. »
Figure77: De gauche à droite - les portraits de Taieb Mhiri, Mongi Slim et Salah Ben Youssef
Mohamed Dhifallah : « Sabbat Dhlem comme une partie de l’histoire du patrie est un élément présent et subsistant pour 63 ans qui doit être rectifiée afin d’éviter toute exagération et distorsion des évènements et de la mémoire de ce lieu. L’Instance Vérité et Dignité (IVD) a été créée par la loi organique 2013-53 du 24 décembre 2013, relative à l’instauration de la justice transitionnelle et à son organisation.
58
75
Immersion à Sabbat Edhlem
En fait, je connaissais un Youssifite appelé Ali Maaoui qui a visité Sabbat Dhlem et il a habité près de ce monument jusqu’au jour de son décès (2013 ou 2014). Cet homme a publié un livre en 1999. C’est un Youssifite, mais ce qui m’a raconté lors de sa visite à Sabbat Dhlem et même à plusieurs autres reprises, c’est qu’après le 7 Novembre 1988, l’armée Tunisienne est venue pour condamner l’espace où se situait Sabbat Dhlem et ils ont creusé un puits qui est maintenant au sein d’un petit jardin à gauche du monument. Au début de l’année 1988, une nuit, ils ont clôturé la ruelle qui est près du puits, et ils ont ramené des hottes afin d’extraire de l’eau durant toute la nuit vu qu’à l’époque de la résistance Youssifite, d’après Ali Maaoui, ce puits fut le lieu où les cadavres des résistants furent trempés. Cette histoire reste racontée de la part d’un Youssifite donc une partie d’exagération est certainement existante. »
Figure78: Plan de Situation
En bref, l’espace “Sabbat Edhlem” s’impose comme trace, une cicatrise, une blessure permanente afin de lutter contre l’oubli. C’est là où la mémoire de lieu nous amène à réfléchir sur des questions d’existence, d’absence et de disparition. Des souvenirs et des sentiments qui traduisent et composent le passé et le présent. Ce lieu de mémoire est un témoin d’événements historiques. Tout en remplissant notre banque d’images, il devient la représentation d’un passé.
76
Immersion à Sabbat Edhlem
2. 3. Reportage photo
Des images témoignant des évènements, des photos d’illustration racontant une histoire. Le lieu est mis en valeur et en scène. Un endroit sinistre, très difficile d’accès, un vieux local impénétrable. Il m’a fallu l’aide des habitants du coin afin d’accéder. Parfois je m’infiltre discrètement, ni vu ni connu, ma sécurité était en jeu à plusieurs reprises vu que les dalles de la bâtisse sont instables, précaires ...
Figure79: Sabbat Edhlem de dessus
77
Immersion à Sabbat Edhlem
78
Immersion à Sabbat Edhlem
79
Immersion à Sabbat Edhlem
80
Immersion à Sabbat Edhlem
81
Immersion à Sabbat Edhlem
3. Etat des lieux 3. 1 Le relevé architectural
L’ancien lieu de torture de Sabbat Edhlem fait partie de tissu médinal et il est encore bien présent dans la ville de Tunis. Outre son identité forte, il dispose, dans l’épaisseur de ses murs, de témoignages, des traces. Pour révéler ceci un relevé architectural et un relevé pathologique sont nécessaires. Le relevé architectural est en particulier nécessaire à la réalisation d’études de rénovation ou de réhabilitation d’un bâtiment lorsqu’on ne dispose pas de ses plans, sauf que j’ai réussi à obtenir le relevé avec l’aide de L’ASM ( L’Association de sauvegarde de la médina de Tunis ), mais une rectification était essentielle vu que certains éléments ne figure pas cependant dans le document que j’ai réçu. Avec l’apparition des moyens informatiques, j’ai réussi à modéliser la bâtisse en 3D. Ce modèle ci-dessous montre les trous existants au niveau de la dalle supérieure du 1er étage, repérer après plusieurs visites sur le site.
Figure80: La modélisation 3D
82
Immersion à Sabbat Edhlem
Figure81: Plan RDC
Figure82: Plan 1er étage
83
Immersion à Sabbat Edhlem
F R E Q U E N TAT I O N Cette notion permet de connaître les personnes qui se sont déjà emparées du site. De plus dans la découverte du lieu, il est intéressant de pouvoir recueillir la parole de plusieurs habitants voisins, afin de mieux comprendre l’espace à travailler. On remarquera l’influence que peut avoir un espace occupé par un plus grand nombre de personnes, et comment cela crée l’événement et l’attractivité du lieu.
ACCESSIBILITE C’est la capacité à accéder au lieu, physiquement, le lieu de torture de Sabbat Edhlem est éventuellement inaccessible de la rue au bâtiment, donc on peut pas parler du degré de faisabilité. C’est pour cela l’aide des voisins était primordiale afin d’accéder à la bâtisse discrètement.
ENTRETIEN L’espace entretenu traduit d’une considération de l’espace par une personne. Afin d’évaluer cette dernière notion, la description de l’entretien se fera selon quatre points, présentant le cas d’un lieu dégradé jusqu’à un espace bien entretenu. Sabbat Edhlem est loin d’être entretenu, il est un lieu dégradé et menaçant ruine.
84
Immersion à Sabbat Edhlem
3. 2 Le relevé pathologique
Figure83: Les chambres de la torture
Une bâtisse délabrée et dans un état dégradé, comme on voit dans les deux photos ci-dessus, murs éventrés, fênetres abîmées, dalles perforées, une petite forêt à pris sa place (voir photo ci-dessous). L’ancien lieu de torture est devenu un espace de délinquence. La loi définit le bâtiment menaçant ruine, comme étant “tout bâtiment ou construction dont son effondrement total ou partiel peut constituer un danger à la sécurité de ses propriétaires, ses exploitants ou les passagers et aux constructions limitrophes”. L’intervention sur les constructions menaçant ruine, est une équation à plusieurs degrés. Il s’agissait ici d’une mémoire enracinée dans le territoire, restituant l’épaisseur historique, la superposition des différentes strates qui ont fabriqué l’identité du lieu. Au lieu de le démolir, comme un objet dont on se débarrasse sans réfléchir et progressivement vider la médina de sa substance, ma propostion c’est de faire de ce bâtiment, un bâtiment de mémoire et un projet manifeste.
Figure84: La poussée de la végétation
85
Immersion à Sabbat Edhlem
Figure85: Etat du bâti au RDC
Figure86: Etat du bâti au 1er étage
86
Immersion à Sabbat Edhlem
4. Un fragment persistant 4. 1. Analyse perceptuelle
L’architecture s’adresse à tous les sens plurisensorialité simultanée de l’expérience. La perception n’est pas une contemplation à partir d’un point fixe, elle ne possède pas d’échelle de mesure continue.
Un parcours séquentiel qui a pour but de retracer la mémoire douleureuse. “Si tu prends le Boulevard “ Bab Bnet “ tu trouveras des escaliers descendant à un autre niveau , où on trouve sabbat edhlem, après quelques mètres il y a une porte à gauche, c’est l’entrée du bâtiment. Dans le temps il y avait des cellules à droite et à gauche, de l’autre côté le bureau de Cheikh Hassan Ayadi.” Abdeljlil Temimi
Un endroit qui tend à éloigner les passagers, un lieu epoussant et monstrueux.
Figure87: Séquence numéro 1
Une obligation de suivre le passage voûté si étroit. Le flux piétonnier est trop faible ceci on peut l’expliquer par l’état des lieux et l’atmosphère répulsif.
Figure88: Séquence numéro 2
87
Immersion à Sabbat Edhlem
La confusion est un état pathologique caractérisé par une désorganisation des processus psychiques, une désorientation temporospatiale.
Figure89: Séquence numéro 3
Un étranglement consistant à serrer le passager, une limite séparatif de deux environnements, une impression austère. Le regard est progressivement attiré par l’entrée de Sabbat Edhlem.
Figure90: Séquence numéro 4
Une atmosphère oppressante, l’œil se heurte à de fortes discontinuités, un inconfort, un manque de repères qui induit à un sentiment de frustration.
Figure91: Séquence numéro 5
La circulation est plus lente, et le bruit moins présent. Un manque de cohérence n’est pas en premier lieu choquant, les maisons étant généralement peu visible. Ces dernières, ouvertes sur des voies secondaires ne donnent pas un aspect ouvert à la rue.
Figure92: Séquence numéro 6
88
Immersion à Sabbat Edhlem
4. 2. Le relevé de la mémoire
89
Immersion à Sabbat Edhlem
5. Synthèse Défaire cette construction plus précisement Sabbat Edhlem est un peu faiblard, un manque de désir et de réflexion. L’épaisseur de la mémoire est bien existante dans ce vieux local. La mémoire est matérialisée dans les parois abîmées, c’est un héritage éminemment riche de souvenir et d’images, dominant l’inconscience de plusieurs individus voir une societé. Ce lieu de mémoire a un message et un sens à nous communiquer. Ma vision va aborder cette bâtisse comme un héritage du passé, transmetteur et fabricant de la mémoire. Non pas uniquement dans le sens d’une conservation mais plutôt dans le sens de sa transformation vivante et dynamique avec l’utilisation aussi de l’esprit du lieu et à travers des dispositifs physiques (forme, volume, matériau..) et métaphysiques (l’agitation émotionnelle, la provocation, la participation..) évoqués déjà dans les deux chapitres précédents. Sans tarder à exploiter les potentialités du lieu (de la bâtisse) comme la multitude d’espaces subdivisés en divers sous-espaces interdépendants, qui répond au principe de base d’une maison traditionnelle: une maison principale à cour avec des espaces structurés autour d’un grand patio, l’ouverture vers le ciel et l’aspect de la vie communautaire de la médina traduite par les ruelles, labyrinthes et sabbats.
Figure93: Dégagement de la potentialité
90
C HAPITRE Genèse du projet
5 Introduction Expérimenttion de la perte Amertume et apaisement Le présent lumière, espace des vainqueurs Un hommage lumineux Synthèse
91
Genèse du projet
1. Introduction Mon idée est de parvenir sur cette bâtisse comme un héritage évocateur d’une mémoire, dans le sens de sa transformation créatrice. En utilisant des dispositifs matériels et immatériels. Donc j’ai essayé de créer un parcours de receuillement, un parcours segmenté dans l’espace et dans le temps à travers Sabbat Edhlem qui va devenir le nouveau siège d’une fondation pour la recherche historique sur la Tunisie Post-Indépendance. Une manière de réagir afin de cannaliser les flux vers ce lieu de mémoire. Par le biais de ce voyage contemplatif, le visiteur va être un acteur et un observateur dans des différentes installations et différents espaces. Un scénario programmatique qui a pour but de préserver la mémoire de ce lieu. Une relation de soi-même entre l’objet et le visiteur, un lien entre légèreté et solennité ayant comme objectif de communiquer un message. Chaque segment va être traité d’une manière, de la réhabilitation jusqu’à la rénovation comme mode d’intervention, afin de donner naissance à un projet cohérent dans sa globalité.
Figure94: La segmentation
92
Genèse du projet
Figure95: Les modes d’intervention
93
Genèse du projet
2. Expérimentation de la perte
Figure96: Le premier segment (en plan)
L’espace urbain, est une succession continue d’ensembles le long d’un parcours qui se renouvelle constamment de façon ordonnée et articulée. Ces successions implquent du rythme, des changements, des contrastes, des variations d’intensité.Le parcours urbain est la combinaison des espaces auxquels nous ajoutons la variable du temps, qui est introduite par la personne en se déplaçant.59
2. 1. Effacement progressif
Figure97: Coupe longitudinale A-A
Figure98: Le mur avant l’intervention
Figure99: Le mur après l’intervention 59
PUMAR, A. (2015), Le parcours en architecture: Mode de représentation et de création
94
Genèse du projet
Mon intervention sur ce premier segment est très légère afin de préserver le caractère de ce lieu de passage qui mène vers la fondation pour la recherche historique. Une oeuvre qui a une courte durée, qui cesse vite. Juste après sa disparition les murs vont se retourner à l’état initial. Oeuvre in situ éphémère à la manière de Ernest Pignon, artiste évoqué déjà au deuxième chapitre de mon mémoire. C’est une sérigraphie collées sur le mur, une oeuvre qui appartient au temps. Les déchirures du papier rappellent le déchirement du lieu ainsi l’évaporation de la mémoire de ce lieu. Le papier joue du temps de l’œuvre participant à montrer la mémoire qui s’efface progressivement. La présence de la photographie (visages des victimes) provoque une certaine curiosité chez le public. Car implicitement, l’image demeure partiellement dissimulée, offrant ainsi une semi-visibilité. En cadrant le visage de chaque buste, le visiteur va se concentrer sur leur individualité. Leurs visages étaient la marque de leur passage dans le temps. Le changement de la couleur (l’atmosphère obscure, noir et l’usage de la couleur doré) amène le visiteur à une réflexion approfondie, car les couleurs sont partie intégrante d’une stratégie de communication visuelle. Il y a une deuxième lecture pour cette oeuvre, la couleur doré (comme la couleur de l’or) symbolise la pureté, la majesté et le principe divin dans la matière, un trésor ambivalent et il représente la raison et l’Immortalité. J’ai utilisé cette couleur pour glorifier les victimes, afin de rappeler les morts et les douleurs, de compatir, de se tourner vers le passé des tragédies.
2. 2. L’immatérialité dans le matériel
Figure100: Coupe longitudinale B-B
Figure101: Le mur avant l’intervention
Figure102: Le verre fragmenté
95
Genèse du projet
Figure103: Le mur après l’intervention
Une oeuvre in situ, composée d’un panneau en verre fragmenté à caractère précaire et de l’eau qui coule de haut vers le bas sur la surface du verre. La chute d’eau rappelant le mouvement, la descente sans fin. L’eau qui oscille entre la vie et la mort.60 L’eau signifie le renouveau ainsi les eaux dorment, elles font silence, elles abritent non plus la vie mais la mort. Penser la matière en tant que corps a persisté.61 Mais le verre amène des contextes différents. Étudier le verre comme matériau implique de le concevoir à la fois comme une matière solide qui occupe un espace, et comme une matière transparente, en suspension. Être en même temps absence et présence lui donne la particularité d’être presqu’inexistant dans sa matérialité même comme dans “Monument Minimum”, une oeuvre qui a été analysé au deuxième chapitre. On remarque parmi les caractéristiques du verre la présence d’une dualité comme la fragilité et la rigidité afin d’arriver à la nécessité de pérenniser la mémoire des victimes. « combinant résistance, densité et invisibilité, il permet J’alliance du matériel et de l’immatériel .»62
3. Amertume et apaisement 3. 1. Préserver la mémoire
L’esprit a besoin de stimulation constante pour rester aiguisé.63 La mémoire ne s’use que si l’on ne s’en sert pas, iI est donc essentiel de l’entretenir. Il s’agit ici d’une mémoire enracinée dans le territoire, une superposition des différentes strates qui ont fabriqué l’identité du lieu. Donc je vois qu’il faut entretenir et préserver au moins les espaces où la mémoire subsite encore. Car la conservation de la mémoire commence par la conservation de l’architecture. Une opération de consolidation du vieux local est envisagé, de plus une suivie par une phase de mise à niveau culturelle. 60 61 62 63
http://www.psy-luxeuil.fr/article-les-mythes-et-symboliques-l-eau-117893119.html AUCE, A. (2011), Des archives photographiques à l’installation comme lieu de mémoire MEREDIEU, F. (1994), Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne https://www.jeancoutu.com/sante/conseils-sante/preserver-la-memoire-et-la-vivacite-desprit/
96
Genèse du projet
Figure104: Préserver la mémoire
3. 2. Plan d’intervention
Figure105: Plan d’intervention au niveau RDC
97
Genèse du projet
Après la consolidation de la bâtisse (plus précisement au niveau RDC où les murs incarnent la mémoire), une suppression de quelques parois est nécessaire afin de créer des passages pour donner une ordonnance harmonieuse et une organisation fonctionnelle des espaces. Ces passages qui donnent la circulation des hommes dans le bâtiment. Ceci est essentiel car il y a plusieurs pièces dans le bâtiment qui sont fermées et qui n’ont pas un seul accès vu que le bâtiment a été transformé dans le passé.
3. 3. Programme Dans le passé obscur et sanglant abritant le RDC, une opération de consolidation de la mémoire est en scène. Un programme fonctionnel englobant une salle d’exhibition dans laquelle le visiteur va expérimenter la douleur d’un passé tout en restant un simple observateur. Une salle d’exhibition de la mémoire qui emmène les visiteurs à revivre un moment émotionnel pénible résultant d’un manque, d’une peine, d’un événement malheureux. De plus un jardin aménagé est en place, un espace administratif en faveur des visiteurs, une petite bibliothèque et un bureau de renseignement. Cette partie de la fondation pour la recherche historique est ouverte à tout le monde, il s’agit ici d’un rez de chaussée d’exhibition.
Figure106: Dispatching fonctionnel
98
Genèse du projet
Les Fonctions
Superficie en m2
Niveau
Salle d’exhibition de la mémoire
200
RDC
Escalier
15
RDC
Escalier 2
15
RDC
Bureau administratif 1
8
RDC
Bureau administratif 2
10
RDC
Bureau administratif 3
17
RDC
Une bibliothèque
44
RDC
Bureau de renseignement
35
RDC
Dêpot
7.5
RDC
Un jardin aménagé
85
RDC
Figure107: Le programme
3. 4. Esquisse
Figure108: Esquisse plan
99
Genèse du projet
Figure109: Parcours de l’amertume et de l’apaisement
Ma proposition comme j’ai indiqué auparavant ce base sur un programme culturel dont la salle d’exhibtion de la mémoire occupe presque la moitié du Rez-de-chaussée. J’ai essayé dans mon esquisse de plan de conserver l’épaisseur de l’histoire dans les murs. A travers un deuxième segment le visiteur va être submergé dans une réflexion sur la mort et la survie, une invitation à découvrir l’existance d’un passé. L’architecture va prendre la forme d’un récit de pratique, également un questionnement sur les migrations des mémoires. La figure109 montre le chemin qui va le prendre le visiteur. Seulement l’espace “Salle d’exhibition” et le jardin aménagé vont être concernés par le parcours. Je vais essayé à travers des coupes et des schémas de dévoiler la mémoire de lieu en s’arrêtant dans le temps et dans l’espace à 4 reprises.
3. 5. Amertume L’amertume est un sentiment durable de tristesse mêlée de rancœur, lié à une déception, une injustice du sort. C’est ce que je veux transmettre comme message. 100
Genèse du projet
Figure110: Point d’arrêt numéro 1
Mon intervention va garder l’aspect du lieu, avec quelques ajouts (des objets trouvés dans le site) qui vont accentuer la mémoire du lieu. Une mise en scène liée au passé qui n’a vraisemblablement plus d’intérêt et qui est, par suite, prédestinée à un oubli. Ce deuxième segment est fragmenté sur quatre points d’arrêt. La saveur amère va être présente dans les trois premiers points. Une sensation désagréable qui passe le message rapidement. Le visiteur va être orienté vers une réflexion sur la mémoire et plus spécifiquement sur l’oubli de ces histoires individuelles, de ces personnes qui appartiennent à la mémoire collective. Le concept de la mort émerge plus fortement dans cette partie “Salle d’exhibtion” de la bâtisse. II s’y manifeste, soit par l’exposition des fragments d’un passé “des objets” comme indique la figure110, soit par d’autres signes liés à la mort. Je me suis référé au Mémorial & musée ground zero de Michael Arad, un projet qui a été l’objet d’une étude au troisième chapitre. Une scène dramatique qui remplace les morts, rappelant l’absence.
Figure111: Point d’arrêt numéro 2 et 3
101
Genèse du projet
La présence de la table, de lit, de l’obscurité et les trous au niveau du plancher (voir figure111) intensifie encore la présence de la mort. Il est le lieu de dissection du corps physique.
3. 6. Apaisement Après l’expérimentation de la perte, de la douleur et de dégoût un retour maintenant à la paix, au calme destinée à rassurer le visiteur dans ce troisième segment de la visite. Un souffle de vie, un contact récréatif pour adoucir la visite suite à l’état de réflexion, d’agitation émotionnelle éprouvé. Cette rupture permet de revenir à l’essentiel jusqu’à panser l’âme. Un bain de verdure permet de se ressourcer, d’apaiser les tensions et de mieux gérer ses émotions. Un milieu relaxant, le simple fait de regarder de la verdure a un effet direct sur le niveau de stress. Ce passage vient comme une transition dans le temps et dans l’espace. Le visiteur va expérimenté dans le passage suivant “Le présent lumière”.
Figure112: Point d’arrêt numéro 4
4. Le présent lumière, espace des vainqueurs « On peut introduire trois grandes acceptions de la lumière sur le plan de l’imaginaire : la lumière-séparation, la lumière-orientation, la lumière-transformation. Ces trois aspects de la lumière comme symbole se définissent par rapport à trois altérités ou trois formes de ténèbres, soit, respectivement : l’abîme ; l’obscurité ; l’ombre et l’opacité.»64 64
https://www.universalis.fr/encyclopedie/lumiere-et-tenebres/#i_4087
102
Genèse du projet
Figure113: Vers le présent lumière
4. 1. Vers le présent lumière Pour atteindre au premier étage “Le présent lumière”, il existe deux choix disposés au visiteur pour y accéder. Le premier choix est de poursuivre le parcours qui a débuté de Sabbat Edhlem “Segment de l’expérimentation de la perte”, en passant par le vieux local “Segment de l’amertume et de l’apaisement”. Soit un deuxième choix où le visiteur peut accéder au premier niveau, en accédant par une deuxième entrée secondaire. Une double entrée pour séparer le flux piétonnier, puisque l’entité au premier étage englobe une salle de séminaire et un atelier de recherche. Donc cette deuxième entrée est destiné au personnel et aux chercheurs de la fondation pour la recherche historique.
4. 2. L’opération L’opération consiste à démolir les parois intérieur afin de gagner de l’espace, un nouveau souffle pour la bâtisse, une rénovation où l’ancien est au profit du neuf. De plus, la mémoire de ce lieu persiste et subsiste seulement au niveau du rezde-chaussée, à l’étage il existe que des pièces qui n’ont pas été un lieu de torture. Donc j’ai injecté des nouvelles fonctions, pour renaître cette architecture. Un atelier de recherche dédié aux chercheurs en histoire de la Tunisie post-indépendance. Une réponse programmatique afin de ramener un oubli à la lumière, une lumière de savoir qui abrite le premier étage. 103
Genèse du projet
Figure114: L’intervention au 1er étage
104
Genèse du projet
Figure115: Plan d’intervention au premier étage
Figure116: Dispatching fonctionnel
Figure117: Esquisse plan, 1er étage
105
Genèse du projet
Figure118: Intention
La « greffe » programmatique : Se raccrocher à des besoins existants, en proposer des nouvelles fonctions en fusion avec le cadre existant. La « greffe » architecturale : Un système technique se déclinant selon les sites occupés mais conservant une même identité.
106
Genèse du projet
Les Fonctions
Superficie en m2
Niveau
Atelier de recherche
35
1 er Etage
Annexe de l’atelier
165
1 er Etage
La salle de séminaire
62
1 er Etage
Buvette
28
1 er Etage
W.C
5
1 er Etage
Escalier
15
1 er Etage
Escalier 2
15
1 er Etage
Bureau
15
1 er Etage
Figure119: Le programme
Figure120: L’atelier de recherche
La figure ci-dessus montre une vue à l’intérieur de l’atelier de recherche. Les murs porteurs existent encore et ils portent les traces du passé, tout en laissant pénétrer la lumière naturelle tout au long du jour pour les chercheurs et les visiteurs de la nouvelle fondation. Les chercheurs à travers le temps et à travers leurs recherches pérenniseront la lumière du savoir dans ce lieu de mémoire. La greffe architecturale a donnée une deuxième vie pour ce bâtiment.
107
Genèse du projet
5. Un hommage lumineux
Figure121: La mémoire immortelle
Ce segment est le dernier segment de la visite, après la provocation, l’agitation et le recueillement, un hommage lumineux aux victimes est en place. La lumière de transformation se heurte à une double altérité : s’opposant à l’obscurité, elle est le symbole de la manifestation, de la dérivation se confrontant à l’ombre, elle devient le symbole de la purification, de régénération. La lumière va accompagner le visiteur jusqu’à son sortie. En marchant, des mots porteurs de messages apparaissent sur un écran déposer au sol, des messages d’espoir liés à la vie.
Figure122: Le mur avant l’intervention
Figure123: Le mur après l’intervention
Il s’agit ici d’une intervention artistique. Cette intervention suppose le respect du caractère architectural du bâtiment, tout en débouchant sur un changement, un changement qui met en relief l’obscurité de l’endroit.
Figure124: Une image de synthèse
108
Genèse du projet
6. Synthèse L’aboutissement de ce projet engagé est dépendant d’une réussite au niveau de l’intervention sur chaque fragment de la bâtisse, sur chaque corpuscule qui incarne une mémoire. L’architecture comme base de la mémoire, et la mémoire comme base de l’architecture. Un aboutissement d’un scénario est conditionné par la maîtrise de la richesse d’un héritage, une fondation pour la recherche historique sur la Tunisie qui a pour but de pérenniser la mémoire. En nous remémorant l’espace, nous savons à éterniser en nous mêmes. La connaissance des lieux de mémoire, la compréhension de leurs natures et les attitudes envers ces lieux construisent le substrat et le fond des choses avec l’appui de l’analyse de projets évoquant la question de la mémoire, tout ces paramètres ne peuvent que donner une réponse adéquate face à ma problématique.
109
PÉRENNISER LA MÉMOIRE INCARNÉE Une fon da tion pour la r ec her c he his t or ique su r l a Tu n i s i e à S A B B AT E D H L E M
REFERENCES ET BIBLIOGRAPHIE Ouvrages: - BACHELARD Gaston. (1992), La poétique de l’espace, Les Presses universitaires de France, Paris - DHIFALLAH Mohamed. (2011), Mémoires de Cheikh Hassan Ayadi: de la résistance armée au Sabbat Edhlem, Fondation Temimi, Tunis - HALBWACHS Maurice. (1950), la mémoire collective, Les Presses universitaires de France, Paris - LIBESKIND Daniel. (1999), Jewish Museum Berlin, G + B Arts International, Berlin - MEREDIEU Florence. (1994), Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne, Éditions Bordas, Paris - MUXEL Anne. (2000), Individu et mémoire familiale, Nathan, Paris - PIERRE Nora. (1986), Les Lieux de mémoire, Gallimard (Bibliothèque illustrée des histoires), Paris - PIERRE Nora. (1992), Les Lieux de mémoire, Gallimard (Bibliothèque illustrée des histoires), Paris - ROSS Elizabeth. (2009), Sur le chagrin et le deuil, Éditions Jean-Claude Lattès, Paris - SOLOVYOVA Irina. (2003), Conjecture and Emotion - YOUNG James. (1993), Écrire le monument : site, mémoire, critique, Armand Colin édition, Paris
Thèses et mémoires: - AUCE Anany. (2011), Des archives photographiques à l’installation comme lieu de mémoire, Université du Québec - AVELÃS Nunes. (2014), The Oroborus Serpent: The memory in architecture, University of Coimbra - AZEVEDO Nélé. (2010), Démonstration dans les villes contemporaines : Monument Minimum, Université de Brasilia - BILLOT Léa. (2015), Les mémoriaux et leurs pratiques, École nationale supérieure d’architecture et de paysage de Bordeaux
110
PÉRENNISER LA MÉMOIRE INCARNÉE Un e f ondat ion pour la r ec her c he h i s t o r i q u e s u r l a Tu n i s i e à S A B B AT E D H L E M
- BLAIZEAU Marc. (2016), Construire l’ineffable : une architecture spirituelle pour un lieu de recueillement, École nationale supérieure d’architecture de Strasbourg - MARJOLAINE Ricard. (2014), L’art public : les nouveaux modes d’expression artistique et le processus d’intégration en milieu urbain, Université du Québec - PUMAR Alejandra. (2015), Le parcours en architecture: Mode de représentation et de création, ENSCI
Articles: - Brown Mark. (2014), Blood-swept lands: the story behind the Tower of London poppies tribute - GOUZEVA Alexandra. (2017), Six choses à voir sur la place Rouge - Pierre Le Hir. (2016), Retour à Tchernobyl : vivre dans la zone d’exclusion, trente ans après la catastrophe - Vincent Remy. (2011), Alain Finkielkraut : “Respecter Auschwitz, c’est ne plus s’y rendre”
WEBOGRAPHIE - Lieux de mémoire communs franco-québécois: www.cfqlmc.org - Radio Télévision Belge Francophone: https://www.rtbf.be/info/regions/detail_les-arbres-du-souvenir-une-foret-comme-lieu-de-memoire-pour-les-defunts?id=9124800 - Préserver la mémoire et la vivacité d’esprit: https://www.jeancoutu.com/sante/conseils-sante/preserver-la-memoire-et-la-vivacite-desprit/ -Encyclopédie: https://www.universalis.fr/encyclopedie/lumiere-et-tenebres/#i_4087 111
PÉRENNISER LA MÉMOIRE INCARNÉE Une fon da tion pour la r ec her c he his t or ique su r l a Tu n i s i e à S A B B AT E D H L E M
- http://www.psy-luxeuil.fr/article-les-mythes-et-symboliques-leau-117893119.htlm - Mémoire et Patrimoine: https://www.defense.gouv.fr/memoire/memoire/tourisme-dememoire-et-memoire-partagee/tourisme-de-memoire - Deezen: https://www.archdaily.com/881316/national-holocaust-monumnt-studio-libeskind - L’observateur: https://www.nouvelobs.com/monde/20141217.AFP3536/coreedu-nord-une-foule-immense-honore-la-memoire-de-kim-jong-il. html - Site web officiel de l’artisteTaysir Batniji: http://www.institut-icfp.org/page.php?id=1db8y7608Y1db8 - Site web officiel de Nélé Azevedo: https://www.neleazevedo.com.br/copia-bio-1 - Site web officiel de Menashe Kadishman: http://www.kadishman.com/ - Le Monde: http://www.lemonde.fr/m-moyen-format/article/2017/07/03/ a-utoya-le-memorial-controverse-tombe-a-leau_5154639_4497271.html - L’orient du jour: https://www.lorientlejour.com/article/466320/Le_jury_a_choi - Site web officiel de l’agence d’architecture SOAP : http://www.soap-architects.com/2014-memorial-varsovie.html - Wikipédia, Encyclopédie numérique: https://fr.wikipedia.org/wiki/Exploration_urbaine
112
PÉRENNISER LA MÉMOIRE INCARNÉE Un e f ondat ion pour la r ec her c he h i s t o r i q u e s u r l a Tu n i s i e à S A B B AT E D H L E M
TABLE DES FIGURES Figure 1: Photo, source : https://www.
Figure 15: Photo retouchée par l’au-
xoserivera.com/es/tag/photoshop-es/
teur, source : https://www.nouvelobs.
Figure 2: Photo, source : https://pixa-
com/monde/20141217.AFP3536/coree-
bay.com/fr/vieil-homme-portrait-hom-
du-nord-une-foule-immense-honore-la-
mes-heureux-1969215/
memoire-de-kim-jong-il.html
Figure 3: Schéma, source : file:///C:/
Figure 16: Photo, source : http://www.
Users/marouen/Downloads/mémoire-
lemonde.fr/planete/visuel/2016/04/21/re-
corps%2008.19.05.pdf
tour-a-tchernobyl_4906388_3244.html
Figure 4: Schéma, source : Ibid
Figure 17: Photo, source : www.archdai-
Figure 5: Photo, source : http://www.
ly.com
cultivoo.com/index.php/culture/biogra-
Figure 18: Photo, source : www.francet-
phie/1944-staline
vinfo.fr
Figure 6: Photo, source : www.alamy-
Figure 19: Schéma, source : Ibid
images.fr
Figure 20: Photo, source : http://www.
Figure 7: Photo, source : http://les.
medinapart.com/2012/03/08/a-trabelsi-
tresors.de.lys.free.fr/poetes/zola/24_
city-les-ruines-dune-dictature/
divers/5_eloge_funebre_par_anatole_
Figure 21: Photo, source : Thenews-to-
france.htm
day.info
Figure 8: Photo, source : https://fr.wiki-
Figure 22: Modélisation 3D, Source:
pedia.org/wiki/D%C3%A9claration_
Sketchup 3D Warehouse
des_droits_de_l%27homme_et_du_ci-
Figure 23: Photo, source : http://www.
toyen_de_1789
lostintheusa.fr/planifier/poi/46589/cha-
Figure 9: Collage personnel
pelle-rothko-sans-culte-houston-texas/
Figure 10: Photo, source : https://is-
Figure 24: Photo, source : https://www.
suu.com/fabioromano9/docs/codex_
cairn.info/revue-les-cahiers-irice-2011-1-
aegmian__sel__completo
page-63.htm
Figure 11: Photo, source : www.ar-
Figure 25: Photo, source : https://fr.wiki-
bresdusouvenir.com
pedia.org/wiki/Auschwitz
Figure 12: Photo, source : www.taysir-
Figure 26: Photo, source : https://
batniji.com
w w w. v i v a - i l - c i n e m a . c o m / a c t u -
Figure 13: Photo, source : www.arch-
alites/2018-01-master-class-dernest-pi-
daily.com
gnon-ernest
Figure 14: Photo retouchée par l’au-
Figure 27: Photo, source : www.google.
teur, source : https://fr.rbth.com/tour-
com
isme/2017/06/11/six-choses-a-voir-sur-
Figure 28: Photo retouchée par l’auteur
la-place-rouge_780645
Figure 29: Photo, source : www.flickr. 113
PÉRENNISER LA MÉMOIRE INCARNÉE Une fon da tion pour la r ec her c he his t or ique su r l a Tu n i s i e à S A B B AT E D H L E M
com
partir d’une image.
Figure 30: Photo, source : CUPtopia -
Figure 51: Photo, source : www.prost-ar-
WordPress.com
chitectes.com/
Figure 31: Schéma, source : WISNIK,
Figure 52, 53, 54, 55: Photos re-
G. Convivialité secrète : Réflexions sur
touchées par l’auteur , source : https://
le Monument Minimum
www.dezeen.com/2016/09/21/nor-
Figure 32: Photo, source : Ibid
way-government-scraps-plans-con-
Figure 33: Photo, source : http://www. clg-exupery-ermont.ac-versailles.fr/ IMG/pdf/fiche_prof_personnes_bol-
troversial-utoya-memorial-memo-
tanski.pdf Figure 34: Collage personnel Figure 35: Photo, source : http://www. kadishman.com/ Figure 36: Collage personnel Figure 37: Photo, source : http:// www.letemps.com.tn/article/92265/ la-rachidia%C2%A0et-les-fleurons%C2%A0du%C2%A0malouf Figure 38: Photo retouchée par l’auteur, source
:
http://archives.ecpad.fr/les-
forces-francaises-dans-la-guerre-debosnie-avril-1992-decembre-1995-2/ Figure 39: Photo, source : www. wikipédia.com Figure 40: Collage personnel Figure 41: Tableau synthétique, auteur Figure 42: Schéma de l’auteur Figure 43: Photo, source : www. prost-architectes.com/ Figure 44: Photo, source : http:// www.lemonde.fr/m-moyen-format/ article/2017/07/03/a-utoya-le-memorial-controverse-tombe-a-leau_5154639_4497271.html Figure 45: Plan retouché par l’auteur Figure 46: Plan retouché par l’auteur Figure 47, 48, 49, 50: Collage personnel travaillé sur photoshop par l’auteur à
ry-wound-jonas-dahlberg/ Figure 56, 57, 58, 59: Photos retouchées par l’auteur, source : https:// www.lorientlejour.com/article/466320/ Le_jury_a_choisi_%253C%253C_Reflecting_Absence_%253E%253ELe_ projet_de_memorial_du_World_Trade_ Center_selectionne.html Figure 60, 61: Photos retouchées par l’auteur à l’aide de photoshop , source : https://images.google.com/ Figure 62: Photo, source : https://www. expedia.fr/things-to-do/visite-a-piedde-ground-zero-et-entree-facultativeau-musee-national-du-11-septembre. a269086.details-activites Figure 63, 64, 65, 66, 67: Photos, avec l’intervention de l’auteur, source : http:// www.soap-architects.com/2014-memorial-varsovie.html Figure 68: Photo, source : http://news. pixelistes.com/decouvrez-le-travail-desimon-yeung-un-explorateur-urbainamoureux-du-royaume-uni/ Figure 69: Photo, source : http://kapitalis. com/tunisie/2017/03/31/rouvrez-les-bordel/ Figure 70: Auteur Figure 71: Photos prises par l’auteur Figure 72: www.google.com Figure 73: Auteur Figure 74: Photos prises et retouchées
114
PÉRENNISER LA MÉMOIRE INCARNÉE Un e f ondat ion pour la r ec her c he h i s t o r i q u e s u r l a Tu n i s i e à S A B B AT E D H L E M
par l’auteur
Figure 110: Coupe travaillée sur Photo-
Figure 75: Schéma de l’auteur
shop, auteur
Figure 76: Plan travaillé par l’auteur à
Figure 111: Collage personnel à partir
partir d’un plan existant
d’une photo prise par l’auteur
Figure 77: www.google.com
Figure 112: Image de synthèse, auteur
Figure 78: Plan travaillé par l’auteur à
Figure 113: Auteur
partir d’un plan existant
Figure 114: Diagramme de l’auteur
Figure 79: Photo prise par l’auteur
Figure 115, 116, 117: Plans de l’auteur
Figure 80: Modélisation de l’auteur
Figure 118: Schéma personnel
Figure 81: Plan fourni par l’ASM et corri-
Figure 119: Tableau programmatique,
gé par l’auteur
auteur
Figure 82: Plan fourni par l’ASM et corri-
Figure 120: Image de synthèse, auteur
gé par l’auteur
Figure 121: Schéma personnel
Figure 83: Photos prises par l’auteur
Figure 122: Coupe travaillée sur Photo-
Figure 84: Photo prise par l’auteur
shop, auteur
Figure 85: Plan travaillé par l’auteur à
Figure 123: Coupe travaillée sur Photo-
partir d’un plan existant
shop, auteur
Figure 86: Plan travaillé par l’auteur à
Figure 124: Image de synthèse, auteur
partir d’un plan existant Figure 87, 88, 89, 90, 91, 92: Croquis Figure 93: Schéma de l’auteur Figure 94: Auteur Figure 95: Diagramme de l’auteur Figure 96: Plan de l’auteur Figure 97: Plan de l’auteur Figure 98: Coupe travaillée sur Photoshop, auteur Figure 99: Coupe travaillée sur Photoshop, auteur Figure 100: Plan de l’auteur Figure 101: Coupe travaillée sur Photoshop, auteur Figure 102: 3D Warehouse, Sketchup Figure 103: Coupe travaillée sur Photoshop, auteur Figure 104, 105, 106: Plans de l’auteur Figure 107: Tableau programmatique de l’auteur Figure 108, 109: Plans de l’auteur 115
116