Inf'OSE Janvier 2014

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Inf ’ Janvier 2014 - N ° 87

EDITO En ce début d’année 2014, toute l’équipe de l’Inf’OSE vous souhaite ses meilleurs vœux et espère continuer à vous divertir tout au long des prochains numéros. Ce mois-ci, l’Inf’OSE est placé sous le signe de l’innovation dans le domaine de la production d’énergie à partir de ressources renouvelables, avec la présentation du très ambitieux projet Luna Ring, puis avec un focus sur l’émergence du solaire flottant, et enfin avec une étude économique de la méthanation qui connaît un engouement particulier, à l’heure où le développement soutenu des sources de production renouvelables intermittentes posent la question du stockage de l’électricité. Toujours concernant l’innovation, nous ferons un retour sur les lauréats du Prix des Techniques Innovantes pour l’Environnement dont les travaux de recherche abordaient quatre thèmes distincts : la biomasse, l’écoconception de produits, le recyclage des multimatériaux et la détection de polluants dans l’eau. Et pour conclure ce numéro, vous retrouverez Bob qui continue son tour du monde à la recherche de son remplaçant, et le candidat de ce moisci nous en apprend un peu plus sur la politique énergétique de la République Tchèque.

SE BRÈVES Des centrales photovoltaïques flottantes : solution contre le manque de place ? P. 3 Le prix des Techniques Innovantes pour l’Environnement 2013 P.4

ARTICLE La méthanation est-elle une solution au problème de l’intermittence de l’électricité renouvelable ? P. 5

ARTICLE Luna Ring : science fiction ou solution d’avenir ? P. 7

INTERVIEW P. 9 Julien TCHERNIA

Bonne lecture ! LES AVENTURES DE BOB P.11


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2 NEWS ! Chiffre du mois : 250 Après Paris (Autolib) et Lyon (Bluely), et avant Londres, Indianapolis et l’Asie, Bordeaux est la troisième ville française à s’équiper du système d’auto partage du groupe Bolloré. Le service Bluecub a été inauguré le 9 janvier 2014. Pour le moment, 90 voitures et 200 bornes de recharge ont été mises à disposition des bordelais, mais le groupe prévoit déjà d’étendre ce dispositif en libre-service à 200 véhicules et 400 bornes. L’efficacité de la batterie « LMP  » (lithium-métal-polymères) des Bluecubs permettrait d’atteindre 250 km d’autonomie en ville, contre 125 en moyenne pour les voitures concurrentes.

Première opération d’effacement de consommation Le 7 janvier 2014 a eu lieu la première opération d’effacement de consommation dans le cadre du nouveau dispositif introduit par la loi Brottes du 15 avril 2013. Le papetier NorskeSkog Golbey, établi dans les Vosges, a réduit sa consommation de 63 MWh entre 8h et 10h du matin, afin de réduire de quelque 33 MW la puissance appelée sur le réseau.

Un projet d’oléoduc géant pour acheminer des sables bitumineux approuvé au Canada Le grand projet d’oléoduc Enbridge Northern Gateway en ColombieBritannique, qui doit acheminer du pétrole issu des sables bitumineux de l’Alberta vers la côte Pacifique, a été approuvé par le ministère canadien de l’environnement. 209 conditions à son ouverture liées au financement, à la sécurité et à la protection de l’environnement, ont tout de même été posées.

Simplification des procédures pour l’éolien en France Promulguée le 2 janvier 2014, une loi autorise le gouvernement à expérimenter le «  permis unique  » afin d’accélérer l’installation d’éoliennes terrestres et d’unités de méthanisation et de biogaz. Un seul permis regroupera les autorisations préfectorales requises.

Total va devenir la deuxième société française à investir dans le gaz de schiste Le premier ministre britannique David Cameron a annoncé le 13 Janvier 2014, des mesures fiscales incitatives pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, au profit des collectivités locales concernées. Le même jour, Total a confirmé l’accord sur une licence d’exploitation de ces hydrocarbures dans le Lincolnshire. Le groupe a l’ambition de devenir en 2015 le premier producteur d’hydrocarbures du RoyaumeUni.

Caroline HENNES Anne-France HUSUM Sources : http://www.energiesactu.fr/distribution/ bluecub-une-ville-autopartagee-de-pluspour-bollore-0021822 www.energiesactu.fr http://www.lemonde.fr/energies http://www.actu-environnement.com

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3 BRÈVES Les brèves Des centrales photovoltaïques flottantes : solution contre le manque de place ? Depuis Juin 2013, une centrale photovoltaïque flottante de 1.2  MW est opérationnelle au Japon, dans le parc industriel d’Okegawa Tobu. Le projet appelé «  Solar on the Water Okegawa  », regroupant 4  500 panneaux solaires, est actuellement la plus grande centrale photovoltaïque flottante mondiale. La stabilité de la structure est assurée grâce à des flotteurs en plastique connectés entre eux, et ancrés à chaque coin pour empêcher tout mouvement. Conçus et réalisés par la PME française Ciel et Terre, ces panneaux flottants (commercialisés maintenant sous le nom « Hydrelio System ») recouvrent environ 12 400 des 30 000 m² d’un réservoir d’eau, initialement construit pour éviter les inondations des rivières locales. Au-delà du défi technique engendré, augmentant considérablement le coût de l’installation, installer des panneaux solaires sur des lacs ou des réservoirs possède de nombreux intérêts. Tout d’abord, cela permet de générer une rente nouvelle pour les propriétaires de lacs ou réservoirs. Concernant les exploitants, l’utilisation de ces réserves d’eau leur permet non seulement de s’affranchir des coûts élevés de la location du terrain d’une centrale terrestre, mais aussi de maximiser la quantité d’énergie

produite grâce à l’amélioration du rendement des panneaux solaires, rendue possible par l’eau qui constitue une source froide infinie permettant leur refroidissement. Même si l’idée est plus que séduisante, et pourrait permettre d’éviter l’utilisation de terres rares dans des pays comme le Japon par exemple, ces systèmes suscitent néanmoins quelques interrogations. On peut citer entre autres, le problème de la rentabilité d’un projet d’une telle envergure, la maintenance difficile, et l’impact sur la faune et la flore. Cependant, il existe de nombreux projets en cours qui devraient voir le jour dans les mois à venir, comme la construction de trois îles solaires flottantes sur le

lac de Neuchâtel en Suisse. Cette technologie étant en train d’émerger, il faudra attendre sa maturité dans quelques années pour pouvoir statuer sur la viabilité de cette solution contre le manque de place …

Nicolas GARCIA Sources : http://www.bulletins-electroniques.com/ actualites/74417.htm http://techon.nikkeibp.co.jp/english/ NEWS_EN/20131117/316700/ http://www.enerzine.com/1/15189+lacde-neuchatel-suisse---3-iles-couvertesde-panneaux-solaires+.html

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4 BRÈVES Le prix des Techniques Innovantes pour l’Environnement 2013 Leader mondial du marché de l’environnement, le salon Pollutec s’est déroulé en décembre 2013 au Parc des expositions de Paris Nord Villepinte. Afin de favoriser les synergies entre les laboratoires de recherche publics travaillant dans les domaines de l’énergie et de l’environnement et les industriels en quête de solutions innovantes, les deux promoteurs, l’ADEME et Reed Exposition France, organisent le Prix des Techniques Innovantes pour l’Environnement (TIE). Pour cette 18ème édition, les travaux de recherches récompensés se regroupent autour de 4 grands thèmes :

mise au point d’une méthode laboratoires : L’équipe Chimie d’éco-conception pour la et Ingénierie des Procédés de fabrication de composés l’Ecole Nationale Supérieure azotés destinés notamment à de Chimie de Rennes, s’est la fabrication de médicaments, intéressée à l’identification des par l’Institut de Chimie sous-produits de chloration Moléculaire de l’Université de dans les eaux potables. Bourgogne à Dijon. Une nouvelle technique La réalisation d’un nouveau de détection de polluants système d’identification RFID dangereux dans les eaux sans puce par le laboratoire de par des microcellules, a été Conception et d’Intégration proposée par l’Institut des des Systèmes de l’Institut Sciences Analytiques/Irstea Polytechnique de Grenoble à de Villeurbanne. Enfin, un Valence. nouveau dispositif permettant Et une nouvelle technologie la mesure de débits et flux pour extraire et inactiver polluants en continu, a été des microorganismes lors proposé par le Laboratoire de de la vinification, utilisant Génie Civil et d’Ingénierie 1. La production d’énergie à des Champs Electriques Environnementale de l’INSA partir de la biomasse ou de Pulsés, proposée par l’Unité de Lyon. déchets a intéressé deux de Recherche Œnologie de laboratoires : L’équipe du l’Université de Bordeaux Fidèle à sa tradition, ce salon Laboratoire de Biotechnologie Segalen à Villenave d’Ornon. international des équipements, des de l’Environnement a travaillé technologies et des services de sur la production d’hydrogène 3. Dans le recyclage et la l’environnement a mis en avant les par voie biologique avec valorisation des déchets, un dernières avancées en matière de comme matière première des laboratoire s’est intéressé au recherche et d’innovation dans tous ordures ménagères brutes. recyclage des multimatériaux les domaines du développement En parallèle, le développement qui reste problématique à durable. Ce salon est l’occasion d’un prototype d’unité de ce jour : L’Institut Lumière pour ces laboratoires de présenter production de chaleur et Matière de l’Université Claude leurs travaux avec la perspective d’électricité (cogénération), Bernard Lyon 1 à Villeurbanne de les voir déboucher sur des utilisant le bois comme propose un nouveau procédé de applications ou développements combustible a été proposé recyclage de films polymères industriels à court ou moyen terme. par le laboratoire TEMPO de multicouches par technologie La prochaine édition du salon l’Université de Valenciennes laser permettant leur recyclage Pollutec se déroulera du 2 au 5 et du Hainaut Cambrésis. sans détérioration. décembre 2014. 2. Trois innovations dans l’éco- 4. La détection et la surveillance conception de produits des polluants dans l’eau Sources : fabriqués industriellement : La ont été analysées par trois

Elsa BRUNET

ADEME Presse : « Prix des Techniques Innovantes pour l’Environnement: les lauréats 2013 » Communiqué de presse « Pollutec Horizon 2013 »

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5 ARTICLES Les articles La méthanation est-elle une solution au problème de l’intermittence de l’électricité renouvelable ? Dans un but de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, de plus en plus de pays développent les énergies renouvelables. Les principaux moyens de production d’énergie installés, les éoliennes et les panneaux photovoltaïques, ont la particularité d’être intermittents. De plus, le fait qu’elles dépendent de la météorologie rend leur production difficilement prévisible. Ainsi, la forte insertion de ces énergies renouvelables crée des perturbations sur le réseau électrique. En effet, les gestionnaires de réseaux de transport (GRT) doivent assurer en permanence l’équilibre entre l’offre et la demande. Ceci est dû à la particularité de l’électricité qui est difficilement stockable. Actuellement, le principal moyen d’emmagasiner de l’électricité est l’utilisation des STEP (Station de Transfert d’Energie par Pompage). Cependant, les emplacements intéressants pour ce mode de

stockage sont limités. Afin d’apporter de la flexibilité à la gestion du réseau électrique, il est envisagé de stocker la production d’énergies renouvelables intermittentes en utilisant la méthanation. L’électricité verte permettrait, en effet, de créer du méthane qui peut être stocké ou injecté dans le réseau gazier. La méthanation est un procédé permettant la production de méthane (CH4). Ce méthane de synthèse peut être obtenu par deux procédés différents. Le premier produit du biométhane par gazéification puis méthanation de biomasse ligneuse. Le second utilise de l’électricité renouvelable pour faire l’électrolyse de l’eau et produire du dihydrogène (H2). Ce gaz est mélangé, par la suite, à du dioxyde de carbone (CO2) et permet de créer du méthane de synthèse grâce à un procédé de méthanation. Le schéma cidessous illustre ces deux procédés.

Le second procédé permet ainsi de valoriser l’électricité renouvelable pour réaliser l’électrolyse de l’eau (H2O H2 + ½ O2) puis la méthanation du dihydrogène obtenu et du dioxyde de carbone (4 H2 + CO2 CH4 + 2 H2O). Le rendement global pour ce procédé est compris entre 51 et 65 %. Ce rendement diminue et atteint une valeur se situant entre 30 et 38 % si le biométhane est utilisé pour produire de l’électricité. Il arrive à un taux compris entre 43 et 54  % dans le cas d’une unité de cogénération. Le rapport étudiant la viabilité économique d’une unité de production de biométhane, réalisé pour le Royal Institute Technology, peut être adapté dans le cas d’une alimentation par un parc éolien. Dans ce cas, le facteur de charge serait de 20%, ce qui correspond à 1750 heures à régime nominal.

Les voies possibles de valorisation d’énergie primaire renouvelable en gaz renouvelable MASTÈRE SPÉCIALISÉ OPTIMISATION DES SYSTÈMES ÉNERGÉTIQUES - MINES PARISTECH - http://www-ose.cma.ensmp.fr/


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6 ARTICLES

Centrale à gaz

En faisant l’hypothèse simplificatrice qu’une centrale possède un rendement maximal pour tout type de puissance fournie par le parc, quel que soit la puissance fournie par le parc et en considérant un prix d’achat de l’électricité compris entre 40 et 82 €/MWh, le coût du méthane devrait s’élever entre 250 et 350  €/ MWh pour que l’installation soit rentable. Cela représente un facteur 10 avec le tarif du gaz naturel, qui oscille entre 20 et 30  €/MWh. Cependant, le coût du gaz naturel de synthèse issu de l’électricité produite par les énergies renouvelables ne doit pas être simplement comparé au coût du gaz traditionnel. En effet, il faut prendre en considération le fait que la méthanation permet d’utiliser l’intermittence des énergies renouvelables. Cette intermittence peut générer une forte production d’énergie éolienne en période de faible demande ce qui a causé la perte de 127  GWh en 2010 et de 407  GWh en 2011 en Allemagne, selon une étude du cabinet Ecofys. Ce chiffre va être amené à augmenter avec la forte insertion des énergies renouvelables en Europe. Ainsi, il est estimé que ces pertes pourraient atteindre 75 TWh en France à l’horizon 2050 dans un

cas de fortes pénétrations des EnR. En plus des pertes économiques dues à la non-consommation de cette énergie produite, il faut également prendre en compte les dysfonctionnements que créent les énergies intermittentes sur le marché SPOT. En effet, comme elles sont payées hors marché au travers du tarif de rachat garanti, la courbe de l’offre du « merit order » est décalée perturbant ainsi la bourse de l’électricité ; ces dernières années, des prix négatifs sur le marché SPOT sont mêmes apparus. Le couplage des énergies intermittentes et des unités de méthanation permettrait d’éviter ces importantes pertes économiques. Il serait donc intéressant de subventionner les centrales de production de biométhane au travers de ces coûts d’évitement. Actuellement, les unités de méthanation qui voient le jour sont de petite envergure et alimentées par un parc éolien situé à proximité. Néanmoins, le facteur de charge d’un tel parc se situe entre 20 et 25 % et correspond donc au taux de fonctionnement de cette unité de production de biométhane. Pour augmenter ce facteur, il pourrait être envisagé d’installer des centrales de plus

grande capacité, alimentées par plusieurs parcs éparpillés sur le territoire. Ainsi, comme les conditions météorologiques sont différentes sur une grande zone comme la France, le facteur de charge de l’unité de méthanation augmenterait. Par ailleurs, une centrale de taille conséquente offrirait de meilleure performance et une meilleure rentabilité économique.

Julien MAGIN Sources : Boulanger, Vincent. En Allemagne, la méthanation devient réalité. EnergiePlus. Mai 2012, 485. Farzad Mohseni, Martin Gorling, Per Alvfors. The competitiveness of synthetic natural gas as a propellant in the Swedish fuel market. Royal Institute of Technology. s.l. : Elsevier, 2012 Alexandre Hoffer, Pierre Germain. Analyse du rôle du transport de gaz naturel dans l’économie de l’hydrogène en France. s.l. : E-Cube, 2013.

Parc éolien

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7 ARTICLES Luna Ring : science fiction ou solution d’avenir ? Lorsqu’on parle d’énergies renouvelables beaucoup de projets et diverses inventions sont proposés. Il en ressort globalement que la ressource hydroélectrique semble parfaite avec une forte densité énergétique, sa mobilisation rapide et sa nonintermittence. Malheureusement, le potentiel de cette ressource est aujourd’hui en grande partie exploité. Vient alors l’énergie éolienne relativement compétitive et facilement exploitable ainsi que l’énergie solaire dont on vante le potentiel qui suffirait amplement à alimenter toute l’humanité en énergie. Cependant, la production d’électricité à partir de panneaux solaires pose un certain nombre de problèmes. Cette ressource nécessite des espaces importants dont l’utilisation est exclusive, et la variabilité météorologique en fait une source d’énergie intermittente sur Terre, tandis qu’elle est à l’origine continue. Les scientifiques de tous bords se sont alors demandé si la solution à ce problème ne pourrait pas être obtenue en produisant l’électricité dans l’espace afin de s’affranchir des problèmes terrestres. Cela ne date pas de cette année puisqu’en 1968, l’américain Peter Glaser évoquait l’utilisation de satellites solaires pour alimenter en électricité la Terre. S’en suivirent trois décennies de recherche et de projets variés dans un but commun  : utiliser l’énergie solaire si abondante et inépuisable comme source d’énergie pour la planète entière. C’est dans cette veine que la compagnie japonaise Shimizu a lancé son projet baptisé Luna

Ring, visant à construire une ceinture de panneaux solaires autour de la ligne équatoriale lunaire sur une largeur de 400 km. Ainsi la Lune ayant constamment une face exposée aux rayons du Soleil, cette construction lunaire permettrait de fournir de l’énergie à la Terre à puissance constante. De plus, cette idée ne sort pas du chapeau d’un obscur groupuscule adepte de science-fiction. En effet, la compagnie nippone, plus que bicentenaire, a étudié de manière sérieuse ce projet. Parmi les 5 plus grandes entreprises de construction du pays et dans le top 20 mondial, Shimizu est positionnée sur le domaine de la recherche de production d’electricité à partir de structures spatiales depuis les années 80. Là où l’ensemble des projets visaient à envoyer des satellites assez grands en orbite autour de la Terre ou de les envoyer à partir de la Lune, ici le projet vise à utiliser les matériaux présents dans le sol lunaire et l’énergie solaire fournie par une première station envoyée en orbite pour construire la structure Luna Ring. Les ressources minières seraient utilisées pour produire le béton nécessaire à l’infrastructure mais aussi du verre, des céramiques, des cellules solaires et le socle des dispositifs de production d’électricité, in situ. C’est peut être là la particularité de ce projet. Il ne s’agit plus de mettre en orbite des structures depuis la terre, ce qui est très coûteux mais de travailler directement depuis la lune pour ne transporter que le minimum de masse nécessaire. Le travail serait principalement effectué par

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8 ARTICLES

des systèmes robotisés pilotés en continu depuis la Terre. Des équipes d’astronautes seraient aussi présentes afin d’assurer un support technique au déroulement des opérations. Outre la difficulté à construire cet anneau de capteurs solaires, un problème majeur réside dans la technologie de transfert d’énergie sans fil entre la Lune et la Terre. Pour cela Shimizu prévoit d’utiliser des dispositifs d’émission de microondes (20 GHz) ou de faisceaux lasers (1 µm) depuis le côté de la Lune nous faisant face. Ces deux types de technologies ont déjà fait leurs preuves puisqu’en 1975, la NASA avait réussi à transporter 34 kW sur 1,5 km puis en 2008 fut conduite une démonstration de transfert d’énergie par microondes à Hawaii sur près de 150  km. En 2009 également, une expérience de transport par laser de 4 kW sur 900 m fut réalisée. Il reste cependant un certain nombre d’améliorations à apporter à ce niveau car les micro-ondes nécessitent de grands émetteurs – récepteurs de l’ordre de 10 à 20 km de diamètre, par ailleurs, elles ne sont pas très précises

et peuvent interférer avec des appareils électroniques. La méthode de transport par laser est quant à elle peu efficace (rendement de l’ordre de 40 à 50 % car monochromatique) et peut se révéler dangereuse en cas de contact avec le faisceau énergétique. De plus, les nuages ou la pluie peuvent absorber jusqu’à la totalité de l’énergie incidente. A ce stade du projet, Shimizu prévoit pour 2020 les premiers pilotes concernant le transfert d’énergie vers la Terre depuis une orbite géostationnaire ainsi que des expériences sur le sol lunaire, puis une alimentation en énergie solaire de la Lune en 2030, pour un lancement de la construction du Luna Ring en 2035. Seul l’avenir nous dira si une telle idée est viable mais ce n’est

pas la première fois qu’on entend des acteurs crédibles évoquer une telle éventualité pour notre futur (cf D. Fache lors du congrès OSE septembre 2013 - Ville durable). Toutefois, on ne peut qu’être d’accord sur le fait que cela résoudrait le problème d’accès à l’énergie pour l’ensemble de la planète soit par un accès électrique direct, soit par le développement d’une filière hydrogène pour stocker cette énergie.

Maxime CARDINAL Sources : http://www.shimz.co.jp/english/theme/ dream/lunaring.html http://en.wikipedia.org/wiki/Wireless_ power

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9 INTERVIEW Interview Julien Tchernia, directeur du développement Lampiris France Julien Tchernia, diplômé en télécommunications et titulaire du Mastère Spécialisé OSE de l’école des Mines de Paris, a débuté sa carrière dans le secteur des télécoms. Il a ensuite occupé plusieurs postes chez Altran, puis chez Alten. A partir de 2009, il fonde la société Novine, spécialisée dans le conseil en énergie et développement durable. Il prend ensuite la tête de Fileas, société de télécommunications, de 2010 à 2013. Actuellement, il occupe un poste de directeur du développement France chez le fournisseur d’énergie Lampiris.

Vous avez choisi le mastère spécialisé OSE après plusieurs années d’expérience professionnelle, quelles furent vos motivations ? Que vous a apporté cette formation ? Après 14 ans d’expérience professionnelle, successivement chez Thomson, Schlumberger puis Altran chez qui j’ai passé 7 ans et Alten, pour lesquels j’ai assuré le développement commercial, j’ai voulu quitter le métier du conseil en ingénierie pour me lancer dans l’entreprenariat. C’est donc à cette occasion que j’ai effectué le mastère OSE. Le mastère m’a surtout permis d’appréhender au mieux les tenants et aboutissants des marchés de l’énergie par le biais des différents projets menés et des cours dispensés notamment le module enseigné par le CREDEN (ndlr : Centre de Recherche en Economie et Droit de l’Energie), mais également de me perfectionner en finance, grâce aux cours de l’EDHEC. C’était le juste complément à ma formation ingénieure de base dans les télécoms.

Au vu de vos expériences précédentes, qu’est-ce qui vous a attiré dans le domaine de l’énergie ? Me réorienter dans le domaine de l’énergie était tout simplement une évidence, l’énergie est à la base de tout. En effet, j’ai eu l’occasion de travailler dans le domaine lors de mes expériences dans le conseil et notamment chez Altran, dans le traitement des déchets nucléaires en Belgique. De plus, ma forte conscience environnementale m’a poussé à choisir ce secteur. Décrivez-nous votre poste actuel de directeur du développement chez Lampiris. Quels sont vos objectifs ? Lampiris est une société belge créée en 2003, qui est devenue le 1er énergéticien alternatif belge avec 800 000 clients. La direction a décidé de se lancer sur le marché français, et depuis quelques mois, je suis chargé du développement de l’activité en France. Je supervise l’équipe commerciale, le marketing, la communication, le

service client, les opérations etc. Mon poste est très polyvalent. Selon vous, principaux fournisseur d’énergie ?

quels sont les enjeux d’un indépendant

Gagner de l’argent ! Il s’agit également de lutter contre les préjugés que subissent les petits fournisseurs d’énergie verte comme nous. Coupures intempestives, provenance douteuse de l’électricité, autant d’idées préconçues qui peuvent nous desservir, comme nos tarifs du gaz très compétitifs qui étonnent les consommateurs. Mais d’ailleurs, comment faitesvous pour proposer des tarifs de fourniture du gaz 12 % en dessous de la plupart des fournisseurs ? L’équation est simple, on achète le gaz grâce à des contrats long terme, dont le prix est indexé sur le prix du gaz et non pas sur le prix du pétrole, comme la plupart des fournisseurs, et en plus de cela, on fait moins de marge sur la vente.

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10 INTERVIEW Pour vous, quel pourra être l’impact de la fin programmée des TRV jaune et vert de l’électricité et la fin des TRV du gaz (Amendement N°CE506) pour les fournisseurs indépendants ? Tout va dépendre de la manière dont la fin des TRV jaune et vert est organisée, de la gestion de la transition. La DGEC nous a interrogé à ce sujet, et la loi en gestation et son application sont pour l’instant très en faveur des opérateurs historiques. Si cela se confirme, le marché pourrait paradoxalement être encore plus bloqué qu’actuellement après la suppression des TRV. Le même constat est à faire sur la fin des TRV gaz pour les professionnels. Vous proposez une électricité 100 % verte mais vous disposez d’un accord-cadre avec EDF ? Où s’approvisionne Lampiris ? Qu’est ce qui garantit le client de consommer des « électrons verts » ? Lampiris a effectivement des droits à l’ARENH, mais ne les a jamais exercés. En effet, nous détenons peu de clients pour la fourniture d’électricité par rapport à la fourniture de gaz, et ces derniers mois, les prix du marché de gros étaient bien souvent inférieurs au prix de l’ARENH. Nous nous approvisionnons à 25 % chez plus de 1 300 petits producteurs d’énergies renouvelables en Belgique, et nous complétons en achetant nos kilowattheures par le biais de contrats long terme puis nous assurons l’équilibre en achetant

sur le marché de gros. En fin d’année, Lampiris doit présenter autant de garanties d’origine que de kilowattheures consommés par le client. Certes l’électron qui sort de votre prise n’est pas traçable, mais les garanties achetées certifient l’origine de cette électricité. Il faut préciser que chaque garantie achetée est à usage unique bien sûr. Notre statut de responsable d’équilibre ne nous permet pas d’utiliser uniquement la production d’énergies renouvelables, d’où l’achat de certificats de garantie, ce qui est bien différent pour un fournisseur tel qu’Enercoop, qui lui n’est pas garant de l’équilibre offre/demande.

L’émergence des smart grids vat-elle entraîner un changement de votre Business Model ? Comment pensez-vous gérer la transition ? L’électricité, hors taxe, est amenée à coûter de moins en moins cher avec le développement des énergies renouvelables, l’amélioration des technologies, etc. De plus le marché va finir par s’ouvrir, et les fournisseurs alternatifs ne pourront plus vivre uniquement de leur activité de base. Il sera donc nécessaire, à terme, de développer des services à forte plus-value et des activités annexes comme la tarification dynamique par exemple.

Fabienne BREMOND Capucine PLISSON

Au vu de votre formation dans les télécommunications, allezvous développer des offres de tarification dynamique / boitiers intelligents à l’avenir permettant un suivi des consommations pour le client ? Pour l’instant, aucun business model ne fonctionnerait pour Lampiris si on ajoutait une offre de tarification dynamique car le boitier est encore trop cher et la maintenance l’est aussi. Les économies que ferait le client ne seraient pas suffisantes pour rentabiliser l’achat du boitier et la maintenance, etc. La technologie est encore un peu chère pour le moment.

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11 LES AVENTURES DE BOB Bonjour messieurs les membres du jury du concours, Je vais, durant les cinq minutes qui me sont accordées, tenter de vous expliquer les choix de la politique énergétique en République Tchèque. Pour cela, je vais introduire le contexte de l’étude, expliquer mon analyse, avant de conclure avec mes résultats. INTRODUCTION : Tout d’abord, je souhaite me présenter. Je m’appelle Bronislav, consultant énergétique du gouvernement tchèque. Je suis représenté sous l’aspect d’une bière car la République Tchèque est le pays où la consommation de bière par habitant est la plus élevée au monde avec plus de 140 L/an*, mais ceci ne présente que peu d’intérêt pour la suite de ma présentation. En effet, je vais évoquer la modification récente des choix de la politique énergétique de mon pays. Pour apporter plus de force à mes propos, j’ai sollicité l’aide de l’ancienne mascotte Bob actuellement sur le territoire. ANALYSE : L’Union Européenne a fixé un objectif de 13% de consommation d’énergie finale d’origine renouvelable pour la République Tchèque. De 2005

à fin 2012, la direction prise par la consommation du pays correspondait à ces objectifs, passant de 5 % à 9,4 %. Mais depuis début 2013, le développement de ces énergies vertes, en particulier des énergies solaires, a été mis entre parenthèses. Qui plus est, des appels d’offres concernant la construction de deux nouvelles tranches nucléaires ont vu le jour. Je me suis alors penché sur ce revirement de situation pour comprendre quelles en étaient les raisons. Pour cela, j’ai demandé à Bob de mener son enquête pour comprendre les tenants et aboutissants de ces détournements politiques. Sans hésiter et jouant de ses contacts, il s’est rendu auprès du Président Milos Zeman et de son ministre de l’énergie et du commerce Martin Kuba, qui nous ont apporté nos réponses. Ils expliquent que la nature intermittente des énergies renouvelables obligeant un renforcement du réseau ajoutée aux subventions versées aux producteurs avaient pour effet d’augmenter le coût global de l’énergie. De plus, même si sur le papier la puissance installée en renouvelable est comparable à celle de trois centrales nucléaires, la production réelle est loin d’être

équivalente. C’est ainsi qu’en 2012, à puissance installée égale, la production du parc solaire ne représentait que 2 % de la production nationale d’énergie contre 20 % pour une des deux centrales nucléaires du pays. CONCLUSION : Il ressort donc de cette étude que les objectifs écologiques d’un pays sont parfois suivis mais cela uniquement lorsque la priorité économique n’est pas remise en cause. *La consommation d’alcool est dangereuse pour la santé, à consommer avec modération

Jean MEYER Sources : http://www.touteleurope.eu/les-etatsmembres/donnees-de-base-sur-lesetats-membres/detail-pays/republiquetcheque.html http://www.consoglobe.com/republiquetcheque-lassee-energies-renouvelablescg http://www.czech.cz/fr/Economie/ Informations-economiques/Industrieenergetique-en-Republique-tcheque http://www.czech.cz/fr/Economie/ E n t r e p r i s e s - e n - RT / Tc h e q u i e %E2%80%93-pays-de-la-biere

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Rédactrices en Chef Fabienne BREMOND & Capucine PLISSON

Contact infose@cma.mines-paristech.fr Téléphone 04 97 15 70 73 Mastère Spécialisé OSE Centre de Mathématiques Appliquées Mines ParisTech Rue Claude Daunesse - CS 10.207 06 904 SOPHIA ANTIPOLIS Cedex

Maquettiste Jérôme HOUËL Journalistes Tous les élèves du MS OSE

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